Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Réforme fiscale ou réduction des dépenses publiques

La remise à plat de la fiscalité est une volonté affichée du gouvernement. On pourrait la partager, si ce n’est que, pour le ministre du Budget, « la baisse des impôts ne peut intervenir qu’avec la baisse de la dépense publique ».
Une telle assertion appelle deux réactions.
La première, c’est de revendiquer a contrario une hausse sélective des impôts pour répondre aux besoins collectifs, une hausse s’appuyant sur une justice fiscale et une efficacité économique à reconstruire.
La seconde, c’est de commencer par regarder dans le détail ce qu’est la dépense publique pour voir ce qu’il y a lieu d’en tirer comme enseignements pour la suite.

En se rapprochant des éléments fournis par le projet de loi de finances lui-même, le budget 2014 comprend, s’agissant de l’État, un ensemble de 355,9 milliards d’euros de dépenses budgétaires.

Ce chiffre est évidemment fort différent de celui des recettes fiscales nettes, qui s’établissent à 284,7 milliards d’euros, soit un décalage de 71,2 milliards d’euros en partie corrigé par les recettes non fiscales (13 milliards) et le solde comptes spéciaux du Trésor + produits financiers (200 millions d’euros).

Le tout conduit à un déficit de fonctionnement atteignant 58,1 milliards d’euros.

Répartitions des dépenses

Premier poste : celui des dépenses de personnel, qui se fixent à 120,5milliards d’euros, soit 33,9% des dépenses.

C’est un poste faiblement évolutif, puisque les départs en retraite des agents publics, même s’ils ne sont pas remplacés et réduisent la dépense unitaire de personnel, ouvrent une dépense majorée au titre des pensions civiles.

Deuxième poste : le service de la dette qui consomme pour sa part 46,7milliards d’euros, soit 13,1% des dépenses prévues.

Là aussi, malgré toute l’ingénierie financière de l’Agence France Trésor, les marges de manœuvre sont réduites et ne procèdent, dans l’ensemble, que d’ajustements aux charges financières prévues.

La seule solution durable, de ce point de vue, est l’émission de titres de dette publique auprès de la Banque centrale européenne avec intérêt au niveau du taux directeur de ladite BCE. Là, on dégagerait plusieurs dizaines de milliards d’économies budgétaires, sur la durée.

Troisième poste de dépenses : les prélèvements sur recettes destinés à l’Union européenne et aux collectivités locales.

La somme atteint 68,7 milliards d’euros, soit 20,4 % des ressources budgétaires initiales.

Le prélèvement européen est contraint par l’accord budgétaire propre à l’Union et les prélèvements en direction des collectivités, déjà mis en œuvre en 2014, ne sont pas une solution de long terme.

Nous n’avons donc, sur trois champs où aucune mesure ne peut s’appliquer avec effet immédiat et massif, que très peu de marge de manœuvre, sauf changement évident du rôle de la BCE.

Ces trois postes constituent déjà pourtant un ensemble de 235,9milliards d’euros.

À ce stade, il reste donc 120milliards d’euros en dépenses de fonctionnement et d’intervention.

Les dépenses de fonctionnement et d’intervention par mission ministérielle

A. Les dépenses de fonctionnement se répartissent entre dépenses interministérielles et dépenses ministérielles

Dans le cadre des missions interministérielles, les données sont les suivantes :

– Provisions : 155,6 millions d’euros
– Aide publique au développement : 43,8 millions
– Anciens combattants : 104,2 millions
– Écologie, développement et mobilité durables : 2 494,8 millions d’euros dont 456,7 millions pour les infrastructures de transport, et 825 millions conditionnés par le programme d’investissements d’avenir (PIA)
– Économie : 1,436 milliard dont 825 millions dans le cadre du PIA
– Éducation nationale : 758,7 millions
– Gestion des finances publiques : 2,052 milliards, dont 1,157 milliard pour la gestion fiscale et financière (coût de fonctionnement de la DGFip)
– Media, livre, culture : 318,9 millions
– Recherche et enseignement supérieur : 19,712 milliards dont 11,748 milliards pour la rémunération et le fonctionnement des Universités et 3,995 milliards pour la recherche
– Solidarité, égalité et insertion des chances mobilisent 759,3 millions dont 754,4 dans la politique de soutien.

Passons maintenant aux dépenses ministérielles :

– Action extérieure de l’État : 886,4 millions
– Administration territoriale : 604,8 millions
– Agriculture : 721,6 millions
– Conseil et contrôle de l’État : 88,6 millions
– Culture : 832,6 millions
– Défense nationale : 10,250 milliards
– Direction action du gouvernement : 703,6 millions
– Égalité des territoires : 114,1 millions
– Engagements financiers de l’État : 3,264 milliards
– Immigration, asile et intégration : 125,4 millions
– Justice : 1,994 milliard partagé entre justice judiciaire et justice pénitentiaire, c’est dire entre tribunaux et prisons
– Outre-Mer : 46,7 millions
– Politique des territoires : 19 millions
– Santé publique : 345,2 millions
– Sécurité : 1,948 milliard, dont 1,082 milliard d’euros pour la gendarmerie nationale
– Sport, jeunesse, vie associative : 236,6 millions
– Travail et emploi : 1,889 milliard, dont 1,651 milliard au titre de la subvention à Pôle emploi pour l’essentiel
– Remboursements et dégrèvements : 3,420 milliards imputables à des remboursements d’impôts d’État et locaux non identifiés a priori.

De manière générale, on est déjà aux limites avec cet ensemble de dépenses de fonctionnement, les principaux postes (Défense, Justice, Travail et emploi, Recherche et enseignement supérieur) étant constitués des dotations fournies aux opérateurs de l’État pour exercer leurs missions.

On notera que, dans le cas des Universités comme de la Recherche, il s’agit en général de dépenses de personnel qui ont été transformées en subventions de fonctionnement. Et qui servent à payer les enseignants chercheurs et les dépenses de fonctionnement des labos.

De fait, sauf à démanteler notre industrie de défense, les effectifs de Pôle emploi, ceux de nos établissements publics de recherche ou ceux des facs, nous ne pourrons guère trouver de sources de réduction de la dépense publique dans cet ensemble.

B. Les dépenses d’interventions sont l’expression la plus évidente de l’action publique

Comme on va le voir, les volumes en jeu sont plus élevés que les volumes réels. Pour le tableau général du budget présenté en deux sections, les dépenses d’intervention sont en effet évaluées à 66,9milliards d’euros, soit 18,8 % (seulement) des dépenses budgétaires.

Dépenses d’intervention au titre des missions interministérielles :

– Aide publique au développement : 2,094 milliards, dont 1,583 milliard au titre de la solidarité avec les pays en voie de développement
– Anciens combattants : 2,800 milliards, dont 2,686 milliards au titre des pensions et prestations
– Écologie, transport et mobilités durables : 4,425 milliards, dont 3,043 au titre des infrastructures et services de transport et singulièrement l’équilibre financier de RFF et 515 millions conditionnés au PIA
– Économie : 863 millions dont 387,3 millions au titre du développement des entreprises et du tourisme et 450 millions conditionnés au PIA
– Enseignement scolaire : 3,846 milliards dont 2,364 milliards pour la vie de l’élève (Bourses scolaires)
– Gestion des finances publiques : 270,8 millions
– Media, livre, culture : 471,9 millions
– Recherche et enseignement supérieur : 5,726 milliards, dont 2,040 milliards pour les œuvres étudiantes et 850 millions conditionnés au PIA
– Régimes sociaux et de retraite : 6,523 milliards en prestations servies
– Relations collectivités territoriales : 2,591 milliards en concours financiers aux collectivités locales (2,640 milliards en 2013)
– Solidarité et insertion : 12,297 milliards, dont 11,441 milliards en prestations servies au titre de l’allocation adulte handicapé et du financement des ESAT.

On se retrouve avec un niveau de dépenses d’intervention à hauteur de 42 milliards d’euros, dont le caractère d’action sociale est marqué (Anciens Combattants, Enseignement, Universités, Solidarité, Régimes de retraite).

Dépenses de caractère ministériel :

– Action extérieure de l’État : 1,143 milliard
– Administration territoriale : 90,6 millions
– Agriculture : 1,539 milliard, dont 1,377 milliard au titre de l’économie agricole qui masque notamment 473 millions d’exonérations de cotisations sociales sur l’emploi des saisonniers
– Culture : 845,2 millions dont 446,6 millions d’aide à la création
– Défense : 305,9 millions
– Direction de l’action du gouvernement : 28,5 millions
– Égalité des territoires, logement et ville : 7,148 milliards, dont 5,065 milliards au titre des aides personnelles au logement et 1,313 milliard pour la lutte contre l’exclusion (hébergement d’urgence entre autres)
– Engagements financiers de l’État : 945,6 millions
– Immigration, asile et intégration : 525,3 millions
– Justice : 475,3 millions dont 368,4 millions au titre de l’aide juridictionnelle
– Outre-Mer : 1,847 milliard, dont 1,176 milliard au titre de l’emploi Outre-Mer constitué, en quasi-totalité (1,131 milliard) d’exonérations de cotisations sociales
– Politique des territoires : 265,8 millions
– Santé : 953,1 millions dont 605 millions au titre de la protection contre la maladie (et notamment l’AME)
– Sécurité : 174,7 millions
– Jeunesse et sport : 301,4 millions
– Travail et emploi : 8,610 milliards, dont 5,570 milliards pour l’aide et le retour à l’emploi (financement de l’ASS et des allocations proches, emplois aidés) et 2,849 milliards au titre de l’accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi (essentiellement constituées d’aides aux entreprises en matière de gestion prévisionnelle des effectifs ou d’exonérations de cotisations pour les contrats d’apprentissage).

Ces crédits, d’un montant global de 25,2milliards d’euros environ (on retrouve les 66,9 milliards de dépenses d’intervention annoncés), sont également marqués par le caractère de dépenses d’action sociale (ASS, APL, AME) et recoupent l’ensemble des dispositifs de traitement social du chômage (emplois aidés, exonérations ciblées notamment).

Autant dire que réduire ces crédits, dans l’absolu, est un exercice aussi délicat que celui qui consiste à s’attaquer au premier bloc des dépenses d’intervention précédemment retracées.

Le vrai problème, c’est qu’en 2014, la mission la plus «fournie» en dépenses d’intervention est la mission «Remboursements et dégrèvements», avec 98,520milliards d’euros au total dont 87,209milliards en transferts aux entreprises. Il est donc clair que, à périmètre d’intervention publique constant, c’est surtout dans cette mission (et dans la dépense fiscale au-delà de ladite mission) que l’on peut trouver un peu de «grain à moudre» pour réduire les déficits publics.

Sauf, évidemment, à ce que la France ne compte plus 2 millions de chômeurs longue durée, ait des étudiants et des lycéens suffisamment riches pour se passer de bourse, ne voit plus de travailleurs handicapés rejetés des lieux de travail de tout un chacun, d’allocataires du RSA, dispose de ménages assez riches pour payer leur loyer sans aide au logement et d’entreprises n’ayant plus besoin de la mesure d’allégement des cotisations sociales qui, dit-on, leur permettra d’embaucher…

 

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