Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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FACE A LA DROITE ET AU MEDEF : ACTION ET COHERENCE TRANSFORMATRICES

 Editorial

L'année 2005 a vu tomber tous les records en matière de profits des grands groupes en France. Les entreprises du CAC 40 pourraient avoir réalisé pour 80 milliards d'euros de bénéfice net l'an dernier. Et elles auraient rendu aux actionnaires, sous forme de dividendes et de rachats d'actions, pas moins de 30,2 milliards d'euros, un montant en augmentation de 19% à rapport à 2004.
Quel contraste avec les performances économiques et sociales de la France !
L'an dernier, la création d'emplois dans le secteur privé y a été particulièrement faible (+0,4%) les chiffres officiels du chômage ne marquant une légère décrue que sous le triple impact des départs en retraite précoces des salariés ayant commencé à travailler jeunes, de la multiplication d'emplois aidés, à bas coût salarial, des plans Borloo-Villepin et du très haut niveau des radiations et du découragement de chômeurs.
La croissance, loin de repartir, comme l'avait promis le gouvernement, n'aura été que de 1,4% selon l'INSEE. On note la faiblesse de la production industrielle.
Empêtrée dans une croissance erratique et, au total, bien molle, la France a enregistré le plus lourd déficit commercial de son histoire : 26,46 milliards d'euros, soit trois fois plus qu'en 2004 (8,28 milliards d'euros).
Certes, les cours du pétrole y sont pour quelque chose, mais on note aussi le creusement rapide des déficits dans les biens intermédiaires et les biens de consommation, tandis que l’excédent diminue dans les biens d'équipement et l’agroalimentaire.
Notre pays, selon Rexecode, continue de perdre des parts de marché : ses exportations ne représenteraient plus que 15 % de celle de la zone Euro, contre 17 % en 1999. Mais nous perdons aussi des parts de marché en France.
Comment expliquer ce paradoxe entre, d'un côté, les profits historiques des principaux groupes à base française et, de l'autre, l'enfoncement économique et social de la nation française ?
Deux facteurs sont à l’œuvre :
1 - Les entreprises, sous la pression des marchés financiers, utilisent les potentiels de productivité des technologies informationnelles pour, avant tout, réduire l'emploi , accroître la rentabilité financière. Et cela contribue à faire reculer la part des salaires dans la valeur ajoutée.
France Télécom est emblématique de ce point de vue. Pour mettre fin au plongeon de l'action en Bourse (- 30 % en six mois), son PDG a promis de reverser plus de 5,7 milliards d'euros à ses actionnaires en moins de deux ans. « La promesse d'un dividende de 1,2 euro en 2007 démontre que la création de cash est aujourd'hui sécurisée » déclare-t-il, en annonçant simultanément la suppression de 17 000 emplois d'ici à 2008, dont plus de 16 000 en France.
2- Les groupes, ne trouvant plus la croissance suffisante en France et en Europe vont la chercher aux États-Unis et dans les pays émergents, déprimant toujours plus l'activité ici.
L’an dernier, il est sorti de France pour 262,3 milliards d’euros sous forme d’investissements directs à l’étranger et d’investissements de portefeuille, laissant notre balance des capitaux déficitaire de plus de 51 milliards d’euros ?
Ce bilan accablant montre ce que valent les gesticulations de Villepin sur le thème du « patriotisme économique ».
C’est un véritable couple de forces d’enfoncement qu’il faut arriver à briser : d’un côté les gestions de plus en plus irresponsables socialement et nationalement des grands groupes, pour la rentabilité financière; d’un autre côté, les politiques hyper-libérales, au service de la domination des marchés financiers, sous la houlette de la Banque centrale européenne.
Le besoin de rupture avec les politiques conduites en alternance depuis vingt ans ne cesse de progresser. Et dans tout le salariat grandit l’exigence commune de sécurisation, en opposition avec les choix de gestion capitalistes.
C’est là manifestement un progrès du mouvement populaire qui marque l’échec de toute une pédagogie justifiant, depuis des années, la précarisation au nom de la lutte contre l’excès supposé de rigidité des contrats de travail et des institutions sociales.
C’est pour cela que le gouvernement Villepin se livre à une démagogie sans précédent. Avec le CNE et le CPE, il accentue la précarité tout en prétendant sécuriser. Avec le contrat de transition professionnelle, censé épargner le passage par le chômage des salariés dont l’emploi est supprimé, il veut faciliter les licenciements. En obligeant les chômeurs à accepter n’importe quel emploi à coût salarial réduit, sous la menace de radiation des listes de l’ANPE, il affirme vouloir favoriser leur retour à l’emploi. Et c’est au nom de l’exigence de rupture que, dans une surenchère avec N. Sarkozy, le premier ministre casse les protections existantes jusqu’à autoriser le travail des jeunes de 14 ans, même la nuit.
C’est bien une révolution conservatrice que tentent la droite et le MEDEF.
Mais voilà, malgré la tentative gouvernementale de jeter le doute sur la qualité des statistiques de l’INSEE et de la DARES, les résultats de cette politique sont désastreux. Cela est visible et le mécontentement est considérable. Surtout, avec la lutte contre le CPE, une jonction s’annonce possible entre les jeunes et tous les salariés pour résister, riposter, rejeter la précarisation et exprimer l’aspiration à une sécurisation nouvelle de promotion de chacun-e.
Comment faire pour que cela converge vers un rassemblement suffisamment large et exigeant, sur des contenus transformateurs, pour imposer des reculs à la droite et, dans les luttes, arriver jusqu’à imposer majoritairement, puis faire tenir durablement le cap d’une politique de transformation sociale radicale ? Il y a là un défi considérable pour la gauche.
La rencontre des partis de gauche (sauf la LCR) le 8 février dernier à Paris est importante. A la demande expresse du PCF, elle n’a pas eu pour but d’esquisser un contrat de gouvernement, comme le voulait le PS. Par contre, la décision d’initiatives communes contre la droite a été prise et arrêté le principe de forums départementaux communs sur les conditions d’une véritable alternative politique à gauche.
Une porte est donc entrouverte. Mais on mesure les obstacles. Le PS cherche, en effet, à répondre au mécontentement face au défi de la droite et aux pressions de son propre électorat depuis le 29 mai. C’est pour cela, qu’après avoir gauchi son discours, il a accepté d’entrer dans des initiatives communes d’action et de débat à gauche. Mais, il ne faut pas se le cacher, pour l’heure, ses dirigeants demeurent ancrés à un triple refus : celui de toucher aux gestions d’entreprises, alors que de nouveaux critères d’efficacité sociale sont indispensables, notamment dans le secteur public; celui de mettre en cause la domination des marchés financiers et de réorienter le crédit bancaire ; celui enfin d’une transformation radicale de la politique monétaire de la BCE.
C’est ce qui fait que le PS, aujourd’hui, a beaucoup de difficultés à différencier ce qu’il entend par «sécurité sociale professionnelle» de la vision qu’en propose la droite qui, elle aussi, cherche à récupérer cette thématique de la CGT. C’est d’autant plus vrai qu’il continue, pour l’heure, de défendre le principe de baisses du coût du travail , par le biais d’exonérations de cotisations sociales patronales ou du remboursement de frais de formation, comme incitations à la création d’emplois. Pourtant, les quelque 175 milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales accordées depuis 1994 ont contribué à tirer vers le bas tous les salaires, à accroître l’insuffisance de formation, à propager la précarité et à creuser les déficits sociaux.
C’est dire le défi et la responsabilité pour les communistes, eux qui ne veulent surtout pas recommencer ce qui a échoué.
L’heure est donc à l’organisation d’actions rassembleuses sur des propositions transformatrices articulant objectifs sociaux élevés, moyens financiers et pouvoirs. L’exigence d’une avancée des luttes dans les chantiers de construction d’un système de sécurité d’emploi ou de formation est devenue un enjeu pratique essentiel : pour casser la démagogie de la droite ; pour conduire la gauche à oser s’engager dans une alternative de transformation sociale radicale et la réussir .
Cela concerne, outre les objectifs sociaux et les pouvoirs nécessaires aux chômeurs, aux précaires et aux salariés confrontés aux licenciements et aux refus de développer l’emploi, les qualifications et les salaires, la question névralgique du financement.
Le PCF propose d’agir tout de suite pour la création de Fonds régionaux pour l’emploi et la formation dans les régions où la gauche est majoritaire. Alimentés par le budget de chaque conseil régional, ils prendraient d’autant plus en charge ( bonification) une partie des intérêts versés aux banques par les entreprises sur leurs crédits pour l’investissement que celui-ci programmerait plus d’emplois et de formations. Dans le cadre d’un rapport de forces devenu favorable au plan national, cela servirait alors de fondation pour un Fonds national pour l’emploi et la formation alimenté aussi par les 20 à 23 milliards d’euros affectés aujourd’hui aux allègements de cotisations sociales patronales. Ce Fonds national appuierait sélectivement, par bonifications, les investissements les plus favorables à l’essor de l’emploi, des qualifications, des recherches. En liaison avec un pôle financier public, autour de la Caisse des dépôts, chargé de développer une grande mission nouvelle de service public du crédit pour sécuriser l’emploi et la formation, il permettrait de peser pour réorienter la BCE, de concert avec les efforts entrepris en ce sens dans chaque pays membre de l’Union européenne.
On mesure ici l’importance de l’ambition de cohérence rassembleuse qu’offre le projet de programme soumis à la discussion des communistes pour leur congrès, avec en perspective la visée d’un nouveau type de croissance fondé sur l’essor de toutes les capacités humaines et économisant les capitaux matériels et financiers. C’est sur cette base, d’ailleurs, que, tout de suite, on peut faire comprendre largement combien une candidature communiste pour 2007 serait utile au progrès d’une union populaire agissant pour changer vraiment.
 

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Par Dimicoli Yves , le 01 February 2006

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