Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Europe : sous couvert de flexibilité, c’est un modèle de précarité qui s’établit

Les luttes en France contre le CPE ont suscité la vive sympathie des forces progressistes dans divers pays européens confrontés à la même acc élération des logiques libérales. Les dirigeants et les milieux patronaux martèlent que la flexibilité, et notamment la facilité de licencier, serait la clé de la création d’emplois.

Le taux de chômage élevé des jeunes sera it essent iellement lié aux « rigidités » du marché du tra vail dans une France « à la tra îne », alors que d’autr es aura ient négocié le virage de la flexibilité dans des con ditions satisfaisantes . De même, l’attr ibution de revenus de subst itution (indemnisation du chômage, minima sociaux) est systématiquement présentée par l’idéologie libéra le comme un frein à la reprise d’activité.

 

Lunique solution résiderait donc dans l’abaissement des dites rigidités , notamment par la réforme du droit du travail en s’inspirant des expériences européennes récentes , tand is que l’amenu isement des revenus de subst itution tendra it au retour à l’emploi. Concernant le droit du travail, ce qui est par tout visé, c’est l’assou plissement des règles du licenc iement individuel et collect if et la dérégulation du marché du travail.

1 Les mesures concernant les licenciements individuels

Les contra intes pesant sur les licenc iements individuels s’exercent de diverses manières : les procé dures de licenciement , le coût du licenc iement et les réparat ions pour licenc iement abusif (indemnités, obligation de réembauche , plans sociaux et obligations de reclassement …). Ces com posantes jouant différemment selon les pays et les com paraisons indiquent que les contra intes les plus lourdes concernent l’Europe du sud, les plus légères des pays de l’Europe du Nord (Finlande, Irlande) mais auss i la Belgique. En France , si les procédures apparaissent effectivement parmi les plus contra ignantes , le coût des licenc iements est modéré et les répara tions en cas de licenc iement abusif sont en réalité faibles.

  1. Un premier indicateur analyse les coûts occasionné s par un lic enciement abusif, l’existence ou non d’obligation éventue lle de réintégration du salarié et le montant maximum d’indemnisation prévu par la loi. Les contra intes sont faibles en France et aux Pays-Bas, avec un minimum d’indemnisation inférieur à la moyenne . C’est au Royaume-Uni, en Irlande et en Allema gne qu’elles sont les plus for tes, notamment sur le droit à la réintégration et une indemnisation de subst itution.

  2. Un deuxième indicateur concerne la difficulté à lic encier, l’obligation pour les entr eprises de notifier par écrit les motifs, la consu ltat ion des représentants du personne l, l’obtention d’une autor isation administrat ive. Sur ce point, c’est en France , en Italie et aux Pays-Bas que les procédures apparaissent les plus contra ignantes .

  3. Quant au troisième indicateur , le coût du lic enciement individuel en termes d’indemnisation et de préavis, c’est en Italie et dans les autr es pays de l’Europe du Sud qu’il est le plus élevé, mais il reste faible par com paraison en France , aux Pays-Bas et en Allema gne. Un tra it commun à tous les pays doit êtr e sou ligné : ce sont les derniers embauc hés qui sont systémat iquement les premiers licenc iés, ce qui, sous couvert «d’équité », const itue une manière efficace de limiter le coût du licenc iement .

Mais ce qui ressor t d’une étu de com parat ive, c’est que l’idée d’une France le droit du licenc iement sera it par ticulièrement lour d pour les entr eprises se trouve battue en brèche. En outr e, si l’on s’achemine par tout vers un assou plissement de contra intes , il peut exister des écar ts nota bles des contra intes dans un même pays selon les conventions collect ives, notamment en Allema gne, en Belgique, en Espa gne également , les indemnisations sont souvent supér ieur es au minimum requis.

 

2 Les mesures concernant les licenciements collectifs

C’est une directive eur opéenne de 1975 qui fixe les procédures de consu ltation et d’informat ion des représentants du personne l, l’obligation pour les employeurs de donner les informat ions concernant le nom bre des licenc iements , les motifs et le calendrier à transmettr e aux ser vices nationaux de l’emploi. Le délai de préavis est prolongé de 30 jours par rappor t à celui des licenc iements individuels, mais varie selon les législations nationales. Si la déterm ination des indemnités de licenc iement est auss i fixée par les législations nationales, dans cer tains pays les négociations collect ives s’y subst ituent généra lement , comme en Allemagne, en Autriche ou en Suède.

 

Mais les com paraisons eur opéennes restent com plexes. Ainsi, la définition du licenc iement collect if apparaît-elle la plus restr ictive en France , en Espagne et au Por tugal. En revanc he, les contra intes administrat ives les plus for tes concernent la France , les Pays-Bas et les pays du Sud, excepté l’Italie une très grande soup lesse a été intr oduite depuis 1991. Le plus souvent, les seules obligations cons istent à verser des indemnités de mob ilité et à reconna ître les salariés licenc iés prioritaires en cas de réembauche .

  • Une tentative de bilan sur les contraintes imposées aux licenciements

La législation du licenc iement reste for tement réglementée en Espagne et au Portugal. LItalie, la France , le Royaume-Uni sont dans une position intermé diaire, tand is que les contra intes apparaissent faibles aux Pays-Bas, en Irlande, en Finlande et en Allema gne. Mais quan d on isole la législation spéc ifique aux licenc iements collect ifs et aux licenc iements abusifs, c’est en Allema gne, en France , en Italie et dans l’ensemb le de l’Europe du sud que les contra intes procé durales sur le motif, les recours et la durée nécessa ire pour licenc ier sont les plus for tes .

  • Le recours aux CDD comme moyen d’éviter des coûts de licenciement

Ainsi, en Espagne, pour contourner les contra intes for tes liées au licenc iement d’une personne en CDI, les employeurs ont-ils multiplié les CDD, d’autant que la législation spécifique les concernant est en revanc he très peu contra ignante . À l’inverse , au Royaume-Uni, il est plus facile de licenc ier les salariés en CDI et le recours aux CDD est beaucou p moins développé.

 

En Italie, la loi Tren (promulguée par la gauc he en 1997), puis la loi Biaggi en 2003 ont organisé un arsena l de contrats atypiques, dits « contrats de projets » allant de quelques jours à plusieurs années , pouvant êtr e dénoncés à tout moment (1). Du cou p, en 2005, les CDD ont représenté 70% des créat ions d’emplois, mais les CDI const ituent encor e la majorité des em plois, puisque les CDD ne représentent encor e pour l’instant que 12% du tota l des contrats de tra vail. La réglementat ion des licenc iements « just ifiés » est devenue très soup le et le montant de l’indemnisation est fonct ion des conventions collect ives.

  • Flexibilité des salaires, recours aux heures supplémentaires et à l’intérim

Sur ce point, c’est en Grande -Bretagne que la liber apparaît la plus for te, et quasi tota le, malgré l’existence d’un salaire minimum. LAllema gne, la France , et lItalie sont les pays les contra intes les plus fortes subs istent concernant le recours aux heures supp lémenta ires et à l’intér im.

  • La question de la période d’essai

Comme le droit au licenc iement n’est pas forma lisé lors du laps de temps visant à « tester l’employé », plus la période d’essa i est cour te, plus la sécur ité est for te pour le salarié. Les périodes d’essa i les plus cour tes concernera ient l’Autriche et la Norvège (1 mois). En France , la période d’essa i est de trois mois pour les cadres, d’un mois à huit semaines pour le personne l non-cadre, mais ceci varie également en fonct ion des con ventions collect ives et de la natur e des contrats . Au Danemar k, la période d’essa i atte int 3 mois pour les employés. C’est en Belgique que l’amplitude des périodes d’essa i apparaît la plus longue : 6 mois pour les employés, mais seulement 14 jours pour les ouvriers . En Espagne, le maximum est de 6 mois pour le personne l qualifié et diplômé, de 2 mois pour les autr es, mais ce sont les conventions collect ives qui viennent préciser les con ditions de la période d’essa i. En Suède et en Italie, la durée maximale est de 6 mois. Au Royaume-Uni et en Allema gne, la plus grande soup lesse est laissée à la négociation contractue lle, mais une grande inégalité règne selon les contrats au Royaume-Uni, alors qu’en Allema gne les négociations collect ives fixent en généra l des durées inférieur es à 6 mois. En Grèce, la période d’essa i est négociée individuellement lors du contrat de tra vail, et en Irlande, elle n’est pas fixée, ce qui n’est pas nécessa irement au désa vanta ge du salarié, puisque le droit du licenc iement s’applique dès l’embauc he.

Aux Pays-Bas, la période d’essa i est de 2 mois maximum, mais de 2 semaines seulement pour les contrats inférieurs à 1 an. Au Por tugal, elle s’étale de 60 à 90 jours en fonct ion de la taille de l’entr eprise et de la natur e du poste pour le personne l non cadre, mais elle peut atte indre 240 jours pour les cadres et 180 jours pour le personne l hautement qualifié. Elle peut varier de 2 semaines à 6 mois au Luxembourg, tand is qu’elle s’élève en Finlande à 4 mois maximum . En généra l, on aboutit à une com binaison entr e longue période d’essa i et recours aux CDD relativement contra int comme en Italie (avant les réformes récentes ), en Grèce, en Suède, en Allema gne. Au contra ire, les pays la période d’essa i est cour te ont un recours aux CDD plus fréquent , les entr eprises l’utilisant comme un moyen de présélection des can didats , ce qui est le cas au Danemar k, en Autriche, en Irlande, aux Pays-Bas, en Espagne.

(1) Mais sans avoir fait sauter l’obligation d’exposer un motif de licenciement, contrairement à la décision inique prise en France pour le CNE, puisque l’exposé de ce motif est obligatoire en vertu de la convention 158 de l’OIT.

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