Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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L’obsession de la réduction du coût du travail pour servir le capitalisme Quelle alternative ?

Le thème de la compétitivité des entreprises est aujourd’hui repris en boucle. Il y a un véritable pilonnage politique pour fermer les alternatives, travailler l’idée d’une impuissance pour l’action collective des salariés, installer le doute durablement dans leur tête. Dans tous les cas, il s’agit de faire pression sur l’emploi, sur les salaires, sur la formation professionnelle, sur les qualifications, pour accroître la compétitivité du capital !

Face à cette offensive idéologique, nous devons inscrire la question du coût du capital dans toutes nos batailles.

Deux exemples connus : PSA Aulnay et Goodyear Amiens

L’exemple de PSA Aulnay est emblématique de la traduction concrète des conséquences de ce coût du capital.

Le sort de l’usine d’Aulnay est, en même temps, le résultat d’une stratégie d’entreprise et d’une conception d’aménagement du territoire, une véritable collusion entre les deux. Il s’agit pour le groupe automobile de faire pression sur les fameux coûts de production et de coût du travail, et de réaliser une spéculation immobilière juteuse ! Il est en effet prévu d’implanter à proximité du site actuel une gare du Grand Paris Express, réseau de transport du Grand Paris. Une étude sérieuse a montré qu’à la simple annonce de cette réalisation, le prix du mètre carré avait triplé.

Avec le report d’une partie de la production sur le site de Poissy, et comme conséquence une aggravation des conditions de travail pour les salariés. Quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit que l’usine de Poissy se trouve au bord de la Seine, qui elle-même se termine sur le port du Havre, prévu pour être le port maritime du Grand Paris ! La bouche est bouclée ! Casse d’un site de production. Aggravation des conditions de travail, et réduction de l’emploi. Affaiblissement du potentiel industriel du pays. Et comme une suite logique, un accord compétitivité qui bloque les salaires et augmente le temps de travail, signé par FO et la CFTC.

La multiplication des accords compétitivité a un effet immédiat. Celui de l’explosion de la précarité du travail avec 85 % des embauches effectuées à l’heure d’aujourd’hui en emplois précaires et l’ascension permanente de la courbe du chômage ! Le thème de la compétitivité des entreprises est aujourd’hui repris en boucle et martelé comme un objectif évident et incontournable.

Le deuxième exemple est celui des Goodyear Amiens, où les salariés avec leur syndicat CGT puissant se battent pour le maintien de leur site de production en faisant face à un mépris de la direction actuelle et pire de l’éventuel repreneur TITAN. Mais qui bute sur le climat général ambiant et sur la difficulté à construire de véritables alternatives. C’est à cette question décisive que nous avons décidé de nous attaquer avec notre campagne sur le coût du capital. En articulant luttes politiques et luttes sociales pour faire sauter les verrous idéologiques présents dans la tête des salariés.

Les difficultés à construire des alternatives ne sont pas un cas unique de Goodyear !

Dans plusieurs entreprises, les salariés ont engagé des luttes pour l’augmentation des salaires, comme Swissport à Roissy, avec parfois des succès revendicatifs. Ce sont des luttes à double détente : elles répondent à une demande sociale immédiate de hausse des salaires pour vivre ou faire reconnaître la qualification, et par ricochet agissent sur la répartition des richesses, et donc sur le coût du capital. Ce n’est pas toujours perçu comme tel par les salariés en lutte, mais c’est pourtant bien le cas. C’est aussi ça notre rôle. Pour le développement des luttes sociales, en appui des luttes sociales, travailler à la compréhension politique du plus grand nombre. Nous résumons souvent par cette formule dans nos tracts « parce que c’est utile socialement et efficace économiquement ». Nous n’avons, en général, pas beaucoup besoin d’appliquer l’utilité sociale à des salariés qui ont de plus en plus de mal à vivre. Par contre, nous devons expliquer en quoi augmenter les salaires est efficace socialement. Comme investir dans la formation professionnelle, dans le développement de l’emploi, dans les qualifications, pour contribuer à créer une dynamique économique et sociale.

Il y a un véritable pilonnage politique pour fermer les alternatives, travailler l’idée d’une impuissance pour l’action collective des salariés, et installer le doute durablement dans leur tête. Dans tous les cas, il s’agit de faire pression sur l’emploi, sur les salaires, sur la formation professionnelle, sur les qualifications, pour accroître la compétitivité du capital ! Et non pas pour l’efficacité des entreprises ! Les salariés dans les entreprises sont sous cette pression permanente. Nous devons, par nos initiatives et nos propositions, les aider à s’en extraire en développent et déclinant, dans les réalités concrètes de terrain, notre proposition de sécurité d’emploi et de formation. C’est un travail conséquent mais indispensable si nous voulons redonner confiance ! Et cette proposition du PCF de sécurité d’emploi et de formation doit s’articuler avec l’exigence de droits et de pouvoirs décisionnels nouveaux pour les salariés (droits de veto pour les CE et de propositions alternatives, droits pour les élus du personnel). Si nous menons bien ces deux batailles en cohérence, alors nous rendons possible la possibilité de constructions alternatives possibles. Comme des leviers pour contester les choix de gestion des entreprises. Les deux exemples cités plus haut montrent qu’il faut agir sur l’entreprise elle-même et son environnement au sens large. Environnement idéologique, politique et territorial. Un de mes « vieux » camarade dit toujours que « la preuve de la conviction, c’est l’action ». Alors, quand il n’y a pas d’actions, il faut se poser la question de savoir ce qui fait défaut dans la conviction et pour quelle raison !

Quelques rappels nécessaires

Il s’agit d’une véritable mise en accusation publique du coût du capital, de ses choix économiques et sociaux, et de ses conséquences !

Sans qu’il y paraisse, d’une façon insidieuse, nous sommes confortés quotidiennement à des choix politiques qui sont le résultat du « coût du capital ».

Aujourd’hui, tout est fait pour en camoufler l’ampleur et les désastres sociaux que ces choix engendrent. Nous avons la responsabilité d’engager une vaste riposte idéologique qui doit s’appuyer sur des expériences et des luttes concrètes partout où nous pouvons développer cette mise en accusation !

En voyant bien qu’il peut cohabiter dans la tête de certains salariés que le capital est un coût, mais que le travail est lui aussi un coût. En discutant avec des salariés, on peut s’apercevoir que certains peuvent considérer qu’il faut, par exemple, taxer les revenus financiers, mais qu’il faut aussi réduire les charges sociales, comme pour trouver une espèce d’équilibre. La mise en accusation du coût du capital et de sa logique n’a donc de validité que si nous la travaillons dans un même mouvement avec nos propositions alternatives à caractère immédiat comme l’augmentation des salaires et la nécessité de se donner des leviers comme les nouveaux droits et pouvoirs des salariés.

Pour être plus précis, nous devons articuler 3 éléments d’ensemble de notre démarche, à savoir : appropriation idéologique, luttes politiques et luttes sociales. L’un ne va pas sans l’autre.

Aujourd’hui, ce qui domine le débat idéologique, c’est le fameux coût du travail. Le patronat a réussi au fil des décennies, environ une trentaine d’années, à installer ce thème au cœur des débats politiques et des enjeux économiques. Ce thème est admis aujourd’hui par beaucoup comme une évidence. Le patronat, et son bras armé le Medef, ont réussi ce tour de force en quelques années avec une constance et une pugnacité qu’il faut leur reconnaître. Aujourd’hui ce thème du coût de travail domine le débat idéologique et sert de socle à tous les reculs sociaux passés ou engagés. Cela semble admis comme une vérité révélée ! Ils ont réussi à mettre dans la tête de beaucoup de salariés, que chaque matin quand ils se rendent à leur travail, ils coûtent cher à leur patron, et qu’il est justifié de réduire ce coût du travail, alors que la question du « coût du capital » est évacuée du débat.

Nous devons maintenant mettre autant de ferveur, par nos initiatives, afin que le débat dérive de plus en plus du coût du travail au coût du capital.

Cette bataille commence avant tout à l’entreprise, cela paraît comme une évidence. Ce nœud que nous devons dénouer commence avant tout à l’entreprise. Les salariés doivent être pour nous une cible incontournable.

Mais aucun aspect de ce qui fait la vie en collectivité n’est épargné. Tout passe à la moulinette des exigences de rentabilité du capital : le choix fait dans les entreprises, les services publics, la protection sociale dans son ensemble (on le voit avec la retraite, le débat du PC-FDG), le rôle des banques et de la finance, la BCE (débat à l’occasion des élections européennes), et même des questions d’aménagement du territoire, qui sont elles aussi guidées par la préservation et la mise en œuvre des choix du capital. L’argumentation essentielle tourne autour de la compétitivité des entreprises, aujourd’hui admise comme une donnée incontournable par le gouvernement socialiste/EELV !

Que vaut un débat sur la compétitivité quand domine, dans le paysage idéologique, le coût du travail et sa pseudo nécessaire réduction ? Eh bien, il amène à cette idée erronée et contre-productive qu’il faut le réduire et que le redressement économique ne peut se faire qu’à ce prix ! Un peu plus loin, je prendrai quelques exemples pour illustrer un propos un peu théorique, mais aussi nécessaire.

Le capital a sur la production de richesses un rôle de prédateur !

Tout est pensé, de sa part, pour accentuer son prélèvement sur les richesses créées. Il est utile de garder en tête que tout est réfléchi, organisé et anticipé pour aller vers cet objectif. Et ayons aussi à l’esprit que la meilleure façon de mener la lutte des classes pour le patronat, c’est d’essayer de faire rentrer dans la tête des salariés que cette lutte n’existe pas ou bien n’existe plus ! C’est une façon de désarmer idéologiquement les salariés pour mieux leur faire accepter les reculs sociaux. L’intégration idéologique des salariés et de ses organisations est un objectif fondamental pour le patronat.

La faiblesse politique que beaucoup constatent aujourd’hui n’est en fait que la traduction idéologique du combat mené par le patronat. Avec un regard un peu cartésien, si ce ne sont pas nos idées qui sont dans les têtes, alors ce sont les idées de classe du patronat qui y sont.

Parallèlement à la progression de l’idée que le travail est un coût, les luttes sociales, singulièrement dans les entreprises, sont devenues de plus en plus défensives en amenant certains d’entre eux à revendiquer pour que la somme du chèque de licenciement soit la plus élevée possible, mais plus sur la préservation de l’outil de production et la sauvegarde de l’emploi. Avec ce constat, on mesure l’impact concret de la bataille sur le coût du travail et de l’importance que notre parti, et le Front de gauche, et de ce que nous commençons à mettre sur pied.

Plus le patronat et les forces acquises à cette idée ont fait progresser et répandu l’idée que le travail est un coût, plus les luttes sociales ont été difficiles à mener. Je dis bien difficiles, mais pas impossibles ! Il est d’ailleurs à noter que la CGT a décidé elle aussi de mener une campagne autour du coût du capital et a mis en place un collectif chargé de l’animer. Il faut noter aussi que les différences, voire les désaccords de plus en plus visibles entre organisations syndicales, ont comme base le fait que certaines d’entre elles considèrent que le travail est un coût et d’autres qu’il n’est pas qu’un coût mais un investissement. C’est cette différence essentielle qui a été le socle pour que, par exemple, la CGT refuse de signer l’ANI du 11 janvier 2013 qui a débouché sur la loi dite de « sécurisation de l’emploi », quand la CFDT  l’a paraphé entérinant un recul historique en matière de droit du travail et de précarisation de l’emploi. Les militants des autres organisations syndicales ne sont pas imperméables au contexte idéologique dominant dans la société !

Il n’y a pas si longtemps, militants de la CGT et de la CFDT, voire avec d’autres organisations syndicales, se battaient ensemble pour le développement de l’emploi, et pas seulement de sa préservation, pour un développement du droit du travail, pour une amélioration de la protection sociale, et pour l’augmentation des salaires. Ce petit rappel historique nous aide aussi à mesurer l’importance de ce que nous commençons à mettre en œuvre dans notre parti.

Le patronat, avec le Medef comme bras armé, se sert de la crise pour engager des reculs sociaux d’ampleur, mais aussi pour camoufler la responsabilité du capital et de son coût. Il organise un attelage entre bataille et brouillage idéologique.

La notion de coût provoque souvent un réflexe économique. C’est bien évidemment juste ! Mais notre mise en accusation, la responsabilité du rôle du capital, doit aussi tourner autour des dégâts humains considérables, des risques écologiques. Un certain barbu au xixe siècle a dit en substance « le capital épuise la terre et les hommes ». Nous le vérifions tous les jours !

Le capital imprime sa volonté politique dans tous les pores de la société

Sa stratégie prend corps dans les entreprises, mais elle s’insinue dans tous les rouages de la société. Dans la conception et le rôle des banques et de la finance, et dans une question trop souvent mal perçue ou négligée : l’organisation des territoires ! Ils sont aujourd’hui organisés politiquement, pour accentuer, aggraver, une répartition des richesses en faveur du capital. Lequel organise et conçoit les territoires et leurs structures politiques pour qu’ils répondent à cet objectif. Dernier événement en date, l’acte III de la décentralisation et la loi sur la création des métropoles. Par exemple, le Grand Paris, imaginé par Sarkozy et poursuivi par le gouvernement actuel, répond à cet impératif. Il organise économiquement les territoires dans ce but, mais aussi les structures politiques qui vont avec !

Des structures politiques qui ont cette double vocation :

– Économique ;

– Politique, pour la mise en œuvre de ses choix et pour se doter de moyens nécessaires pour entraver toute construction alternative, sans négliger les moyens coercitifs !

La difficulté pour nous militants syndicaux ou/et politiques est donc d’arriver à ne laisser de côté aucun des aspects mis en œuvre par le capital, mais bien de les articuler.

À titre d’exemple, si le Grand Paris tel que conçu actuellement voit le jour (il se met en œuvre tous les jours) nous allons assister à une véritable métamorphose économique et sociale de l’Île de France. Nous assistons tous les jours à une véritable hémorragie d’emplois et d’activités industrielles, qui rapproche de la volonté de faire de la région capitale une plate-forme financière en compétition avec les autres régions européennes ou mondiale. Le coût du capital, c’est aussi ces aspects souvent difficilement perceptibles, mais malgré tout fondamentaux.

Notre volonté de nous attaquer à cette question du coût du capital doit devenir un combat permanent qui alimente la lucidité politique, plutôt qu’une campagne au sens où nous avons l’habitude de l’utiliser. Même si pour des commodités de langage il est pratique et utile d’utiliser ce terme. Mais une campagne est forcément alimentée dans le temps. Alors que cette question doit devenir comme une seconde nature pour nous, communistes ; si nous menons bien ce combat d’idées, la lucidité politique ne se limitera pas aux seuls adhérents et militants du PCF, mais va déborder et bénéficier à l’ensemble des militants et salariés qui souhaitent  œuvrer pour une véritable transformation sociale progressiste.

 

 

 

 

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