Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Contre la fusion ANPE Unedic l’enjeu d’un nouveau service public

Devant l’AJIS(1), Sarkozy a déclaré que pour «concilier mobilité et sécurité» il faut «pouvoir compter sur une indemnisation du chômage plus juste et plus efficace », soulignant que cela signifie « une indemnisation qui s’interrompt quand le bénéficiaire refuse les offres valables d’emploi ou de formation qui lui sont proposées ». c’est dire le défi.

Nicolas Sarkozy a annoncé que, sur la base des propositions du gouvernement, le patronat et les syndicats doivent négocier les modalités d’un rapprochement-fusion de l’ANPE et de l’Unedic car, a-t-il précisé, «la condition de la mobilité et de la sécurité (...), c’est un service public capable de suivre (les chômeurs) de manière intensive et plus personnalisée dans leur recherche d’emploi».

  1. chasse aux chômeurs

Aussi, le MEDEF s’est-il empressé de faire des propositions détaillées pour, avant tout, «accélérer le retour à l’emploi» des chômeurs à l’appui de principes pour une «nouvelle organisation du régime d’indemnisation du chômage».

Il propose de définir un régime général de base «ouvert à l’ensemble des demandeurs d’emploi et financé par la solidarité nationale», c’est-à-dire par l’impôt sur le revenu des ménages, c’est-à-dire surtout des salariés et de leurs familles.

Ce régime de base, placé sous la responsabilité des pouvoirs publics et intégrant les diverses allocations existantes (RMI, ASS,...), serait complété par un régime assuranciel, financé par des cotisations patronales et salariales, et destiné aux salariés privés d’emploi, dans des contenus définis par la négociation patronatsyndicats. Ce nouveau régime aurait pour mission de servir un complément de revenu de remplacement aux salariés involontairement privés d’emploi pris en charge par le régime général de base. Cette réforme, précise le MEDEF, doit être conduite à charges constantes pour les entreprises !

Le montant de l’allocation complémentaire devrait correspondre, dans la limite d’un plafond, à un pourcentage de l’ancien salaire, indépendant du montant de l’allocation servie par le régime général de base.

Les filières d’indemnisation seraient recomposées de façon à :

  • S’adapter aux nouvelles caractéristiques du marc du travail, particulièrement pour les jeunes en difficulté ;

  • Indemniser les allocataires pour des durées plus courtes, conjointement à la mise en place de «mesures personnalisées d’accompagnement renforcées vers l’emploi» ;

  • Allonger la durée d’activité des «seniors» ;

  • Inciter à la reprise d’emploi.

Bref, il s’agirait d’accentuer la chasse aux chômeurs, de les canaliser le plus possible vers les filières répondant aux «besoins des entreprises» et, pour cela, de leur faire accepter des emplois peu ou mal payés avec, en contrepoint, une indemnisation moindre du chômage, des formations courtes et très recentrées sur les besoins étroits exprimés par les patrons.

L’obsession du MEDEF est triple :

  • Accélérer le «retour à l’emploi» ;

  • Répondre aux besoins de recrutement des entreprises ;

  • Réduire la dépense d’indemnisation du chômage et d’accompagnement «personnalisé» des chômeurs.

Dans ce cadre, précise le MEDEF, il s’agit notamment de surveiller plus étroitement encore le suivi et la recherche d’emploi. Il demande que soient clairement définies les modalités de contrôle de l’effectivité de la recherche et la notion d’offre valable d’emploi (OVE). Il propose, enfin, de développer la pratique dite du «portage salarial»(2) aujourd’hui considérée comme illégale, et dont il demande la libéralisation, dans la mesure «elle permettrait le retour à l’emploi de certaines catégories de demandeurs d’emploi, notamment des seniors». Le bras de fer, comme au moment de la création du Plan d’aide au retour l’emploi (PARE), devrait donc porter, entre autres, sur la définition de «l’offre valable d’emploi», au cœur du mécanisme de déclenchement des sanctions, jusqu’à la radiation des listes de l’ANPE. Le PARE, avec la mise en œuvre du Projet d’action personnalisée (PAP) qui devait contribuer à accélérer le retour à l’emploi des chômeurs, n’a pas notablement contribué à augmenter la vitesse moyenne du retour à l’emploi de l’ensemble des chômeurs, même s’il semble, selon la Dares (mars 2007), que certaines prestations offertes, comme le bilan de compétences approfondi ou les aides à la constitution de projet auraient «réduit le risque de retour au chômage» une fois un emploi retrouvé. Le durcissement des conditions de l’offre valable d’emploi s’inscrirait ainsi dans une perspective d’accentuation du poids des sanctions, jusqu’aux radiations, pour obliger les privés d’emploi à accepter n’importe quelle proposition, réduire la dépense d’indemnisation, mais aussi celle des formations d’accompagnement, recentrées vers les filières en tension de recrutement, comme c’est le cas aujourd’hui pour les industries de process, les industries légères, la maintenance, l’informatique, les hôtels-cafés-restaurants, l’alimentation, la santé, l’action sociale, les banques et assurances (deuxième trimestre 2007).

 

Le rapprochement ANPE UNEDIC

 

Celui-ci se présente parée des meilleures intentions puisque, avec un «guichet unique» rassemblant ces deux institutions, les demandeurs d’emploi n’auraient plus qu’un seul interlocuteur pour les accueillir, les inscrire et les indemniser.

Le gouvernement assure que ce rapprochement serait l’un des moyens «les plus prometteurs» pour :

  • ramener le taux de chômage officiel au niveau dit du «plein emploi», c’est-à-dire à 5 % de la population active, avant la fin du quinquennat,

  • pour atteindre un taux d’emploi de 70 % pour les 15-64 ans contre quelque 63,8 % en 2005.

Bien sûr, ces promesses sont formulées sans égard pour la contestation si forte de la façon dont est calculée le chômage en France et qui sous-estime considérablement le phénomène. Dès le mois de décembre, le gouvernement entend proposer un projet de loi au Parlement sur la base de ce qui sera sorti des négociations sur le marché du travail, en vue d’une «adoption définitive» en 2008 ! Christine Lagarde dans une interview au journal Les Echos (02/10/07) a promis que l’on pourrait ainsi réduire drastiquement le nombre de demandeurs d’emploi pris en charge par chaque agent pour aller vers une trentaine contre une soixantaine aujourd’hui (en fait ce serait le double !).

Lensemble «ANPE Unedic» serait chapeauté par un «Conseil d’orientation», présenté comme lieu de régulation des politiques de l’emploi du gouvernement. Présidé par le ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi il réunirait les représentants du patronat et des syndicats de salariés, les responsables du nouvel organisme issu de la fusion et des représentants des collectivités locales, notamment les régions. Ce Conseil d’orientation a précisé, Christine Lagarde, aura pour fonction de «mieux associer les partenaires sociaux à la politique de l’emploi». Il pourrait remplacer, à terme, le Comité supérieur de l’emploi. Deux structures coexisteraient sous ce chapeau politique dont l’ambition intégratrice des syndicats est nettement affirmée :

  • L’Unedic, gérée paritairement, qui continuerait d’administrer, «en totale indépendance», le régime d’assurance-chômage et de fixer les modalités d’indemnisation ;

  • Le nouvel organisme, qui « rassemblerait le réseau de l’ASSEDIC et celui de l’ANPE». Ce dernier serait chargé de l’accueil, de l’inscription, de l’accompagnement et de l’indemnisation des chômeurs, ainsi que de «la tenue des listes comme le fait de l’ANPE aujourd’hui».

Le gouvernement se défend de viser une quelconque privatisation de l’ANPE sans dire cependant si, alors, l’Unedic se trouverait étatisée. Quoi qu’il en soit, cette restructuration majeure marcherait de pair avec la privatisation grandissante du placement des privés d’emploi. LANPE, elle-même, on le sait, est amenée aujourd’hui déjà à recourir de plus en plus aux services d’officines privées, tandis que ses critères d’efficacité tendent à être calés de plus en plus sur ceux du privé. En réalité, ce rapprochement Unedic-ANPE vise à assurer aussi un contrôle et un mécanisme de sanctions encore plus répressif des chômeurs. Par ailleurs, les syndicats craignent une hémorragie de l’emploi car l’ANPE (30 000 salariés) et l’Unedic (14 000) emploient à eux deux près de 45 000 agents. Or les expériences étrangères de fusion ont été particulièrement douloureuses :

  • en Allemagne, l’Arbeitsagentur, qui s’occupe à la fois de l’indemnisation et du placement des chômeurs, a programmé la suppression de 3 500 postes ;

  • en Grande-Bretagne, la fusion, réalisée en 2003, entre les services d’indemnisation et de placement a entraîné la suppression de 13 000 emplois et a coûté 3 milliards d’euros.

Cependant, cette inquiétude des salariés, notamment à l’ANPE, n’empêche pas le gouvernement de tenter de diviser les syndicats en leur promettant de conserver la gestion des régimes d’assurance-chômage ce qui est censé leur permettre «en toute indépendance» de fixer les paramètres d’indemnisation et de cotisations et de les «associer» plus étroitement aux politiques d’emploi. Dans ces conditions, comment arriver à faire converger toutes ces inquiétudes, celles des chômeurs, celles des licenciables, celles des salariés des services publics de l’emploi, celles des élus, vers un contre-projet positif, sachant que le statut quo est absolument intenable ? On sait par exemple qu’en mars 2007, ce sont 47 % seulement des demandeurs d’emploi qui étaient indemnisés. Les chômeurs non indemnisés sont privés de l’accès à certaines prestations, pourtant indispensables pour leur retour à l’emploi, comme la formation, le contrat de professionnalisation ou la validation des acquis de l’expérience. Les enjeux de solidarisation sont décisifs. On se souvient, par exemple, que le triomphe du PARE a été à cette coupure entre chômeurs et salariés dans l’emploi.

La question de la transformation radicale du service public de l’emploi est un enjeu essentiel pour les privés d’emploi, mais aussi pour sécuriser les parcours professionnels. Elle compte aussi pour le devenir de l’emploi public et de ses statuts, alors même que se prépare une très grande offensive pour faire disparaître celui de la Fonction publique et généraliser, dans les services publics, le recours à des critères d’efficacité, de performances et d’évaluation proches de ceux du privé. La LOLF (loi organique des lois de finance) constitue le cadre de cette offensive qui fait, par ailleurs, consensus entre la droite et les dirigeants du PS et qui va accompagner, dans le projet de loi de finances 2008, plus de 21 000 suppressions d’emplois publics. Ces enjeux précis appellent un appui politique de riposte à gauche avec des contre-propositions pour favoriser une jonction entre chômeurs et salariés, associations et syndicats.

La partie III de la maquette pour une proposition de loi de sécurisation de l’emploi et de la formation avance le principe d’affiliation de chaque résident à un nouveau service public de l’emploi et de la formation, à partir de l’âge de fin de l’obligation scolaire, sur le modèle de l’affiliation à la Sécurité sociale.

Comment concrétiser les avantages que cela entraînerait en liaison avec une redéfinition hardie des objectifs et des missions de ce service public et social ? Comment crédibiliser et développer les propositions spécifiques pour les jeunes ainsi que celles d’aide véritable au retour à l’emploi, y compris par la formation choisie incluant, notamment, une réhabilitation du «droit de refus pour motif légitime» opposé au couperet de l’offre valable d’emploi. Un élément fondamental de crédibilisation de solutions alternatives à celles du gouvernement et du patronat, en ce domaine particulièrement, est celui de l’articulation explicite à des mesures nouvelles concernant le financement et poussant à faire système. C’est un point de faiblesse du mouvement syndical. La bataille pour un essor efficace des prélèvements publics et sociaux, au lieu de l’expansion cancéreuse des prélèvements financiers, prend une dimension politique très forte et invite à pousser le débat à gauche, alors que le PS demeure ancré à l’idée d’exonération de cotisations sociales patronales, à la logique du pacte de stabilité et à la LOLF. Il s’agit d’aider à ce que le mouvement s’empare de façon offensive et créatrice de nos propositions avancées dans la maquette :

  • Assujettissement des revenus financiers des entreprises et des banques à une nouvelle cotisation à même hauteur que la cotisation salariale,

  • Modulation nouvelle du taux de cotisations sociales patronales, visant à les accroître,

  • Augmentation des contributions financières des entreprises dont la mutualisation serait accrue

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  • AJIS : Association des journalistes de la formation.
  • Le portage salarial se caractérise par :
  • Une relation triangulaire entre une société de portage, une personne, (le porté), et une entreprise cliente ;
  • la prospection de clients et de la négociation de la prestation et de son prix par le « porté » ;
  • la fourniture de prestations par le « porté » à l’entreprise cliente ;
  • la conclusion d’un contrat de prestation de services entre le client et la société de portage ;
  • la perception, enfin, du prix de la prestation par la société de portage qui en reverse une partie au «porté» dans le cadre d’un contrat qualifié de contrats de travail.

Le MEDEF propose de confier la responsabilité de l’organisation de cette relation triangulaire aux entreprises de travail temporaire.

 

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