Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Deux difficultés, deux dogmes et deux leviers d'action pour les conjurer

A - Deux éléments fondamentaux sont au cœur des difficultés actuelles :

1- Un déficit de demande et un risque de déflation :

Au cœur on retrouve ce fait que, avec les nouvelles technologies de la révolution informationnelles, très économes en travail, les investissements visant la rentabilité financière détruisent beaucoup plus d'emplois qu'ils ne permettent d'en créer. Avec le chômage massif croissant, cela engendre une pression permanente sur les revenus salariaux et, donc, sur la demande. Les politiques d'austérité accentuent très gravement ces phénomènes. D'où une intensification de la guerre concurrentielle sur des débouchés insuffisants avec une pression à la baisse des prix. Cela débouche aujourd'hui sur des risques de déflation.

2- Monnaie et crédit vont à la finance, contre l'emploi et la croissance réelle:

Pour conjurer le risque de krach financier du à la faiblesse de la croissance réelle alors que fait rage la croissance financière des capitaux, de gigantesques masses de fonds d’État et de monnaie créée par les banques centrales sont allouées pour empêcher cet effondrement. Tout cet argent accordé au banques et institutions financières ne s'accompagne d'aucun changement des règles et des critères du crédit. Alors qu'il pourrait servir à faire repartir la machine économique s'il était bien utilisé, cet argent ne sert qu'à alimenter d'énormes bulles financières et immobilières préparant de nouveaux krachs.

B - Deux dogmes sont mis en avant pour faire se résigner les salariés et les populations à ces cercles vicieux d'enfoncement dans les difficultés:

1- Face à la concurrence internationale, l'emploi dépend de la compétitivité laquelle, pour être relever, nécessite des baisses continues du « coût du travail » (salaires+charges sociales) ;

2- Face à la dictature des marchés financiers, si l'on veut sauver notre modèle social, il faut diminuer la dette publique et, donc, baisser les dépenses publiques.

Il faut riposter à ces deux arguments :

► En baissant le « coût du travail » on accentue l'insuffisance de la demande et, en même temps, on ajoute à l'insuffisance de formation et de qualifications. On déprime donc la productivité et l'offre productive.

► En diminuant les dépenses publiques de santé, d'éducation, de recherche, de logement social, de transports...bref les dépenses de services publics, au nom de la lutte contre les déficits et dette publics, on accentue la faiblesse de la demande intérieure en France. Cela tend, du même coup, à déprimer encore plus la productivité globale et l'efficacité économique. Enfin, cela diminue les recettes publiques, ce qui ne conduit qu'à perpétuer les déficits et dettes publics.

► Simultanément le coût du capital financier (dividendes et des intérêts versés par les entreprises) prolifère comme un cancer en France.

D’après l'INSEE, cela représente un prélèvement de 298,6 milliards d'euros sur les «entreprises non financières» en 2012 , soit 30 % de leur valeur ajoutée ! C'est le double de leurs cotisations sociales effectives (157,9 milliards d'euros). C'est même bien supérieur à leurs dépenses d'investissement matériel (197,4 milliards d'euros) !

Plus on s'acharne à baisser le « coût du travail » au nom de la compétitivité et plus on accentue l'insuffisance de la demande et des qualifications, encourageant les délocalisations et l'inflation des coûts du capital. C'est simple, selon l'ACOSS1, l’État a déboursé, au nom de l'aide à l'emploi et du soutien de la compétitivité, 325 milliards d'euros au titre des exonérations de cotisations sociales patronales entre 1992 et 2012...On voit où nous en sommes aujourd'hui !

C – Changer de logiciel en utilisant deux leviers d'action :

1- Contre l'insuffisance de la demande, une politique expansionniste :

Face au risque de déflation, il faut mener des politique d'expansion économique et sociale avec une stimulation très forte de la demande susceptible, en, même temps, de consolider l'offre productive. Il faut donc, à la fois :

- Accroître les revenus distribués aux salariés et à leurs familles (salaires et revenus de remplacement, minima sociaux..) ;

- Augmenter fortement leur formation pour faire progresser leurs qualifications en même temps que leur pouvoir d'achat, de façon à ce que le surcroît de demande ainsi créé ne se traduise pas par une envolée durable des importations;

- Conditionner les programmes d'investissements nécessaires à des objectifs chiffrés de créations d'emploi et de formations, et progresser dans la sécurisation de l'emploi et de la formation au lieu de la précarisation généralisée ;

- Et, surtout, relancer massivement tous les services publics, On répondrait aux besoins populaires (santé, éducation, logements sociaux, transports collectifs, culture…). On impulserait un surcroît de demande (demande publique) capable d'absorber les productions supplémentaires engendrées par les nouveaux investissements. Mais on consoliderait en même temps l’efficacité de l'offre productive. Les dépenses de services publics nationaux et locaux sont, en effet, les seules dépenses susceptibles de contribuer, à la fois, à développer la demande, ne serait-ce que par la création d'emplois et d'équipements publics, et à économiser sur les coûts matériels et financiers de production, à gagner en efficacité. Par exemple, des progrès de la santé et de l'éducation, de la recherche ou des transports collectifs accroissent la productivité globale du système productif !

2- Maîtriser et réorienter la politique monétaire et le crédit bancaire :

Il s'agit que la création de monnaie de la banque centrale serve effectivement à soutenir la demande et relancer l 'emploi :

► La monnaie créée par la BCE doit servir à une grande expansion sociale, au lieu de soutenir le marché financier. Il faut rompre avec le pacte de stabilité et le dogme de la croissance zéro des dépenses publiques. Il faut promouvoir la proposition du PCF, reprise par le Front de gauche et le PGE, de créer un « Fonds social, solidaire et écologique de développement européen ». Il recueillerait la monnaie créée par la BCE à l'occasion des achats de titres publics émis par chaque pays pour le financement de ses services publics. Démocratisé, il redistribuerait alors cette monnaie à chaque État selon les besoins sociaux et culturels propres de son peuple.

La création monétaire de la BCE doit être relayée par les banques. Ce n'est pas le cas en France où la BPI ne sert en aucune façon à changer les règles et critères du crédit et à modifier les comportements bancaires. Il faut en finir avec les allègements de « charges sociales » des entreprises et lui substituer des allègements conditionnels des charges financières. Cela, grâce à un nouveau crédit sélectif pour leurs investissements matériels et de recherche. Son taux d'intérêt serait modulé: plus les entreprises programmeraient d'emplois et de formations correctement rémunérés en investissant et plus le taux d'intérêt des crédits des banques serait abaissé jusqu'à 0 %, voire en dessous (non remboursement d'une partie des prêts). Tout de suite, la trentaine de milliards d'euros annuels dévolus aux allègements de cotisations sociales patronales pourraient doter un Fonds national pour amorcer ce nouveau crédit, via des bonifications d'intérêts. Décentralisé, il pourrait être saisi dans les territoires. Il formerait un pôle public bancaire et financier avec la BPI, la Caisse des dépôts, la Banque postale, les banques mutualistes, ainsi que des banques nationalisées.

Il s'agirait, sur cette base, d'exiger un changement radical de la politique monétaire de la BCE : son refinancement des crédits bancaires serait d'autant moins coûteux (taux d'intérêt abaissé jusqu'à zéro voire moins) que ces crédits serviraient à financer des investissements programmant plus d'emplois et de formations correctement rémunérés.

1Agence centrale des organismes de sécurité sociale

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Deux difficultés, deux dogmes et deux leviers d'action pour les conjurer

Par Dimicoli Yves , le 04 novembre 2014

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