Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Fusion IR/ CSG : quelle réforme fiscale voulons nous ?

A la veille des discussions préparatoires de la loi de finances 2015 et alors que vient d’avoir lieu le débat sur le projet de budget rectificatif de 2014 portant sur le pacte de responsabilité, le débat sur les prélèvements fiscaux est relancé. Il intervient sur fond  d’une situation économique et sociale en profonde dégradation. Chômage et précarité progressent avec une prévision de 103 000 privés d’emplois supplémentaires fin 2014 selon l’UNEDIC. La croissance reste atone se situant à zéro pour cent au cours des trois premiers mois de l’année. Et les prévisions de croissance pour la France comme pour l’Europe, ne donnent pas beaucoup de raisons d’espérer en un redémarrage. La BCE elle-même s’en inquiète fortement ayant décidé d’abaisser son taux directeur de moitié en le portant à 0,15% afin de relancer l’activité.

Pour autant, le pacte de responsabilité de F. Hollande qui consiste à distribuer                 53 milliards d’euros au Medef sera appliqué sans hésitation comme l’a rappelé dernièrement le Premier Ministre. Une nouvelle fois cette offrande au capital va se traduire par des coupes supplémentaires dans les dépenses publiques et sociales :
-    18 Mds € dans les dépenses de l’Etat par le gel du point d’indice des fonctionnaires et la poursuite des suppressions d’emplois,
-    11 Mds € dans les dépenses de protection sociale et le des retraites,
-    11 Mds € d’économies sur les dotations aux collectivités territoriales.  

S’agissant du différentiel, il sera trouvé dans la poche des contribuables avec la hausse notamment de la TVA, l’augmentation des cotisations sociales et l’installation de la fiscalité verte. A propos de cette dernière, les derniers tripatouillages au sujet de l’écotaxe visant à la transformer en une sorte de droit de passage dans certaines zones ou villes, montrent que cette fiscalité n’est qu’une fiscalité additionnelle venant notamment remplacer la baisse des prélèvements sur les entreprises et impactant au final les revenus des ménages. Cette taxe n’est pas sans rappeler un certain octroi, contribution indirecte perçue autrefois par les municipalités à l’importation de marchandises sur leur territoire. Signalé dès le XIIème siècle à Paris, servant à financer l'entretien des fortifications et les travaux d'utilité publique, il devait se généraliser par la suite pour être supprimé par l’assemblée Constituante en 1791, puis rétabli par le Directoire en 1798 et enfin définitivement supprimé en 1943. Referait-il surface aujourd’hui ?

Cependant, il est à craindre que la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures, ne fournisse pas au gouvernement les moyens suffisants pour équilibrer budgétairement le pacte de responsabilité. Une des causes de cette inquiétude est la faiblesse des rentrées fiscales. Sur le montant estimé de recettes fiscales pour 2013, 11 Mds € manquent à l’appel. Pour 2014 se dessine un scénario identique avec une prévision de manque à recouvrer dores et déjà évalué à 6 Mds €. On ne peut manquer de replacer ces résultats dans le contexte fiscal général de ces dernières années marqué particulièrement par des hausses significatives d’impôts décidées par N Sarkozy puis par F. Hollande représentant une augmentation des prélèvements fiscaux de 60 Mds € (2/3 supportés par les ménages, 1/3 par les entreprises). On constatera que malgré ces hausses d’impôts, les recettes fiscales demeurent largement en retrait des prévisions. La cause essentielle de cet état de fait est la baisse d’activité et la chute de la consommation qui impactent durement l’assiette des prélèvements fiscaux.
Dès lors, il y a de quoi s’interroger sur l’efficacité de mesures qui ne font qu’ajouter de l’austérité à l’austérité et enfoncent la France dans le marasme économique et social, lui dessinant un avenir à la grecque.  Le souci de questionner la nature et l’efficacité des prélèvements fiscaux est légitime et même salutaire. Cependant il s’agit de mesurer la portée des propositions de réformes avancées, dont certaines refont d’ailleurs régulièrement surface et dont l’application risquerait de n’être que des leurres. Telle semble être le cas de la proposition de fusion entre l’impôt sur le revenu (IR) et la contribution sociale généralisée (CSG), ou alors dans une version soft, de l’instauration d’une progressivité de la CSG.

Cette proposition qui faisait partie du programme du candidat Hollande, est à la fois socialement injuste et économiquement inefficace. Cela pour deux raisons essentielles. D’une part, cette proposition ne concerne que les revenus des personnes et laisse donc indemnes les bénéfices des entreprises. De l’autre, elle travaille une transformation radicale des prélèvements fiscaux et sociaux dans notre pays.

A cet effet, il n’est pas inutile de rappeler les attendus d’un rapport sur le sujet émanant des services du Ministère des Finances, tenu secret et révélé au cours de la première semaine de décembre 2013. Ce rapport faisait suite à étude réclamée par le parlement conduite par la direction de la législation fiscale et la direction de la Sécurité sociale et bouclée en 2012.
Ce rapport présente trois scénarios testés à partir de  schémas plus ou moins redistributifs (les variantes portent essentiellement sur les hypothèses retenues en matière de quotient familial et de quotient conjugal et les barèmes comprennent une dizaine de tranches de 0 % jusqu’à 51 % ou 55 %), tous étant à produit constant et sur la base d’une assiette intermédiaire entre la CSG et l’IR. Dans tous les cas, le nombre de perdants excède 9 millions de foyers, et  35 % à 45 % des perdants disposent de moins de 26.000 euros de revenus. En outre, près de 1 million de foyers perdants déclarent moins de 14.000 euros de revenus. Les familles avec enfants apparaissent également perdantes du fait qu’« une partie des sommes consacrées à la famille est dirigée vers les non-imposables. »
Qu’ajouter de plus à une telle démonstration ? Sauf à repréciser les quatre points suivants et à souligner une sorte d’incongruité.
1- Que ce soit la proposition de fusion IR/CSG ou de progressivité de la CSG, les deux visent à installer la CSG de façon quasi définitive dans le paysage des prélèvements obligatoires de notre pays alors qu’une alternative de progrès à un tel prélèvement, consiste à l’abandonner progressivement.
2- Avec une CSG progressive, une large porte s’ouvre à sa fusion avec l’IR, lui-même progressif. Et faisant d’une pierre deux coups, se concrétiserait l’idée consistant à faire payer de l’impôt direct sur le revenu dès le premier euro de ressource. Un choix qui participerait à maintenir les revenus, notamment les salaires, à un bas niveau et qui dégagerait la voie pour de futures augmentations de taux avec un risque d’ augmentation de la pression fiscale sur les plus faibles revenus alors qu’elle atteint déjà des sommets.
3- Dans les faits, les propositions autour de la CSG et de l’IR visent profondément à modifier la nature des prélèvements fiscaux et sociaux dans notre pays. Il s’agit de poursuivre et d’accélérer le désengagement des entreprises du financement  des budgets publics et sociaux. Fiscalement en augmentant l’impôt des personnes et en baissant l’impôt des entreprises (Impôt sur les sociétés –IS- et impôt local). Socialement en transférant le financement de la sécurité sociale des cotisations patronales vers la fiscalité des personnes. Une tendance que les chiffres actuels confirment. Le produit de la CSG devrait être en 2013, 90,5 Mds € représentant 20,4% des recettes du régime général de la sécurité sociale, le rendement de l’impôt sur le revenu étant de 67 Mds, (+ 12,5 % par rapport à 2012).
4- In fine, se dessine l’introduction de la retenue à la source. Après la suppression du financement de la branche famille par les entreprises, la progressivité de la CSG et sa fusion programmée avec l’IR seraient un motif supplémentaire de mise en cause du quotient familial. Et chacun sait qu’une fois le quotient familial abattu, la voie royale s’offrirait à la retenue à la source pratiquée d’ailleurs exclusivement sur les revenus salariaux; faisant des entreprises le collecteur de l’impôt, tendant à rendre indolores les prélèvements fiscaux sur les revenus modestes et moyens et préfigurant le rattachement à cette retenue de la taxe d’habitation dont on sait, dans la configuration actuelle,  le poids fiscal qu’elle pourrait prendre dans le budget des ménages.
Enfin on ne peut manquer de s’interroger sur l’insistance à trouver une totale nouveauté à la proposition de progressivité de la CSG. La CSG, telle qu’elle est aujourd’hui, même si son taux principal est de 7,5%, s’applique déjà selon une diversité de taux bien réelle tenant compte dans les faits, de la capacité contributive de certains contribuables, voir le tableau en annexe.
Par ailleurs, peut on vraiment parler de progressivité lorsque les taux marginaux proposés seraient à l’horizon 2017 de 6,5% pour les revenus entre 12 000 € et 26 000 € et de 8% entre 71 000€ et 110 000 € ?
S’il y a un aspect essentiel sur lequel il est possible que le plus grand nombre s’accorde à gauche, c’est sur l’urgence et la nécessité d’une réforme de la fiscalité et de ses prélèvements. Mais une réforme progressiste qui ambitionne une toute autre redistribution de la richesse soutenant un nouveau mode de sa production avec des critères de prélèvement fondés à la fois sur une  meilleure répartition et une nouvelle incitation.
En la matière, il y a un travail considérable à mener tant les recettes fiscales ont été amputées au cours des dernières décennies.  Gilles Carrez, lui même constatait dans un rapport rendu public en 2010 que les recettes fiscales avaient été amputées de 120 Mds € entre 2000 et 2010 sous l’effet des différentes réformes conduites au cours de cette période. Si on effectue le même travail sur la période 2009-2013, ont atteint en montant cumulé, le double.
Enfin l’impôt est au coeur d’une âpre bataille idéologique sur les enjeux de financement. A grand renfort de médias à la botte, une entreprise de culpabilisation des couches les plus modestes est orchestrée notamment autour de l’idée que payer l’impôt est un acte citoyen et que ceux qui en seraient exonérés ne seraient finalement pas dignes de ce qualificatif. Naturellement derrière ces propos il n’est question que des impôts directs, impôt sur le revenu et taxe d’habitation. Pas un mot sur les taxes indirectes (TVA, etc…) que tout le monde paye, y compris les plus pauvres à partir du moment où ils ont encore la possibilité de se nourrir. L’objectif recherché par les libéraux est d’accroître la contribution des couches les plus modestes et l’opération de fusion IR/CSG participe de cette entreprise.
Par ailleurs deux autres principes sont largement passés sous silence. Primo,  le  fait que l’impôt doit être payé en fonction des capacités contributives réelles de chaque personne ou foyer fiscal. Sous-entendu, que l’effort de contribution de chacun soit justement réparti entre les plus riches et ceux qui le sont moins, c’est-à-dire selon une progressivité effective et non factice que ce soit du fait des taux appliqués et/ou des dispositifs de défiscalisation proposés. Secundo, l’emploi des recettes fiscales que procurent les prélèvements fiscaux. Actuellement beaucoup insistent à juste titre sur le caractère illégitime d’une partie de la dette publique. Cette question est presque toujours liée au débat sur la mobilisation des banques et de la BCE au premier chef, pour prendre en charge le remboursement de la dette. Par contre s’agissant des hausses d’impôts, personne n’évoque leur possible illégitimité alors que chaque prélèvement supplémentaire est actuellement exclusivement destiné au remboursement de la dette, intérêts et charges compris. Si une réforme fiscale est nécessaire, sa légitimité et son efficiente ne seront reconnues, donc acceptées par le plus grand nombre,  qu’à partir du moment où les recettes fiscales nouvelles serviront de levier à une relance tournée vers la satisfaction des besoins sociaux et non vers le renflouement des marchés financiers.
                             
-Voir tableau ci-après :

La CSG en chiffres

Que représente le prélèvement effectué au titre de la CSG, quelle est son assiette, quels sont ses taux ? Autant d’éléments utiles pour nourrir le débat sur son devenir. Le tableau ci-dessous tente de résumer la situation.

Cotisation sociale, la Contribution Sociale Généralisée (CSG) a été créée en 1990 pour diversifier les sources de financement de la Sécurité sociale. Elle devrait rapporter au final 90,5 milliards en 2013 et représenter 20,4% du financement du budget général de la sécurité sociale.

Revenus concernés
Revenus exonérés
Taux de prélèvement

Revenus d’activité ou de remplacement :
-    Salaires,
-    Traitements,
-    Somme de la participation et de l’intéressement,
-    Plan d’épargne entreprise,
-    Pensions retraites,
-    Allocations chômage,
-    Préretraite,
-    Indemnités journalières pour maladie, maternité, accidents

Ils représentent 74% du produit de la CSG
Revenus d’activité ou de remplacement :
Ø    Allocation logement social (ALS)
Ø    Allocation familiale
Ø    RSA
Ø    Certaines pensions de retraite et d’invalidité et allocations chômage sous certaines conditions
Ø    Bourses d’étudiant
Ø    Pensions alimentaires
Ø    Allocations adultes handicapés
Ø    Les allocations d'assurance veuvage,
Ø    Les rentes viagères
Ø    Les capitaux versés aux victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles,
Ø    Les pensions militaires (invalidité et victimes de guerre)
Ø    Retraite du combattant

Taux général
Ø    7,5% pour les revenus d'activité (avec un abattement de 1,75% sur le montant des salaires, dans la limite de quatre fois le plafond SS) et sur les allocations de preretraite dont la prise d'effet est postérieure au 11 octobre 2007.
Taux intermédiaire
Ø    6,6% pour les allocations de retraite, préretraite (avant le 11/10/2007) et d'invalidité. Avec une exonération de CSG pour les plus faibles revenus.
Taux semi -intermédiaire
Ø    6,2% pour les autres revenus de remplacement (indemnités chômage, journalière, etc.).
Taux réduit
Ø    3,8% pour les chômeurs dont l'impôt sur le revenu de l'année précédente est inférieure à 61 €.

Revenus du capital :
-    Capitaux mobiliers
-    Revenus fonciers
-    Revenus de l’épargne

Ils représentent 26 % du produit de la CSG
Ø    Livret A,
Ø    Livret jeune,
Ø    LDD
Ø    Livret d’épargne populaire.

Ø    8,20 % des revenus du patrimoine et de placement,
Ø    9,50 % des sommes engagées ou redistribuées dans les jeux (avec des assiettes variables selon les jeux)

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