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Qu'est ce que le néolibéralisme ? Interview de F. Boccara au Quotidien du peuple

Comment expliquez-vous le néo-libéralisme? D'après vous, qu'est-ce que le néo-libéralisme? Quelles sont ses racines historiques, sociales et économiques? Quelles sont ses principales caractéristiques?

Le néo-libéralisme est une idéologie et une politique qui dominent dans le capitalisme mondialisé et financiarisé.
Il exacerbe les marchés au nom de la libre concurrence systématique. Il s’oppose à l’intervention publique, prône les privatisations des entreprises publiques.
Une raison fondamentale  de la montée du néo-libéralisme, c’est de récupérer de façon capitaliste la révolution technologique informationnelle de partage des informations au service des firmes multinationales et de leur rentabilité, avec des partages monopolistes à l’échelle internationale au lieu d’entreprises publiques purement nationales.
Une autre raison est l’exigence de rentabilité financière des capitaux face aux difficultés de la crise économique systémique depuis le début des années 1970, et à la montée des gâchis des dépenses publiques.
Il y a enfin la montée des idées conservatrices et de droite contre les idéologies socialistes antérieures qui se sont effondrées au niveau mondial.

Vous estimez qu'il est indispensable de rendre compte de sa dimension plurielle. Pourriez-vous nous expliquer un peu cette réflexion?

 Le néo-libéralisme a des dimensions économiques, politiques et idéologiques. Il prétend promouvoir la liberté. En réalité, c’est la liberté du « renard libre dans le poulailler libre ». C’est un rejet des droits et pouvoirs démocratiques des citoyens et des travailleurs sur la gestion des entreprises et sur l’économie.
La dimension plurielle est aussi géographique.
La social-démocratie, en France et en Europe,  s’est convertie à cette domination des marchés financiers.
Les politiques impérialistes des États-Unis, du dollar et de leurs multinationales mettent en rivalité les travailleurs du monde entier et s’efforcent de dominer les pays émergents, même si ceux-ci peuvent aussi tirer part des relations nouvelles de façon indépendante. Sur 300 Mds de $ d’excédent commercial de la Chine, les firmes multinationales ressortent plus de 200 Mds de $ de profits financiers et de revenus vers l’étranger.

Historiquement, y a-t-il des erreurs dans la pratique du néo-libéralisme? Si oui, lesquels par exemple?

On ne peut pas parler d’erreurs, mais de tromperie et de ravages. La tromperie, c’est de prétendre à ce grand idéal de liberté. Alors que plus les pays suivent les préceptes néo-libéraux, plus les droits démocratiques reculent, avec une dictature des marchés financiers. C’est la liberté de licencier à tout va.
Les ravages, c’est la contribution du néo-libéralisme en Europe aux politiques d’endettement sur le marché  financier et aux politiques d’austérité contre les dépenses publiques, les services publics, l’emploi, les salaires.

La crise financière internationale de 2008 a-t-elle mis en évidence les insuffisances et les limites du néo-libéralisme?

La crise financière internationale de 2008 a fait éclater, non pas les insuffisances, mais les contradictions du néo-libéralisme, avec un cortège de misère et d’appauvrissement de Detroit (USA) à Athènes en passant par les banlieues de Paris, Madrid, etc.,  les énormes endettements des ménages, des entreprises, des Etats. Après  des mesures étatiques de compensation, on a recommencé à suivre les préceptes du néo-libéralisme. Les États se sont vu imposer une austérité terrible en contrepartie des aides reçues, mais la BCE a fourni 1.000 Mds d’euros aux banques sans aucune condition.
En réalité, il y a besoin de changements très profonds face aux défis politiques et de civilisation.

La question est selon quelles règles faut-il utiliser l’argent. Changer les principes du crédit, avec des crédits bancaires à bas taux, d’autant plus bas que les investissements  programment  plus d’emploi et de formation. Mettre en œuvre d’autres critères de gestion des entreprises, basés sur l’efficacité du capital et la valeur ajoutée disponible pour les travailleurs et la population, au lieu de la rentabilité financière et du profit. Transformer profondément le FMI en un FMI de création monétaire pour les besoins des peuples, avec une monnaie commune mondiale émancipée du dollar, à partir de Droits de Tirages Spéciaux.

Pensez-vous que le néo-libéralisme s'applique à la réalité chinoise? D'après vous, est-ce qu'il peut résoudre des problèmes de la Chine ou est-ce que la Chine doit compter sur ses propres pratiques innovantes pour résoudre ses problèmes?

La Chine est en mesure d’apporter des réponses originales à ce défi avec ses propres pratiques. Le défi est celui d’une autre croissance contre la domination du capital financier, en développant les salaires, la protection sociale et les services publics (recherche, formation, santé, retraites). Ces dépenses ont deux faces : une amélioration de l’efficacité productive côté offre, et une demande plus intérieure et moins matérielle. A l’opposé des économistes dominants qui préconisent pour la Chine plus de … marché financier. Exactement la recette qui ne marche pas chez nous !

Monte aussi le défi d’autres alliances de la Chine particulièrement avec les pays émergents et les pays européens, pour une autre logique que celle du capital financier, le développement des dépenses publiques et sociales, des salaires, de la formation, pour des nouveaux pouvoirs.

Comme je l’ai développé lors du colloque organisé en octobre 2013 à l’Académie des sciences sociales de Beijing, il y a besoin d’une tout autre coopération internationale, d’alliances pour une autre construction mondiale. Il s’agit de « dépasser » les marchés avec d’autres règles. Cela participerait  à un renversement de la dite révolution néo-libérale.

Interview parue dans Le quotidien du peuple chinois sur le libéralisme: versionfrançaise.

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