Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Du rapport Larcher au projet de loi dite de Modernisation de la Santé

Dans la poursuite de la volonté d’imposer de profonds reculs de société, le pouvoir prévoit la mise en place d’une loi dite de Modernisation de la Santé essentiellement par voie d’ordonnance dans le dernier trimestre. Pour cela, le rapport confié au sénateur Larcher devrait servir de base.

Opération brouillage !

Globalement, à partir d’un constat riche, documenté, équilibré, et somme toute fidèle à la situation des établissements, la mission, confiée à un ancien président de la FHF (1) et ancien ministre, avance un certain nombre de préconisations dans la droite ligne du discours tenu par le Président de la République, lors de son installation à l’automne dernier à Bordeaux. C’est important de noter que le Président dans son discours de Neufchâteau a insisté sur ces aspects. Il y a, tout d’abord, la volonté forte d’inscrire toute réforme dans une perte de repères entre le public et le privé. Le pouvoir travaille à brouiller les identités publiques et privées prétendant que tout est identique.

La déréglementation comme feuille de route !

Il s’agit ainsi de vider le service public de ses valeurs et de ses principes fondamentaux.
C’est une démarche éminemment idéologique qu’il nous faut dénoncer et combattre énergiquement. Le rassemblement le plus large des professionnels non médicaux, des professionnels médicaux, des personnels de direction, des usagers ayant-droit à la santé est indispensable pour contrer cette offensive ultra libérale. C’est par exemple à travers la proposition des «établissements sui generis». Ce n’est ni un Etablissement Public Industriel et Commercial ni un Etablissement Public Administratif mais une personne publique soumise au droit civil et commercial sans contrôle étatique. Son personnel est soumis au droit du travail malgré sa mission d’intérêt public. C’est typiquement une proposition visant à laisser paraître comme identique le public et le privé. C’est aussi le cas avec le contrat proposé au secteur privé commercial. Il s’agit de leur confier l’accueil en urgence. Ce peut être, en fait, un glissement vers la suppression encore plus importante du public sur certains territoires.
C’est un projet qui s’inscrit totalement dans l’hypercentralisation prévue avec la mise en place des Agences Régionales de Santé. Il faut noter que la direction de ces agences serait confiée aux membres de la «préfectorale». Cela voudrait garantir une docilité totale au pouvoir en place. Il s’agit de peser pour une « fongibilité » des enveloppes, c'est-à-dire de laisser croire que la santé publique et la prévention auront des augmentations de crédits alors que ce sera en fait un glissement des crédits de l’hospitalisation. Cela se traduira de
fait par une charge plus grande encore pour les usagers et les familles.
C’est un outil qui permettrait d’accélérer le transfert de charge de l’Etat vers les collectivités territoriales et les familles. C’est un nouveau désengagement de l’Etat de ses missions.

Haro sur le service public !

La santé n’est plus considérée comme un service public : «le partenariat public/privé doit devenir la règle».
Sur ce thème récurrent tout au long du rapport et omniprésent dans les déclarations présidentielles, il est facile de mesurer l’enjeu idéologique fort de ces questions. Sur cette problématique de la santé qui reste dans les toutes premières préoccupations de la population, le pouvoir veut marquer des reculs sensibles et qu’il veut définitifs. C’est un des domaines où le pouvoir veut gagner idéologiquement. C’est donc d’autant plus utile de mener une vraie bataille idéologique.
C’est une modification structurante et importante des professions de médecins hospitaliers et de directeurs d’hôpital.
Les médecins se verraient proposer deux types de statuts : soit ils restent dans le statut actuel soit ils optent pour un contrat avec une hypothétique convention collective nationale pas encore créée et des grilles locales ! La déréglementation à outrance.
Les directeurs verraient la mise en place de deux types : Les chefs des Communautés Hospitalières et les Directeurs d’Hôpitaux.
Les premiers seraient recrutés en dehors de la fonction publique hospitalière et seraient «les vrais patrons». Bien évidement, leur situation serait liée aux résultats de leur gestion au regard des choix politiques des directeurs de l’Agence Régionale de Santé. La fonction de ces directeurs serait liée à leur «mission» et non plus en rapport à un emploi statutaire.
Les seconds seraient les adjoints, les responsables de site mais directement liés aux contrats que les chefs des Communautés Hospitalières auront à honorer.

La démocratie totalement oubliée

L’avis des usagers, leur participation, celle de leurs élus, la place des organisations syndicales, en un mot, la
démocratie est totalement absente de ce rapport. Très clairement, cette  dimension n’existe pas dans  le rapport. La démocratie sanitaire n’est utilisée que pour laisser croire. C’est un manque criant.
Le rapport contient 16 propositions regroupées dans quatre thèmes :

Aménager les relations entre le monde hospitalier et son environnement.

Favoriser l’adéquation des prises en charges. Cette mesure vise à poursuivre et à accélérer le glissement des moyens du secteur sanitaire vers le moyen séjour et le médico-social. C’est une forme de désengagement de l’Etat, un transfert de charges vers les collectivités territoriales et les familles. C’est une mesure qui va aggraver encore le problème de l’offre sanitaire.

Assurer la continuité du parcours de soins.

Ce souhait tout à fait louable, n’est assorti d’aucun moyen, si ce n’est la volonté d’une fongibilité des enveloppes au niveau régional ; faire plus avec moins en quelque sorte. L’absence de moyens spécifiques va indéniablement poser des limites à la continuité affichée, cela renforcera la culpabilisation des acteurs.

Développer les formes d’exercices pluridisciplinaires en ville.

Il s’agit de confier aux hôpitaux, et notamment aux hôpitaux locaux la mission d’apporter un support aux formes d’exercices libéraux. Après avoir amputé le service public de ses capacités d’intervention, on lui demande maintenant de servir de support à l’exercice libéral, là aussi sans moyens spécifiques attribués.

Améliorer l’organisation des soins non programmés

La question des activités non programmées est une vraie problématique. C’est un coût supplémentaire pour l’hôpital public vis-à-vis du privé commercial. C’est la traduction de la mission de service public de pouvoir accueillir 24 h sur 24 et sans condition de ressources. Au lieu de le présenter comme une force du service public, c’est présenté comme une charge. La permanence des soins, et en particulier la régulation, est souhaitée conjointe ou commune entre le SAMU et les libéraux, mais sans jamais préciser comment sera financé pour le service public le surcoût de cette mise en commun. Enfin ce sont les futurs ARS qui se voient confiée la mission d’organisation globale de ces soins non programmés. C'està-dire, par une agence éloignée du terrain et dont la préoccupation est de réduire le coût des dépenses remboursées. Cela doit faire craindre le pire, d’autant que la direction de ces agences sera probablement confiée à l’administration préfectorale dans un premier temps, ce qui n’est pas un gage d’écoute attentive des problématiques hospitalières.
Au niveau des territoires, organiser l’offre de soins hospitalière pour offrir qualité de service au meilleur coût.
Création de communauté hospitalière de territoire
Il s’agit sur la base des territoires de santé (entre 157 et
267) arrêtés dans les schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) de mettre en place un rapprochement des hôpitaux publics sous la forme de communautés hospitalières de territoires (CHT). Ce sera une nouvelle catégorie d’établissements publics avec une direction commune, une «taille critique», un certain nombre d’éléments clés de plateaux techniques (réanimation, soins intensifs en cardio, unité neuro vasculaire, si possible). Les CHT auront aussi la gestion des ressources humaines, des programmes d’investissements, des médecins et cadres, des fonctions logistiques supports, la certification et la gestion des comptes. Les CHU ont la faculté d’intégrer une CHT. Une évaluation des CHT est prévue dans les deux ans. Cette préconisation basée officiellement sur le volontariat, est en fait une obligation puisque les aides à l’investissement et à la contractualisation seront uniquement réservées à ces CHT. Cette opération permet de passer de un peu plus de 1200 établissements hospitaliers publics à moins de 300 CHT. Il sera donc possible de réunir les directeurs généraux de ces CHT très régulièrement au Ministère. Il s’agit d’une centralisation et d’une prise en main par le pouvoir central de la gestion des établissements hospitaliers par l’intermédiaire des CHT. Cela fait suite à la modification de la procédure budgétaire qui a imposé la remontée directe au ministère tous les quatre mois au plus des éléments budgétaires pour tous les établissements publics de santé. Ce faisant, le ministère sait en permanence où en sont les établissements. Demain avec les Directeurs des Communauté Hospitalières Territoriales, la tutelle sera totale par l’administration centrale du ministère.

Améliorer les conditions de prises en charge de l’offre de soins pour les cliniques privées.

Il s’agit de proposer un nouveau contrat de prise en charge du service public aux cliniques privées. Après avoir constaté, ce qui est de notoriété publique, que les cliniques privées lucratives fonctionnent avec les fonds de l’assurance maladie et que de véritables stratégies de groupes sont à l’œuvre, le rapport propose d’asseoir tout cela avec un nouveau contrat de service public pour les cliniques. Ce sont les ARS (2) qui seront chargées de cette mise en œuvre. Le rapport recommande de favoriser la consolidation du secteur privé à statut commercial en préconisant que la caisse des dépôts ou la mutualité puissent les soutenir. C’est assez extraordinaire, ce sont les fonds publics ou ceux des usagers avec la mutualité qui viendraient soutenir les groupes lucratifs pour lesquels ce sera un jeu d’enfants de faire apparaître de fausses difficultés financières, après prélèvement des profits, naturellement.
Devant la place prise par le privé lucratif dans l’offre de soins, le rapport propose de le consolider, de le pérenniser, de le renforcer.
Préserver l’avenir de l’hôpital public
Les règles de gouvernance.
Transformer le conseil d’administration en conseil de surveillance, le conseil exécutif en directoire. Passer d’un conseil d’administration à un conseil de surveillance, c’est acter un recul démocratique net puisque l’on passe d’administrer à surveiller. A noter au passage le fait que la présidence de ce conseil n’est plus réservée aux élus, mais est ouverte aussi aux personnalités qualifiées ; et le retour d’un représentant de la Caisse d’Assurance Maladie. Concernant le directoire, il est présidé par le chef d’établissement et vice présidé par le Président de la CME (3). Il sera resserré et réservé uniquement aux responsables de pôles. Ce directoire sera directement sous l’autorité du directeur de l’ARS, qui lui fixera une lettre de mission et pourra mettre fin aux fonctions du président et du vice président du directoire.
Cette nouvelle gouvernance marque un net recul démocratique et une mise sous la pression très forte du directeur de l’ARS, qui devient de fait celui qui fixe la feuille de route de l’établissement.
Dynamiser la gestion des directeurs d’hôpitaux. Sous le vocable de dynamiser ; il s’agit en fait, conformément au discours de Nicolas Sarkozy, d’ouvrir le recrutement des chefs d’établissements en dehors du corps des DH (Directeur d’Hôpital) et hors de la Fonction Publique. Le Centre National de Gestion aura à valider les qualifications des candidats. C’est un tournant très grave dans l’existence du corps de DH et plus globalement dans la vie des établissements hospitaliers.

Moderniser le statut de l’hôpital public

Il s’agit de sortir les hôpitaux du code des marchés publics, il est de plus prévu de mettre fin à une règle fondamentale de la comptabilité publique, c'est-à-dire de séparer les fonctions de coordonnateurs et de comptables. Sous couvert de modernisation, c’est le fondement du caractère public qui est remis en cause.

Développer  l’efficience
Les critères permettant de déterminer l’efficience ne sont absolument pas évoqués dans le rapport et en aucune manière il est fait état d’un contrôle démocratique des établissements de santé.

Offrir aux médecins des cadres souples et valorisants :
A côté du statut d’EPH, il est préconisé de développer un cadre contractuel, lié au code du travail. Il est tout à la fois fait référence à des grilles salariales locales et à une convention collective nationale. La procédure de nomination des médecins statutaires sera faite par l’ARS. C’est clairement le cheval de Troie pour l’éclatement et la suppression du statut d’EPH.

Les perspectives pour les personnels non médicaux
Sous couvert d’avoir une préconisation pour les personnels non médicaux, cette dernière prétend que le dispositif LMD  sera la réponse aux attentes de ces personnels. A noter au passage la notion de délégation d’actes pour laquelle il n’est là encore pas fait état de contrôles démocratiques. L’intéressement collectif fait partie des pistes de cette préconisation.

Développer l’enseignement et la recherche
Renforcer le pilotage de l’enseignement et de la recherche.
Là encore ce seront les ARS qui auront une place déterminante dans le pilotage inter régional.

Labelliser les équipes d’enseignement et de recherche
Il est proposé d’avoir une validation par les instances inter régionales des conventions hospitalo-universitaires privilégiant la complémentarité des différents CHU. Il est aussi fait état de l’identification de centres «d’excellence» en nombre limité sur le territoire. Cela positionne de plus en plus la notion d’inter région, c'est-à-dire les
« grandes régions » à l’échelle européenne. (8 au lieu des 22 actuelles).

Adapter la formation médicale et paramédicale Il s’agit essentiellement de décliner le numérus clausus au niveau régional.

Conforter le dynamisme de la recherche
Il s’agit de développer les coopérations avec l’industrie, avec le risque très fort d’une mise sous tutelle de la recherche vis-à-vis de l’industrie.

La mobilisation comme issue

Face à un tel enjeu de société, devant une telle volonté de régression sociale et sociétale il nous semble évident que la mobilisation, l’intervention des personnels, des
«usagers ayants droit» à la santé est la réponse adaptée. De nombreuses localités se dotent de comité de défense, des pétitions circulent pour la défense de la santé, le parti communiste est engagé dans de multiples initiatives pour défendre et promouvoir «une conception de la santé : réponses aux besoins de la population».
Il importe de permettre de faire connaître la réalité des attaques prévues et préparées par le pouvoir mais aussi de porter des propositions alternatives, d’ouvrir des perspectives pour les populations et les professionnels. Le parti communiste travaille à mettre à disposition ces réflexions. Cela fera l’objet d’une publication sous forme d’un livre blanc de nos propositions.

Fédération Hospitalière de France.
Agences Régionales de Santé.
Commission Médicale d’Etablissement.

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