Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Faire échec au C P E

Il y a une gravité particulière du chômage et de la précarité des jeunes en France

Selon l’OCDE, il faut à un jeune « galérer » de huit à onze
ans en moyenne après la fin des études pour décrocher un
statut stable contre cinq ans dans les autres pays de l’OCDE.

il y a aujourd’hui 618 000 jeunes sans emploi en France :

  1. Le taux de chômage des jeunes de 15-24 ans est de 22.8% contre 15,1% en Allemagne et 12,1% au Royaume uni ;

  2. Le taux de chômage des jeunes sans qualification est de l’ordre de 40% ;

  3. Et il est de 21% pour les jeunes de niveau bac+4, neuf mois après la sortie des études.

Cette situation faite aux jeunes renvoie à la gravité plus importante du chômage et du sous-emploi en France

En France, le taux de chômage standardisé ( en pourcentage de la population active civile) était de 9,3% en novembre 2005, contre 7,6% en moyenne dans les pays de l’Union européenne et 6,5% dans les pays de l’OCDE.

Mais elle pourrait traduire aussi un biais spécifique : une irresponsabilité plus grande des entre
prises en France vis à vis de l’emploi des jeunes

Selon les « Tableaux de l’économie française 2005-2006 » de l’INSEE, la France présentait, en 2004, un taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans de 22% égal à celui de l’Espagne, mais sensiblement supérieur à la moyenne de l’Union européenne à 25 (18%). Mais en Allemagne, où le chômage est plus important qu’en France, celui des jeunes est très inférieur à celui de notre pays, se situant en 2004 à 15,1%. Ceci conduit à s’interroger sur les biais spécifiques au système français et, particulièrement, sur l’irresponsabilité plus importante des entreprises à l’égard de l’emploi des jeunes, dans la mesure où elles seraient beaucoup moins investies dans le financement de la formation continue des moins de 25 ans et pourraient donc se permettre de gâcher beaucoup plus la main d’œuvre juvénile.

Cela souligne l’échec désastreux des politiques d’emploi fondées sur la baisse du « coût du travail » par tête

Les politiques d’emploi successives ont visé, en alternance, à baisser le coût salarial de l’emploi pour les catégories de la populations réputées difficilement « employables » car non directement « rentables » : jeunes, salariés peu qualifiés, seniors...

Le résultat est parlant : lors du lancement des «stages Barre»en 1977, le taux de chômage des jeunes était de 11,4%. Il passe à 16,5% en 1990, après l’épisode des TUC. En 2001, il atteint 18,1%, après les « emplois-jeunes ». Fin 2005 il est de 24,5%. Ces politiques partent du principe que ces populations se trouvent plus exposées au risque de chômage parce qu’elles seraient moins productives que ce que coûte en salaires et charges sociales leur emploi par les entreprises aux conditions du marché du travail. D’où les exonérations de cotisations sociales patronales.

Celles-ci, depuis 1994, représentent un coût cumulé pour les finances publiques de l’ordre de plus de 170 milliards d’euros. Leur effet est très négatif :

Pression à la baisse de tous les salaires ;

Effets de substitution et d’aubaine conduisant à une précarité grandissante ;

Pression sur la demande, les qualifications et les comptes de la Sécu.

La droite veut redoubler dans ce sens avec les CNE et CPE

Le CPE confirme que le CNE - limité aux entreprises de moins de 20 salariés - avait vocation à être étendu à toutes les entreprises.

La droite prend argument de la situation désastreuse des jeunes en France vis à vis de l’emploi pour justifier l’élargissement du CNE, et de ses deux années de mise à l’essai des salariés concernés, à toutes les entreprises, mais ciblé sur les jeunes de moins de 25 ans.

Ce dispositif relance, en la systématisant, la formule des CIP, du temps de Balladur, que les jeunes avaient rejetée en dénonçant le fait que ces « sous-emploi », tendant à instituer une sorte de « SMIC-jeune », leur étaient offerts, en réalité, contre l’emploi stable de salariés plus âgés : on se souvient de la formule utilisée alors par les jeunes : « Papa, on m’a proposé un emploi, c’est le tien ! »

De fait, avec le CPE, le gouvernement Villepin vise trois objectifs :

  1. La réalisation d’un résultat statistique de baisse du chômage des jeunes en France à l’approche de l’élection présidentielle. Il s’agit, en quelque sorte, d’une régulation du chômage par le sous-emploi des jeunes.

  2. Face au besoin de renouvellement de la pyramide des âges dans les entreprises avec le « papy boom », l’occasion donnée aux entreprises de le faire en baissant le coût du travail, et sans avoir à créer massivement de nouveaux emplois, ni faire de gros efforts de formation. Les jeunes embauchés en CPE iront ainsi remplacer des adultes en CDD partant en retraite.Construire un nouveau salariat appelé à connaître la précarité tout au long de la vie, au lieu d’être sécurisé grâce au droit à la formation tout au long de la vie accompagnant un renouvellement constant de la structure des emplois stables et correctement rémunérés.

Il faut faire échec au CPE

Il faut contribuer le plus possible à une riposte massive des organisations de jeunesse. Ce pourrait être aussi une base de rapprochement de tous les salariés et chômeurs refusant de se laisser diviser face à cette nouvelle entreprise de déréglementation du marché du travail appelée à accentuer la précarisation de tous , des plus jeunes au plus âgés et des plus démunis aux plus qualifiés.

Dans quel sens riposter ?

Il faut sécuriser au lieu de précariser. Et ceci, à tous les moments de la vie active, de l’entrée dans le premier emploi, après la sortie de la formation initiale, jusqu’au passage à la retraite. Il ne s’agit pas de créer des types de contrats mettant en concurrence une catégorie particulière de salariés, les jeunes par exemple, avec les autres salariés en terme de coût salarial par emploi. Cependant il s’agirait de concevoir des dispositif sécurisant l’accès au premier emploi, responsabilisant les entreprises et les banques par des incitations autres qu’en terme de coût du travail ( le coût du crédit par exemple) et participant d’une sécurisation et d’une promotion accrue de l’emploi et de la formation pour toutes les catégories de salariés

Baisser le coût du crédit pour l’emploi plutôt que le coût du travail

  1. Il faut rompre avec les politiques de baisse des cotisations sociales patronales et utiliser autrement l’argent que mobilisent ces baisses (plus de 20 milliards d’euros par an aujourd’hui)

  2. Cet argent pourrait servir à baisser le coût du crédit aux entreprises dans la mesure où elles créent des emplois stables et correctement rémunérés et font des efforts de formation. L’argent public servant aux baisses de cotisations sociales patronales pourraient être affecté à un Fonds national et décentralisé pour l’emploi et la formation, géré avec les élus et des représentants des salariés. Ce Fonds prendrait en charge une partie des intérêts versés aux banques par les entreprises sur les crédits pour leurs investissements : plus ceux-ci programmeraient d’emplois et de mises en formation débouchant sur un emploi et plus le coût du crédit serait ainsi allégé (bonification).

  3. Cette disposition fonctionnerait en réalité surtout comme une incitation à l’emploi des jeunes au fur et à mesure que s’accélèreraient les départs en retraite du « papy-boom » ; et cela sans que soit mis en concurrence les salariés par la baisse du coût salarial de l’emploi.

  4. Engager un plan pluriannuel de conversion de tous les emplois précaires en emplois stables et correctement rémunérés

On pourrait envisager la mise en place d’un plan pluriannuel de résorption de l’emploi précaire, avec des objectifs annuels nationaux et régionaux chiffrés et contraignants. Ce plan concernerait massivement les jeunes, dans la mesure où 70% de leur premier emploi se font sur un mode précaire.

Dans le même esprit on peut proposer de lutter contre les abus du recours à l’intérim et aux CDD sous le motif de surcroît d’activité et exiger un plafond maximum, par entreprise, du recours à l’emploi précaire. Cela passerait, dans l’immédiat, par l’exigence d’une taxation dissuasive du recours au travail précaire.

Simultanément tous les précaires pourraient se rassembler pour exiger un statut de transition permettant de sortir effectivement de la précarité.

Tout ceci s’inscrirait dans la construction progressive d’un système de Sécurité d’Emploi ou de Formation pour chacun-e, avec une mobilité dans la sécurité de droits et de revenu relevés et l’accès pour chacun-e à la formation tout le long de la vie.

C’est dans cette perspective aussi que pourrait être proposée la création d’une allocation d’autonomie pour les jeunes leur permettant d’être économiquement indépendants de leurs parents et d’accéder en toute sécurité de droits et de revenu à l’emploi stable à la fin de leurs études.

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Par Dimicoli Yves , le 31 janvier 2006

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