Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Lecture croisée des programmes du PS et du PCF

Le programme du PS entend répondre à l’urgence et porter l’exigence d’un nouveau mode de développement. Cependant, on est vite frappé par le divorce entre le nombre de promesses sociales ou sociétales, cherchant à faire écho à des aspirations, des préoccupations, des luttes, et même certaines réflexions avancées par le PCF, d’un côté, et, de l’autre :

  • La faiblesse et le caractère conventionne l de l’ambition transformatrice ;
  • Le conservatisme, le manqu e d’audace sur la question des moyens financiers et des

pouvoirs, ignorant de fait l’enjeu si crucial de la gestion des entreprises, de leur responsabilité sociale et territoriale, ou celui de la maîtrise de la monnaie et du crédit, avec la question stratégique des liais ons banques/entreprises.

Le projet socialiste vise, bien sûr, le prochain quinquennat . Mais il enten d, au-delà, tracer une pers pective d’action «pour les dix ans à venir» : il s’agit de «réguler

le capitalisme, cantonner le marché à la sphère économique, combattre les inégalités, redistribuer les richesses, préserver les équilibres écologiques».

Il s’agit, non pas d’essa yer de mettr e en cause la domination du marché financ ier et de la renta bilité financ ière qui carac tér ise le capitalisme contem porain, mais de préten dre en corr iger les «excès», les «dérives» par une «régulation», c’est à dire, en l’es pèce, par une inter vention de l’Etat, à la marge. Comme le prouvent les échecs du passé , et notamment celui de la «gauche plurielle», cette démar che, non seulement , n’arr ive pas à protéger la société du marché mais accom pagne, favorise sa gangrène profonde, avec la marchandisation de tous les aspects de la vie et l’insécur ité sociale généra lisée qu’engendre le libéra lisme des entr eprises. Et la gauc he, ne faisant pas ce que l’on atten d d’elle, ouvre ainsi la por te à un retour toujours plus agress if et réact ionna ire de la droite, comme en 2002.

C’est pour tant bien dans ce type d’alternance que persistent à s’inscr ire les dirigeants actue ls du PS, alors même que leur base électora le, à deux reprises, lors du référendum sur l’Europe et lors de la lutte contr e le CPE, a exprimé le besoin d’un réformisme beaucou p plus audacieux.

C’est dire le besoin de débat et de confrontat ion, car tes sur tab le, avec les salariés, les citoyens et toutes les forces se réclamant de la gauc he et du cam p du progrès, en organisant l’act ion sans atten dre 2007, afin d’enra yer la mach ine à bipolariser le débat politique. Plus que jamais, en ces circonstances , l’apport rassemb leur du PCF est nécessa ire, avec des contr e-propositions qui fassent vraiment le poids face aux solutions ultra et social-libéra les et cherchent à rassemb ler tout le peuple de gauche sur un projet effectivement alternat if à celui de la droite, pour la battr e dura blement .

I-Le maintien du chômage et non son éradication progressive

Le projet du PS prend acte du fait que, désorma is, la question de l’emploi est la plus impor tante . Sa visée première, annonce -t-il, cons iste à « retrouver le plein emploi ».

Il sou ligne que ceci ne signifie en aucun cas l’emploi pour tous , mais seulement un taux de chômage officiel abaissé vers 5% de la population active, niveau reconnu comme incom press ible par les adeptes du «plein emploi».

Après L. Jospin qui, en 2002, prometta it le «retour au plein emploi» pour 2010, et face à N. Sarkozy qui, lui, l’annonce pour 2015, le PS le promet , désorma is, pour... 2012.

Selon les projections démograph iques dispon ibles, la population act ive tota le, à cet horizon, sera it de 24 984 000 personnes . Un taux de chômage officiel de 5% signifie donc que le nom bre de chômeurs reconnus comme tels sera it alors de 1 250 000 environ. En vérité le nom bre de personnes effectivement privées d’emploi sera it beaucou p plus impor tant .

 

Un tel volant de chômage signifiera it, de fait, une précar ité cons idéra ble des salariés employés, avec le maintien de très for tes press ions sur le taux de salaire.

 

En effet, l’utilisat ion, dans les entr eprises, des nouvelles techno logies informat ionne lles pour la renta bilité financière permettra it, dans ces con ditions , aux employeurs de cont inuer de disposer d’un rappor t de forces très favorable pour faire acce pter par les salariés flexibilité précaire, salaires et format ions insuffisants , con ditions de tra vail dégradées .

 

Cette promesse du « plein emploi » pour 2012 signifie, au fond, que les dirigeants socialistes refusent de s’inscr ire dans une pers pective d’éra dication progressive mais effective du chômage, préférant par tager avec la droite la visée «indépassa ble» du maintien d’une société où la force de tra vail est une marchandise et son marché est régulé par le taux de chômage : le capitalisme .

 

C’est précisément ce choix qui, aujour d'hui, les amène à refuser d’engager des réformes de trans format ions sociales radicales visant à faire reculer, jusqu’à les suppr imer, insécurité de l’emploi et inégalité d’accès à la format ion tout au long de la vie.

 

Mais, du coup, c’est la promesse d’un taux de chômage abaissé à 5%, elle-même , qui n’arrive pas à être réalisée et doit êtr e sans cesse ajournée comme un horizon inaccess ible.

 

Cette promesse pour 2012 est , en effet, auss i peu cré dible que celle de L. Jospin pour 2010. Elle repose, en fait, sur deux hypothèses à par tir desquelles ne cessent de s’auto-intoxiquer les prophètes du «plein emploi» :

  • Le passa ge mass if à la retraite de la générat ion du « baby boom » engendrerait, mécan iquement , une diminution du nom bre des deman deurs d’emploi ;
  • La croissance devrait dura blement s’accé lérer en France , dans la foulée de celle des Etats-Unis et des pays émergents avec l’arr ivée à matur ité de nouvelles générat ions de techno logies informat ionne lles.

 

Une telle vision pers iste à méconna ître, cycle conjonctur el après cycle conjonctur el, la profondeur de la crise systémique du capitalisme et la gravité des cercles vicieux d’enfoncement qu’entra înent les tentat ives de réponses capitalistes utilisant les techno logies informat ionne lles pour maximiser la renta bilité financ ière, contr e les besoins de développement de toutes les capacités humaines.

 

Elle méconna ît le fait que la reprise conjonctur elle que conna ît le monde depuis la fin 2001, derr ière les Etats-Unis et les pays émergents , est appelée à se retourner , comme lors des précé dents cycles conjonctur els du capitalisme, au bout de neuf à onze ans. Autrement dit, toute chose égale par ailleurs , le cycle en cours devrait déboucher sur une nouvelle récess ion vers 2010-2012. Et cela, de la même façon que la croissance de la seconde moitié des années 1990 – dont les exper ts du PS et de la droite prometta ient alors qu’elle durerait au moins trente ans grâce à la «nouvelle économ ie» a débouc hé sur une récess ion au début des années 2000. Au contra ire, à par tir des premières aler tes annonc iatr ices, dans la conjonctur e actue lle, de nouvelles difficultés à venir (remontée des taux d’intérêt , prix des matières premières..) il faudrait encoura ger le débat et l’act ion rassemb leuse pour des trans format ions sociales radicales permettant de commencer à rompre avec la domination des marchés financiers et de la renta bilité financ ière, afin de développer toutes les capacités humaines de la planète .

 

Telle ne semb le pas êtr e l’ambition du PS aujourd’hui. Et son pari d’une résorpt ion mécan ique du chômage jusqu’à un «équilibre» dit de «plein emploi» dès 2012 passe sous silence deux facteurs fondamentau x de dépress ion :

  • L’insu ffisance de la deman de globale qu’engendrerait l’insuffisance des revenus du tra vail et d’activité d’une population vieillissante , non com pensée , tant s’en faut, par des revenus de remplacement (retra ite) ; ceux-ci tendant euxmêmes à ralentir avec le maintien du cadre restr ictif impar ti par la réforme Balladur dont le PS ne dit pas vouloir se défaire (au contra ire de la réforme Fillon qu’enten d cependant , dans une large mesur e, semb le-t-il, conser ver D. Strauss -Kahn (1)) ;
  • L’insu ffisance grand issante de main d’œuvre qualifiée pouvant entra îner des pénur ies sector ielles et bridant la croissance .

 

On peut mesur er alors com bien la visée, proposée par le PCF, de construct ion d’un système de Sécur ité d’emploi ou de format ion pour chacun-e est la visée effectivement alternative au projet de la droite. L’éra dication du chômage sera it réa lisée grâce à la promot ion d’une mob ilité choisie pour chacun-e, dans la sécur ité de droits et de revenu relevés, entr e emploi et format ion permettant d’accé der à un meilleur emploi.

 

La très for te progress ion du niveau des qualificat ions et des com pétences , par la con quête d’une droit individuel et universe l très élevé à la format ion tout au long de la vie, permettra it notamment de conjurer les risques de pénur ie de main d’œuvre qualifiée. Il sout iendrait une vive et dura ble expansion de la deman de. Il permettra it à chacun de mieux s’accom plir socialement et de maîtriser sa vie. Les changements de situat ion seraient rendus d’autant plus faciles qu’ ils ne pourra ient jamais plus entra îner le risque de tomber dans le chômage. On pourra it suppr imer les emplois obsolètes ou inefficaces sans que cela fasse des chômeurs . Le passa ge en production des recherches , sera it d’autant plus encoura gé que le niveau cultur el et de qualification des salariés et des populations ne cessera it lui-même d’aller très vivement de l’avant.

 

  • Quel type de croissance et de développement ?

Le projet du PS pr éten d mettr e en œuvre «un nouveau modèle de croissance». Belle ambition, mais qu’en est-il en pratique ?

 

A) Re-belote sur le soutien à l’investiss ement et aux profits :

 

Il est proposé, de façon très trad itionne lle, une «aide fiscale concernant les modalités d’amortissement pour stimuler les inve stissements». Pour tant , un tel dispos itif, préten dant relancer la deman de par l’invest issement , a fait la preuve de ses effets per vers depuis les années 1980. Sur tout , un rappor t du Conse il des impôts (La concurr ence fiscale et l’entreprise2004) sou ligne com bien le régime frança is d’amortissement dans le calcul du bénéfice fiscal des sociétés est déjà «l’un des plus attrayants d’Europe» (à la deuxième place).

 

Ce nouveau cadeau au profit accélèrerait un type de rotat ion du capital contr e l’emploi, encoura geant le recours aux techno logies les plus récentes pour des invest issements de productivité, beaucou p plus que de capacité. Cela accen tuera it la press ion sur les salaires et la tendance au replacement des profits, ainsi accrus , sur le marché financ ier. Ce type de sout ien à l’invest issement matér iel encoura ge en réa lité, aujour d’hui, l’accumu lation de capitaux financ iers . En effet, depuis des années , malgré la pléthore d’incitations fiscales, la croissance de l’invest issement réel est faible en France et joue contr e l’emploi, tand is qu’explosent les placements financ iers et les expor tat ions de capitaux.

 

Ces tendances risquent de perdurer, d’autant plus que de nou velles générat ions de techno logies informat ionne lles vont arr iver à matur ité (nanotec hnologies notamment) pour la production, recelant d’énormes potent iels de productivité. Si leur utilisat ion ne s’accom pagne pas d’une très for te expansion des dépenses pour le développement des capacités humaines (recherche, format ion, santé , salaires…) elle engen drera , avec un rejet accrû des hommes , un chômage aggravé, l’accentuat ion des pénur ies de qualification, l’insuffisance des débouc hés.

 

Le PS ajoute à cette aide fiscale très trad itionne lle une modu lation de l’impôt sur les sociétés , suggérée par D. Strauss -Kahn. Il s’agirait d’inciter les gestionna ires à choisir d’affecter les profits à l’investissement productif plutôt qu’à la distr ibution des dividendes, y com pris sous forme de rachats d’actions.

 

L’intent ion n’est pas dépour vue d’intérêt et sonne juste après l’annonce d’un versement de 30,2 milliards d’euros de dividendes aux actionna ires des sociétés du CAC-40. Elle se heur te cependant en l’état au fait que, sans mise en cause de la domination des marchés financ iers sur le finance ment et la gest ion des entr eprises (par le recours , comme le proposent les commun istes , à un nouveau cré dit bancaire par exemple) et sans nouveaux pouvoirs des salariés pour réor ienter ces gest ions, elle jouera it comme une incitation soit à l’invest issement matér iel contr e l’emploi, soit à des invest issements purement financ iers , sans parler de l’encoura gement à la délocalisation des bénéfices distribuables.

B) Toujours plus de productivism e et de capital financier :

 

Ainsi «soutenue », comment la croissance pourra it-elle évoluer vers un contenu novateur ? Pire, elle risque d’êtr e encor e plus contam inée par la finance et les pourr issements qu’elle engen dre. Alors comment es pérer ainsi constru ire un nouveau type de développement ?

 

En réalité, on ne sor t guère du productivisme avec la course à une accumu lation de capitaux accr oissant tant et plus la productivité apparente du tra vail par le rejet des capacités humaines, pour la renta bilité financ ière.

 

Dans de telles con ditions , il ne suffit pas de mettr e ici du «développe ment durable», là de «l’économie sociale et solidaire», de promettr e des «indicateurs de croissance durable» et une «fiscalité écologique», ou encor e de garant ir la «promotion d’une agriculture de qualité respectant l’environne ment».

 

On reste enfermé dans la démar che trad itionne lle du «pollueur -payeur», sans chercher à trans former le type même de croissance de la productivité du travail. On risque même d’en accentuer les effets , ra vageurs p our les travailleurs et la Natur e, par la domination du marché financier qui déresponsa bilise toujours plus les entr eprises au plan social, terr itor ial et environnementa l.

 

 

Quelle réponse aux besoins sociaux et culturels de développement ?

 

Le projet du PS fourm ille de belles intent ions, de principes de réponse et de réponses de principe aux attentes sociales. Il cherche à faire écho à des protestat ions, des exigences , voire même des luttes . C’est vrai s’agissant , par exemple, de la santé , de l’éducat ion, de la rec herche, du logement social…

 

Bref, en proclamant la volonté de promou voir «l’égalité réelle» et de «renforcer la solidarité», le texte enten d rassur er sur la fidélité de ses promoteurs à un idéal social-démocrate .

 

Bien évidemment , une évaluation soigneuse de l’ambition de chacune des promesses sociales deman de à êtr e faite. Mais cela est en réa lité imposs ible avec le texte actue l. On ne trouve nulle par t, en effet, une quelcon que cohérence affichée entr e les objectifs sociaux que le projet affirme vouloir réaliser d’un coté , et, de l’autr e, les moyens financ iers et les pouvoirs permettant de les atte indre en pratique.

 

Sur tout , on est pris d’un doute : comment tenir toutes ces promesses si les entr eprises sont déres ponsa bilisées par rappor t aux beso ins sociaux de développ ement et si l’on ne remet pas en cause la politique monéta ire de la BCE ? Et comment y croire, alors que rien dans le projet du PS ne dit que le carcan du pacte de stab ilité eur opéen, rationnant la dépense publique de développ ement , sera remis en cause ?

 

Certes, il est fait mention, au chapitre «Relancer l’Europe» du souha it «que les critères du pacte de stabilité et de croissance soient revus». L’énoncé , plutôt vague, on en conviendra, ne fait guère le poids face à la logique de ce pacte , véritable bouc lier anti-social de la BCE : il oblige les Etats à s’inscr ire dans une pers pective d’équilibrage à moyen terme des com ptes publics et sociaux, alors même que le rationnement des dépenses pour le développ ement des ca pacités humaines qu’elle exige tend à creuser, toujours plus, les déficits et à déprimer la croissance .

 

Par ailleurs , rien ne permet de voir comment ce programme permettra it à la France de se prémun ir contr e la logique de privatisation et de marchandisation des ser vices publics non mar chan ds qui prédomine dans l’AGCS et que le PS ne propose pas de dénoncer .

 

De même , ce n’est pas l’affirmat ion de «missions de ser vice public» ou la promesse d’une «loi cadre des ser vices publics» qui donnent à com pr en dr e en quoi leur élaborat ion permettra à la France de s’affranch ir de la logique des ser vices d’intérêt économ ique généra l (SIEG) très prédominante dans les textes eur opéens et anta goniste avec la notion de «ser vice public», non marchand qui plus est .

 

On mesur e alors com bien est précieux pour la gauc he la volonté affichée par le PCF, dans son propre programme , d’une cohérence entr e les objectifs sociaux, les moyens financ iers et les pouvoirs.

Elle cré dite et con ditionne l’ambition de rompr e avec le type actue l de croissance , pour un nouveau type de croissance économ isant les moyens matér iels et financ iers afin de développ er, prioritairement , toutes les ca pacités humaines, sans élitisme ni exclusion.

 

Avec les nouvelles techno logies de l’informat ion et de la commun ication, on pourra it, en effet, rédu ire cons idéra blement et cont inûment le temps de tra vail. Mais il faudrait, simultanément , que chaque individu passe toujours plus de temps à se former, à développer toutes ses propres capacités.

 

Cela exige une véritable explosion de la dépense de formation, mais, auss i, de la dépense nécessa ire à l’essor de tous les ser vices publics et sociaux de développ ement des personnes : santé , éducation, recherche, logements sociaux, cultur e, transpor ts…

 

Cela requerra it une très for te croissance de l’emploi dans ces ser vices, au lieu de la tendance à la décroissance actue lle, ainsi qu’un très vif progrès de leur qualificat ion et de leur équipement , dans une organisation d’ensem ble beaucou p plus décentra lisée , permettant un va et vient de co-élaboration de la réponse aux besoins entr e salariés et usagers. Cette dépense cont inue et très accrue pour l’essor de ser vices, con ditionnant la sécur isation et la promot ion de tous les moments de la vie de chacun-e, nécess ite, évidemment , des financements pérennes cons idéra bles ( incompatibles avec le carcan du pacte de stab ilité de l’eur o) et, donc, une nouvelle croissance for te et dura ble.

 

C’est la raison pour laquelle les commun istes proposent d’aller vers un système sécur isant et promou vant l’emploi et la format ion des acteurs de la production de richesses réelles, c’est à dire de tous les salariés dans l'emploi ou non avant tout . Cela permettra it d’engager un nouveau type de croissance for te, dura ble, non productiviste, ouverte à l’appor t et aux besoins des autr es peuples.

 

Une telle pers pective nécess ite une tout autr e mob ilisat ion des moyens financ iers .

 

Lecture croisée des programmes  du PS et du PCF

Yves Dimicoli

 

Le programme du PS entend répondre à l’urgence et porter l’exigence d’un nouveau mode de développement. Cependant, on est vite frappé par le divorce entre le nombre de promesses sociales ou sociétales, cherchant à faire écho à des aspirations, des préoccupations, des luttes, et même certaines réflexions avancées par le PCF, d’un côté, et, de l’autre :

  • La faiblesse et le caractère conventionne l de l’ambition transformatrice ;
  • Le conservatisme, le manqu e d’audace sur la question des moyens financiers et des

pouvoirs, ignorant de fait l’enjeu si crucial de la gestion des entreprises, de leur responsabilité sociale et territoriale, ou celui de la maîtrise de la monnaie et du crédit, avec la question stratégique des liais ons banques/entreprises.

Le projet socialiste vise, bien sûr, le prochain quinquennat . Mais il enten d, au-delà, tracer une pers pective d’action «pour les dix ans à venir» : il s’agit de «réguler

le capitalisme, cantonner le marché à la sphère économique, combattre les inégalités, redistribuer les richesses, préserver les équilibres écologiques».

Il s’agit, non pas d’essa yer de mettr e en cause la domination du marché financ ier et de la renta bilité financ ière qui carac tér ise le capitalisme contem porain, mais de préten dre en corr iger les «excès», les «dérives» par une «régulation», c’est à dire, en l’es pèce, par une inter vention de l’Etat, à la marge. Comme le prouvent les échecs du passé , et notamment celui de la «gauche plurielle», cette démar che, non seulement , n’arr ive pas à protéger la société du marché mais accom pagne, favorise sa gangrène profonde, avec la marchandisation de tous les aspects de la vie et l’insécur ité sociale généra lisée qu’engendre le libéra lisme des entr eprises. Et la gauc he, ne faisant pas ce que l’on atten d d’elle, ouvre ainsi la por te à un retour toujours plus agress if et réact ionna ire de la droite, comme en 2002.

C’est pour tant bien dans ce type d’alternance que persistent à s’inscr ire les dirigeants actue ls du PS, alors même que leur base électora le, à deux reprises, lors du référendum sur l’Europe et lors de la lutte contr e le CPE, a exprimé le besoin d’un réformisme beaucou p plus audacieux.

C’est dire le besoin de débat et de confrontat ion, car tes sur tab le, avec les salariés, les citoyens et toutes les forces se réclamant de la gauc he et du cam p du progrès, en organisant l’act ion sans atten dre 2007, afin d’enra yer la mach ine à bipolariser le débat politique. Plus que jamais, en ces circonstances , l’apport rassemb leur du PCF est nécessa ire, avec des contr e-propositions qui fassent vraiment le poids face aux solutions ultra et social-libéra les et cherchent à rassemb ler tout le peuple de gauche sur un projet effectivement alternat if à celui de la droite, pour la battr e dura blement .

 

I-Le maintien du chômage et non son éradication progressive

 

Le projet du PS prend acte du fait que, désorma is, la question de l’emploi est la plus impor tante . Sa visée première, annonce -t-il, cons iste à « retrouver le plein emploi ».

 

Il sou ligne que ceci ne signifie en aucun cas l’emploi pour tous , mais seulement un taux de chômage officiel abaissé vers 5% de la population active, niveau reconnu comme incom press ible par les adeptes du «plein emploi».

Après L. Jospin qui, en 2002, prometta it le «retour au plein emploi» pour 2010, et face à N. Sarkozy qui, lui, l’annonce pour 2015, le PS le promet , désorma is, pour... 2012.

Selon les projections démograph iques dispon ibles, la population act ive tota le, à cet horizon, sera it de 24 984 000 personnes . Un taux de chômage officiel de 5% signifie donc que le nom bre de chômeurs reconnus comme tels sera it alors de 1 250 000 environ. En vérité le nom bre de personnes effectivement privées d’emploi sera it beaucou p plus impor tant .

Un tel volant de chômage signifiera it, de fait, une précar ité cons idéra ble des salariés employés, avec le maintien de très for tes press ions sur le taux de salaire.

En effet, l’utilisat ion, dans les entr eprises, des nouvelles techno logies informat ionne lles pour la renta bilité financière permettra it, dans ces con ditions , aux employeurs de cont inuer de disposer d’un rappor t de forces très favorable pour faire acce pter par les salariés flexibilité précaire, salaires et format ions insuffisants , con ditions de tra vail dégradées .

Cette promesse du « plein emploi » pour 2012 signifie, au fond, que les dirigeants socialistes refusent de s’inscr ire dans une pers pective d’éra dication progressive mais effective du chômage, préférant par tager avec la droite la visée «indépassa ble» du maintien d’une société où la force de tra vail est une marchandise et son marché est régulé par le taux de chômage : le capitalisme .

C’est précisément ce choix qui, aujour d'hui, les amène à refuser d’engager des réformes de trans format ions sociales radicales visant à faire reculer, jusqu’à les suppr imer, insécurité de l’emploi et inégalité d’accès à la format ion tout au long de la vie.

Mais, du coup, c’est la promesse d’un taux de chômage abaissé à 5%, elle-même , qui n’arrive pas à être réalisée et doit êtr e sans cesse ajournée comme un horizon inaccess ible.

Cette promesse pour 2012 est , en effet, auss i peu cré dible que celle de L. Jospin pour 2010. Elle repose, en fait, sur deux hypothèses à par tir desquelles ne cessent de s’auto-intoxiquer les prophètes du «plein emploi» :

  • Le passa ge mass if à la retraite de la générat ion du « baby boom » engendrerait, mécan iquement , une diminution du nom bre des deman deurs d’emploi ;
  • La croissance devrait dura blement s’accé lérer en France , dans la foulée de celle des Etats-Unis et des pays émergents avec l’arr ivée à matur ité de nouvelles générat ions de techno logies informat ionne lles.

Une telle vision pers iste à méconna ître, cycle conjonctur el après cycle conjonctur el, la profondeur de la crise systémique du capitalisme et la gravité des cercles vicieux d’enfoncement qu’entra înent les tentat ives de réponses capitalistes utilisant les techno logies informat ionne lles pour maximiser la renta bilité financ ière, contr e les besoins de développement de toutes les capacités humaines.

Elle méconna ît le fait que la reprise conjonctur elle que conna ît le monde depuis la fin 2001, derr ière les Etats-Unis et les pays émergents , est appelée à se retourner , comme lors des précé dents cycles conjonctur els du capitalisme, au bout de neuf à onze ans. Autrement dit, toute chose égale par ailleurs , le cycle en cours devrait déboucher sur une nouvelle récess ion vers 2010-2012. Et cela, de la même façon que la croissance de la seconde moitié des années 1990 – dont les exper ts du PS et de la droite prometta ient alors qu’elle durerait au moins trente ans grâce à la «nouvelle économ ie» a débouc hé sur une récess ion au début des années 2000. Au contra ire, à par tir des premières aler tes annonc iatr ices, dans la conjonctur e actue lle, de nouvelles difficultés à venir (remontée des taux d’intérêt , prix des matières premières..) il faudrait encoura ger le débat et l’act ion rassemb leuse pour des trans format ions sociales radicales permettant de commencer à rompre avec la domination des marchés financiers et de la renta bilité financ ière, afin de développer toutes les capacités humaines de la planète .

Telle ne semb le pas êtr e l’ambition du PS aujourd’hui. Et son pari d’une résorpt ion mécan ique du chômage jusqu’à un «équilibre» dit de «plein emploi» dès 2012 passe sous silence deux facteurs fondamentau x de dépress ion :

  • L’insu ffisance de la deman de globale qu’engendrerait l’insuffisance des revenus du tra vail et d’activité d’une population vieillissante , non com pensée , tant s’en faut, par des revenus de remplacement (retra ite) ; ceux-ci tendant euxmêmes à ralentir avec le maintien du cadre restr ictif impar ti par la réforme Balladur dont le PS ne dit pas vouloir se défaire (au contra ire de la réforme Fillon qu’enten d cependant , dans une large mesur e, semb le-t-il, conser ver D. Strauss -Kahn (1)) ;
  • L’insu ffisance grand issante de main d’œuvre qualifiée pouvant entra îner des pénur ies sector ielles et bridant la croissance .

On peut mesur er alors com bien la visée, proposée par le PCF, de construct ion d’un système de Sécur ité d’emploi ou de format ion pour chacun-e est la visée effectivement alternative au projet de la droite. L’éra dication du chômage sera it réa lisée grâce à la promot ion d’une mob ilité choisie pour chacun-e, dans la sécur ité de droits et de revenu relevés, entr e emploi et format ion permettant d’accé der à un meilleur emploi.

La très for te progress ion du niveau des qualificat ions et des com pétences , par la con quête d’une droit individuel et universe l très élevé à la format ion tout au long de la vie, permettra it notamment de conjurer les risques de pénur ie de main d’œuvre qualifiée. Il sout iendrait une vive et dura ble expansion de la deman de. Il permettra it à chacun de mieux s’accom plir socialement et de maîtriser sa vie. Les changements de situat ion seraient rendus d’autant plus faciles qu’ ils ne pourra ient jamais plus entra îner le risque de tomber dans le chômage. On pourra it suppr imer les emplois obsolètes ou inefficaces sans que cela fasse des chômeurs . Le passa ge en production des recherches , sera it d’autant plus encoura gé que le niveau cultur el et de qualification des salariés et des populations ne cessera it lui-même d’aller très vivement de l’avant.

  • Quel type de croissance et de développement ?

Le projet du PS pr éten d mettr e en œuvre «un nouveau modèle de croissance». Belle ambition, mais qu’en est-il en pratique ?

A) Re-belote sur le soutien à l’investiss ement et aux profits :

Il est proposé, de façon très trad itionne lle, une «aide fiscale concernant les modalités d’amortissement pour stimuler les inve stissements». Pour tant , un tel dispos itif, préten dant relancer la deman de par l’invest issement , a fait la preuve de ses effets per vers depuis les années 1980. Sur tout , un rappor t du Conse il des impôts (La concurr ence fiscale et l’entreprise2004) sou ligne com bien le régime frança is d’amortissement dans le calcul du bénéfice fiscal des sociétés est déjà «l’un des plus attrayants d’Europe» (à la deuxième place).

Ce nouveau cadeau au profit accélèrerait un type de rotat ion du capital contr e l’emploi, encoura geant le recours aux techno logies les plus récentes pour des invest issements de productivité, beaucou p plus que de capacité. Cela accen tuera it la press ion sur les salaires et la tendance au replacement des profits, ainsi accrus , sur le marché financ ier. Ce type de sout ien à l’invest issement matér iel encoura ge en réa lité, aujour d’hui, l’accumu lation de capitaux financ iers . En effet, depuis des années , malgré la pléthore d’incitations fiscales, la croissance de l’invest issement réel est faible en France et joue contr e l’emploi, tand is qu’explosent les placements financ iers et les expor tat ions de capitaux.

Ces tendances risquent de perdurer, d’autant plus que de nou velles générat ions de techno logies informat ionne lles vont arr iver à matur ité (nanotec hnologies notamment) pour la production, recelant d’énormes potent iels de productivité. Si leur utilisat ion ne s’accom pagne pas d’une très for te expansion des dépenses pour le développement des capacités humaines (recherche, format ion, santé , salaires…) elle engen drera , avec un rejet accrû des hommes , un chômage aggravé, l’accentuat ion des pénur ies de qualification, l’insuffisance des débouc hés.

Le PS ajoute à cette aide fiscale très trad itionne lle une modu lation de l’impôt sur les sociétés , suggérée par D. Strauss -Kahn. Il s’agirait d’inciter les gestionna ires à choisir d’affecter les profits à l’investissement productif plutôt qu’à la distr ibution des dividendes, y com pris sous forme de rachats d’actions.

L’intent ion n’est pas dépour vue d’intérêt et sonne juste après l’annonce d’un versement de 30,2 milliards d’euros de dividendes aux actionna ires des sociétés du CAC-40. Elle se heur te cependant en l’état au fait que, sans mise en cause de la domination des marchés financ iers sur le finance ment et la gest ion des entr eprises (par le recours , comme le proposent les commun istes , à un nouveau cré dit bancaire par exemple) et sans nouveaux pouvoirs des salariés pour réor ienter ces gest ions, elle jouera it comme une incitation soit à l’invest issement matér iel contr e l’emploi, soit à des invest issements purement financ iers , sans parler de l’encoura gement à la délocalisation des bénéfices distribuables.

B) Toujours plus de productivism e et de capital financier :

Ainsi «soutenue », comment la croissance pourra it-elle évoluer vers un contenu novateur ? Pire, elle risque d’êtr e encor e plus contam inée par la finance et les pourr issements qu’elle engen dre. Alors comment es pérer ainsi constru ire un nouveau type de développement ?

En réalité, on ne sor t guère du productivisme avec la course à une accumu lation de capitaux accr oissant tant et plus la productivité apparente du tra vail par le rejet des capacités humaines, pour la renta bilité financ ière.

Dans de telles con ditions , il ne suffit pas de mettr e ici du «développe ment durable», là de «l’économie sociale et solidaire», de promettr e des «indicateurs de croissance durable» et une «fiscalité écologique», ou encor e de garant ir la «promotion d’une agriculture de qualité respectant l’environne ment».

On reste enfermé dans la démar che trad itionne lle du «pollueur -payeur», sans chercher à trans former le type même de croissance de la productivité du travail. On risque même d’en accentuer les effets , ra vageurs p our les travailleurs et la Natur e, par la domination du marché financier qui déresponsa bilise toujours plus les entr eprises au plan social, terr itor ial et environnementa l

Quelle réponse aux besoins sociaux et culturels de développement ?

Le projet du PS fourm ille de belles intent ions, de principes de réponse et de réponses de principe aux attentes sociales. Il cherche à faire écho à des protestat ions, des exigences , voire même des luttes . C’est vrai s’agissant , par exemple, de la santé , de l’éducat ion, de la rec herche, du logement social…

Bref, en proclamant la volonté de promou voir «l’égalité réelle» et de «renforcer la solidarité», le texte enten d rassur er sur la fidélité de ses promoteurs à un idéal social-démocrate .

Bien évidemment , une évaluation soigneuse de l’ambition de chacune des promesses sociales deman de à êtr e faite. Mais cela est en réa lité imposs ible avec le texte actue l. On ne trouve nulle par t, en effet, une quelcon que cohérence affichée entr e les objectifs sociaux que le projet affirme vouloir réaliser d’un coté , et, de l’autr e, les moyens financ iers et les pouvoirs permettant de les atte indre en pratique.

Sur tout , on est pris d’un doute : comment tenir toutes ces promesses si les entr eprises sont déres ponsa bilisées par rappor t aux beso ins sociaux de développ ement et si l’on ne remet pas en cause la politique monéta ire de la BCE ? Et comment y croire, alors que rien dans le projet du PS ne dit que le carcan du pacte de stab ilité eur opéen, rationnant la dépense publique de développ ement , sera remis en cause ?

Certes, il est fait mention, au chapitre «Relancer l’Europe» du souha it «que les critères du pacte de stabilité et de croissance soient revus». L’énoncé , plutôt vague, on en conviendra, ne fait guère le poids face à la logique de ce pacte , véritable bouc lier anti-social de la BCE : il oblige les Etats à s’inscr ire dans une pers pective d’équilibrage à moyen terme des com ptes publics et sociaux, alors même que le rationnement des dépenses pour le développ ement des ca pacités humaines qu’elle exige tend à creuser, toujours plus, les déficits et à déprimer la croissance .

Par ailleurs , rien ne permet de voir comment ce programme permettra it à la France de se prémun ir contr e la logique de privatisation et de marchandisation des ser vices publics non mar chan ds qui prédomine dans l’AGCS et que le PS ne propose pas de dénoncer .

De même , ce n’est pas l’affirmat ion de «missions de ser vice public» ou la promesse d’une «loi cadre des ser vices publics» qui donnent à com pr en dr e en quoi leur élaborat ion permettra à la France de s’affranch ir de la logique des ser vices d’intérêt économ ique généra l (SIEG) très prédominante dans les textes eur opéens et anta goniste avec la notion de «ser vice public», non marchand qui plus est .

On mesur e alors com bien est précieux pour la gauc he la volonté affichée par le PCF, dans son propre programme , d’une cohérence entr e les objectifs sociaux, les moyens financ iers et les pouvoirs.

Elle cré dite et con ditionne l’ambition de rompr e avec le type actue l de croissance , pour un nouveau type de croissance économ isant les moyens matér iels et financ iers afin de développ er, prioritairement , toutes les ca pacités humaines, sans élitisme ni exclusion.

Avec les nouvelles techno logies de l’informat ion et de la commun ication, on pourra it, en effet, rédu ire cons idéra blement et cont inûment le temps de tra vail. Mais il faudrait, simultanément , que chaque individu passe toujours plus de temps à se former, à développer toutes ses propres capacités.

Cela exige une véritable explosion de la dépense de formation, mais, auss i, de la dépense nécessa ire à l’essor de tous les ser vices publics et sociaux de développ ement des personnes : santé , éducation, recherche, logements sociaux, cultur e, transpor ts…

Cela requerra it une très for te croissance de l’emploi dans ces ser vices, au lieu de la tendance à la décroissance actue lle, ainsi qu’un très vif progrès de leur qualificat ion et de leur équipement , dans une organisation d’ensem ble beaucou p plus décentra lisée , permettant un va et vient de co-élaboration de la réponse aux besoins entr e salariés et usagers. Cette dépense cont inue et très accrue pour l’essor de ser vices, con ditionnant la sécur isation et la promot ion de tous les moments de la vie de chacun-e, nécess ite, évidemment , des financements pérennes cons idéra bles ( incompatibles avec le carcan du pacte de stab ilité de l’eur o) et, donc, une nouvelle croissance for te et dura ble.

C’est la raison pour laquelle les commun istes proposent d’aller vers un système sécur isant et promou vant l’emploi et la format ion des acteurs de la production de richesses réelles, c’est à dire de tous les salariés dans l'emploi ou non avant tout . Cela permettra it d’engager un nouveau type de croissance for te, dura ble, non productiviste, ouverte à l’appor t et aux besoins des autr es peuples.

Une telle pers pective nécess ite une tout autr e mob ilisat ion des moyens financ iers .

  • Un refus persistant de mobiliser le crédit et les banques

Le projet du PS, malgré les échecs du passé , pers iste dans le refus de mob iliser le cré dit bancaire et de toucher aux relations banques-entr eprises. Cela, c’est le marché, donc on n’y touche pas !

Quel traitement de la BCE ?

Cela renvoie, bien sûr, à l’acce ptation, au fond, de la tute lle actue lle de la BCE et de sa politique monéta ire au ser vice d’un «euro for t» pour att irer les capitaux financ iers . C’est là, en effet, le cœur de cette «jambe économique» de l’Europe, selon l’express ion de Ségolène Royal (inter view au journa l Le Monde du 23/06/06), que les dirigeants du PS cons idèrent comme intouc hable, tout en proposant de fabriquer, à côté , une «jambe sociale»...

Le projet envisage que «les statuts (de la BCE) devront être révisés» afin qu’une «priorité pour le plein emploi» puisse «inspirer» cette inst itut ion. Cette rédact ion est en recul par rappor t au texte de la motion finale du congrès du Mans. Celui-ci se prononça it pour «un contrôle démocratique de la BCE par le Parlement européen» et il affirmait que «les objectifs de la Banque centrale doivent inclure la croissance et le plein emploi».

Et pour tant cette rédact ion, déjà, méconna issait l’essen tiel : la politique de taux d’intérêt de la BCE qui con ditionne la distribution et la sélectivité du cré dit par les banques ordinaires dans tous les pays de l’Union eur opéenne . Son biais systémat ique, anti-salarié et pro-marché financ ier, demeura it épargné, en liaison avec le choix straté gique d’un «eur o for t» cherchant à rivaliser avec le dollar pour att irer les capitaux financ iers du monde entier.

Le projet du PS est encor e moins exigeant et plus vague. Il montr e qu’apr ès avoir été obligé de concé der des inflexions de discours face au vote «Non» majoritaire le 29 mai 2005, les dirigeants socialistes refusent de rom pre avec le social-libéra lisme sur cet enjeu fon damenta l de l’orientat ion, de la sélectivité et du contrô le de la politique monéta ire de la BCE.

Pour tant , tout dans la conjonctur e actue lle montr e com bien une réor ientat ion est nécessa ire, comme le propose le PCF : une nou velle politique de la BCE devrait, sous le contrô le des parlements eur opéen et nationau x, viser à ce que le taux d’intérêt directeur de cette inst itut ion pour «refinancer » les cré dits des banques ordinaires soit d’autant plus abaissé que ces cré dits ser vent à financer des investissements programmant plus d’emplois et de format ions . Ce taux d’intérêt sera it, par contr e, relevé pour les cré dits ser vant aux opérat ions financ ières ou aux investissements visant à détru ire l’emploi.

Simultanément , il s’agirait de mettr e en cause le pacte de stab ilité de l’euro en retirant du calcul des déficits à maîtriser toutes les dépenses de développement (santé , éducat ion, rec herche, inno vation, transpor ts collect ifs logements sociaux, culture,…) et pas seulement , comme , le propose le PS, les seules dépenses de recherche et d’innovation. Toutes ces dépenses devraient, au contra ire, êtr e relancées de façon concer tée, dans le cadre d’un pacte de progrès pour l’emploi, la croissance et les qualifications avec les nouvelles techno logies. Cet effor t de relance publique devrait êtr e soutenu par la créat ion monéta ire de la BCE elle-même , ce qui signifie une mise en cause du tra ité de Maastr icht.

Quel pôle public financier ?

L’acce ptation par le PS de la tute lle actue lle de la BCE sur le cré dit le con duit, dans son projet, à passer sous silence l’enjeu de la maîtrise et du changement des relations ban ques/ entr eprises si décisives pour l’em ploi et un nouveau type de croissance , en France par ticulièrement . Cer tes, il n’hésite pas à reprendre l’idée de «pôle financier public à partir de la Caisse des dépôts et consignations», ainsi que le PCF l’avance depuis plusieurs années (2). Mais à aucun moment il n’est dit que ce pôle ser virait à développer une nouvelle grande mission de ser vice public du cré dit permettant de souten ir l’invest issement , dans la mesur e expresse où il visera it à sécur iser et promou voir l’emploi et la format ion.

Ce pôle, nous dit-on, ne ser virait qu’à «renforcer le rôle de l’Etat dans la détermination de la stratégie des entreprises». Mais de quel rôle s’agit-il si est acce ptée la double tute lle de la BCE et des mar chés financ iers ? Le rôle de l’Etat ne cons istera it-il pas, alors, qu’à souten ir la renta bilité financière des entr eprises concernées ? C’est quelque chose de ce genre qui a présidé au renflouement par l’Etat d’Alstom , moyennant une prise de par ticipation au capital, afin de sécur iser les créanc iers du groupe en faillite. Et, la renta bilité une fois restaurée au niveau exigé par les mar chés, après restructurat ion contr e l’emploi, l’Etat ne revendraitil pas alors sa par ticipation au privé ?

Le projet du PS suggère même d’accr oître le rôle du marché financ ier dès le niveau loca l, dans les régions. Il enten d, en effet, développer «les participations publiques dans le capital des jeunes entreprises innovan tes avec la création d’un fonds public de participations (capital risque) en relation avec les collectivités locales (régions, agglomérations..), en s’appuyant notamment sur la Caisse des dépôts et consignations».

Ce choix ne poussera it guère, cependant, les grandes entr eprises, déresponsa bilées de fait, à accr oître, en coo pérat ion, leurs dépenses si insuffisantes de recherche-développ ement et à en par tager les résu ltats avec les PME. Il entr etiendrait, par contr e, la frilosité des banques en ce domaine si straté gique pour l’avenir.

Au lieu d’aider la France et l’Europe à s’émanc iper des mécan ismes et des opérat ions du marché financ ier, il est à craindre qu’un tel choix en accentue la tute lle sur le cré dit et la monna ie, dessa isissant les salariés, les citoyens, les élus de tout pouvoir réel de maîtrise.

Tout autr e est la proposition du PCF de créer, sans atten dre, des Fonds régionau x pour l’emploi et la format ion (FREF). Tout de suite, ceux-ci pourra ient êtr e dotés , dans la quasitota lité des régions, par des «cré dits d’action et de développ ement économ ique» du budget de chaque Conse il régional dirigé par la gauc he. Ces FREF pourra ient prendre en charge une par tie des intérêts versés par les entr eprises aux ban ques sur leurs cré dits d’invest issement et de recherche. Plus ces investissements programmera ient d’emplois et de format ions et plus la bonification du taux d’intérêt du cré dit par le FREF sera it impor tante . Ces FREF, ouver ts à l’inter vention et aux propositions des Comités d’entr eprise, des salariés, des syndicats et des élus, pourra ient alors ser vir de base pour la const itut ion d’un Fonds national pour l’emploi et la format ion (FNEF). Celui-ci permettra it de souten ir l’invest issement dans la mesur e où il est accom pagné de créat ions d’emplois et de mises en format ion.

Simultanément , les commun istes proposent de créer un pôle banca ire public, autour de la Caisse des dépôts et des cons ignat ions , avec la b an q ue p osta le, les ca isses d’épargne…et incluant auss i des banques renat iona lisées . Ce pôle développerait une mission de ser vice public du cré dit tendant , au tra vers de ses coo pérat ions avec le privé en France et en Europe, à entra îner les inst itut ions financières dans un but de sécur isation et de promot ion de l’emploi et de la format ion. Il développerait, simultanèment , le financement privilégié de secteurs relevant de l'intérêt généra l (logements sociaux, ...). Cela permettra it de faire reculer le rôle du marché financ ier dans le financement de l’act ivité économ ique et d’arrac her «l’économ ie sociale et solidaire» à sa banalisation par la renta bilité financ ière.

Le FNEF, les FREF et le pôle public banca ire pèsera ient sur l’orientat ion de la BCE en présentant à son refinancement de nou veaux cré dits, contr epar ties de nou velles relations banques/entr eprises favora bles à l’emploi en quant ité et qualité, avec l’essor des recherches, de la format ion et des invest issements réels assoc iés. Il favorisera it des initiatives nationales et eur opéennes pour une tout autr e sélectivité de la politique monéta ire de la BCE : le coût de son refinancement pour les ban ques ordinaires sera it d’autant plus allégé que les cré dits à re-financer ser viraient pour des investissements plus créateurs d’emplois et de format ions. Il sera it d’autant plus relevé que les cré dits à re-financer ser viraient à des opérat ions financ ières. Et cela marcherait de paire avec un contrô le des parlements eur opéen et nationau x sur la BCE.

  • Quel statut de l’entreprise, quels pouvoirs des salariés ?

Avec la multiplicat ion des licenc iements , avec les restruc turat ions et délocalisations grand it for tement le beso in d’affirmer la responsa bilité sociale et terr itor iale des entr eprises.

Le PS cherche à y faire écho tout en pers istant à refuser de toucher aux gest ions. Au nom des meilleurs intent ions, il avance même des propositions qui accentuera ient la déresponsa bilisat ion sociale et terr itor iale des groupes.

Les délocalisations :

Le PS se contente de promettr e la mise en place d’une «Agence nationale de réindustrialisation» chargée sur tout d’essayer de répar er les dégâts causés dans les régions par les décisions de déloca liser. Certes sont envisagées des «aides ciblées» censées prévenir les déloca lisat ions et péna liser les «patrons voyous». Mais cela fait-il le poids face aux logiques de délocalisations et aux restructurat ions sauvages ? Pire, une telle mesur e ne risque-t-elle pas, au tota l, de fonct ionner comme un simple accom pagnement des décisions patr onales, désarmant , en quelque sor te, les luttes des salariés et des populations par la promesse de com pensat ions qui, en l’es pèce, ne pourra ient êtr e que modestes ?

Il faudrait, au contra ire, comme le proposent les commu nistes , faire en sor te que les salariés obtiennent des préfets la suspens ion des décisions patr onales contr e l’emploi et que, pour obliger les « déloca liseurs »à négocier, ils soient menacés de rembourser toutes les formes d’aides publiques dont ils ont pu bénéficier sur plusieurs années . Il faudrait que les salariés puissent , sur la base de diagnost ics contra dictoires, faire valoir des contr e-propositions suscept ibles de disposer de l’app ui du cré dit banca ire dans les régions. En effet, on ne peut pas êtr e en recul par rappor t à ce qu’avaient appor té les ar ticles de la loi de modern isation sociale adoptée par la majorité de « gauc he plurielle » et abrogés par la droite. Il faut aller beaucou p plus loin, au contra ire, en faisant en sor te que les comités d’entr eprises, les délégués du personne l, les organisations de salariés, en concer tat ion avec les populations locales et leurs élus, disposent de pouvoirs éten dus d’anticipation et d’orientation, très en amont , des décisions. Au-delà, il faudrait que des conférences citoyennes régionales fixent des objectifs chiffrés de créat ions d’emplois et de mises en format ion et définissent les moyens (financ iers , juridiques, ...) incitant et responsab ilisant les entr eprises et les banques pour leur réa lisat ion, dans une dynamique de résorpt ion effective du chômage et de la précar ité, au lieu de belles promesses jamais tenues ou d’un recul sur le niveau d’ambition sociale au nom du réa lisme .

Les cotisations sociales patronales :

  • Le PS enten d pérenniser la CSG en la fusionnant avec l’impôt sur le revenu. Cela aura it pour effet de trans former définitivement ce prélèvement en contr ibution fiscale, contr e son statut actue l de cotisation. La différence tient en ce qu’une cotisation est pré-affectée : elle ne peut êtr e utilisée que pour financer les retra ites , la Sécur ité sociale ou l’assurance chômage. Un impôt , au contra ire, peut êtr e utilisé pour financer n’impor te quelle dépense publique, des avions de com bat aux exonérat ions de cotisations sociales patr onales, en passant par les intérêts de la dette publique.

Au-delà, cette proposition, qui fait consensus avec la droite, ne tradu it-elle pas une volonté de fisca liser le financement de la protect ion sociale à par tir, sur tout , des revenus du tra vail et de remplacement des salariés et de leurs familles

L’essent iel de la CSG est en effet prélevé sur les revenus des salariés, retra ités et chômeurs . Pour une par t très rés iduelle, sont impliqués les revenus financ iers , mais des seuls ména ges cependant.

Il est un fait que la place prise par la CSG dans le financement de la protect ion sociale a été acquise, en parallèle à un recul des cotisations des entr eprises et à l’explosion des déficits sociaux, au gré des alternances politiques . Et, pourtant , le projet du PS se félicite du bascu lement opéré en 1998 des cotisations sociales maladie vers la CSG en affirmant que cela contr ibue à ce que les prélèvements sociaux «cessent de pénaliser l’emploi» !

  • Il enten d même , semb le-t-il, accentuer le mouvement en calculant les cotisations sociales patronales «sur l’ensemble de la richesse produite et non sur les seuls salaires».Il préten d ainsi favoriser les PME intens ives en main d'oeuvre par rappor t aux grands groupes. Il est légitime d'en douter. En effet, comme le propose J. Chirac, il envisage d’intr oduire les profits d’exploitation dans la base de calcul des cotisations sociales, en subst ituant aux salaires versés la valeur ajoutée . Or, les profits sont beaucou p plus volatiles que les salaires, malgré l’ampleur de la précar isation : en phase de récess ion ils décrochent beaucou p plus et plus vite. Un tel calcul des cotisations sociales patr onales inscr irait donc dans le financement de la protect ion sociale le besoin de souten ir les profits ! De plus, une telle mesur e, en contra diction avec d’autr es atten dus du projet, péna lisera it l’investissement et encoura gerait, en réalité, les délocalisations : la valeur ajoutée peut êtr e plus ou moins déloca lisée de façon discrét ionna ire, selon les pratiques de prix de trans fer ts entr e filiales d’une même multinationale notamment . Par contr e, pour délocaliser les salaires, il faut des décisions enca drées juridiquement et qui peuvent êtr e contestées par les salariés et les populations. Bref, la proposition socialiste revient , en fait, à déres ponsa biliser les entr eprises par rappor t à la quant ité et à la qualité des emplois que cristallise la masse salariale.

Au contra ire de ce que cherche à accré diter une propagande bon marché dont le projet du PS lui-même se fait implicitement l’écho , l’indexation des cotisations sociales patr onales sur les salaires ne signifie nullement que ces cotisations sont prélevées sur la masse salariale versée , mais que celle-ci ser t seulement de base pour leur calcul. Et cela entra îne deux consé quences :

  • Les cotisations sont prélevées sur la valeur ajoutée horssalaires de l’entr eprise ;
  • L’entr eprise est incitée à gagner en productivité autr ement qu’en cherchant à rédu ire l’emploi et, ainsi, à faire pression sur la masse salariale.

On mesur e alors la portée alternat ive des propositions du PCF avec :

  • Le maintien d’un calcul des cotisations sociales patronales en fonct ion des salaires versés ;
  • Une modu lation du taux de cotisations sociale patronale en fonct ion d’un ratio rappor tant la masse des salaires versés dans chaque entr eprise à la valeur ajoutée globale de cette dernière ( valeur ajoutée + produits financ iers) ;
  • Dans l’imméd iat et en atten dant que la modu lation monte en régime, la créat ion d’une cotisation sur les revenus financ iers des entr eprises et des banques au même taux que les salaires. Le rendement de cette cotisation, dissuadant de mettr e l’argent sur des placements financ iers , tendra it, par la suite, à diminuer, tand is qu’ accé lèrerait une croissance pérenne des recettes liées à la modu lation du taux de cotisation patronale. Ce dispos itif avanta gerait les PME par rappor t aux groupes.

La taxe professionne lle :

Le projet du PS se prononce auss i pour une réforme de la taxe profess ionne lle, l’un des impôts essent iels à la vie des collect ivités terr itor iales et à la démocrat ie locale. A taux unique, la taxe profess ionne lle sera it ass ise sur la valeur ajoutée de chaque entr eprise, alors qu’aujour d’hui elle demeur e ass ise sur la valeur du capital matér iel des entr eprises. Ce sera it donc un recul grave, car, aujour d’hui, c’est le seul impôt sur le capital des entr eprises, incitant donc ces dernières à ne pas trop le gâcher.

C’est sous un gouvernement Jospin que le PS avait suppr imé, dans le calcul de la taxe profess ionne lle, la référence aux salaires versés , pour ne garder que la seule référence aux mach ines et bâtiments des entr eprises.

Le PCF, en avait pris acte . Mais, il avait alors proposé (et propose toujours) d’élargir la base de cet impôt local aux actifs financ iers des entr eprises et des banques. Ceux-ci, en 2002, représenta ient une valeur de 3560 milliards d’euros. Un prélèvement très faible de 0,3% à 0,5% aura it alors permis une recette supp lémenta ire de 10 à 18 milliards d’eur os qui aura ient pu alors êtr e péré quatés entr e les différentes collect ivités selon les besoins des populations. L. Jospin et D. Strauss Kahn n’avaient pas voulu donner suite à cette proposition.

Pour tant , une telle réforme donnera it naissance à un grand impôt moderne décentra lisé pour l’efficacité du capital, res ponsab ilisant socialement et terr itorialement les entr eprises en les encoura geant à développer des investissements créateurs d’emplois qualifiés, au lieu des placements financiers. Un tel impôt permettra it ainsi de faire reculer le chanta ge à la localisation des activités sur les collectivités terr itoriales et leur mise en concurr ence par l’attract ivité, tout en diminuant le poids de la taxe d’habitation sur les salariés et leurs familles.

Entreprises et services publics :

Le projet du PS est quasiment silenc ieux sur la quest ion des entr eprises publiques . Il ne s’engage pas à cesser les privatisat ions et, moins encor e, à faire revenir sous contrô le public et social des entr eprises et banques privatisées . Ceci signifie, en réa lité, qu’il n’enten d, pour l’heur e, en aucune façon essa yer de faire prévaloir de nouvelles finalités et de nouveaux critèr es pour la gest ion des grandes entr eprises et des banques. Pour tant c’est la domination de la renta bilité financ ière qui pousse à les déresponsab iliser toujours plus, socialement et terr itor ialement .

Par contr e, il promet de définir des «missions de service public», des schémas régionau x de ser vice public, une loicadre sur le ser vice public.

Ce faisant , ne s’inscr it-il pas dans le consensus «eurolibéral» que por tait le projet de tra ité const itut ionne l rejeté par les França is le 29 mai 2005, tendant à décou pler ser vices et entr eprises publics ? Dans ce cadre, on ne se préoccu perait plus que des «missions de ser vice public», les quelles pourraient êtr e confiées à des entr eprises privées, moyennant un cahier des charges. L’expérience montr e qu’un tel modè le fait le lit de la privatisation et trans forme les cahiers des charges, auss i com plets soient-ils, et les « missions de ser vice public» en peau de chagrin face à la press ion des exigences de renta bilité financ ière des opérateurs privés. L’exem ple des délégations de ser vice public de l’eau à Véolia, Suez-Lyonnaise ou la SAUR est dans toutes les têtes .

Le PS promet cependant de réintr oduire «le contrôle public à 100% d’EDF» et la mise en place d’un «pôle public de l’énergie entre EDF et GDF». Tout cela est bel et bon, mais l’expérience montr e que le seul contrô le public à 100% du capital d’EDF, par exemple, n’a pas empêché la fuite en avant de ce groupe dans une ruineuse croissance financ ière avec le rachat d’opérateurs histor iques privatisés à l’étran ger, notamment en Amérique latine. C’est d’une véritable appropriation sociale du capital, de la gestion, des financements et des coo pérat ions dont EDF et GDF aura ient besoin avec la construct ion de nouvelles liaisons entr e salariés et usagers.

  • Alors quel niveau réel d’ambition sociale ?
  • Le cœur des propositions sociales du projet du PS vise à  «construire avec les partenaires sociaux une sécurité professionne lle».

L’énoncé fait écho, bien sûr, au mot d’ordre de « sécur ité sociale profess ionne lle » cher à la CGT et que n’a pas hésité à reprendre, tel quel, N. Sarkozy, avec une formidable démagogie, dans son discours d’Agen.

Et on se deman de alors pourquoi ce qui sera it valable pour EDF et GDF ne le sera it pas non plus pour France Télécom , la Poste et la banque posta le …, sans parler de la distribution de l’eau. On note à ce propos le silence du PS sur le statut de Véolia ou de la Lyonna ise-Suez sans l’appr opriation sociale desquelles le droit à la municipalisat ion de l’eau des collectivités locales, qu’il préten d vouloir conforter, risque d’êtr e un trompe-l’œil. Et pourquoi ne pas affirmer la nécess ité de grandes entr eprises publiques d’un nouveau type dans l’industr ie comme dans les ser vices, aux entr eprises et aux personnes , en liaison avec la volonté de sécur iser et promouvoir des filières industr ielles aujourd’hui gravement mises en cause par les gestions des grands groupes privés ?

La démocratie à l’entreprise parent pauvre :

Enfin, le chapitre de la démocrat ie sociale dans le projet du PS est d’une minceur saisissante au plan des droits et des pouvoirs effectifs des salariés dans les entr eprises. Il promet, en effet, «une loi pour que les salariés puissent participer à toutes les décisions qui relèvent de l’aven ir de l’emploi et des salaires» et à propos des OPA. L’énoncé est pour le moins obscur.

Il laisse cependant penser que cette loi pourra it imposer une double limitation à l’inter vention des salariés dans la gestion des entr eprises :

  • Il ne s’agirait que d’une «participation», avec tout ce que cela peut sous-enten dre d’intégration aux objectifs patr onaux, à contrar io des pouvoirs d’opposition, de suspen sion, d’invest igation et de contr e-proposition qu’avance le PCF ;
  • Cela ne portera it que sur les seules décisions concernant «l’aven ir de l’emploi et des salaires» et donc écar tera it les choix straté giques et financ iers des entr eprises.

Il faut bien reconna ître que le projet du PS ne fait guère dans l’innovation sociale. Il annonce : «Les salariés auront, par l’intermédiaire de leurs représentants, le droit de vote dans les instances décisionnaires de l’entreprise (Conseil d’administration ou Conseil de surveillance)». La belle affaire ! Cela n’at-il pas déjà existé, dans les entr eprises publiques et nationalisées ? Et est-ce que cela a empêché la polarisation de la gest ion de ces entr eprises sur la renta bilité financ ière, jusqu’aux privatisations si encoura gées par le gouvernement Jospin ? Et pour tant , ces représentants des salariés dans les conse ils d’administrat ion n’avaient-ils pas leur mot à dire sur toutes les décisions et pas seulement celles qui «relèvent de l’aven ir de l’emploi et des salaires»!

Il semb le exprimer, en même temps , une cer taine autocr itique en pointant la nécess ité de «construire avec les partenaires sociaux», autocr itique que L. Jospin a faite plus nette ment encor e dans un ar ticle publié dans Le Monde le 28 juillet dernier (3). Cer tes , l’autocr itique s’arrête là.

Mais tout l’enjeu est alors de savoir sur quel contenu effectif d’orientat ion l’Etat enten d, cette fois, constru ire avec «les partenaires sociaux», sachant que tous ne sont pas sur le même pied d’égalité : le chômage de masse confère aux patr ons une énorme asymétr ie de pouvoir, au détr iment des salariés ; et, du fait de leur monopo le sur la gest ion des entr eprises, ils bénéficient d’une énorme asymétr ie d’informat ion. Et c’est là que les choses se com pliquent .

Prenant acte de ce que le conflit du CPE « a mar qué le rejet caté gorique des França is(..) de la précar isation généra le du tra vail », le projet du PS conc lut : «L’heure n’est plus au rafistolage, il faut repenser tout le système».

Très bien ! Mais la proposition d’une «grande négociation sur la Couverture Professionne lle Universelle (CPU)» permet -elle d’envisager une trans format ion si profonde et si progressiste que cela ? On peut raisonnab lement en douter en l’état . Car de quoi s’agit-il ?

Cette CPU est censée , pour l’heur e, promettr e à chaque personne en difficulté d’emploi de disposer d’une garant ie à trois niveaux : l’emploi, les ressour ces, la format ion professionne lle. Le nouveau système unifierait ainsi les «droits des demandeurs d’emploi» avec une refonte de l’assurance chômage en deux com partiments : Une «garantie de ressources de base, ouverte à tous les actifs privés d’emploi, serait financée par la solidarité nationale» d’un côté ; d’un autr e côté , la mission de l’UNEDIC sera it rédu ite à un «régime complémentaire, proportionnel au dernier salaire» géré par les partenaires sociaux.

Ainsi présentée , la proposition intr igue. Ne revient-elle pas finalement à beaucou p rédu ire le champ de com pétences de l’UNEDIC en matière d’assurance chômage, ce qui signifierait, auss i, une réduct ion de la responsa bilité et de l’implication des entr eprises dans l’indemnisation et le retour à l’emploi des chômeurs ? Simultanément , l’impôt prélevé sur le revenu des ména ges, c’est à dire, en réa lité, pour l’essent iel, sur le revenu des salariés et de leurs familles, pour voirait au financement d’une allocat ion de base universelle. On com prend mieux ici l’impor tance accor dée par le PS à la fusion de l’impôt sur le revenu et la CSG, malgré sa connotat ion si social-libéra le.

Le projet promet , sur cette base, que «chaque demandeur d’emploi bénéficiera d’un accompagnement individualisé dans un dispositif comportant un bilan, la formation professionne lle et un référent unique».

Il faut ajouter à tout cela la promesse d’une allocat ion d’autonom ie pour les jeunes «dans le cadre d’un parcours de formation et de recherche d’emploi », le « programm e d’entrée dans la vie active (EVA)» proposé par M. Aubry. Celui-ci crée un nouveau contrat spéc ifique assor ti d’obligations (4) et financé par «une ré-allocation» des allocat ions familiales, des demi-par ts fiscales, des bourses , du supp lément familial de tra itement dans la fonct ion publique, des aides à l’emploi dont bénéficient les jeunes … Ainsi conçu , ce dispositif contr ibuera it aux press ions à la baisse du coût salarial de l’emploi, à partir des jeunes , tout en déshabillant cer tains adultes de droits existants , sous prétexte de rendre ces derniers plus justes . Sur tout , rien de neuf n’est proposé pour faire reculer le refus des entr eprises de créer des emplois stab les et corr ectement rémunérés , en masse , et d’en réser ver une par t très impor tante aux jeunes .

Il paraît indispensab le de relier toutes ces propositions à la promesse , avancée par ailleurs , d’une amé liorat ion de «la complémentarité temporaire des reven us du travail et des prestations sociales». Plus prosaïquement , cela pourra it signifier un encoura gement accru à faire acce pter par les RMIstes des emplois à très bas salaire, au lieu de réévaluer ce minimum social et de mettr e le paquet sur les dépenses de format ion et d'inser tion pour les personnes concernées afin de faciliter leur retour à un emploi décent choisi.

Surtout, le PS annonce , désorma is, qu’il enten d simplifier les aides sociales «en intégrant les minima sociaux comme le RMI et diverses allocations au sein d’un Reven u de Solidarité Active (RSA)». Il est légitime de penser que, com pte tenu de la très modeste augmentat ion envisagée pour le SMIC (voir plus bas), ce RSA risque d’êtr e bien faible.

Au tota l, semb le prendre forme la pers pective d’une allocation de base unique se subst ituant à tous les revenus actue ls de remp lacement des chômeurs , comme des RMIstes , auxquels s’ajoutera it une «ré-allocat ion» de droits existants , en matière fiscale, familiale et sociale. Cette allocation sera it notamment financée à par tir de l’impôt sur le revenu des ména ges, lequel, rappe lons-le, sera it fusionné avec la CSG en un «impôt citoyen sur le reven u».

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