Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Impôt sur le revenu : Ce que cache la retenue à la source

Alors que s’ouvre la campagne électorale 2007, revient sur le devant de la scène le projet de retenue à la source. De l’UMP en passant par l’UDF, jusqu’au parti socialiste, tous semblent désormais s’accorder sur ce sujet, le PS proposant même d’y soumettre l’ensemble des revenus.
À lire ou à entendre les arguments avancés par les divers protagonistes de ce projet, tout cela ne serait finalement qu’une simple évolution des modes de prélèvements fiscaux. Pour aller dans ce sens, il est même tiré argument du fait que 73% des foyers fiscaux sont aujourd’hui prélevés automatiquement. Sauf que le prélèvement automatique relève actuellement d’un libre choix du contribuable, que ce dernier peut remettre en cause chaque année.
Que recoupe au fond l’enjeu de l’installation de la retenue à la source ?
Trois grands types de remarques peuvent être formulés.

Quels seraient les revenus vraiment imposés ?

Malgré l’affirmation du parti socialiste selon laquelle l’ensemble des revenus serait soumis à cette retenue, la réalité est tout autre. Seul l’impôt sur le revenu est concerné et en son sein, seuls les revenus salariaux pourront être soumis à ce type de prélèvement. À partir du moment où les collecteurs de l’impôt seraient les entreprises et les caisses de retraite, il est aisément compréhensible que tous les revenus non connus et non maîtrisés par ces deux collecteurs, n’entreraient pas dans le champ de cette retenue. Il s’agit essentiellement des revenus d’activités non salariales, des revenus financiers mais aussi de la taxe foncière. Par contre à l’évidence, la taxe d’habitation (TH) et la redevance audiovisuelle dont le fichier est connecté avec celui de l’impôt sur le revenu (système IRTH) tout comme la CSG, pourraient tout à fait être concernées.

Une remise en cause du quotient familial

La retenue à la source pousse à une simplification de l’impôt sur le revenu et en ce sens à la suppression de divers éléments permettant une meilleure prise en compte de la capacité contributive réelle des citoyens. Ainsi on comprend mieux quels sont les objectifs réels de la loi de Finances 2006 en entérinant une réduction du nombre de tranches du barème (plus que 5 taux) et l’intégration de l’abattement de 20%, dans le premier taux du barème. La retenue à la source est un moyen de bloquer toute évolution en sens opposé. Elle est aussi, quoiqu’en disent ses partisans, une épée de Damoclès suspendue au-dessus du principe du quotient familial. Les entreprises et caisses de retraite devraient avoir accès aux données personnelles du contribuable pour calculer le nombre
 de parts, ce qui pour l’heure n’est pas permis. Une solution médiane pourrait être trouvée en faisant effectuer puis transmettre ce calcul par l’administration fiscale. Dans le climat ambiant imprégné du libéralisme le plus débridé, il serait ô combien plus commode d’en finir avec l’idée même du quotient familial. Cette perspective a été évoquée à maintes reprises depuis le rapport du conseil des impôts de 1990. Jusqu’ici, elle n’a jamais abouti, mais en ce domaine comme en de nombreux autres, tout n’a pas encore été vu.

Des risques sur le reversement de la collecte des impôts et des emplois menacés

Au-delà du fait que les entreprises et caisses de retraites ne se contenteraient vraisemblablement pas d’accueillir cette mission de recouvrement sans défraiement, le coût de la gestion de l’impôt sur le revenu n’a-t-il pas déjà été évalué à 1,5 Milliard d’euros par Bercy, on ne peut éviter de se demander pourquoi ces collecteurs reverseraient rubis sur l’ongle les montants d’impôt ainsi collectés. On connaît la fraude pratiquée en matière de TVA dont les entreprises sont collectrices. Par quel miracle un tel comportement ne se retrouverait-il pas vis-à-vis de l’impôt sur le revenu ? Sur un plan plus général mais aussi plus stratégique, la retenue à la source, en introduisant une sorte de distanciation supplémentaire entre le citoyen et l’impôt, n’offre-t-elle pas le moyen de faire évoluer à la fois le poids et le contenu des prélèvements sur les ménages d’une façon moins perceptible, plus indolore ? La fiscalité locale, particulièrement la taxe d’habitation, n’entrerait-elle pas dans un tel schéma au moment où les budgets des collectivités sont exsangues ? Et le financement de la protection sociale ne serait-il pas en ligne de mire avec une augmentation de la CSG qui ouvrirait la voie à une fiscalisation de ce système ? Enfin la mise en place de la retenue à la source est annoncée sur l’air d’économies des crédits de fonctionnement du budget de l’Etat. Pas moins de 1500 emplois seraient menacés au prétexte que ce mode de prélèvement ferait disparaître des tâches dans les centres des impôts et les trésoreries. N’est-ce pas déjà le refrain distillé cette année avec la mise en place de la déclaration pré remplie ? Or de telles prévisions ne reposent sur rien de très sérieux et de très objectif. Car déclaration pré remplie ou pas, retenue à la source ou non, le travail, de prise en charge, d’analyse et de contrôle reste le même. Ce ne sont pas les personnels des finances qui remplissent les feuilles d’impôt ! Avec la retenue à la source leur mission pourrait même se renforcer de l’obligation d’assurer les liaisons et le suivi de l’action des nouveaux collecteurs de l’impôt. Pour autant les pouvoirs publics veulent se saisir de l’occasion pour lancer une nouvelle campagne de propagande visant à préparer les esprits à accepter de prochaines coupes dans les effectifs de fonctionnaires des administrations financières.
 
La retenue à la source est finalement tout autre chose qu’un simple gadget technique.
Elle pose des questions de fond qui tiennent au contenu même de la fiscalité mise en œuvre dans notre pays et au mode de gestion des missions de l’Etat. Prendre en compte l’intérêt général, implique une fiscalité transparente, appliquée avec justice et efficacité, donc reposant sur des principes et des modalités pouvant être accessibles et maîtrisés par l’en-
semble des citoyens. ■

Pour un nouveau barême et un nouvel impôt sur le revenu

Les principes fondateurs d’une réactualisation de l’impôt sur le revenu. Toute rénovation de l’impôt sur le revenu (IR) doit prioritairement intégrer dans son économie générale le principe de soumettre à un traitement identique les revenus du travail et ceux de la propriété foncière et financière. L’impôt sur le revenu engloberait donc les revenus salariaux, les revenus fonciers et les plus-values foncières, les revenus d’activité individuelle non salariale, les revenus des placements financiers actions, obligations (RCM) et les plus-values sur cession de titres.
Mais il convient également de traiter de la structure même de l’impôt sur le revenu. Actuellement, une dérive tend en réduisant son caractère progressif, à en changer la cohérence et le sens profonds. Il s’agit donc de redonner à la progressivité sa véritable fonction à savoir que l’effort contributif progresse relativement au revenu disponible. Augmenter le nombre de tranches permettrait à partir un meilleur étalement de la progressivité, une plus juste prise en compte des revenus des ménages car à la fois plus précise et mieux répartie. Il faut à cet instant rappeler que le principe de la progressivité fait qu’est soumise au taux d’imposition supérieur la seule part des revenus qui dépasse le montant de la tranche précédente. Il doit également être observé que le seuil de la tranche du minimum imposable ne peut en rester à son niveau actuel. Devient aujourd’hui imposable à l’impôt sur le revenu, un revenu net annuel tout juste supérieur à 6 000 euros. Entre dans l’avant-dernière tranche à 30% un revenu de 24 500 euros, soit 161 000 Francs, c’est-à-dire un revenu très moyen voire faible, et atteint la 5ème tranche à 40% un revenu de 65 600 euros soit 432 000 Francs qui commence certes à être un revenu supérieur mais rien à voir avec les 10 000 euros/mois et x fois plus perçus par certains….
De façon concrète nous proposons de:

  • De fixer respectivement le taux minimal et le taux sommital de prélèvement applicable à 6,5% et à 55% ;
  • De placer le seuil de la première tranche soumis au taux de 6,5 % à 12 500 euros (net imposé),
  • De passer le nombre de tranches de 5 à 10. L’objectif est de permettre une application mieux échelonnée de la progressivité. La forte pression fiscale qui s’abat aujourd’hui dès les premiers indices salariaux des professions intermédiaires, ouvrier hautement qualifié, technicien, cadre moyen, en serait ainsi atténuée. Ces revenus sont au sens plein des revenus du travail. Voilà un véritable moyen de les protéger et de les encourager. Une nouvelle occasion également, de donner à l’épargne populaire une chance de se reconstituer.
  • De ressortir l’abattement de 20% du barème,
  • De remettre en cause le bouclier fiscal.

 

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Par Durand Jean Marc, le 01 December 2006

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