Le rapport du Conseil d’orientation des retraites a préparé le rendez-vous de 2008 prévu dans la loi Fillon en annonçant à l’avance des mesures de durcissement pour les retraites.
Du diagnostic d’échec de la loi Fillon aux mesures de rationnement pour les retraites
Tout en constatant l’échec (prévisible) de la loi Fillon pour rétablir l’équilibre financier des régimes de retraite, le rapport refuse d’examiner sérieusement des pistes alternatives solidaires et efficaces en matière de financement.
Ce rapport préconise du même coup des pensions encore amoindries. Bref, un nouveau plan de réduction des dépenses de retraites solidaires nous attend, si rien n’est fait. Les forces politiques de gauche doivent résolument s’engager pour une réforme de progrès et d’efficacité du système de retraites. La responsabilité du parti communiste et des forces anti-libérales est décisive sur cette question pour contribuer à un vaste débat et à un puissant mouvement populaire, en se saisissant des propositions alternatives de progrès.
L’échec de la loi Fillon pour rétablir l’équilibre financier Les comptes du régime général sont dégradés effectivement. Pour notre part, nous avons montré dès septembre 2003 , que près de 40% de la loi Fillon n’étaient pas financés malgré les mesures régressives. François Fillon tablait alors sur la réduction du chômage et le transfert du financement des prestations chômage sur l’assurance vieillesse. On sait ce qu’il est advenu de cette promesse. Un déficit de 2,4 milliards d’euros de la CNAV en 2006, 3,5 milliards en 2007. Le taux global d’emploi plafonne à 62,3%, les seniors étant toujours massivement évincés du marché du travail. Pourtant les perspectives démographiques sont en fait plus favorables que prévu : accroissement du taux de fécondité (2 enfants par femme d’âge fécond), augmentation du solde migratoire. Cependant, la population âgée évidemment continue de s’accroître et surtout la diminution réelle du chômage n’intervient pas.
Le COR prévoit que subsistera en 2020 un important besoin de financement des retraites : 0,7 point de PIB tandis qu’en 2050, il s’élèverait entre 2 et 5 points du PIB. En dépit des sacrifices imposés par la loi de 2003, qui prolonge et aggrave les mesures Balladur de 1993, le ratio de la pension moyenne sur le salaire moyen passera, d’un indice 100 en 2003 à l’indice 90 en 2020, et 82 en 2050.
Le constat d’échec de la réforme Fillon dans le prétendu rétablissement de l’équilibre financier des systèmes de retraites, ne conduit pas à examiner des pistes alternatives de financement mais à une fuite en avant par de nouvelles purges pour les retraites. Tout un arsenal balise les conditions de durcissement des pensions à verser : âge ouvrant droit au départ, qu’il s’agirait de ne plus définir afin de pouvoir le reculer, durée des cotisations qu’il faudrait continuer à accroître, montant des pensions versées à réduire à partir de différentes techniques, régimes spéciaux à aligner sur le régime général pour remettre en cause les « avantages » acquis par les luttes.
Ainsi le rapport du COR aggrave l’augmentation de la durée d’assurance requise pour une retraite à taux plein.
Même si le texte montre l’effet limité d’une telle mesure : une augmentation de la durée d’assurance d’un an trois quarts dans le régime général n’entraînerait qu’un recul de l’âge de départ effectif de deux mois. Aussi, le COR prétend-il agir sur le comportement des salariés, en les dissuadant de partir en retraite. Il remet en cause les deux seules mesures positives de la loi Fillon : le droit au départ anticipé pour les « longues carrières » et l’abaissement de la décote dans le secteur privé (de 10 à 5% pour les années manquantes).
Il suggère de ne pas définir l’âge de départ, 60 ou 65 ans. Il annonce sous prétexte d’équité entre les régimes, l’allongement des durées d’assurances dans les régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF, GDF). En prétendant tenir compte de gains d’espérance de vie, en garantissant la stabilité du rapport entre durée d’assurance et durée de la retraite.
Il refuse de déroger à la règle de l’indexation des retraites sur les prix en remettant en cause les plans Balladur et Fillon et en remplaçant cette règle par une indexation sur les salaires (actuellement plus favorable aux retraités). Ceci représenterait une revalorisation de 1% par an pour les retraites par rapport à l’inflation et coûterait 750 millions d’euros au régime général, c’est considéré comme insupportable, alors que les exonérations de cotisations patronales coûtent 25 milliards d’euros par an !
En matière de financement, le rapport conclut à l’avance qu’aucune des pistes évoquées ne fait consensus, ni la cotisation sur la valeur ajoutée, ni la TVA sociale… Il suggère simplement une mise à plat de niches fiscales et sociales : exonérations des cotisations dont bénéficient l’intéressement, la participation, l’épargne retraite, qui effectivement réduisent les ressources des régimes obligatoires des retraites, sans examiner de réelles pistes alternatives.
Quelles pistes alternatives de réforme ?
Il faut rompre résolument avec la logique libérale, sortir de ce processus schizophrénique : où l’on prétend allonger la durée de cotisation alors que la France compte 5 millions de personnes durablement écartées du marché du travail, si l’on ajoute aux chômeurs, les personnes en emplois précaires et en temps partiel contraint. Dans ces conditions, ceux qui prolongent leur activité pour obtenir une retraite décente semblent freiner l’arrivée de plus jeunes dans l’emploi.
En ce qui concerne l’alignement des régimes spéciaux sur le régime général, il faut rappeler que ceux-ci ne représentent que 5% de l’ensemble des retraites et que la question de leur financement dans l’avenir n’est pas plus exorbitante qu celle des autres régimes. S’il est cohérent de se poser la question de l’harmonisation des régimes, la question est bien de savoir sur quelles règles cette harmonisation doit se faire ?
Consolider et développer la retraite par répartition c’est possible et nécessaire
La retraite par répartition sert directement la demande effective et la croissance réelle, puisque les cotisations immédiatement reversées dans les pensions de retraite relancent la consommation. Si une réforme est indispensable, elle implique de réexaminer le rôle des retraites et de leur financement dans l’économie. L’augmentation de l’espérance de vie n’a rien d’une « catastrophe », car elle constitue une preuve de l’efficacité des systèmes de santé socialisés et de l’ensemble de la protection sociale. En permettant de remplacer les salariés âgés par des salariés plus jeunes, un système de retraites efficace constitue un facteur de la productivité du travail. Le financement des retraites nécessite une population active abondante et la hausse du nombre de cotisants effectifs. La natalité très dynamique en France doit conforter le principe qu’une politique familiale efficace permet de renouveler la force de travail de demain, mais ceci doit s’appuyer sur le développement de la formation des jeunes et la création effective d’emplois qualifiés et correctement rémunérés pour dégager les cotisations nécessaires au financement des retraites.
Le programme du parti communiste pour un rassemblement populaire et antilibéral demande l’abolition des réformes Balladur et Fillon, le retour aux 37,5 ans de cotisation pour tous, l’application effective de l’âge de la retraite à 60 ans, le calcul de la pension sur les dix meilleures années de carrière, l’indexation des retraites sur le pouvoir d’achat des salaires et la revalorisation des pensions, tout particulièrement les plus basses. Il faut mettre un terme à l’éviction précoce des travailleurs vieillissants, mais l’augmentation du taux d’activité des seniors ne doit pas se faire sur la multiplication d’emplois précaires. Il apparaît alors nécessaire de sécuriser tous les moments de la vie : formation, travail, retraite en sortant de la coupure entre ces trois âges par le développement de la formation tout au long de la vie. La question des retraites anticipées en fonction de la pénibilité au travail doit être réabordée sous cet angle, au moment où l’on redécouvre que la mortalité par pathologies liées aux maladies professionnelles est particulièrement élevée en France.
L’abaissement du taux de chômage et l’amélioration des salaires pour un nouveau type de croissance sont au cœur de la question du financement des retraites, ce qui implique d’agir sur l’ensemble des variables économiques qui contribuent au financement des retraites. La sécurisation de l’emploi et de la formation doit viser l’éradication du chômage et de la précarité, en permettant d’assurer les rentrées de cotisations pour sécuriser les retraites.
Nous proposons de maintenir et développer le principe des cotisations sociales liées à l’entreprise, lieu où se créent les richesses. Mais l’assiette actuelle, fonction des salaires versés, est minée par le type de gestion des entreprises et de politique économique qui limitent la part des salaires dans la valeur ajoutée. Ainsi, plus une entreprise embauche, plus elle paye de cotisations sociales et inversement, quand elle licencie, comprime les salaires et qu’elle fuit dans la croissance financière, moins elle paie de cotisations. Ceci joue contre l’emploi en pénalisant notoirement les industries de main d’œuvre. Il faudrait inverser cette logique en modulant les taux de cotisation, de telle sorte que les entreprises qui développent l’emploi et relèvent la part des salaires dans la valeur ajoutée, et qui de ce fait font rentrer plus de cotisations sociales, se verraient appliquer un taux de cotisation plus faible. Inversement, il faudrait augmenter le taux de cotisation des entreprises qui licencient et qui baissent la part des salaires dans la valeur ajoutée. L’objectif est de dégager des rentrées de cotisations nouvelles en lien avec le développement des emplois et des salaires, de la formation et de la qualification. Ainsi, 1% de masse salariale en plus représente-t-elle 2,5 milliards d’euros de cotisations en plus pour la protection sociale, 100 000 chômeurs de moins 1,3 milliard de cotisations en plus, plus de la moitié de ces cotisations étant destinées au système de retraites.
On pourrait envisager également une cotisation nouvelle sur les revenus financiers des entreprises, puisque l’application d’un taux de contribution sur ces revenus identique aux prélèvements sur les salaires permettrait de dégager 12 milliards d’euros de ressources. Le dernier rapport du COR pointe lui-même le fait que l’insuffisance des recettes permet d’expliquer la moitié des difficultés du financement des retraites. ■
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