Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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CN des 14 et 15 juin - Rapport introductif de Pierre Laurent

Cher-e-s camarades,

Notre Conseil national est d'une grande importance. Dans une situation qui évolue très rapidement, nous devons prendre des décisions structurantes pour notre action, pour la gauche, pour le pays. Les réflexions et décisions que je vais vous soumettre sont issues d'un séminaire de travail que le Comité exécutif national a tenu les 4 et 5 juin derniers. Voilà les propositions qu'il m'a chargé de vous soumettre.

Les résultats des deux élections municipales et européennes, qui viennent de se tenir au premier semestre 2014, marquent le basculement dans une nouvelle séquence politique du quinquennat de François Hollande. Nous sommes entrés dans une période de recompositions politiques intenses. Des équilibres nouveaux vont se construire. La période 2014-2017 peut être celle de tous les dangers. Elle est pour nous celle où il est impératif d'ouvrir la voie à un nouveau possible. En effet, cumulés, les résultats, de mars et de mai, constituent un désaveu cinglant de la politique menée par le Président de la République et ses gouvernements depuis 2 ans. Jamais la cote de popularité d'un Président de la République n'a été aussi désastreuse, mais surtout, aucun indice de redressement ne se dessine, bien au contraire

Ces résultats marquent un approfondissement global et très inquiétant de la crise politique, avec une abstention massive, un discrédit grandissant de la politique, assimilée à l'impuissance et au reniement, un brouillage croissant des repères politiques, une dynamique et un enracinement à un niveau record du vote Front national.

Cette situation fait courir de graves dangers au pays et à la démocratie. Tandis qu'une part croissante des électeurs peuvent s'installer dans une abstention structurelle, le recours au Front national est, lui, banalisé par des millions d'autres électeurs, et cette banalisation pourrait croître encore si continue à s'installer comme une fatalité l'idée que, quels que soient les responsables politiques portés au pouvoir, ils ne feront que mettre en œuvre toujours et encore les mêmes choix politiques.

Ces risques peuvent-ils être conjurés ? Oui, mais à une condition : que s'affirme dans le pays un projet porteur d'espoirs et de mieux vivre pour les travailleurs et leurs familles, pour les jeunes, un projet de sortie de crise solidaire, un projet pour le redressement de la France, un projet de gauche, un projet de société alternatif et crédible face aux logiques de la concurrence capitaliste et au désastre de la politique gouvernementale actuelle.

Qu'est-ce qu'un tel projet ? C'est, comme nous le disions au congrès de 2008, « le contenu des transformations nécessaires et les moyens politiques de leur réalisation », c'est-à-dire « les luttes, les rassemblements, les dynamiques, les majorités citoyennes et politiques susceptibles de porter ces réformes ».

Nous ajoutions que cela suppose « l'articulation entre des constructions populaires pour bâtir et porter ces projets, des constructions unitaires avec des cadres, des fronts, des alliances adaptés aux contenus portés et aux échéances affrontées ; et la recherche du rassemblement de la gauche le plus large possible sur ces idées de transformation ».

Et nous disions enfin : « Ces dimensions se nourrissent les unes des autres, mais n'avancent pas forcément toutes du même pas. Il faut plutôt savoir provoquer et saisir toutes les occasions de progresser. Il n'y a pas d'automatisme. C'est en travaillant de manière conjuguée et permanente à toutes ces dimensions d'une construction politique majoritaire de changement qu'elle peut réussir. »

Nous voilà à nouveau au pied du mur, dans des conditions que les élections de 2014 viennent de redessiner.

Comment relancer notre initiative politique stratégique pour rouvrir, d'ici à 2017, une perspective de transformation sociale, politique et démocratique crédible ?

Voilà ce dont nous devons discuter. Mon rapport sera pour cette raison davantage tourné vers les décisions qu'il nous faut prendre, qu'un rapport de diagnostic et d'analyse.

L'heure est à la réflexion, bien entendu, mais elle doit être menée dans l'action car l'heure est surtout à l'initiative politique. L'importance des décisions à prendre et leur mise en œuvre appellent l'implication de tous les communistes. À mi-chemin de la période dans laquelle nous entrons, se tiendra notre congrès qui se situera normalement et statutairement au printemps 2016. J'en dirai un mot tout à l'heure. Mais d'ici là et sans attendre, les communistes ressentent le besoin de faire le point pour être plus efficaces dans la bataille.

 

Je vous propose que le Conseil national convoque, pour les 8 et 9 novembre prochains, une Conférence nationale du Parti à cet effet.

 

Nous pourrions également décider ce week-end des campagnes d'actions politiques pour faire face à la situation ainsi que des initiatives immédiates de relance de notre travail de projet et de notre stratégie de rassemblement. La Conférence nationale pourrait en faire le point, et pousser l'élaboration collective et partagée, et prendre les nouvelles initiatives appropriées.

Compte-tenu de l'importance des propositions que je vais vous soumettre, il sera nécessaire que dans les fédérations et les sections soit impulsé un travail de mise à disposition de nos débats et de nos travaux. Cela devra se faire tout l'été jusqu'à la Fête de l'Humanité et se prolonger dans la préparation de la Conférence nationale. Nous pourrions adopter, pour faciliter ce travail, un relevé de nos décisions convoquant la Conférence nationale. Je vous présenterai une série de réflexions sur la situation politique en guise d'introduction à nos débats et, ensuite, j'exposerai les propositions soumises à votre approbation.

Nous sommes dans une situation de crise gravissime et inégalée pour trois grandes raisons :

  1. La crise capitaliste ne s'atténue pas, elle s'aggrave.

Non seulement, la crise structurelle du système capitaliste dans laquelle nous sommes engagés depuis 2008 n'est pas terminée, mais elle n'est pas non plus en voie d'atténuation. Les antagonismes qu'elle génère ne cessent de s'aiguiser

Les grands intérêts financiers et capitalistes, auxquels la révolution néo-libérale a donné le pouvoir sur la conduite des affaires économiques du monde dans les années 80 et 90, n'en finissent pas de faire payer l'addition de leur crise aux peuples. Leurs exigences de rentabilité sont à la mesure des immenses gâchis financiers qui génèrent leur course hyper-concurrentielle aux profits. La compétitivité, c'est pour eux la volonté de faire dominer, en toutes circonstances, le plus haut niveau possible de rentabilité des capitaux pour les actionnaires.

Pour y parvenir, les moyens sont clairs :

1. Des pressions continues et généralisées sur le coût du travail et le niveau des dépenses sociales ;

2. Une guerre exacerbée pour le contrôle des ressources, des marchés, des technologies et des brevets.

Tant que ces logiques hyper-concurrentielles au service de la rentabilité maximum perdurent, aucune accalmie durable de la crise n'est possible. D'autant que les immenses gains de productivité permis par les progrès de la révolution numérique et des nouveaux sauts technologiques et scientifiques, au lieu servir le progrès humain et le partage, sont asservis à ces objectifs et décuplent la pression contre l'emploi.

Tant que les pouvoirs politiques et économiques ne sont pas remis au service d'autres objectifs, pour le développement humain, social et écologique, l'offensive engagée en Europe pour abaisser durablement l'ensemble du niveau des systèmes sociaux ne cessera pas.

Chaque jour, nous le voyons, en France, le chantage patronal pour toujours plus d’exonération pour le capital et toujours moins de salaire est sans fin. Il en est de même pour le laminage des dépenses de protection sociale et de services publics.

De même, nous assistons à une exacerbation chaque jour plus importante des contradictions et des guerres économiques entre puissances capitalistes pour la domination des uns sur les autres. L'offensive contre Alstom ou celle des États-Unis contre BNP-Baribas en sont l'illustration. La plupart des groupes français du CAC 40 sont en ce moment dans le collimateur des appétits capitalistes internationaux, comme on le voit avec PSA ou Sanofi.

La volonté d'imposer le traité de libre-échange transatlantique et ses tribunaux d'arbitrage au-dessus des États relève de la même logique.

La construction européenne est, quant à elle, tout à la fois guidée par ces objectifs et, en même temps, minée de l'intérieur par ces dogmes de la concurrence à outrance, mettant en danger l'idée d'une union des peuples et des nations au profit d'une relance des nationalistes agressifs. Ces rivalités de puissance pour la conquête des ressources, des marchés, et le contrôle de zones régionales entières peuvent même conduire à la guerre, comme on le voit en ce moment en Ukraine.

Les réponses des forces capitalistes à leur propre crise entraînent de graves déstabilisations de notre société. Le chômage de masse s'installe à des niveaux records, privant une partie croissante de la jeunesse de tout avenir. La précarité devient la règle dans l'emploi et la vie sociale. L'appauvrissement des services publics comme les reculs de la protection sociale provoquent des ruptures de solidarité qui conservent des pans entiers de la société. Les richesses créées par le travail, pourtant plus grandes que jamais, sont captées et gâchées par les coûts du capital. Du même coup, l'argent dilapidé dans la guerre financière manque pour construire des logements accessibles à tous, protéger notre industrie et sauver Alstom de la vente à la découpe, investir dans la SNCF, le ferroviaire et les transports publics, réussir une belle et vraie réforme des rythmes scolaires, et lutter contre les inégalités face au droit à l'éducation, investir dans la transition écologique et la mutation de nos systèmes productifs au service des besoins humains.

Le pays tout entier s'inquiète pour la France, pour son avenir, sa jeunesse, perd confiance dans son destin solitaire et collectif. La peur du déclassement gagne du terrain contre les valeurs de solidarité et d'égalité.

Les intérêts capitalistes menacent d'ailleurs maintenant ouvertement les nations et leurs structures démocratiques.

Dans toute l'Europe, le pouvoir des Parlements est bafoué, les constitutions, comme au Portugal, sont directement mises en cause, des réformes territoriales sont partout exigées pour diminuer les échelons démocratiquement élus et façonner des régions directement impliquées dans les logiques de concurrence, d'attractivité, et de compétitivité. L'ambition d'égalité est partout battue en brèche.

 

  1. Le grave échec de la politique de François Hollande.

 

La deuxième cause d'amplification de la crise est le grave échec de la politique mise en œuvre, depuis deux ans, par François Hollande. Cet échec est économique, social, politique et démocratique. Il avait promis l'inversion de la courbe du chômage, c'est l'inverse. Il a créé un ministère du redressement productif, l'hémorragie industrielle continue. Le pays attendait la rupture avec l'agressivité des politiques sarkozystes contre nos systèmes sociaux et nos services publics. Ces attaques sont amplifiées par le plan Valls et la réforme des collectivités territoriales imposée aux forceps. L'éducation devrait être la priorité. Aucun plan de lutte contre les inégalités n'a vu le jour et la réforme des rythmes scolaires est un incroyable gâchis.

Le désaveu entre le pays et le pouvoir exécutif est extrêmement profond, et on voit mal comment le fossé créé pourrait se résorber. Car cet échec a une cause : le zèle avec lequel François Hollande a endossé les mauvaises recettes de la baisse du coût du travail et des dépenses publiques, et de la compétitivité à outrance.

Non seulement cette politique entraîne l'explosion continue des difficultés sociales et des inégalités là où un pouvoir de gauche est censé les résorber, mais elle affaiblit la France, en offrant des pans entiers de son potentiel aux appétits capitalistes. Le pire c'est que le pouvoir, tout en renonçant à parler haut et fort en Europe pour ré-ouvrir la voie d'une Europe sociale et solidaire, n'a rien trouvé de mieux, pour prétendre continuer à jouer un rôle international de premier plan, que de s'affirmer sur le terrain atlantiste et guerrier. Ainsi, la France de François Hollande est quasiment devenue le plus va-t-en-guerre des grands pays capitalistes.

 

  1. Une crise politique sans précédent.

 

La conséquence de cette situation est l'accélération spectaculaire de la crise politique que connaît notre pays, en réalité depuis plus de 10 ans, singulièrement depuis 2002, date à laquelle Jean-Marie Le Pen s'était qualifié pour le second tour de l'élection présidentielle.

Au fil de cette décennie, l'alternance des espoirs montants et des graves déceptions a usé notre peuple. Une profonde défiance à l'égard des responsables politiques n'a cessé de se renforcer, accrue encore par la succession des scandales touchant les deux partis dominants, du scandale Cahuzac à l'affaire Bygmalion. La marque la plus spectaculaire de cette défiance est l’installation d'une abstention structurelle, en constante progression sur cette période. L'autre phénomène est un brouillage croissant des repères politiques, notamment des repères gauche-droite, même si la majorité des Français continue de s'identifier sur cet axe des valeurs gauche-droite.

Phénomène de longue période, cette crise politique prend toutefois un tournant nouveau sous l'effet de la transformation des forces politiques.

 

1. La première de ces transformations a été engagée dans la droite, à partir de 2007, sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy. Les années Sarkozy ont imposé une droite brutale, offensive, radicalisée, convertie sans complexe, aux thèses ultra-libérales, entièrement dévouée au service des intérêts capitalistes, sans recherche de compromis entre le capital et le travail, mais cherchant au contraire la soumission du travail aux exigences du capital. Les années Sarkozy sont aussi celles de la recherche d'une synthèse avec les franges les plus antirépublicaines de la droite et les courants populistes et néo-souverainistes que la crise du système secrètent au sein des forces capitalistes elles-mêmes comme on le voit dans toute l'Europe.

2. La seconde transformation est celle engagée par le Front national à partir de 2010, avec l'arrivée de Marine Le Pen à sa tête, une nouvelle synthèse a été engagée sur fond de recomposition à droite entre, d'une part, les idées racistes, nationalistes et xénophobes de ce courant qui place au cœur de son projet la préférence nationale et cultive le rejet de l'immigration et de l'islam comme alternative à l'identité nationale et, d'autre part, la captation des inquiétudes sociales identitaires et culturelles, au service de la dénonciation du système politique et de sa corruption, et finalement de l’État républicain et de sa devise Liberté-Égalité-Fraternité. Les élections européennes viennent de montrer combien ce projet politique sur fond de délitement social et d'absence d'espoir à gauche pouvait devenir attractif, efficace et dangereux. Il est évident que le défi qu'il nous adresse est d'une ampleur inédite. Il ne sera pas combattu par l'appel au réflexe républicain, donc on voit bien qu'il est désarmé par l'ampleur de la crise politique. C'est donc à une bataille idéologique et politique de grande ampleur que nous sommes appelés pour déconstruire les prétendues « solutions » du Front national et son soi-disant visage anti-système. Il est clair également qu'un travail de terrain, de solidarités concrètes est indispensable au plus près des populations frappées par la crise pour faire vivre au quotidien les valeurs de solidarité, de fraternité de tous les exploités et faire reculer les logiques de décision. Enfin, c'est à reconstruire l'espoir à gauche, l'espoir pour la France, qu'il faut consacrer tous nos efforts.

 

3. La troisième recomposition en cours est celle engagée au Parti socialiste par François Hollande. Celle du ralliement de la social-démocratie française à la troisième voie Blair-Schröder. Si cette transformation est en germe depuis longtemps, jamais elle n'avait été assumée aussi clairement, notamment avec la nomination d'un premier ministre, Manuel Valls, partisan explicite et déclaré de cette transformation du PS depuis de longues années. Ils plaident même l'abandon de son nom « socialiste ».

Cette transformation et les conséquences désastreuses qu'elle entraîne provoque en ce moment une très grave crise au sein du Parti socialiste, dont nous ne vivons pour le moment que les prémices.

Car ce qui est poussé par François Hollande est bel et bien une rupture ressentie comme telle par de très nombreux socialistes. C'est l'idée même de gauche, au sens du camp du progrès social et des valeurs d'égalité, qui est visée, comme elle l'a été en Italie il y a quelques années avec la création du Parti démocrate.

De ce point de vue, nous voyons bien le danger qui pèse sur la capacité d'identification de la gauche chez des millions de Français. Car comment s'y retrouver quand un Président « de gauche » mène une politique, non plus sociale-démocrate, mais ouvertement de droite ? C'est bien au nom de la gauche qu'abandonne François Hollande que nous voulons agir et non au nom des deux gauches ou de l'opposition de gauche, comme si une sorte de politique de gauche était aujourd'hui au pouvoir.

Toutes ces recompositions débouchent sur une droitisation générale du débat politique, que l'on retrouve au Medef lui-même avec la prise de pouvoir de Pierre Gattaz. C'est autour des exigences de ce dernier, des grands intérêts capitalistes et des orientations politiques de l'Union européenne que s'organise d'ailleurs l'agenda gouvernemental avec des conséquences catastrophiques pour le pays, pour le lien démocratique aux citoyens, pour la gauche.

Une fracture démocratique, un fossé béant se creusent avec les attentes populaires. Car la droitisation politique, si elle fait évidemment de graves dégâts dans les consciences, ne correspond pas à un glissement droitier généralisé de la société. Au contraire, toutes les enquêtes le montrent, les valeurs de gauche résistent, voire progressent dans certains domaines. C'est même pour cette raison que le fossé se creuse entre la société et les gouvernements successifs, et si le désaveu de Hollande est si fort, c'est parce qu'il tourne le dos à la gauche qu'il l'a élu. La demande d'une politique de gauche juste, solidaire, porteuse d'égalité, de fraternité, de reconnaissance des droits demeure très forte dans le pays et reste à ce jour potentiellement majoritaire.

Mais des attentes sociales à la transformation de celles-ci en un mouvement politique fort, voire à sa victoire, il n'y a aucun automatisme et il y a même beaucoup d'obstacles qui s'accumulent.

Les forces populaires, sociales et politiques capables de provoquer une dynamique majoritaire existent. Notre peuple n'a pas renoncé à l'espoir d'une alternative politique porteuse à gauche. La critique du capitalisme et de la finance reste très forte, même si les causes de la crise sont brouillées.

En même temps, l'unification politique des forces nécessaires autour d'un destin collectif solidaire, d'un projet progressiste pour la France, d'une issue positive à la crise est rendue plus difficile par les dégâts de la crise sociale, au travail comme dans la cité, et par les recompositions droitières du paysage politique.

« Pourquoi l'échec du pouvoir socialiste ne profite pas au Front de gauche ? » nous demande-t-on. Justement pour cette raison fondamentale. Il n'y avait aucun automatisme et ceux qui ont cru à des raccourcis, y compris dans le Front de gauche, se trompaient. Rien ne peut nous exonérer de ce travail de construction politique dans la durée. Nous le savions. C'est pour cela que nous l'avons entrepris avec la création du Front de gauche.

Nous l'avons entrepris de 2009 à 2012 avec succès, mais le Front de gauche, traversé par ces débats, a buté sur les difficultés rencontrées depuis deux ans. Des changements doivent être apportés sur lesquels je reviendrai.

Ce qui est certain, c'est que nous sommes appelés à un immense effort politique de construction d'un projet politique rassembleur, si nous voulons rendre possible l'ouverture d'une perspective de gauche, d'ici à 2017.

Est-ce encore possible ? Oui, si nous répondons à la question : Comment construire ce chemin ? 

La première des choses à faire est de dire clairement aux Français l'alternative à laquelle la France sera confrontée dans les années à venir :

- ou sera choisi le maintien du cap compétitivité, baisse du coût du travail actuel, avec ses variantes politiques, plus ou moins libérales ou plus ou moins nationales-populistes ;

- ou sera ouverte une autre voie, une alternative rompant avec l'austérité, retrouvant le chemin du progrès social et du développement humain, construisant un nouvel modèle solidaire et écologique.

Voilà l'alternative. Ce n'est pas comme le dit le nouveau Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadelis, le choix du tripartisme droite, FN ou gauche derrière Hollande-Valls, dans lequel tout serait enfermé, avec l'espoir de rabattre la gauche derrière le PS. Cet espoir est vain et dangereux. Le vrai choix est autre : c'est enfermement dans les modèles actuels ou alternative sociale et politique.

Comment ouvrir la voie à cette alternative ? De quelle relance politique avons-nous besoin ?

Je crois que l'appel central de notre Conseil national devrait être le suivant : «Face aux risques d'enlisement gravissime de notre pays dans la crise et le chômage, face aux menaces qui pèsent sur l'avenir de la France et de ses valeurs de solidarité, face aux dangers de réponses de plus en plus rétrogrades, à la montée des peurs et des racismes. Un autre avenir pour la France est possible, autour d'un projet de solidarité, d'une alternative sociale de gauche, d'une ambition de redressement naturel dans la solidarité avec les autres peuples du monde.

Cette voie, le Président de la République et son gouvernement refusent obstinément de l'emprunter. Pourtant les forces existent pour soutenir un tel projet, mais ils ne les écoutent pas et leur tournent le dos. C'est donc à elles de se rassembler et de construire le nouveau projet de gauche dont la France a besoin, et de travailler à la victoire de ce projet d'ici à 2017.

Les communistes lancent un appel à toutes celles et tous ceux qui refusent l'impasse et l'injustice de la politique actuellement menée, qui ne veulent ni du retour de la droite, encore moins de l’extrême droite et qui veulent sortir de l’austérité et construire le projet de gauche dont la France a besoin. À toutes et tous nous disons : « Ouvrons le dialogue, le chantier commun de la construction de ce projet. »

Nous avons toute l'année pour cela devant nous, sans échéances et compétitions électorales.

Pour cela, entrons partout en dialogue, en travail, en action sous toutes les formes possibles, dans tout le pays, à tous les niveaux pour dire voilà la politique de gauche, la politique pour la France que nous voulons. Voilà la politique que nous voulons faire gagner en 2017.

Voilà dans quelle direction nous voulons que les choix politiques, locaux, nationaux et européens avancent d'ici là. Et décidons d'agir ensemble dans la durée pour atteindre cet objectif.

Ce que nous proposons, c'est la construction et la mise en mouvement d'un Front large, d'un Front du peuple, unissant forces populaires sociales et politiques, autour d'un projet qui doit être celui du bien commun et de l'humain d'abord.

Cet appel, je vous propose de le porter partout dans le pays, dès cet été, en le faisant vivre dans les luttes, dans de grandes campagnes politiques inscrites dans la durée, dans des initiatives politiques du Parti et du Front de gauche, déterminés à animer la construction de ce front large.

Il s'agirait donc d'ouvrir un processus dans la durée, déjà jusqu'à l'été 2015, qui devrait sans doute être scandé de grands rendez-vous nationaux de convergences - Assises ou États généraux -, mais dont il est sûrement prématuré de dessiner dès aujourd'hui les contours et les dates au niveau national. En revanche, de multiples initiatives peuvent être prises sans attendre à tous les niveaux.

Ce processus, ce n'est pas autour du périmètre de ses protagonistes qu'il doit s'organiser, ni autour d'un quelconque leadership, c'est autour des objectifs communs qui disent la France que nous voulons et les moyens de la construire.

Au fond, c'est cet effort dans lequel nous nous étions engagés avec le Front de gauche. Mais il faut le reprendre avec beaucoup plus d'ampleur, à une tout autre échelle, en nous tournant résolument et sans préalable vers toutes les nouvelles forces disponibles.

 

Je vais faire quatre propositions pour avancer dans ce sens.

 

Première proposition

Intensifier sans attendre notre activité dans les luttes

Beaucoup de luttes se déploient dans le pays. Elles témoignent des résistances nombreuses et de la recherche persistante d'alternatives. Nous allons vivre un été de luttes intenses. Nous devons les aider à marquer des points, à emporter des victoires. C'est déjà dans ces luttes que se construiront les repères d'une politique de gauche. Il faut saluer à cet égard le très beau succès de la lutte des Fralib, que nous fêterons à Gémenos le 4 juillet, autour du lancement de leur nouvelle coopérative.

Les cheminots mènent en ce moment un mouvement remarquable porteur de l'intérêt national. En demandant la réunification réelle de l'entreprise SNCF, le règlement du problème de la dette dont l’État se décharge sur le dos des cheminots, contre les investissements nécessaires et les financements indispensables au développement du réseau et de l'emploi, les cheminots en grève servent l'intérêt public. La campagne idéologique se déchaîne pour les isoler et les faire plier. Nous devons être partout à leurs côtés et nous porterons au Parlement leurs exigences dès mardi si le gouvernement maintient le débat sur le texte.

Dans les jours qui viennent, nous devrions prendre des initiatives de soutien visibles dans tout le pays.

Les intermittents sont eux aussi engagés dans un bras de fer. Nous soutenons leur demande de refus de l'agrément par le gouvernement de l'accord signé avec le Medef. Là aussi, il convient d'organiser partout le soutien, notamment lors des festivals. Nous le ferons, notamment en Avignon. D'ici là, nous tiendrons une initiative avec eux, au Sénat, le 24 juin prochain.

Le combat des salariés d'Alstom pour éviter la vente à la découpe de cette entreprise stratégique pour la Nation se poursuit lui aussi. Les délais de la vente ont été plusieurs fois repoussés. Notre parti a publié une importante déclaration comportant des pistes de solutions sous maîtrise publique et nationale. Cette déclaration a été ou va être distribuée dans tous les sites Alstom de France.

Le 18 juin à l'Assemblée nationale se tiendra une rencontre nationale où sont attendus des salariés de tous les sites de France.

Nous prendrons d'autres initiatives publiques pour relayer les résultats de cette rencontre. Cette bataille doit être portée dans tout le pays car c'est la maîtrise industrielle, nationale dans les secteurs de l'énergie et du ferroviaire qui est en jeu.

Le débat budgétaire sur le plan Valls de 50 milliards de coupes budgétaires alloués aux cadeaux du pacte de responsabilité débutera le 23 juin à l'Assemblée nationale. Là aussi, une belle bataille s'annonce. Nos groupes tiendront une réunion commune, mardi 17 juin, à ce propos. Nous irons à cette bataille avec de nombreuses propositions que notre travail de préparation pour des États généraux de la justice fiscale a permis de préciser ces derniers mois. Nous récusons la logique même de ce plan et nous nous battrons pied à pied. Nous le ferons en cherchant à converger chaque fois que cela sera possible, avec les propositions des députés « frondeurs » PS et des écologistes qui résistent pour le moment aux pressions leur demandant de rentrer dans le rang.

Leurs propositions, sans aller aussi loin que les nôtres, mettent cependant en cause des pans entiers du plan. Ils proposent notamment de déplacer 18,5 milliards d'euros prévus pour des baisses d'impôts des entreprises vers des mesures en faveur du pouvoir d'achat, de l'investissement public local et de l'emploi. Leurs propositions visent par exemple à supprimer le gel prévu des allocations familiales, logement, invalidité et accidents du travail, ainsi que celui des retraites complémentaires pour les retraités dont le montant des pensions est inférieur à 1200 euros.

Des reculs peuvent donc être imposés au gouvernement.

 

Enfin, les 1er, 2 et 3 juillet débutera au Sénat le débat sur la nouvelle mouture de la réforme territoriale. La colère est forte dans les territoires. Il faut organiser son expression et relayer la demande renouvelée par Éliane Assassi d'organiser de nouveaux États généraux de la démocratie locale. Nous demandons par ailleurs qu'aucune réforme de cette ampleur ne soit actée sans référendum local et national. L'Anecr vient de tenir une première initiative le 11 juin et en tient une seconde le 27 juin, à Lyon.

La réforme consacre le repli général de l'action publique et vise à piloter l'austérité budgétaire des collectivités locales. Elle veut engager les grandes régions dans la compétition européenne en ouvrant à terme la voie de l’adaptation réglementaire. C'est-à-dire à la fin d'un code de travail national. Elle consacre l'affaiblissement de tout le tissu démocratique de proximité.

Et de surcroît, la réforme est menée aux forceps et dans l'incohérence. Elle prétend alléger le mille-feuilles, elle va provoquer la désorganisation territoriale et casser le travail d'équipes et de fonctionnaires territoriaux à tous les niveaux, sans parler du massacre que cela va signifier en termes d'emplois et de services publics.

Nous entrons donc dans une bataille nationale pour toute l'année qui vient. Cette bataille sera au cœur des élections sénatoriales de septembre. Intervenant après le chamboulement des élections municipales qui a vu des milliers de communes changer de maire et de nouvelles équipes se mettre en place, les élections sénatoriales sont à haut risque pour la majorité de gauche au Sénat. Le résultat de ces élections comporte des inconnues après un tel chamboulement municipal. Le gouvernement a fixé la date du 20 juin pour l'élection des grands électeurs par les communes. Le temps est donc compté pour s'en occuper et engager des campagnes de contacts avec tous ces grands électeurs.

Nous visons, pour notre part, le maintien de la majorité de gauche avec la confirmation de notre groupe à son niveau actuel. À la faveur du dernier remaniement, un nouveau sénateur communiste, Jean-Pierre Bosino, maire de Montataire, a rejoint le groupe. Dans ces élections, cinq sénatrices et sénateurs de notre groupe sont renouvelables dans l'Allier, les Bouches-du-Rhône, les Côtes-d'Armor, le Rhône et la Seine-Maritime. C'est une bataille difficile que les fédérations concernées doivent mener en étroite liaison avec Pascal Savoldelli et Yann Le Pollotec pour le secteur élections, ainsi qu'avec Éliane Assassi, présidente de notre groupe.

C'est donc un été de luttes chargé qui nous attend, et beaucoup d'autres sujets, que je n'ai pas évoqués, nous mobilisent. Je pense aux mobilisations importantes qui commencent à agiter la recherche et l'enseignement supérieur. Nous devons nous préparer à une rentrée scolaire bien plus mouvementée que les deux précédentes. De même, des urgences lourdes, notamment dans le domaine du logement, appellent notre action. Nous devons également veiller à donner de l'ampleur à notre travail de solidarité concrète. Les sorties à la mer et les ventes solidaires de fruits et légumes de la fin de l'été trouvent dans cette situation une importance renouvelée. Au-delà de ces initiatives, c'est à la généralisation de telles pratiques tout au long de l'année que nous devrions réfléchir.

 

Deuxième proposition :

Une campagne politique durable pour des axes de transformation sociale

 

Nous avons besoin d'intensifier notre effort de bataille politique et idéologique autour de propositions alternatives. Il s'agit d'imposer, face au martelage idéologique, une autre vision du possible. Cet effort doit être mené dans la durée. Nous pourrions l'organiser, autour de 5 axes bien identifiables, cette campagne. Matériel, argumentaire et affiches devraient, à la rentrée, accompagner cette campagne de propositions, avec la volonté de reprendre l'offensive politique et idéologique face à la droite et à l’extrême droite, face au patronat, face aux capitulations de l’Élysée et du gouvernement.

Ces 5 axes, auxquels nous donnerions une visibilité renforcée dans les mois à venir avec la volonté de les installer dans le débat politique national pourraient être les suivants :

 

  1. Libérez l'économie et le travail des coûts du capital.

Cette campagne sur le coût du capital lancée à la Fête de l'Humanité a déjà marqué des points. Nous voulons aller beaucoup plus loin. Les Échos d'hier révélaient que le rendement de l'ISF serait supérieur aux prévisions. L'argent et les gâchis sont donc bien là.

Il s'agit pour nous de porter plus haut et plus fort notre dénonciation des immenses coûts et prélèvements financiers pour faire cesser la culpabilisation du travail et la confiscation d'une part énorme des richesses vers le capital.

Cet axe de campagne comporte nos propositions pour reprendre le pouvoir sur les banques, la BCE et le crédit, sur l'utilisation des richesses dans les entreprises ainsi que nos propositions pour des États généraux de la justice fiscale, auxquels il faudra donner suite à la rentrée.

 

  1. Contre l'insécurité sociale et la société de concurrence, nous voulons donner la priorité à l'humain et au bien commun.

Services publics, protection sociale et solidarité, émancipation humaine et égalité des droits, dignité et respect de tous, appropriation sociale et partagée... voilà les objectifs et les valeurs sur lesquels nous entendons refaire la société ensemble. Nous refusons la société de l'hyper concurrence, du tous contre tous, pour parier sur la force du partage. Cet axe peut se décliner dans de nombreux domaines, de notre campagne pour la Sécurité sociale à celle pour les droits des femmes, de celle pour le droit de vote des étrangers, à celle pour la promotion de toutes les formes d'appropriation sociale de la production.

 

  1. Reconquérir notre industrie pour la mettre au service de l'emploi, d'un nouveau modèle productif, de la transition écologique.

Les batailles pour Alstom, PSA, Sanofi sont emblématiques, comme celles des Pétroplus, Fralib, Arcelor, Arkema, SNCM et tant d'autres. Nos bases industrielles sont toutes en danger. Aucune sortie de crise n'est possible sans les redresser. Là aussi nous voulons changer d'échelle. Les 10 et 11 octobre nous tiendrons une Convention nationale sur l'Industrie. Préparée de longue date par le comité de projet, elle doit maintenant devenir l'affaire de tous en invitant largement les acteurs militants et syndicalistes du monde industriel avec lesquels nous avons des contacts. Je vous renvoie au texte présenté ici même par Alain Obadia, qui coordonne ce travail.

 

  1. Reconstruire la démocratie pour redonner le pouvoir aux citoyens.

C'est désormais une question centrale au cœur de la crise sociale et politique du pays. La confiscation du pouvoir au profit des logiques des intérêts financiers est générale. Et le présidentialisme des institutions a atteint le seuil critique qui désindustrialise l'action politique. Un changement de casting du cabinet présidentiel est désormais présenté à l'égal, voire plus, d'un remaniement ministériel. Et pour cause, les membres influents du cabinet de l’Élysée ont, à l'abri de tout contrôle, plus de pouvoirs que nombre de ministres.

Les droits du Parlement sont battus en brèche. Les élus locaux sont montrés du doigt par l’Élysée qui décide arbitrairement d'en réduire drastiquement le nombre, par exemple à 150 pour les futures grandes régions. C'est tout l'édifice démocratique qui doit être reconstruit pour aller vers une VIe République. Pour l'heure, des batailles s'engagent sur la réforme territoriale, je les ai évoquées. Il en faut d'autres sur la proportionnelle dans tous les modes de scrutins, notamment législatif, mais aussi pour le respect des droits au Parlement, qui doit retrouver le rôle premier. Ainsi, nous pourrions engager la bataille pour une inversion du calendrier électoral en 2017. Pourquoi ne pas commencer par l'élection de l'Assemblée nationale, ce qui, accompagnée du changement du mode de scrutin, changerait totalement l'approche de la séquence électorale au détriment de la présidentialisation mortifiée pour le débat politique ? Cette bataille, c'est évidemment aussi la bataille cruciale pour la démocratie sociale, pour les droits et pouvoirs des salariés dans les entreprises.

 

  1. Amplifier notre bataille pour la refondation de l'Union européenne.

Les résultats des élections européennes ont confirmé dans toute l'Europe la profondeur de la crise politique dans l'Union européenne. Le taux de participation reste faible à 43 %, atteignant moins de 15 % dans certains pays de l'Est. Les partis au pouvoir, à l'exception de l'Italie et de l'Allemagne, sont sanctionnés, et les 3 partis du consensus libéral « PPE, PSE et libéraux : responsables des politiques d'austérité » perdent des sièges, comme d'ailleurs les Verts.

Si la droite arrive en tête au Parlement, il y a fort à penser qu'un nouveau consensus PPE-PSE sera négocié par la Présidence de la Commission. Une montée inquiétante de l'extrême droite se confirme, avec des percées spectaculaires dans plusieurs pays « riches » de l'Union européenne comme la France et les Pays-Bas. Mais Marine Le Pen n'est pas encore certaine de réussir la constitution d'un groupe. Elle a trouvé des alliés au Danemark, en Autriche, en Belgique et aux Pays-Bas, mais cela ne suffit pas. Des forces d'extrême droite, ouvertement nazies, se renforcent aussi comme Autre Donne ou le Jobbik hongrois. Et d'autres forces xénophobes et populistes font une poussée comme le parti souverainiste URDS au Royaume-Uni ou le mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, en Italie.

La bonne nouvelle de ces élections, c'est le renforcement de la gauche européenne, forte en Grèce, en Espagne, ou encore au Portugal avec le PCP, plus modeste mais réelle au Benelux. Tandis que d'autres forces se maintiennent comme Die Linke ou le Front de gauche.

La campagne du PGE et la candidature d'Alexis Tsipras ont atteint leur objectif : installer la gauche européenne au rang des acteurs politiques de la scène européenne. Grâce à la liste, « l'autre Europe avec Tsipras », la gauche Italienne et Refondation communiste retournent au Parlement et la Gauche Unie slovène avec 6 % réussit sa première élection.

En France, avec 6,44 % et 4 députés au lieu de 5, le résultat n'est pas du tout à la hauteur de l'espace que nous aurions dû occuper. La situation politique, après les municipales, la campagne trop brève et les divisions du Front de gauche expliquent ce résultat, sur lequel CommunisteS a publié de nombreux éléments d’analyse auxquels je vous renvoie.

La GUE-NGL compte désormais 52 députés dont 26 eurodéputées femmes, avec cinq nouvelles délégations, tandis que le KKE a pris la décision regrettable de quitter le groupe. Le processus d'installation du groupe se poursuit ; on se dirige pour le moment vers une présidence collective du groupe, avec un président et 2 ou 3 vice-présidents garants d'un meilleur travail, nécessaire pour un groupe confédéral plus fort et plus divers. Ce groupe sera un atout dans nos batailles nationales. Et d'ores et déjà, des perspectives de grandes batailles européennes se dessinent. La Présidence et le Bureau exécutif du PGE réunis le week-end dernier à Bruxelles ont décidé d'amplifier une grande campagne contre le traité transatlantique dans laquelle nous allons prendre toute notre place. Plus de 85 organisations à l'échelle de l'Europe ont d'ores et déjà lancé la procédure d'une initiative citoyenne pour obtenir la consultation des Européens. Par ailleurs, le PGE a confirmé la décision du Congrès de Madrid de tenir au printemps 2015 un grand forum européen des alternatives. Au nom du PCF, j'ai soumis la proposition que la France accueille ce forum , ce qui a été accepté. C'est pour nous tous une responsabilité exaltante.

 

Troisième proposition

Intensifier notre travail de projet dans la durée en le mettant au centre de toute notre activité avec la société

 

C'est autour d'un projet nouveau pour la France, d'un nouveau projet de société coupant avec les logiques qui nous enferment dans la crise que se construit l'issue politique progressiste recherchée par le pays.

Ce que je viens de dire sur les luttes et les campagnes politiques à mener participe de cette construction. Mais, on le voit, l'émergence d'un tel projet est un processus de longue haleine d'autant que l'ampleur de la crise et les évolutions rapides et profondes du monde imposent des réponses nouvelles. La société a tout autant besoin de trouver des réponses dans l'urgence que d'inscrire ces réponses dans une nouvelle visée de société et même de civilisation. La crise est une crise de sens. Nous devons aider à formuler celui qui peut être ouvrira un nouvel avenir de progrès.

C'est en avançant dans ce travail avec toutes les forces intéressées à un changement progressiste dans la société que nous dessinons les perspectives du large rassemblement populaire nécessaire, et non en plaquant sur la réalité un projet et un périmètre de rassemblement ficelé à l'avance.

Or, souvent, reconnaissons-le, ce travail s'efface une fois passé le temps de l'écriture d'un programme de Congrès ou d'un programme électoral, s'efface encore devant nos problèmes de tactiques politiques quand il devrait au contraire demeurer le cœur permanent de notre travail d'élaboration et de rassemblement.

Il est enfin nécessaire de lisser notre travail de projet car l'ampleur des exigences de renouvellement est immense. L'effort d'élaboration politique doit être à la hauteur.

Nous nous sommes donné des moyens nouveaux pour ce travail avec la création du Comité du projet après notre dernier congrès. Le Comité du projet avance, il permet le recensement et la mutualisation de l'important travail de tous nos secteurs. Il a permis la tenue de la Convention Europe et prépare la Convention Industrie.

Le comité de projet a procédé à un bilan détaillé du travail entrepris et nous estimons qu'il est possible de passer à une autre échelle dans la mise en mouvement des communistes et de la société sur un nouveau projet d'émancipation humaine et sociale.

 

Nous pourrions retenir plusieurs propositions.

1. Consacrer la matinée du dimanche 9 novembre de notre Conférence nationale à une dizaine d’ateliers thématiques sur le projet, ouverts à tous les communistes qui le souhaitent et à tous ceux qui travaillent dans nos réseaux. Cette matinée permettrait la restitution et l'appropriation de tout le travail déjà existant et impulserait l'élargissement de nos réseaux de travail militant par le recensement de tous les communistes et amis intéressés.

Les conclusions de la Conférence nationale seraient tirées devant l'ensemble des délégués et des participants à ces ateliers. Le Comité du projet aurait la charge d'en publier la liste le plus vite possible, au plus tard début septembre, pour faciliter leur préparation et l'inscription à ces ateliers. Le Comité du projet travaille par ailleurs à la rédaction d'un premier texte synthétique donnant à voir l'état de notre pensée sur notre projet, ce que j'avais appelé au congrès notre « communisme de nouvelle génération ».

 

2. Dans la foulée de la conférence nationale et jusqu'à l'été 2015, nous pourrions tenir dans le pays une série d’initiatives marquantes en présence du secrétaire national, une sorte de tour de France, pour donner à voir le travail qui est le nôtre et en débattre avec la société, sur le thème : « Quel projet pour la France ? Les communistes à votre rencontre ».

 

3. Dans le cadre de cette tournée, nous tiendrons courant 2015 une grande rencontre intellectuelle sur le communisme nouvelle génération, ou comment penser le dépassement du capitalisme dans les conditions du XXIe siècle.

 

4. Nous poursuivrons notre travail de conventions après celle sur l'Industrie sur la base d'un programme que le Comité du projet affinera durant l'été.

 

6. Enfin, tout ce travail déboucherait sur une convention nationale du projet que nous tiendrons à la veille de notre prochain congrès, au printemps 2016.

 

Quatrième proposition

Déployer avec une audace nouvelle notre travail de rassemblement et de construction politique

 

Des changements sont nécessaires dans la mise en œuvre de notre stratégie de rassemblement pour deux raisons :

 

  1. Devant l'échec et le désaveu de la politique de François Hollande, une situation et des possibilités nouvelles sont en train d'émerger.

  2. Nous avons à tirer un bilan de la mise en œuvre du Front de gauche pour changer ce qui a fait obstacle à son plein déploiement dans la dernière période.

 

Je l'ai dit, les forces populaires qui espèrent ce changement, les forces de gauche qui ont voulu le changement en 2012 ne se reconnaissent pas dans la politique gouvernementale. Le désaveu est massif et la rupture consommée. La gauche a besoin de retrouver le peuple et le peuple a besoin de retrouver sa gauche. Mais la question taraude des millions de Français : que faire ? Et comment faire ? Cette interrogation est maintenant celle de la grande masse du peuple de gauche. Le moment est venu de leur lancer un appel au travail comme pour construire une issue nouvelle. Faute de cela, le scénario catastrophe rêvé par la droite et le FN adviendra. Des forces disponibles considérables se libèrent. À nous d'être à la hauteur.

Il nous faut de l'audace au plan national, mais aussi et d'abord au plan local. Partout, dans tout le pays, sur tous les sujets, nous devrions appeler à ce dialogue et à cette construction commune. C'est un processus qui doit se déployer et s'enraciner dans tout le pays, dont nous avons besoin. Libérons partout notre capacité d'initiative à partir des luttes nécessaires, comme dans la construction des propositions et objectifs communs.

Notre appel doit viser les forces disponibles sans préalable ni sectarisme, des forces vives de la gauche à toutes les forces vives du pays.

Notre point de repère est simple : nous voulons remettre en mouvement et au travail toutes les forces qui veulent reconstruire une autre voie que la fuite en avant dans l'austérité prônée par François Hollande et Manuel Valls. Je l'ai dit, une situation nouvelle est en train de se créer. Le PS est maintenant entré dans une crise profonde et des secteurs entiers de ce parti et de ces électeurs sont tentés par l'ouverture de ce dialogue.

J'ai participé à la première réunion publique du Club des socialistes affligés, créé par l'économiste socialiste Liem Hoang Ngoc et par Philippe Mailière. Je participe, ce soir, à une table ronde organisée par les principaux dirigeants des courants de gauche du PS. Nous dialoguons depuis des mois avec le courant « Maintenant la Gauche ». Au Parlement, nos groupes sont aujourd'hui en dialogue avec les « frondeurs ».

De la même manière, nous venons de répondre positivement à l'offre de travail commun que nous a adressée EELV sur trois questions : les salaires et l'emploi, la transition écologique et la démocratie.

Nous avons rencontré le MRC et allons poursuivre dans cette voie avec tous ceux qui le souhaitent.

Nous avons également entrepris des rencontres avec les organisations syndicales. Après la FSU, nous verront bientôt la CFDT et la CGT. Ainsi qu'avec le mouvement associatif, nous rencontrons notamment lundi le collectif intitulé : « Liberté, Égalité, Solidarité » qui s'est récemment constitué avec de nombreuses associations qui comptent dans le pays.

Mais je le répète, c'est dans le pays qu'il convient de créer la dynamique et la rendre progressivement irrésistible. Les forces existent.

Les obstacles aussi. Les ferments de décisions sont nombreux, la dépression est grande. À nous de faire prévaloir l'esprit de rassemblement et le temps nécessaire de la convergence sur les tentatives de tout mettre tout de suite au carré.

Dans la foulée du 12 avril, s'est également mis en route un travail prometteur associant les personnalités politiques, syndicales et associatives qui s'étaient rassemblées dans cette journée dont nous avions pris l'initiative avec le Front de gauche. Le 21 juin, une journée de travail largement ouverte de ce collectif rebaptisé « alternative à l'austérité » se tient à Paris. Nous sommes pleinement impliqués avec la volonté de construire la réussite de cette démarche dans la durée.

C'est pour déployer cet immense travail de rassemblement que nous avons créé le Front de gauche. C'est un atout précieux. Il doit être relancé pour devenir la force d'animation de ce travail de rassemblement et un lieu d'investissement citoyen crucial.

Nous voulons travailler à sa poursuite, à sa relance en apportant les changements nécessaires. L'acquis du Front de gauche, même entamé par les tensions de la dernière période, demeure.

A notre invitation, une réunion plénière des organisations du Front de gauche s'est tenue le lundi 2 juin et une autre est prévue le 16 juin.

Des constats communs sont partagés. Des débats stratégiques se poursuivent mais évoluent dans le sens de notre propre appel au rassemblement. La nécessité de bannir les pratiques d'étroitesse ou d'anathèmes très mal vécues par beaucoup de communistes est absolument nécessaire.

Un débat a également lieu sur la meilleure manière de favoriser et de relancer en grand l'engagement citoyen dans le Front de gauche pour dépasser le cartel d'organisations politiques. Nous savons que la dimension locale est cruciale pour cela. La relance des assemblées citoyennes adossée au travail de luttes et de projet est indispensable. Dans le même esprit, une demande forte existe, compte tenu de la situation politique, venant de toutes les personnalités qui avaient investi le Front de gauche lors de la présidentielle d'être à nouveau associées à une relance du Front de gauche.

Nous proposerons lundi que se tienne, à cet effet, début septembre une grande réunion d'un Conseil national élargi du Front de gauche associant toutes les personnalités qui y participaient, toutes celles qui animent le Front des luttes et les fronts thématiques, et toutes celles qui seraient intéressée à la relance du Front de gauche.

Cette initiative se substituerait à la tenue des estivales du Front de gauche et permettrait une relance forte et visible du Front de gauche dès la rentrée.

La première grande échéance de convergence de tous ces efforts politiques – luttes, campagnes politiques, travail de projet et de rassemblement, construction politique d'un front large du peuple et de la gauche – sera évidemment la Fête de l'Humanité. Moment de culture, de fraternité et de solidarité internationale, elle dit aussi mieux que tout autre événement le monde que nous voulons dans ce moment charnière pour le pays. L'été doit être consacré à sa préparation et à la diffusion de la vignette. Le premier rendez-vous national aura lieu le 23 juin ici même.

Voilà chers camarades, les axes qui pourraient structurer notre relance politique pour faire face à la situation.

 

Je veux encore ajouter un mot sur deux questions.

Notre pays connaîtra, je l'ai dit, des élections sénatoriales en septembre. Nous y accordons toute l'importance nécessaire car notre bataille dans les institutions élues reste une dimension indispensable de notre combat pour la conquête et la démocratisation des pouvoirs politiques.

Il faut d'ailleurs se féliciter que nous ayons maintenu - souvent envers et contre tout, compte tenu du désastre de la politique gouvernementale et malgré des tentatives de repli auxquelles certains nous poussaient dans le Front de gauche - un niveau remarquable d'élus municipaux. C'est un atout précieux pour les batailles qui s'annoncent.

Nous avons par ailleurs déjà en ligne de mire les échéances politiques majeures de 2017. Nous aurons à ce propos des décisions à prendre lors de notre Congrès au printemps 2016, si les calendriers ne se bousculent pas d'ici là. Ces décisions seraient aujourd'hui prématurées mais il est certain en revanche que le travail d'implication sur un projet de gauche pour la France est la meilleure des préparations à cette échéance.

D'ici là, nous ne sommes pas certains du calendrier électoral. Vous le savez, le gouvernement soumettra cet été un projet de loi qui fixerait à l'automne 2015 la tenue des élections régionales dans un nouveau périmètre et des élections départementales, avec le mode de scrutin marginalisé par binôme à parité, à une date commune.

Il est évident que ces élections seront profondément marquées du débat politique national comme des implication de la réforme territoriale. Nos batailles politiques nous y préparent d'ores et déjà. Nous déciderons à la rentrée de notre calendrier et notre démarche de préparation de ces échéances, en fonction des décisions parlementaires.

Je rappelle également que nous devons accorder beaucoup d'attention aux élections partielles qui vont se tenir. Elles sont toujours des moments de cristallisation politique pleins d’enseignements. Le secteur élections et la direction du Parti sont prêts à être à vos côtés dans chacune de ces batailles.

Enfin, il convient de poursuivre jusqu'à la fin de cette année le travail d'analyse des élections municipales pour en tirer toutes les leçons et prendre toutes les décisions nécessaires de mise en action en fonction de ces résultats. Cela est vrai là où nous l'avons emporté comme là où nous avons perdu et où nous devons travailler dès maintenant à la reconquête.

Mes derniers mots concerneront l'important travail de transformation et de dynamisation du Parti que nous avons décidé dans nos congrès.

Toute la dernière période, comme tous les défis que je viens d'énoncer soulignent l'enjeu crucial du développement du Parti communiste français.

Sans cette force militante organisée sur tout le territoire, où en seraient aujourd'hui, après les deux élections vécues, les capacités de reconstruction de la gauche française ?

Je veux d'ailleurs saluer l'engagement remarquable des communistes comme leur capacité à rebondir dans toutes les épreuves et à le faire dans le débat, certes, mais dans l'unité et le respect.

La gauche, notre peuple, dispose avec notre parti d'une force combative remarquable. C'est à rendre cette force toujours plus utile, non pour elle-même mais pour notre pays, pour les travailleurs que nous agissons.

Nous devons veiller à son développement et à son renforcement comme à la prunelle de nos yeux.Il y a beaucoup d'éléments d'encouragement et du même coup beaucoup de travail, à porter à la vie et à l'organisation de notre parti.

Notre parti, qui stabilise son nombre d'adhérents à 130 000 depuis 2005, dont aujourd'hui 42 % de femmes, connaît un très profond renouvellement.

Nous avons réalisé depuis le 1er janvier 2006, 48 000 adhésions et le nombre de jeunes de moins de 30 ans atteint désormais 9 % des effectifs contre 6 % en 2005. Un nombre grandissant de ces adhésions est réalisé sur Internet.

Tout cela implique un énorme effort de formation, de structuration, d'aide au débat politique et au partage d'expériences. Ce doit être une priorité de notre direction, et la tenue de notre Conférence nationale doit permettre le temps du débat et de l'analyse politique nécessaire avec le maximum d'adhérents. Notre Université d'été des Karellis reste un moment privilégié pour cela, dont nous devons veiller désormais à la préparation minutieuse.

Enfin, sous la responsabilité du secteur Vie du Parti, nous entreprendrons également à la rentrée une visite de travail de toutes les fédérations, comme nous l'avions fait en 2005.

Voilà, cher-e-s camarades tout ce qui nous attend. Une fois de plus, cela fait beaucoup de responsabilités, mais c'est exaltant.

Je vous remercie.