Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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"Une autre BCE et un autre euro, contre l’austérité"

"Les médias dominants veulent enfermer le débat sur l’Europe dans la fausse alternative : « fédéralisme ou nationalisme », qui se traduit pour l’euro en « si vous ne voulez pas le statu quo c’est la sortie de l’euro ». Nous n’aurions le choix qu’entre européistes ou lepénistes ?"

Dans les deux cas, l’exigence de transformation sociale profonde, rompant avec la logique dominante, est évincée, niée. C’est pourtant celle qui est majoritaire dans l’expression populaire des luttes, ou des opinions. C’est l’exigence d’une autre Europe, et tout particulièrement d’une autre BCE et d’un autre Euro.

L’incohérence démagogique des discours des européistes comme des nationalistes est pourtant terrible. Les uns font des phrases sur l’Europe sociale sans proposer de changement sur l’euro, les autres font des phrases sur la Nation sans mettre en cause le pouvoir patronal exorbitant pour que l’argent serve les profits du grand capital et des banques.

Et dans les deux cas, on prétend que le problème principal serait le niveau du taux de change de l’euro avant tout : bref la compétitivité-prix, donc essentiellement salariale. Alors qu’il y a besoin non seulement de baisser de tout autres coûts, mais aussi – surtout - de nouvelles dépenses à la fois dans les services publics et par des entreprises dans l’emploi, les salaires, les qualifications, les recherches.

Préciséement, l’exigence populaire contre l’austérité, c’est l’exigence que l’argent, donc l’euro, aille aux services publics et à l’emploi, au lieu de nourrir le capital, les placements financiers et les délocalisations. C’est aussi l’exigence de le faire au niveau européen, tant nos économies sont liées entre elles, tant les questions posées nécessitent du commun européen (depuis l’écologie jusqu’aux multinationales, en passant par la fiscalité).

Il faut donc des transformations cohérentes reliant les buts de la construction européenne, les pouvoirs et les moyens financiers. Quelques principes simples pour commencer à sortir vraiment de la dictature des marchés financiers, au lieu de prétendre l’atténuer voire se les concilier. Viser une Union européenne de sécurisation de l’emploi et de la formation, de tous les moments de la vie, au lieu de la concurrence libre et non faussée ; Viser une UE de coopération et non fédéraliste, à travers une confédération d’Etats librement associés. Au service de ces buts, partager le pouvoir de création monétaire en commun, à partir de pouvoirs démocratiques des gens à partir de là où ils sont, au lieu d’une intégration fédéraliste, où la BCE dicte aux peuples la marche à suivre et les ravages sociaux.

Une autre BCE, un autre euro peuvent être immédiatement amorcés. C’est le sens des apports communistes repris dans le Front de gauche, reprises aussi par le PGE, lors de sa conférence internationale du 10 avril à Bruxelles (Syriza, Izquierda Unida, Die Linke, …). Il est décisif de porter cela au niveau politique dans la campagne, au lieu de simplismes purement « anti ». C’est aussi le sens de la bataille politique qu’auront à mener les élus GUE ainsi qu’à organiser et à impulser le PCF et les partis du PGE.

Premièrement la BCE doit reprendre systématiquement les dettes passées, agissant comme prêteur en dernier ressort, sans les conditions anti-sociales qu’elle impose.

Deuxièmement, pour les nouvelles dépenses publiques, nous proposons la mise en place d’un Fonds européen pour le développement social et écologique solidaire. Son objectif, financer les nouvelles dépenses publiques des Etats, pour le développement des services publics (éducation, santé, protection sociale, recherche) et pour développer l’emploi, selon des critères précis. Son fonctionnement serait démocratique, avec des représentants du parlement européen, des parlementaires nationaux, des représentants des travailleurs. Et il pourrait être saisi directement depuis le terrain pour financer des projets concrets. Ses moyens financiers, l’argent  le Fonds serait financé par la création monétaire d’euros de la Banque centrale européenne, et non par les marchés financiers, ainsi que par le produit d’une taxe dite Tobin.

Cette nouvelle institution démocratique et sociale, intercalée entre la BCE et les Etats nationaux prendrait les titres de dette des Etats, sortant ainsi des griffes des marchés financiers. Les Traités existants l’autorisent formellement, c’est l’article 123.2 du Traité de Lisbonne, même si cela irait contre la logique profonde de la construction européenne actuelle.

En s’appuyant sur cette proposition, il s’agit ainsi de porter une question populaire : « l’argent des européens, la BCE, l’euro, doit financer les services publics », c’est possible, c’est nécessaire, c’est efficace. « Pourquoi ne le faites-vous pas ? ».

Troisièmement, les entreprises doivent changer radicalement de comportement : investir pour développer l’emploi, au lieu de soit délocaliser et spéculer, soit investir contre l’emploi. Pour cela, il faut bien sûr de nouveaux pouvoirs des travailleurs et des nationalisations nouvelles. Mais immédiatement, au niveau européen, au lieu de se lamenter, la BCE a le pouvoir d’impulser un autre comportement des banques, par son « re-financement ». Au lieu de leur prêter quasi gratuitement 1.000 milliards d’euros et sans aucune condition, elle doit leur donner de l’argent si cet argent finance des crédits à des investissements matériels ou de recherche qui développent l’emploi, les salaires, les qualifications.

J’imagine, j’aimerais des initiatives populaires mettant en cause publiquement les décisions prises par la BCE, par des manifestations, des rassemblements coordonnés en Europe, devant les Banques centrales nationales de chaque pays, lorsque les gouverneurs nationaux se réunissent au conseil de la BCE, et exigeant d’autres décisions.

Cela contribuerait à polariser tout autrement le débat politique en Europe ! Durant la campagne et au-delà.

(Article paru dans l'Humanité du 12 mai 2014)

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