Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Baisse du coût du travail : pour une contre-offensive efficace*

La fuite en avant de François Hollande pour de nouvelles baisses massives du coût du travail et des dépenses publiques au profit du grand patronat et des marchés financiers, renforce le besoin, l'urgence d'une contre-offensive de gauche et du mouvement social, comme le PCF en a affirmé la volonté, ainsi que d'autres à gauche jusqu'au sein du PS, et dans le mouvement syndical, notamment la CGT.

Voyons les choses en face : l'idée que le coût du travail est un obstacle à l'emploi et à la compétitivité, et que pour permettre aux entreprises d'embaucher et d'être compétitives, il faut le baisser, domine dans la société, y compris à gauche. Le Medef, en décidant de taper sur ce clou avec constance pendant des années, a marqué des points. On en a sous-estimé la réalité et les conséquences politiques. L'approbation du « pacte » dit « de responsabilité » de Hollande, jusqu'à l'électorat le plus à gauche, témoigne de la confusion idéologique dominante.

Face à cela, on a tendance à opposer l'idée que, non, le travail n'est pas un coût, c'est une richesse. Cet argument a sa part de vérité, mais aussi une faiblesse : oui le travail est à la base de la création des richesses ! Mais, aussi, les salaires, les cotisations sociales constituent des dépenses pour la trésorerie de l'entreprise. Ce sont des dépenses utiles ; conjuguées avec un essor des dépenses de formation et de services publics, elles peuvent aider à baisser les coûts. Il faut donc en contester la réduction. Mais ce sont des dépenses. Ce ne sont pas que des coûts, mais ce sont aussi des coûts. Faute d'idées alternatives, la baisse de ces coûts est donc perçue comme le seul moyen de faire face aux difficultés des entreprises et d'améliorer leur compétitivité.

L'exigence sémantique est légitime, c'est un combat à mener face aux mots qui trompent ; mais sur le coût du travail, la bataille ne porte pas sur « coût » ou pas « coût », mais sur « quels coûts baisser, autres que le « coût du travail » pour gagner en efficacité productive et sociale ? »

Le cœur d'une contre-offensive, ce sont donc des propositions précises, crédibles, opposables à l'appui des luttes à cette baisse du coût du travail, que François Hollande présente comme la seule voie possible pour retrouver la croissance. Cela concerne trois points principaux :

  1. s'attaquer au coût du capital : les dividendes distribués aux actionnaires, et les intérêts payés par les entreprises sur le crédit des banques. Leur montant total (en 2012 : 229,5 milliards d'euros de dividendes, et 69,1 de charges d'intérêts) est le double des cotisations sociales. Contrairement aux salaires, ces coûts ont considérablement augmenté.Mais alors que la dépense salariale est utile, ces prélèvements sur la valeur ajoutée sont largement parasitaires.

  1. mobiliser des moyens nouveaux, un crédit sélectif des banques, la création monétaire de la BCE, au service de l'emploi, et du développement des dépenses utiles socialement et efficaces ( formation, recherche, salaires, qualifications, services publics) :

  1. face à la dictature des actionnaires et à leurs critères de rentabilité financière pour la gestion des entreprises, agir pour conquérir des pouvoirs d'intervention des salariés sur la gestion des entreprises, afin de la réorienter avec de nouveaux critères d'efficacité sociale.

Cela renvoie notamment à nos propositions sur les moyens de dissuader les dépenses parasitaires et d'inciter aux développement des dépenses socialement efficaces :

- un nouveau crédit bancaire, sélectif, à taux très abaissé s'il s'agit de favoriser l'emploi, la formation, la recherche, le développement des services publics ; sans attendre la constitution à cet effet d'un pôle public bancaire, des batailles peuvent porter sur des fonds régionaux, ainsi que sur les critères d'intervention de la BPI ; mais aussi au niveau européen, sur le rôle de la BCE, et de sa création monétaire que nous proposons de mobiliser pour le développement des services publics;

- une modulation des cotisations sociales patronales (et non leur fiscalisation pour baisser le coût du travail), afin d'inciter à la création d'emploi et aux progrès salariaux, et de pénaliser la croissance financière ;

- une réforme fiscale incitative à la baisse du coût du capital, au développement d'investissements socialement efficaces, pour plus de justice sociale et de recettes pour les services publics, pour le développement des services publics ;

- une révision des aides publiques, et leur contrôle démocratique ;

La bataille devrait ainsi chercher à viser 3 cibles : un autre rôle des banques, du crédit, de la création monétaire ; un autre comportement des entreprises ; un autre rôle de l’État et de sa fiscalité ; il s'agirait donc d'interpeller méthodiquement, à partir de situations précises, les banques et la BCE, le patronat et l’État (et non, seulement, l’État, en oubliant banques et patronat).

Nos propositions sont radicales et crédibles. Si on s'empare d'elles, elles peuvent progresser, aider les luttes immédiates pour l'emploi et les salaires, devenir les pivots d'un rassemblement populaire fort.

Mais pour que les idées avancent, prennent corps dans la société, il ne doit pas s'agir seulement de slogans, mais de leur développement en propositions précises dans les luttes. Le fatalisme des salariés sur l'emploi ne vient pas seulement des idées patronales, mais de leur expérience, qui en fonde la domination ; il s'agit de faire avec eux d'autres expériences qui donnent confiance dans des propositions alternatives.

Il y a donc besoin d'une bataille dans la durée, d'une bataille d'idée ancrée dans des luttes, avec des initiatives d'action du local au national, jusqu'à l'Europe et au monde ; bref une véritable « campagne ».

Montrons-nous capables de creuser notre sillon, celui des idées alternatives à la logique de baisse du coût du travail, avec autant de ténacité et d'esprit de suite qu'a su en mettre le Medef. N'ayons pas peur de taper sur le clou, encore et encore, sans laisser les événements ou le calendrier électoral justifier des pauses ou des parenthèses ! Ayons confiance dans nos idées !

*texte paru dans l'Humanité du 23 janvier 2014

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