Le contexte historique :
Sans remonter à la nuit des temps, en 1998, Alcatel Alsthom était un groupe industriel diversifié.
Le PDG Serge Tchuruk a alors énoncé le concept d’entreprise sans usine. Il a donc vendu presque toutes les unités de production de cartes électroniques en France à des sous-traitants. Toutes ces entreprises sont maintenant fermées.
Il a spécialisé le groupe sur les télécoms jugées plus rentables à l’époque en vendant Alsthom, Alcatel câble devenu Nexans, Cegelec, Saft et d’autres filiales. Le pactole a surtout servi à acheter des entreprises de télécoms aux États-Unis.
En 2000 avec l’éclatement de la bulle Internet, les bénéfices baissent nettement.
En 2006, le groupe, en perte de vitesse, est fusionné avec l’américain Lucent alors en grande difficulté. Le groupe achète aussi la division mobile deuxième génération et troisième génération à Nortel en cours de démantèlement.
Depuis la fusion, avec Lucent, le groupe a perdu environ 800 millions d’euros par an pour un chiffre d’affaires de 15 milliards.
Les guerres des chefs internes, la lenteur à choisir les sous-produits entre les différentes entités achetées, les erreurs stratégiques, en sont les principales causes internes.
Alors qu’avec l’acquisition de la division 3G de Nortel l’ensemble du nouveau groupe avait 17 % de parts de marché en 2007 pour la technologie mobile 3G, il n’en a plus que 9 % aujourd’hui.
La concurrence déloyale du chinois Huawei devenu maintenant le numéro deux des télécoms juste après Ericsson et devant Alcatel-Lucent est aussi un véritable problème.
Pour financer les pertes chroniques, le groupe a vendu des filiales : 25 % de parts de Thalès, Alcatel pompes à vide à Annecy, Genesys…
Et la dette du groupe augmente.
En décembre 2012, le groupe est proche de la cessation de paiement.
Un nouveau PSE est annoncé, nous en sommes au 5e en 6 ans.
Pour combler ses besoins en trésorerie, le groupe doit faire un nouvel emprunt. Seuls Goldman Sachs et Crédit Suisse acceptent de prêter à un taux proche de 9 % avec au passage une dépense de 75 millions d’euros pour les parasites de la finance qui ont monté le dossier. Les 29 000 brevets du groupe et toutes les filiales sont gagés.
Nous voyons bien là le poids de la finance.
L’intersyndicale (IS) avait été reçue à sa demande par le gouvernement.
Avec l’aide de son expert l’IS avait proposé au minimum de cautionner ce prêt pour faire baisser le taux comme cela a été fait pour PSA Finance.
La CGT et la CGC avaient demandé l’entrée de l’état dans le capital pour donner un peu d’oxygène aux finances du groupe mais surtout pour changer les orientations stratégiques. La CGC disait clairement que l’entrée de l’État dans le capital des entreprises privées n’est pas sa tasse de thé, mais elle préconisait une entrée à hauteur de 25 % dans notre cas. Le gouvernement n’a rien fait.
Un nouveau PDG est nommé en avril 2013.
Il réussit à ré-échelonner la dette de 5,5 milliards d'euros, fait baisser le taux moyen de 8 à 6 %, et il vient de lancer une augmentation de capital. Cela donne une bouffée d’oxygène pour la trésorerie et un peu de temps pour relancer l’activité mais la pression financière se poursuit.
En octobre 2013, il annonce un 6e PSE drastique. C’est un véritable démantèlement du groupe en Europe de l’Ouest avec un sabrage d’activités et des économies tout azimut. Seules 4 lignes de produits, dont seulement 2 présentes en France, subsisteraient et toutes les activités hors recherche et développement seraient externalisées ou vendues.
Mais examinons la situation financière du groupe.
Le groupe perd de 800 millions à 1 milliard d’euros par an. Les actionnaires n’ont rien touché de 2006 à 2012. Une action qui valait 15 € à la fusion est tombée à 1 € puis remonte maintenant à 2,50 €.
L’analyse des comptes annuels :
– 300 millions de frais financiers d’intérêts de la dette.
– 400 millions à 1 milliard de frais de restructuration selon les années. Cela re-augmente et pourtant c’est inefficace.
– 220 millions de retraites des ex-salariés décèdent aux États-Unis.
C’est-à-dire plus d’un milliard par an de frais non opérationnel à comparer aux pertes, en moyenne, de 800 millions d’euros/an.
Non ce n’est pas l’activité opérationnelle qui est mauvaise même si les bénéfices étaient alors insuffisants !
L’intersyndicale a de nouveau rencontré récemment le cabinet du Premier ministre, celui du Redressement productif, et celui de l’économie numérique.
Voici 2 points concernant le volet « financement » sur les 10 revendications énoncées.
Le gouvernement a répondu que l’État n’a pas vocation à entrer dans le capital de toutes les entreprises en difficulté.
Les difficultés de l’entreprise du groupe ne sont pas toutes d’origine financière.
Il y a besoin de revoir la stratégie. De diversifier les produits et les clients au lieu de se concentrer sur seulement quatre lignes de produits,
La concurrence déloyale du chinois Huawei pèse sur les prix (le groupe a perdu de nombreux marchés en particulier en Afrique).
Plus globalement le modèle économique du secteur des télécoms est totalement à revoir avec des entreprises dites “Over The top” type Amazon, Ebay, Facebook principaux bénéficiaires des réseaux mais qui ne contribuent pas du tout à la construction des réseaux. Ensuite les opérateurs, même s’ils licencient, continuent de faire des profits faramineux. Et au final, les équipementiers de télécoms restant tirent la langue avec des ventes de produits et de très faibles marges en Europe.
Néanmoins l’exemple d’Alcatel-Lucent illustre le besoin de remettre en cause le poids de la finance qui pèse contre l’emploi.
Les dividendes versés aux actionnaires d’Alcatel-Lucent repartent à la hausse, les banques se gavent avec des taux d’intérêt exorbitants et jouent contre l’emploi.
Il faut revoir le rôle de la BCE qui prête à moins de 1% aux banques alors qu’elle prête à plus de 8 % pour maintenir ou développer l’emploi.
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