Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Rassemblement du salariat et nouvelles conquêtes sociales

Pour Sarkozy l’illusionniste, les grèves auraient disparu… Il est vrai qu’elles passent inaperçues sous l’effet de la censure et le contrôle médiatique sans précédent qu’il exerce. Vouloir à ce point rassurer ses troupes Ump n’est pas un signe de force. Le gigantesque dévoiement de sens opéré lors de la campagne présidentielle a atteint ses limites. Les slogans «ensemble tout est possible» et «réhabiliter le travail» rompaient avec des discours politiques fatalistes de cogestion face à l’Europe et à la mondialisation financière.

La tentation du passage en force

Le réveil n’en a été que plus douloureux, avec la traduction dans les actes ultralibéraux. Flambée des prix alimentaires et de l’énergie, pressions multiples sur l’emploi et les salaires, « réécriture » du Code du travail, démantèlement de la fonction publique, privatisations relancées, comme à La Poste, mesures régressives sur le temps de travail et les retraites, atteintes aux libertés de toute nature dans la presse, la justice, le travail social…
Le mécontentement est aujourd’hui profond et s’exprime au niveau des votes (élections municipales), des luttes sociales et des sondages (chute de la cote de popularité  du président). Ce  qui contraint le gouvernement à adopter une deuxième phase : comment poursuivre ses objectifs avec une majorité du monde du travail désormais hostile à ces réformes ? Ce qui est proposé est de tenter de passer en force et d’annihiler toute possibilité de perspectives alternatives.
C’est pourquoi gouvernement et Medef accélèrent les réformes structurelles et orchestrent la montée des tensions dans le salariat entre cadres et non cadres, privé et public, entre statutaires et précaires et même au niveau d’inégalités territoriales.
Dans ce contexte, des constructions syndicales, dont l’unité reste à géométrie variable, donnent lieu à des mobilisations importantes, tout en modifiant la perception de l’opinion publique en particulier à travers l’action et la perception des sans-papiers à l’initiative de la Cgt, les luttes dans la fonction publique sur le service public à l’appel de la Cgt, de la Fsu et de Sud, la mobilisation Cgt-Cfdt sur la Rtt et les retraites dans le privé et l’axe unitaire
L’objectif syndical n’est pas un changement du pouvoir politique en soi. Il s’agit d’aller plus loin dans l’élaboration d’une riposte commune avec pour visée des conquêtes sociales concrètes jusqu’au plan international. Ainsi, la journée internationale pour un travail décent à l’initiative de la Csi (Confédération syndicale internationale) du 7 octobre est une première.
Accroître le rapport de forces pour résister, sortir du terrain patronal suppose de travailler à un nouveau paysage syndical.
Plusieurs défis sont posés au mouvement social qui interpellent le syndicalisme : le rassemblement du salariat, la convergence des luttes, l’élargissement du rapport de forces et la force du syndicalisme, de nouvelles conquêtes sociales pour changer la donne.
Il ne peut y avoir de raccourci dans la construction d’un rassemblement durable nécessaire aujourd’hui : les seuls slogans généraux, dénonciateurs ne suffiront pas.
Rassembler le salariat passe aujourd’hui par favoriser l’expression revendicative issue du vécu au travail pour élaborer des revendications «unifiantes». Aucun rassemblement durable ne s’opérera sur la base du ralliement à l’action d’une partie du salariat ou sur des soutiens par procuration.
La radicalité et le pragmatisme de la jeunesse, notamment diplômée, sont des atouts précieux pour dynamiser de nouvelles conquêtes sociales.

En terme d’objectif, la démarche de solidarité n’est pas de rendre les injustices supportables, de cogérer ou redistribuer la pénurie dans le salariat.

Le renouveau du syndicalisme est également un enjeu majeur

Donner plus de force au syndicalisme et construire une nouvelle représentativité syndicale. La position commune sur la représentativité syndicale constitue une avancée amenant une légitimité des syndicats par les salariés et non par le patronat ou l’État.
C’est une première étape qui doit nous permettre d’aller plus loin en matière de démocratie sociale. La faiblesse d’implantation syndicale dans les petites entreprises appelle l’égalité de chaque citoyen devant le droit syndical, c’est-à-dire l’élargissement des droits syndicaux et sociaux dans les Tpe et Pme, comme les élections  professionnelles,  dispositifs  Chsct…
Cet accord sur la représentativité peut aussi apporter des revers en l’absence de déploiement du syndicalisme et d’offre syndicale attractive à la hauteur des attentes du salariat.
Cette nouvelle représentativité syndicale favorise ainsi le rapprochement syndical ; reste à en choisir le sens et la conception syndicale. L’émiettement actuel du syndicalisme joue contre les salariés cultivant davantage la division et la concurrence que le pluralisme.
Dans les dernières années, la création de nouvelles organisations syndicales se constitue sur des bases trop souvent corporatistes et autonomes qui surfent sur le repli sur soi.
C’est tout le contraire de ce qui est nécessaire aujourd’hui. Dépasser les clivages corporatistes catégoriels et gagner sur les enjeux revendicatifs, qui sont
des enjeux de société, nécessite un syndicalisme interprofessionnel. L’attente des salariés d’un syndicalisme intègre, solidaire et revendicatif peut trouver là une nouvelle dynamique.
La ligne Sarkozy dans la gravité des réformes structurelles en cours pousse à accélérer ces transformations du syndicalisme pour reconstruire en profondeur le rapport de forces. Cela se joue dans les mois qui viennent avec les élections prud’homales qui seront perçues soit comme une concurrence stérile entre organisations syndicales, soit comme un espace ouvert pour exprimer un vote de résistance et de lutte.

Le besoin d’un projet politique émancipateur

Le monde du travail est aujourd’hui pénalisé par un rapport de forces politique qui lui est défavorable. Paradoxalement, le succès de Sarkozy à l’élection présidentielle s’est construit sur l’impuissance ou le renoncement de l’action politique face à la mondialisation financière et à l’appréhension de la réalité du travail et de ses transformations.
Si le syndicalisme a du mal à s’extirper parfois du terrain patronal, le politique ne peut se réduire de la même manière à débattre de contre-amendements au projet de l’Ump. C’est à l’élaboration d’un projet politique émancipateur intégrant les attentes du monde du travail qu’il doit s’atteler s’il veut retrouver une crédibilité.
Les tensions qui existent dans les rapports sociaux dans l’entreprise ou la cité ont aussi besoin d’être travaillées au plan politique car si c’est là que se joue le rassemblement ou la division du salariat, c’est là aussi que se joue la conscience politique ou le populisme.
Il y a un réel besoin d’une intervention politique qui ne vienne pas seulement en écho ou support des luttes. Cela appelle au développement d’un projet et d’un comportement politique qui soient vraiment initiateurs de luttes.
Ainsi par exemple, dans la rentrée qui se profile, aborder les moyens de répondre à la question de reconnaissance salariale des qualifications et celle du pouvoir d’achat qui cristallise tous les mécontentements, peut contribuer à ouvrir de nouvelles perspectives pour le monde du travail.

1) Secrétaire générale de l’Ugict-Cgt.

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