Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil

POLITIQUE INDUSTRIELLE : Entretien avec Daniel Paul, député communiste de Seine-Maritime

le 20 octobre 2009

POLITIQUE INDUSTRIELLE : Entretien avec Daniel Paul, député communiste de Seine-Maritime

Entretien avec Daniel Paul, député communiste de Seine-Maritime, sur la question de l'industrie française, la place de cet enjeu dans le débat politique et les propositions communistes.

Communistes : Commençons par l'état des lieux.

Daniel Paul : Il est préoccupant. Trois aspects parmi d'autres :

1) Depuis 20 ans, la recherche de rentabilité financière tient lieu de politique industrielle. Dans le même temps, la part des dividendes dans la valeur ajoutée est passée de 5 à 25 % ; depuis janvier 2009, 100 000 emplois industriels ont été perdus ; en 8 ans, la part de la France dans la production industrielle européenne a baissé de 25 %.

2) La recherche est une des clés de l'activité industrielle ; mais l'explosion du crédit impôt recherche (4 milliards d'euros en 2010 !) ne pallie pas les manques en recherche et développement (R&D) des entreprises privées qui voient le CIR comme un « revenu », un « effet d'aubaine ».

3) La crise accélère les processus de déstructuration des territoires, menaçant des milliers de sous-traitants et la transmission des savoir-faire.

Communistes : Quelle place la question industrielle occupe dans le débat politique ?

Daniel Paul :L'exigence d'une « politique industrielle » est au coeur de l'actualité, tant l'impact des restructurations pèse sur les territoires. En un an, 33 milliards d'exonérations sociales, dont 29 payés par les contribuables, ont creusé les déficits publics, 120 milliards sont sortis de France, au titre des investissements directs à l'étranger, 54 milliards de déficit du commerce extérieur…, autant d'indicateurs d'une politique qui soutient les capitaux des grands groupes et non les emplois industriels. L'exemple de l'industrie automobile est particulièrement probant. Alors, le pouvoir s'agite ; il veut donner le change, mais il entend aussi continuer d'adapter notre pays aux exigences du capitalisme financier et mondialisé.

Communistes : Quelles sont les propositions communistes ?

Daniel Paul :Je pointe les exigences les plus importantes : - Les salariés doivent disposer de droits d'intervention, pour peser, y compris sur les stratégies des entreprises. L'emploi industriel est à encourager et à rémunérer à sa juste valeur : ce n'est pas un obstacle à la compétitivité, comme le prouve l'Allemagne. Nous demandons l'arrêt des aides financières sans contrepartie en termes d'emplois, de qualifications et de R&D et sans évaluation de leur impact réel ; les exonérations de cotisations sociales patronales doivent cesser. Les PME et PMI ont besoin d'outils pour financer leur développement : nous proposons la création, dans chaque région, de « fonds publics pour l'emploi », à partir du redéploiement des aides régionales aux entreprises ; à l'intérieur d'un « pôle public bancaire », nous proposons la mise en place d'un « fonds mational pour l'emploi », disposant des sommes non versées au titre des aides publiques diverses. Nous rejetons à la fois l'industrie productiviste et l'écologie anti-industrielle. L'activité industrielle, à l'opposé de la mondialisation actuelle, doit conjuguer les aspects qualitatifs, quantitatifs, sociaux, démocratiques, environnementaux et une gestion maîtrisée des ressources naturelles. Une politique publique industrielle moderne doit porter des stratégies de filières, dans des secteurs émergents et/ou stratégiques (énergie, télécoms...), intégrant recherche, innovation, développement, formation et production, mais aussi dans des activités plus traditionnelles, en veillant aux cohésions territoriales. La présence de l'Etat, au niveau nécessaire, dans le capital d'entreprises stratégiques visera leur sauvegarde et leur développement. Ces propositions rejoignent les luttes pour défendre l'emploi et l'outil de travail ; elles s'appuient aussi sur le fait que, malgré les coups, le poids de l'ensemble « industrie » et « services à l'industrie » pèse toujours 30 % du PIB et reste déterminant. Propos recueillis par Gérard Streiff