Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Pour des services publics vecteurs de dépassement des dominations

  1. La réaffirmation des principes fondateurs

Il s’agit dans un premier temps de réaffirmer quelques principes essentiels de la Fonction publique au titre desquels figurent de façon incontournable l’intérêt général, l’indépendance et la responsabilité. L’intérêt général sans lequel les deux autres notions ne sont rien, distingue en effet très précisément le fonctionnaire qui est au service de la collectivité publique du salarié du privé lié à un employeur par un contrat.

Le salarié du privé perçoit un salaire en fonction d’une politique de prix tandis que la rémunération du fonctionnaire provient de l’impôt. Le fonctionnaire est tenu à une obligation de moyens(4) et non de résultats ce qui concoure à le soustraire à la logique de rentabilité. Sorte de travailleur collectif, son action s’intègre dans une vision à caractère général s’inscrivant sur le long terme.

C’est une des raisons pour lesquelles il s’agit de donner un second souffle à la conception de fonction publique de carrière au lieu de promouvoir comme modèle la Fonction Publique d’emploi (voir note No 3).

À cette fin, il s’agit de rouvrir une véritable discussion à propos des trois versants de la fonction publique afin d’en examiner les évolutions respectives, d’en dégager un certain nombre d’axes permettant d’affirmer la spécificité de chacun tout en travaillant à une harmonisation de certaines de leurs règles de fonctionnement et notamment de celles relatives à la gestion des personnels.

  1. La rénovation des critères de gestion des personnels

Les distorsions engendrées par les multiples pressions exercées au cours de ces 15 dernières années sur les garanties statutaires des agents ont conduit à une véritable atomisation du mode de rémunération comme de l’ensemble des règles touchant à la promotion, aux mutations, à la notation.

Il convient donc de remettre sur le métier la construction d’une nouvelle grille indiciaire (grille unique) de rémunérations à actualiser en fonction des pertes de pouvoir d’achat subies ainsi que des niveaux de qualification mis en œuvre et requis pour répondre à des missions en relation avec les besoins sociaux et sociétaux d’aujourd’hui.

Dans cet ordre d’idées, le concours doit être le mode de recrutement externe principal et le facteur dominant de promotion interne, sachant qu’une porte doit demeurée ouverte à une promotion interne par voie d’examen professionnel.

Des possibilités nouvelles et élargies de passage d’une fonction publique à l’autre sont à activer. Elles doivent s’accompagner d’un effort de formation sans précédent des personnels de la fonction publique. On remarquera que les 10 % statutaires du temps de travail consacrés à la formation sont aujourd’hui bien loin d’être atteints dans chacun des trois versants de la Fonction publique alors que jamais les législations ne se sont autant complexifiées, alors que la bureautique et l’introduction des techniques informationnelles apportent de profonds bouleversements dans les process de travail.

Tout en réaffirmant le principe de mobilité au sein de la Fonction publique, notamment par le fait que toute promotion ne peut s’effectuer à la même résidence et que certaines fonctions sont incompatibles avec un immobilisme général, il est nécessaire de repréciser les règles présidant aux mutations pour raisons personnelles. La référence doit être l’ancienneté assortie de correctifs propres à prendre en compte la situation spécifique de chacun (situation familiale...).

Enfin des critères nouveaux permettant d’apprécier la façon de servir des agents publics doivent être mis en œuvre. Il s’agit premièrement de sortir de la culture de

« performance et d’objectifs» vers laquelle orientent les réformes successives et ultra-libérales de la notation des fonctionnaires.

Une conception qui prioriserait au final un fonctionnement hyper-hiérarchisé des rapports au travail ne peut également correspondre aux besoins et aux aspirations actuels. Un mode d’évaluation moderne et efficace doit reposer sur un échange contradictoire entre l’évalué et l’évaluateur et surtout être entouré d’un certain nombre de garanties permettant de situer le fonctionnaire dans son environnement et dans le cadre collectif des moyens mis à sa disposition pour assurer ses missions.

C’est ainsi que sera évitée toute dérive de type clientéliste qui vise entre autres, à détacher le fonctionnaire de ses deux ports d’attaches que sont le grade et corps même si s’agissant du nombre de corps, un certain toilettage semble nécessaire.

C’est également le moyen d’éviter toute substitution du concept de métier à celui de fonction, non pas que le terme de métier soit à bannir du vocabulaire fonction publique de nombreux métiers s’exercent en effet dans le cadre d’une carrière de fonctionnaire mais parce qu’il est nécessaire d’en maîtriser l’usage.

  1. La redéfinition du champ d’intervention et d’action

À l’évidence le service public n’est pas le décalque exact de tout ce qui relève de la sphère publique. Et la fonction publique elle-même ne représente qu’une partie de ce que recouvrent les services publics.

Face aux effets conjugués de la croissance des besoins sociaux et de la volonté de destruction des services publics, les deux dernières décennies ont été marquées par l’éclosion de multiples associations et de diverses décisions de délégations de services publics à des entreprises privées. Une telle évolution ne correspond en rien à une réponse satisfaisant aux besoins de notre société.

Au lieu de participer à l’élévation du niveau global de notre civilisation, de telles orientations confinent plutôt à un type de fonctionnement sur le mode tiers-mondiste. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner les modes de rémunération, les niveaux de formation, le type de recrutement et les perspectives de carrière offertes aux personnels qui interviennent dans ces divers cadres.

D’une manière non exhaustive, il convient néanmoins de préciser un certain nombre de secteurs qui devraient relever des services publics et de la fonction publique. Il s’agit par exemple de tout ce qui concerne l’aide aux personnes dont les missions devraient être intégrées à une fonction publique de la santé intégrant la fonction publique hospitalière.

En termes de services publics, l’eau, la communication (poste, télécommunications et tout ce qui relève des techniques informationnelles), les transports, l’énergie, les banques, sont des domaines pour lesquels une nouvelle phase d’appropriation sociale apparaît nécessaire. Elle est la réponse à l’exigence de développement durable devant guider les choix politiques des prochaines décennies.

 

  1. La promotion d’un nouveau type de contrôle et l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques

Un besoin considérable de maîtrise collective des enjeux de développement humain monte dans la société. Cette aspiration doit trouver à s’exprimer par le biais de nouveaux critères de gestion dans les entreprises, dans la cité et naturellement dans les services publics et la fonction publique.

À cette fin, un statut innovant de la Fonction publique ne peut faire l’impasse sur une telle question. Il s’agit tout d’abord d’examiner comment faire évoluer les règles qui régissent la phase d’élaboration des budgets des collectivités territoriales ou de l’État. Cela suppose une remise en cause profonde des principes édictés par la LOLF pour lui substituer un cadre général permettant de placer concrètement les représentations nationales et locales mais au-delà l’ensemble des citoyens en capacité de formuler des avis et de les faire prendre en compte.

La nature même du contrôle de l’exécution budgétaire en serait alors modifiée, non pas qu’il ne serait plus nécessaire, mais en ce sens qu’il exigerait de nouveaux dispositifs permettant le prolongement de l’intervention directe des citoyens.

De nouveaux droits d’intervention et de contrôle des politiques publiques sont donc nécessaires pour que chaque citoyen et chaque fonctionnaire puisse exercer sa responsabilité. Au plan citoyen, des commissions mixtes seraient créées dans chaque localité, composées de représentants d’agents publics, des organisations syndicales du public et du privé, d’associations de consommateurs, d’élus et de personnalités relevant du secteur privé (industriel, commerce et services).

Au niveau des personnels des administrations et des services publics, une évolution du fonctionnement des CTP et CAP est indispensable notamment pour en finir avec le principe de la voie prépondérante accordée au président de ces commissions, président qui fait toujours partie de la parité administrative. La mise en place de conseils de services est le second volet de ce dispositif de démocratisation du fonctionnement des services publics. Une évolution corrélative du droit syndical qui n’a cessé d’être pourfendu ces dernières années serait sérieusement à envisager.

Dans le contexte d’un capitalisme dont la crise par les ravages sociaux qu’elle génère, implique des besoins urgents de dépassement, les services publics et la fonction publique constituent les moyens indispensables à une nouvelle étape d’un progrès réussi de civilisationL’emploi contre la carrière, tel est bien un des enjeux majeurs de l’évolution même de la Fonction publique et de la préservation du principe d’indépendance du fonctionnaire.

  1.  Le principe de fonction publique de carrière garantit en effet à chaque fonctionnaire selon son grade, c’est-à-dire son niveau de qualifications reconnu soit par un concours, soit par des critères de liste d’aptitude, d’exercer systématiquement une fonction relevant de ce grade et d’être immédiatement rémunéré au niveau correspondant à ce grade. Il assure concrètement l’indépendance du fonctionnaire, le protégeant de l’arbitraire administratif et des pressions politiques partisanes.

La Fonction publique d’emploi dissocie le grade de l’emploi. Ainsi un agent relevant d’un grade donné peut être rémunéré, si l’emploi correspondant n’existe pas, à un niveau relevant d’un grade inférieur. Il peut également se voir confier des tâches relevant d’un niveau de qualification différent de celui auquel correspond normalement son grade, sa qualification. Dès lors, des conséquences de trois ordres sont à craindre : soit un gâchis de compétences, soit une sous-rémunération de compétences, soit une gestion clientéliste et très individualisée des personnels ou encore les trois à la fois.

  1. Cette conception était celle avancée en 2003 dans le rapport publié par le conseil d’État sur la Fonction publique.

  2. La Fonction publique Territoriale dispose d’un statut qui s’inspire largement en termes de gestion des personnels de la notion d’emploi. C’était d’ailleurs un des points de divergence entre les Ministres G. Deferre et A. Le Pors lorsqu’il s’est agi en 1983, de réformer le statut de la Fonction publique, le premier penchant en faveur d’une fonction publique d’emploi pour les agents des collectivités territoriales, le second défendant l’idée de carrière. (voir à ce propos l’article de A. Le Pors page 00).

  3. Prenons le cas du contrôle fiscal d’une entreprise, l’obligation de résultats consisterait à rapporter une somme quasiment prédéfinie au terme du contrôle, ce à quoi poussent aujourd’hui les contrats d’objectifs et la culture de performance. L’obligation de moyens constitue pour le fonctionnaire à mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour s’assurer que le contribuable respecte la législation fiscale.

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