Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Convention UNEDIC : un marché de dupes. Rien n’est réglé, sauf l’aggravation des mesures contre les chômeurs

Les syndicats signataires CFDT, CFTC, CGC, se félicitent d’avoir sauvé le paritarisme et évité l’étatisme. Ils prétendent avoir empêché le pire et arraché au Medef 0,04% d’augmentation des cotisations patronales. Ils revendiquent l’organisation des mesures de retour à l’emploi, cependant, ils laissent entendre que c’est un accord a minima, la CGC ayant finalement troqué sa signature contre l’engagement d’une rediscussion « à froid » à partir de février.

Les chiffres de la convention UNEDIC

On prétend ramener le déficit cumulé de plus de 14 milliards d’euros en 2005 à 5 milliards en 2008. Mais les mesures organisent la montée de l’emploi précaire et la déflation des dépenses d’indemnisation du chômage. En réalité, elles vont contribuer à limiter un éventuel retour de la croissance, de la masse salariale et de l’emploi global et donc à priver l’UNEDIC de ressources.

Elles vont tendre à faire basculer un grand nombre de chômeurs dont les droits seront réduits soit vers le régime de solidarité encore moins généreux, soit vers le RMI. 2,4 milliards d’économies (ou de recettes nouvelles) devraient être réalisées sur 3 ans :

  1. les cotisations s’élèveraient de 960 millions sur 3 ans, soit 320 millions par an, dont 160 pour les employeurs. l

  2. a refonte des filières d’indemnisation ferait économiser 474 millions sur 3 ans, soit 158 millions par an sur le dos des chômeurs.

  3. enfin, 1 million d’économies sont attendues d’un retour rapide à l’emploi, raccourcissement des durées d’indemnisation, accompagnement et surtout contrôle de chômeurs, avec à la clé sanctions, radiations, suspensions. De fait on rétablit (pire encore on aggrave) l’allocation unique dégressive.

Si le patronat prétend avoir effectué un effort représentant 160 millions d’euros par an de cotisations supplémentaires, il va réaliser en réalité entre 180 et 250 millions d’économies, puisque sa cotisation à l’Association pour la garantie des salaires (AGS) passera de 0,35% à 0,30% dès janvier 2006.

La nouvelle convention, qui va s’appliquer rétroactivement à partir du 1er janvier 2006 est un très mauvais accord, qui organise avant tout l’aggravation des mesures contre les chômeurs, sans régler en rien la question de l’équilibre financier de l’Unedic. Cette convention va durcir les conditions d’admission et de durée d’indemnisation en fonction de l’activité passée. Si la filière A est inchangée, donnant droit à 7 mois d’allocation après 6 mois de travail, la filière B est durcie, puisque pour avoir droit à 23 mois d’allocation, il faudra désormais avoir cotisé 16 mois (au lieu de 14) dans les 26 derniers mois (au lieu de 24 précédemment).

Une nouvelle filière A+ est instaurée, pour laquelle il faudra avoir cotisé 12 mois pour bénéficier de 12 mois d’indemnisation. Ceci est présenté comme un progrès par rapport à la filière A, mais cette mesure ne devrait bénéficier qu’à moins de 20 000 chômeurs en 2006, indemnisés 12 mois au lieu de 7 mois. En revanche, on oublie de dire que plus de 100 000 chômeurs auparavant dans la filière B, vont passer à la filière A+ avec une réduction de leur durée d’indemnisation de 23 mois à 12 mois, soit 11 mois d’indemnisation en moins !

Autre mesure négative, la limite du cumul. Quand un chômeur reprend un travail à temps partiel, il n’aura plus droit qu’à moins de 110 heures de temps partiel (au lieu de 136 heures) et la possibilité de cumul est réduite à 15 mois au lieu de 18.

Les saisonniers seront victimes d’une coupe drastique. Ainsi, ceux qui travaillent 6 mois par an dans le tourisme ne pourront plus toucher qu’une demi-allocation le reste de l’année et ne pourront plus être indemnisés que pour trois périodes successives. Drôle de méthode pour répondre aux besoins en main d’œuvre de ces métiers dits en tension, car du coup, un saisonnier ayant travaillé six mois sera moins indemnisé qu’un titulaire d’un CDD ayant travaillé également six mois.

Enfin, contrairement aux affirmations, la nouvelle convention ne règle absolument pas la question de l’équilibre financier de l’UNEDIC. Certes le patronat a finalement accepté une augmentation dérisoire de sa cotisation de 0,04% (la même que pour les salariés), mais il est prévu de supprimer cette mesure en cas de rétablissement de l’équilibre financier fin 2006 ou fin 2007, même s’il subsiste des déficits cumulés. En outre, le niveau global des charges patronales restera inchangé en 2006, puisque dans le même temps, la cotisation à l’Association pour la garantie des salaires (AGS) baissera de 0,05 % dès janvier (voir encadré).

 

Cette limitation organisée des moyens de financement de l’UNEDIC, en corrélation avec des politiques économiques et des gestions d’entreprise qui compriment les salaires, les emplois, et la croissance économique, tend à faire pression pour limiter les dépenses d’indemnisation du chômage elles-mêmes. L’arme suprême reste l’institutionnalisation d’un retour forcé et rapide à l’emploi précaire. Ainsi, un véritable profilage des chômeurs sera effectué dès leur inscription à l’UNEDIC, ils seront orientés vers des parcours différenciés, forme de « tri sélectif » des chômeurs ! Ceux qui ont déjà travaillé dans des secteurs dits sous tension (bâtiment-travaux publics, commerce, hôtellerie, restauration) seront d’office dirigés vers ces secteurs, sans souci des exigences de qualification ou de mobilité positive, avec même des baisses de salaire par rapport aux salaires antérieurs, ou l’obligation d’accepter des conditions de travail déplorables. On va même pour accélérer le retour à l’emploi destiner les chômeurs à des conditions de salaire inférieures à leur indemnisation ; du coup, les entreprises seront incitées à aggraver leur politique de bas salaires, puisque c’est lÉtat qui paiera la différence !

L’ANPE sera sensée s’occuper du reclassement des chômeurs employables vers les métiers en tension avec une pression maximale sur les personnels de l’ANPE pour faire du chiffre, en harcelant les chômeurs par l’obligation de visites répétées. Ainsi, ceux qui n’accepteraient pas les métiers proposés ou ne seraient pas aux rendez-vous pour diverses raisons... seraient radiés, ou pour le moins leur indemnisation serait suspendue. Il est aussi prévu que les chômeurs moins facilement reclassables seraient traités par des sous-traitants privés de l’ANPE.

Des grandes questions en suspens

La discussion sur le régime des intermittents du spectacle est reportée à 2006. ce qui signifie que l’on prolonge le consternant accord de 2003 très critiqué, notamment par des travaux de recherche universitaires (1) ou des commission

parlementaires (2) réunissant des forces politiques diverses. Tandis que la question de l’équilibre financier n’est pas du tout réglée, on organise au contraire un accroissement des inégalités : ce sont les précaires qui voient leurs conditions d’accès et d’indemnisation durcies, alors que les entreprises (y compris les administrations et les entreprises publiques) peuvent continuer à rejeter sur le régime d’indemnisation des intermittents les conséquences de leur politique d’économies sur les salaires.

La convention de 2006 laisse entière la question de la précarité. Les syndicats, notamment la CGT et FO, n’ont pu obtenir de modulation du taux de cotisation patronale permettant d’envisager de pénaliser le recours aux emplois précaires.

Le financement du congé individuel de formation pour les salariés en fin de CDD n’est pas assuré, alors que le principe avancé, notamment par FO, la CGT, d’une surcotisation pour les entreprises recourant de façon excessive à l’emploi précaire n’a pas été acté, ni garanti financièrement.

La convention présentée par les syndicats signataires comme a minima ferait économiser 2,4 milliards d’euros sur trois ans (voir encadré). Mais ceci ne permettrait en aucun cas d’écluser les 14 milliards de déficit cumulé de 2002 à 2005. Outre un retour hypothétique de la croissance ou les départs en retraite, on compte bien sur les méthodes de réduction des statistiques de chômeurs indemnisés et surtout sur les pressions pour un retour rapide et forcé à l’emploi précaire. Oui, il est temps d’accélérer les luttes et les résistances pour construire avec les chômeurs et les salariés une véritable Sécurité d’emploi ou de formation.

  1. Cf. le rapport de J.-B. Oliveau et A. Corsani pour le laboratoire Matisse/Isys, Université Paris 1, Étude statistique, économique et sociologique sur le régime d’assurance-chômage des professionnels du spectacle vivant du cinéma et de l’audiovisuel, déc. 2000.

  2. Cf. le rapport D. Paillé, Création d’une commission d’enquête sur les abus de lintermittence et l’avenir du financement de la création et de la diffusion du spectacle vivant, Assemblée nationale, n°1054, 2004.

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Par Mills Catherine , le 31 January 2006

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