Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Lutter contre le coût du capital pour des dépenses d’expansion sociale et permettant une efficacité nouvelle - De quoi s’agit-il ? Quelle campagne ? Quel contenu ?

Avec la campagne annoncée par Pierre Laurent contre le coût du capital, nous amorçons une grande question qui peut porter loin. Il s’agit d’une campagne tout à la fois d’idées et de luttes. Avec un souci : la politisation populaire.

Au-delà de son côté indispensable dans la conjoncture politique (et économique) immédiate, nous devons viser à polariser le champ politique avec cette question, voire à conditionner la prochaine bataille présidentielle à partir de cette question, même si ce n’est bien évidemment pas la seule.

Nous proposons de la mener sur « deux jambes » : contre le coût du capital et pour une nouvelle expansion sociale. Il s’agit aussi de voir qu’elle est porteuse d’un projet de société, voire de la visée d’une nouvelle civilisation.

Cette introduction à la journée d’étude du 8 novembre 2013 sur le coût du capital associant les Commissions économique et entreprise du Conseil national sera articulée autour des points suivants : Qu’est-ce que le coût du capital ? De quelle logique est porteur le capital ? Quelle logique alternative ? Quelles propositions ? Quelle campagne (éléments) ?

Qu’est-ce que le coût du capital ?

Le patronat, les forces politiques dominantes, nous parlent sans cesse du « coût du travail ». Ce serait au nom du coût du travail trop élevé que les entreprises françaises rencontreraient des difficultés. Toutes les réformes économiques devraient être engagées pour faire baisser le coût du travail. Et, devenue dominante, cette idée vient de loin : elle est développée avec constance par le patronat français depuis longtemps et s’est accélérée depuis 1983 avec Yvon Gattaz alors président du CNPF. C’est cette idée qui justifie notamment toutes les politiques de baisse des cotisations sociales employeurs, vues uniquement comme des coûts pesant sur les entreprises.

Nous répondons « coût du capital ». Plus précisément, nous ne fuyons pas la question des coûts et d’une baisse nécessaire des coûts, mais pas n’importe lesquels et pas à tout prix, et nous voulons mettre en lumière ce que nous appelons les coûts du capital.

Alors, de quoi s’agit-il ?

Première approche

Il s’agit tout d’abord, et en première approche, des dividendes versés par les entreprises et de leurs charges financières d’intérêts bancaires (et autres versements de commissions aux banques).

Ces seuls coûts, d’après l’Insee, représentent macro-économiquement un prélèvement de 298,6 miliards d’euros sur les « entreprises non financières » en 2012. Il se décompose en 229,5 milliards d’euros pour les dividendes et 69,1 milliards d’euros de charges d’intérêts. C’est un énorme prélèvement sur les richesses créées : 30 % de la valeur ajoutée de ces mêmes entreprises ! Soit aussi, le double de leurs cotisations sociales employeurs effectives, qui, elles, s’élèvent à 157,9 milliards d’euros en 2012. Ce prélèvement de dividendes et intérêts est aussi supérieur aux dépenses d’investissements matériels de ces mêmes entreprises non financières (197,4 milliards d’euros en 2012).

Éléments du Compte des sociétés non financières (SNF-S11)

[en Mds d’euros]

Source INSEE, comptes nationaux, mai 2013 (extraits du tableau 7.101)

* hors coût des amortissements, hors loyersimmobiliers

** ligne (c) + revenus des terrains et gisements, bénéfices réinvestis des investissements étrangers

Coût du capital des entreprises non financières

[en % de leur VA]

 

Depuis 1999, ce coût du capital a vu son montant doubler en euros courants (il était alors de 144 milliards d’euros). Ou encore, en pourcentage de la valeur ajoutée de ces mêmes entreprises (car il faut tenir compte de la croissance de la VA intervenue depuis), son poids s’est aussi accru de 21 % en 1999 à 29 % en 2012 (il était de 14 % en 1980).

Même si nous centrons notre propos sur le coût du capital des entreprises non financières, on peut cependant citer celui qui pèse sur les entreprises financières (banques, assurances, auxiliaires financiers). Celui-ci s’élève à 40,9 milliard d’euros (en 2012) pour les seuls dividendes versés (1): presque la moitié (44,4 %) des 92,1 Mds de valeur ajoutée réalisée par ces mêmes entreprises financières… !

Il faut aussi souligner que l’État et les administrations publiques supportent elles aussi des charges financières d’intérêt élevées puisqu’elles représentent plus de 46,7 milliards d’euros, soit à peu près autant qu’un budget de l’Éducation nationale, ceci pour les seules charges d’intérêt, sans compter le remboursement du capital des emprunts (ce qu’on appelle le « principal », par opposition aux « intérêts »). Avec la même dette, mais un taux proche de 0 %, cette charge d’intérêt disparaîtrait quasiment, générant un ballon d’oxygène de 46,7 milliard d’euros.

Comment se situent les coûts du capital dans l’ensemble des coûts des entreprises ?

Il faut bien voir que la notion de « coût » contient une certaine charge idéologique, ou tout au moins un certain élément conventionnel : c’est un coût par rapport à un certain périmètre : « pour quelqu’un ». Là, pour simplifier, on prend les prélèvements dits « extérieurs » sur l’entreprise, et c’est en cela qu’il s’agit d’une première approche comme on le verra plus loin, car il y a d’autres coûts du capital. Mais le grand intérêt c’est que ces prélèvements extérieurs sont incontestables : leur caractère de prélèvement est incontestable en tant que tel.

Pour prendre un peu de distance, il est utile d’utiliser la notion plus neutre de « dépense ». Par exemple, un salaire est bien une dépense de l’entreprise, mais nous prétendons par contre qu’il n’est pas seulement un coût mais aussi une dépense de développement.

Ainsi, si l’on s’intéresse aux dépenses des entreprises, l’Insee a pour charge de publier chaque année des comptes nationaux. C’est une sorte de « macro-comptabilité », permettant d’établir le PIB (produit intérieur brut), d’en distinguer les différentes composantes (consommations, investissements, etc.) mais aussi de présenter la contribution de différents ensembles d’acteurs économiques à l’activité économique, sous l’angle des dépenses et du PIB.

Ainsi, on y retrouve un compte des « sociétés non financières » (SNF) (2). Réalisé par l’Insee, il permet de récapituler leurs dépenses, bien que celles-ci soient cependant consolidées.

Pour comprendre, il faut partir des dépenses des entreprises. Si elles n’avaient que des salariés à payer, cela se saurait, et la profession de gestionnaire serait assez facile. Or bien évidemment, ce n’est pas le cas. Les entreprises achètent des matières, produits semi-finis, des marchandises, paient des services, elles ont des salariés à payer, occupent des locaux, elles utilisent des machines qu’elles achètent et amortissent, elles ont des emprunts, paient des impôts, paient aussi des dividendes, etc.

Ainsi, leurs achats de matières, produits intermédiaires, services et marchandises constituent autant de « consommations intermédiaires », pour 1 546,5 milliards d’euros. Elles paient aussi différents impôts, soit à la production soit sur leur bénéfice, pour 89,3 milliards d’euros. Elles paient bien sûr des salaires et cotisations sociales, pour un total de 689,8 milliards d’euros (le fameux « coût du travail »). Il y a encore des charges d’intérêts et des dividendes prélevés (les 298,6 milliards d’euros), c’est le coût du capital dont on a parlé en première approche (ou définition 1).

Mais il y a d’autres coûts encore que l’on doit considérer comme des coûts du capital : quelques autres revenus de la propriété (11 milliards d’euros), mais aussi des amortissements gonflés (3) (le total des amortissements est estimé macro-économiquement à 145,0 milliards d’euros). On peut encore compter les charges de crédit-bail, mais aussi les loyers des immeubles, voire les royalties des brevets ou des marques, qu’on peut estimer à environ 100 milliards d’euros, mais qui sont incluses (noyées) dans les paiements de services. Au total, si on additionne ces trois derniers ensembles, on obtient un coût du capital de 554,9 milliards€. C’est du coût capital en deuxième approche, pris à peu près dans son ensemble (ou définition 2).

Il faudrait aussi tenir compte des prélèvements des profits proprement financiers et spéculatifs.

Tandis que d’autres coûts du capital (ou une partie de ceux cités ci-dessus) sont cachés dans les consommations intermédiaires, comme les dépenses de crédit-bail, pour les équipements détenus sous cette forme, ou encore comme les services d’intermédiation financière que les banques perçoivent en même temps que les intérêts (les SIFIM [4]) et que, semble-t-il, l’Insee compte dans les consommations intermédiaires des entreprises non financières. Ce qui ouvre d’ailleurs tout un ensemble de questions à se poser lorsque l’on aborde une entreprise donnée, dans une lutte particulière. Et à poser comme autant d’interpellations des directions.

Au total, sur les 2 880 milliards d’euros de coûts des entreprises (cf. tableau 2), ce sont les achats et relations avec les fournisseurs (y compris importations) qui représentent la majorité des coûts (5) (53,7 %). Les coûts dits « du travail » représenteraient 23,9 % des coûts, mais ceux « du capital » représenteraient presque autant avec 19,3 % des coûts totaux, peut-être plus avec tous les prélèvements !!

Cependant il s’agit d’une totalisation macro-économique, qui élimine un certain nombre d’échanges entre entreprises. Mais au niveau élémentaire d’une entreprise donnée, on va plutôt avoir un poids du coût du capital autour de 17 %, en moyenne, notamment dans l’industrie, et de 15 % pour le travail. Gardons à l’esprit aussi qu’il y a d’importantes différences entre les secteurs. En particulier, dans la construction, les dépenses salariales vont être, en proportion, plus élevées, et dans le transport routier, les consommations intermédiaires liées au carburant pèsent particulièrement lourd.

Dépenses des entreprises non financières

(tableau simplifié, tous secteurs)

Il s’agit de dénoncer le coût du capital comme un prélèvement sur les richesses créées. D’ailleurs, les dividendes et les charges financières sont des revenus pour d’autres « agents économiques » comme on dit, les banques et actionnaires (voire des entreprises), détenteurs de capitaux. Et ce sont des revenus comme les salaires sont aussi des revenus.

Mais ces dépenses sont largement parasitaires ! Alors que les dépenses en cotisations sociales, ou en salaire, tout en étant des dépenses, ne sont pas parasitaires ; elles sont même indispensables.

Deuxièmement, on peut dénoncer, et il le faut souvent aussi, les autres dépenses excessives en capital, y compris en capital matériel, que certains omettent de dénoncer, et c’est un débat sur lequel je reviendrai. Cela renvoie au classique débat où serait « méchant » le seul capital financier tandis que le gentil capitalisme serait le capitalisme du capital « réel »… avec pourtant ses cadences infernales, les conditions de travail dont il est porteur, bref toute sa tendance à la surexploitation du travail.

Mais suffit-il de baisser les coûts du capital ?

En d’autres termes, s’agit-il uniquement d’un problème de répartition ?

La logique dont est porteur le capital, notamment le capital financier

Il faut voir que ce coût du capital si élevé, et accru, exprime, traduit, trois choses.

  •  C’est l’expression d’un prélèvement sur les richesses créées par les entreprises, comme on l’a dit. Un prélèvement qui s’oppose à d’autres dépenses, d’autres coûts si l’on veut. Tout particulièrement les dépenses salariales ou pour les qualifications, la formation, ou encore les dépenses de recherche et développement (la R&D). Notre regretté camarade Pascal Borelly, syndicaliste chez Dassault aviation, avait coutume de dénoncer Noël Forgeard, PDG d’Airbus, se félicitant d’avoir économisé 1 milliard d’euros de R&D… pour satisfaire ses actionnaires !
  • C’est l’expression d’un pouvoir. Le capital, à travers le capital financier qui en est une forme particulièrement élaborée, impose ses vues, ses décisions (licenciements, investissements), sa logique, à l’activité des entreprises et, partant, à une grande part de l’activité économique.
  •  C’est l’expression enfin d’un type de croissance : celui qui respecte les exigences de la rentabilité. On produit d’abord pour rentabiliser le capital, le reste est second. Ce critère de rendement du capital se traduit [1. en pression pour la productivité apparente du travail, et sur les conditions de travail ; [2. il se traduit par un certain type de décisions d’investissements et de production ; [3. il se traduit, comme on l’a déjà dit, par un refus de certaines dépenses de développement, ou leur insuffisance, surtout s’il s’agit de dépenses en salaires et en développement des capacités humaines ou des services publics.

Bref, il s’agit ainsi de la domination du capital financier (6) sur les gestions et sur toute la société.

On peut citer des exemples, et il faudra en accumuler d’autres. Il faudra aussi les mutualiser entre nous. l’Humanité aussi peut disposer de nombreuses pépites d’informations et révéler beaucoup de choses avec cet angle de vue… !

Le groupe Alcatel-Lucent (cf. encadré) verse 1,915 milliard d’euros de charges financières (si l’on totalise les intérêts du capital, les coûts financiers des divers types d’obligations que le groupe a récemment émis, les primes versées aux banques, etc.), presque autant que ses dépenses de R&D qui s’élèvent elles à 2,4 milliards d’euros ! Et s’apprête à licencier massivement. Pourquoi ne pas envisager une initiative à partir de ce groupe sur le coût du capital ? À Lannion par exemple ?

Le « système » ferroviaire, formé de la SNCF et de RFF (Réseau ferré de France) verse chaque année environ 2 milliards d’euros aux banques en intérêts du capital, c’est-à-dire environ 1/8 du Chiffre d’affaires de la SNCF : chaque jour, les cheminots travaillent directement plus de une heure (car les journées font, sur le papier, moins de 8 heures) pour les banques et leurs actionnaires (7). Et ce n’est pas la dette dont il faut réclamer la suppression, car il faut des avances pour développer le réseau et le transport, pour l’avenir, et donc emprunter. En revanche, la même dette à un taux proche de zéro verrait fondre ces 2 Mds€ vers 0 ! Soit une possibilité de meilleurs salaires ou d’embauches ou de baisse du prix du billet d’autant.

Comme pour l’État, ce n’est – pour l’essentiel – pas la dette en soi qu’il faut contester mais ses conditions de coûts (taux d’intérêt) et d’utilisation (trains sans embauches de cheminots, de moins en moins de gens pour entretenir le réseau [8]). Là aussi une initiative nationale pourrait être envisagée.

C’est encore la société des traminots de Toulouse qui face à une montée des taux bancaires des emprunts de 3 % à 6 % pour renouveler son matériel propose de renouveler les contrats en baissant d’autant la masse salariale.

Et on pourrait prendre bien d’autres exemples d’entreprises privées ou publiques (9).

Quels éléments communs de bataille il s’agit donc de faire monter ? Nous avons besoin de « marcher sur nos deux jambes » : d’une part faire baisser le coût direct du capital et pour d’autre part financer autre chose, d’autres dépenses de développement.

Ce sont ces deux jambes qui font la radicalité, la transformation sociale de portée révolutionnaire. Ainsi faut-il s’attaquer au coût du capital (et au « financement de marché ») qui empêche un vrai développement efficace, car il empêche d’autres dépenses, il écrase les capacités humaines et les territoires. Sans s’attaquer à lui, les phrases sur le reste sont des phrases creuses et à la limite hypocrites. Mais aussi faire d’autres dépenses de développement : recherches, salaires, qualifications, services publics, protection sociale. C’est cela qui amorce une transformation sociale et économique fondamentale, à la fois contre le chômage et vers un autre système productif, économe en moyens matériels, développant les hommes et les femmes, appuyé sur des services publics en expansion, et des transformations démocratiques profondes des pouvoirs des salariés et des gens, à travers le suivi de l’utilisation des financement, des gestions, etc. Car un suivi, avec des pouvoirs d’interpellation, est absolument nécessaire pour s’assurer que les dépenses exigées vont bien développer l’emploi, les qualifications, les richesses créées dans les territoires. Il s’agit de pouvoirs de suivi, d’interpellation, pour des sanctions éventuelles, se répondant entre salariés des banques, salariés des entreprises et habitants des territoires.

Jusque dans l’État et les collectivités publiques on retrouve la montée et l’importance du coût du capital. C’est en effet 51,2 milliards d’euros que l’État (46,7) et les collectivités territoriales (4,5) versent aux marchés financiers comme intérêts de sa dette. C’est plus que le budget de l’éducation nationale et c’est presque les 2/3 de la dépense publique de la nation (État et collectivités territoriales) pour l’éducation ! Encore une fois, il s’agit des seuls intérêts, et donc des conditions de la dette. Qu’en est-il des collectivités locales ? On sait la folie dans laquelle certaines ont été engagées, mais on sait aussi les contraintes obligées pour d’autres que les banques font peser sur elles. Et il y a aussi les hôpitaux publics. Là encore un travail de transparence, de dénonciation peut appuyer et nourrir fortement la lutte pour des propositions et pour une autre logique.

Une logique alternative

Suffit-il de faire moins de dépenses en capital et plus de dépenses en salaires ? Non. Cela ne suffira pas. Il ne suffit pas de bouger un curseur capital/travail sur la même dimension. Il faut une autre logique. C’est en dépassant cet enfermement qu’il peut y avoir une réussite économique et c’est comme cela que l’on peut rassembler.

Pourquoi est-ce que cela ne suffit pas ? Car le salaire est une dépense. Et donc, si on en faisait trop ?

Il faut une production qui marche, une dépense efficace : à la fois ne pas en faire trop en dépense monétaire, avec une production trop coûteuse en monnaie, et ne pas en faire trop du point de vue temps de travail et usure, avec une production trop coûteuse en temps de travail.

C’est-à-dire qu’il faut une baisse des coûts, mais autrement que dans la logique actuelle (qui est la logique profonde du capitalisme) : autrement qu’en jetant les hommes et les femmes, ou qu’en diminuant les dépenses elles-mêmes.

Il s’agit d’avoir une baisse des coûts dans un ensemble qui croît, en effectuant d’autres dépenses. Ces dépenses qui permettent de baisser des coûts et d’améliorer l’efficacité, ce sont les dépenses de formation, de qualification et de recherche, dans l’entreprise, plus les dépenses de développement des services publics (formation, santé, culture, recherche, écologie, etc.).

La logique que nous promouvons, c’est le développement de l’emploi (en quantité et en qualité) et le développement des dépenses sociales pour une autre production. Il s’agit donc d’agir à deux niveaux :

  • Baisser les coûts du capital, qui s’opposent aux dépenses de progrès d’efficacité.
  • Développer ces autres dépenses (formation, recherche, salaires, qualifications, services publics) :

-> pour améliorer l’efficacité, en économisant sur l’ensemble des coûts (une économie relative dans un total qui croît) ;

-> pour produire d’autres choses et autrement.

Car il existe différents types de coûts : des coûts parasitaires (comme la prédation financière), des coûts nécessaires (et qui ont comme contrepartie des revenus), des coûts qui développent, et parmi les coûts qui développent ceux qui font baisser les coûts comme les dépenses de formation, de santé, de culture, recherche, bref les dépenses humaines et celles pour les services publics (10).

Il s’agit donc d’avancer en marchant sur deux pieds : la baisse des coûts du capital et l’augmentation des dépenses de formation, de recherche et pour les services publics.

C’est pourquoi nous proposons que la campagne s’intitule « campagne contre le coût du capital et pour des dépenses d’expansion sociale » ou « et pour une nouvelle expansion sociale ».

Éléments d’explication

Pour aider à clarifier les choses, on peut proposer un rapprochement entre cette analyse – empirique-des coûts et l’analyse marxiste.

Dans l’analyse marxiste, on a :

  • Premièrement des avances : le capital matériel (fixe et circulant), C, et les salaires, V (les salaires sont payés avant que toute la production soit vendue, voire avant qu’elle soit entièrement effectuée) : notons C+V = K.
  • Deuxième temps, la production : les salariés produisent l’ensemble des richesses nouvelles, la valeur ajoutée VA, en correspondance avec V+P (si on note p la plus-value). Ils font cela en utilisant le capital fixe (les machines) et le capital circulant (les consommations intermédiaires de matières premières, d’énergie, ou de produits intermédiaires). Le capital C ne peut que reproduire sa valeur, les machines voient la leur transmise par morceau d’un cycle de production à l’autre, les consommations intermédiaires transmettent intégralement le leur.
  • Troisième temps, après coup (a posteriori, comme disent les économistes), on voit toutes les dépenses, et on peut les analyser comme des coûts :

ø Des dépenses (ou coûts) qui ont reproduit leur valeur en une fois : les consommations intermédiaires ;

ø Des dépenses (ou coûts) qui ont permis de créer de la valeur : les salaires (qui rémunèrent les salariés qui eux créent la valeur ajoutée = salaires + profits) ;

ø Des dépenses (ou coûts) qui peuvent démultiplier la capacité humaine à créer de la valeur par la technologie :

– Investissements matériels (dominants dans le passé) ;

– Recherche, formation, qualifications (qui pourraient commencer à prédominer) ;

ø Des dépenses (ou coûts) de prise sur les richesses créées, devenant de plus en plus des dépenses de prédation : comme les intérêts bancaires ou les dividendes versés aux actionnaires (s’accumulant à un capital situé ailleurs).

Propositions

Portée et enjeux

Au-delà de simplement « baisser les coûts du capital », il s’agit de se libérer de la domination du capital, définie comme la domination de l’argent utilisé pour faire de l’argent (11). C’est un défi de société et même de civilisation. Le défi est celui de la maîtrise de l’argent et des moyens matériels pour tirer parti de leur efficacité, afin de développer toutes les capacités humaines, et non pour que le capital asservisse chaque jour toujours plus de salariés et de gens.

Pour cela, il faut agir de deux façons :

– Pénaliser ;

– Inciter, en visant une autre logique.

La pénalisation est une action négative qui vise à faire reculer les prélèvements du capital : par la taxation, par l’abaissement des intérêts bancaires, par des économies en capital dans la production et dans les gestions.

L’incitation est une action positive, qui vise à favoriser les dépenses de développement du potentiel d’efficacité sociale :

– Développement de l’emploi et sa sécurisation ;

– Qualifications ;

– R&D.

Ainsi que :

– Des investissements matériels économes en capital.

Ainsi, on agit en aval de toutes ces prédations par des prélèvements sur le capital (ce qui renvoie à des réformes pour une fiscalité nouvelle et des prélèvements sociaux nouveaux). On agit aussi en amont, en promouvant une autre logique.

Les propositions elles-mêmes

J’insisterai particulièrement sur quelques-unes, surtout pour indiquer comment elles s’articulent avec la bataille sur le coût du capital.

  • Un nouveau crédit bancaire, porteur d’une nouvelle sélectivité, avec un autre rôle des banques, de la BPI (banque publique d’investissement), d’un pôle public bancaire français, un nouveau rôle de la BCE, mais aussi un rôle tout particulier des fonds régionaux. Je vais y revenir.
  • Un autre comportement des entreprises, avec de nouveaux critères de gestion (notamment dans les entreprises publiques), articulés avec d’autres pouvoirs des travailleurs.
  • Un autre rôle de l’État à deux niveaux : les aides publiques (autre nature, autre conditionnalité), la fiscalité qui doit être incitative à la baisse du coût du capital et à d’autres dépenses de développement, en poussant leur efficacité et non leur gâchis.
  • De nouvelles institutions publiques et sociales, à tous les niveaux, pour examiner et suivre les coûts, l’utilisation des fonds versés aux entreprises. Institutions qui seraient appuyées par les services publics. Il s’agit d’amorcer un nouvel âge de la démocratie. Ce qui implique de nouveaux pouvoirs des salariés et des populations (habitants).
  • L’importance du crédit bancaire. Le cœur de ce nouveau crédit, c’est une nouvelle sélectivité en faveur des investissements qui développent l’emploi et le sécurisent. C’est d’ailleurs le cœur des propositions du Front de gauche, grâce à l’apport communiste du PCF, dans le programme l’Humain d’abord (cf. les pages 34 à 36), à l’issue d’une négociation où les économistes communistes ont joué un rôle majeur.

Il s’agit de réaliser un crédit :

– pour les investissements matériels et de recherche ;

– à taux faible ;

– d’autant plus abaissé (jusqu’à 0 %) que ces investissements développent les emplois et la formation, créent une bonne valeur ajoutée.

Il peut être pratiqué au niveau local ou régional à partir de fonds régionaux publics (y compris depuis des luttes dans les municipalités), par des banques publiques nationales, dont la BPI (Banque publique d’investissement), ou au niveau national par un fonds public national finançant la bonification bancaire, et au niveau européen la BCE peut impulser la pratique d’un tel crédit par les banques elles-mêmes en utilisant le levier du refinancement des banques, rendu lui-même sélectif.

Ce crédit d’un nouveau type pousse à la baisse du coût du capital de deux façons : des charges d’intérêts plus faibles, une lutte contre l’excès d’accumulation matérielle. Il pousse aussi à d’autres dépenses, celles d’emploi et de formation.

Il ne constitue pas, loin de là, une subvention aux profits. Au contraire, il oblige les profits à rembourser ce crédit, et à être ainsi utilisés pour des investissements qui développent l’emploi et qui sont efficaces. Mais cela nécessite un suivi de l’utilisation des crédits, et donc des droits de suivi aussi bien par les salariés (des banques et des entreprises concernées) que par les populations des territoires (via leurs élus). Ces propositions, on l’a vu, portent jusqu’à la BCE et l’Europe, en passant par l’État national.

Nos propositions sur le financement des retraites sont de même nature. Rappelons-les : taxer les revenus financiers des entreprises au même taux que les salaires et favoriser la croissance de l’emploi et de l’efficacité sociale, en modulant à la hausse les taux de cotisations sociales patronales tout en faisant payer plus aux entreprises qui diminuent l’emploi et moins relativement à celles qui développent la part des salaires et de la formation dans la VA.

On peut faire aussi le lien avec nos propositions sur les licenciements.

En cas de suppressions d’emploi nous proposons :

1. Un droit de moratoire sur les suppressions d’emploi.

2. Pour examiner la situation et tout particulièrement d’autres solutions que la diminution des emplois, à savoir baisser le coût du capital et effectuer des dépenses de recherche, de formation, bref de développement des capacités humaines, avec un projet de développement de l’activité.

3. Il faut un droit d’appel au crédit bancaire à l’appui de ces propositions éventuelles.

4. Et, bien évidemment, un droit de suivi de l’utilisation de ces crédits par l’entreprise et de sa gestion.

C’est la grande question de l’irresponsabilité sociale et territoriale des entreprises qui est posée. Nous pouvons, nous devons être porteurs du flambeau du bien commun, de l’efficacité pour la sortie de crise, à partir du cœur de la mise en cause de cette société : la contestation des pouvoirs du capital et de sa logique.

Conclusion : quelle campagne ?

Il faut une campagne d’idées

n Opposant au coût du travail, le coût du capital :

– pour démasquer, faire connaître la réalité ;

– pour indiquer tout de suite un autre chemin : d’autres dépenses qui abaissent les coûts en faisant progresser l’efficacité.

n Qui porte loin sur l’idée d’une nouvelle société, d’une nouvelle civilisation, à partir de la situation actuelle, dans une conception de la transformation révolutionnaire à la fois radicale et graduelle.

n Cette campagne devrait être très politique, en mettant en cause la logique et en exigeant de nouveaux pouvoirs face aux pouvoirs existants, actuels, du capital. Elle devrait être en cohérence avec les luttes. Cela exigerait :

– Des combats immédiats, avec différents types de « cas » :

- à partir des besoins de développement des territoires ;

- Face à des projets de licenciements, ou à une crise dans un secteur donné ;

- En mettant en cause de façon populaire les banques : par des manifestations devant elles voire devant la Banque de France.

– Dans chaque cas, il s’agit :

1. De rechercher les coûts du capital et de les démasquer, les faire connaître ;

2. De mettre en avant une autre logique d’activité économique ou de développement, d’autres projets de production ou de services ;

3. En tenant un triptyque : nouvelles activités (ou produits) – financement nouveau – efficacité nouvelle (par une baisse des coûts du capital et de nouvelles dépenses de formation, d’emploi, de R&D, de services publics, d’investissements).

Ce type de bataille peut se brancher sur nos points forts, à savoir les alternatives européennes, les critères de gestion, les banques, la sécurité d’emploi ou de formation, un nouveau rôle des services publics.

Il s’agit de viser l’unification de tout le salariat. Les cadres, avec leur conscience des besoins d’efficacité et leurs idées, leur créativité pour cela, mais aussi leurs exigences de qualifications et leur capacité à participer à la formulation de propositions… mais dans une radicalité que nous devons favoriser. Les plus exploités, avec leurs revendications sur l’emploi, sa sécurité, et en leur donnant confiance parce que l’on démasque l’énormité des coûts du capital.

Mais il s’agit aussi de pousser les alliances, avec les artisans ou encore avec les TPE voire les PME, écrasées par le comportement des banques, des grands groupes et des actionnaires, qui constitue autant de coûts du capital qui les pressurent et les empêchent de réaliser de nombreuses dépenses de développement (emploi, qualification, recherche, investissement).

Et enfin, il s’agit de porter la revendication d’une expansion nouvelle des services publics, ainsi que de leur liaison aux entreprises, dans un souci de développement du territoire, et non d’une prédation de l’entreprise sur les services publics au détriment des territoires et des gens.

C’est aussi une question de bataille des idées

  • Voyons d’abord le besoin de ténacité. Ce peut être une bataille longue. Inspirons-nous de la ténacité du patronat : depuis 1983, au moins, le patronat par la voix, alors, d’Yvon Gattaz n’a de cesse de dénoncer les cotisations sociales, puis le coût du travail. Et sa ténacité s’exprime même à travers les échecs : telle mesure de baisse du coût du travail ne marche pas ? Qu’à cela ne tienne, c’est parce que l’on n’a pas assez, ou pas vraiment, baissé les cotisations sociales ou le coût du travail !
  • Appuyons-nous sur ce qu’avancent aussi, à présent et depuis peu, les keynésiens (aussi bien certains économistes, comme L. Cordonnier (12), ou le PG). Faire ensemble nous élargit et nous renforce.
  •  Mais il s’agit aussi de bien voir les limites de ces mêmes courants, qui sont autant de différences avec nous. J’en vois trois principales.

Tout d’abord une tendance à insister essentiellement sur la répartition des revenus et non sur la production, mais on peut les tirer dans le bon sens, à condition de partir des exigences de nouveau type de production écologique, auquel ils sont très sensibles, pour venir vers un nouveau type social de croissance, mettant l’emploi en son cœur.

Deuxièmement, et cela va dans le même sens, ils ont une tendance à majorer les aspects concernant la demande (salaires) au détriment de l’offre (façon de produire, qualifications, nouveaux investissements, etc.). Il faut au contraire de nouvelles dépenses pour produire autrement.

Enfin, il y a une tendance, chez eux, à dénoncer uniquement le capitalisme « financier », le capitalisme « réel » étant un « bon » capitalisme. Par exemple, dans l’étude de L. Cordonnier qui commence à circuler partout sur le coût du capital, il dénonce le « surcoût » du capital composé des dividendes et des intérêts bancaires, tandis que l’amortissement n’est pas du tout questionné et serait un coût normal. Ceci sans voir ni le gâchis, ni les besoins énormes d’emplois et de services publics, pour l’efficacité économique même. On peut – il faut – au contraire mettre en cause le coût du capital matériel, qui renvoie à son gâchis, à son excès et à l’insuffisance des dépenses humaines. On peut aussi s’appuyer sur la dénonciation de « l’obsolescence programmée » et de toute la tendance productiviste à l’amortissement accéléré. Mais il s’agit aussi, à nouveau, de montrer le besoin d’autres dépenses (emploi, qualifications, recherche, services publics) qui entraîneraient justement une accumulation de capital matériel bien moindre (en relatif ou en absolu).

  • Ne pas voir les besoins d’emploi et de services publics, c’est ne pas voir la suraccumulation, la sur-exploitation, et les besoins de nouvelle efficacité des technologies actuelles.
  • Il faut bien marcher sur les deux pieds : recul des prélèvements du capital et expansion des dépenses nouvelles, sociales et humaines.

Quelles initiatives envisager ?

Il faut envisager des débats, bien sûr, mais aussi des luttes, il faut chercher, expérimenter. L’Humanité peut participer à un mouvement d’idées et de connaissance nouveau, beaucoup de scoop sont possibles sur les coûts du capital dans les entreprises !

Il faut imaginer des initiatives marquantes au niveau des fédérations, des bassins d’emploi voire des régions, ou de certains secteurs.

Il s’agit aussi de chercher des ponts d’idées avec les intellectuels, les cadres, les socialistes de gauche, la presse et les journalistes (dont l’Humanité, mais aussi Libération).

Un premier point pourrait être effectué à la mi-janvier.

Nous voulons aussi éditer une brochure.

La campagne peut aller loin et s’inscrire aussi bien dans les élections municipales qu’européennes, voire commencer à conditionner la présidentielle. Tout ceci en tenant d’une part la double nature de la bataille (contre le coût du capital, pour d’autres dépenses d’efficacité) et le sens de celle-ci. Son sens, c’est d’une part que nous prenons le flambeau de la sortie de crise. Nous menons cette bataille au nom d’une autre vision de l’intérêt général, pas pour des intérêts étroits, sectaires ou partisans. Et deuxièmement, nous voyons la puissance de ce à quoi nous nous heurtons, et c’est dans cette mesure qu’il y a une portée révolutionnaire : notre société est dominée par l’utilisation de l’argent pour l’argent, qui est une autre façon de dire que c’est le capital qui domine. Or nous, nous voulons que l’argent soit utilisé de toute autre façon, avec des pouvoirs nouveaux pour les gens. C’est en réalité une révolution en actes.

Sa mise en œuvre, à travers expériences et luttes porte loin vers une nouvelle utilité de notre parti pour notre peuple, mais aussi une nouvelle conception et pratique d’un parti révolutionnaire.

Un exemple : Alcatel-Lucent

Il forme un groupe franco-américain avec l’américain Lucent, numéro 1 dans la téléphonie fixe haut-débit, numéro 2 mondial dans les serveurs de réseau internet, dans les réseaux optiques, numéro 1 dans les câbles transatlantiques sous-marins, etc. D’après les comptes publiés de ses sociétés françaises, la partie française du groupe dépense 1,915 milliard d’euros de charges financières (si l’on totalise les intérêts du capital, les coûts financiers des divers types d’obligations que le groupe a récemment émis, les primes versées aux banques, etc.), presque autant que ses dépenses de R & D, qui s’élèvent elles à 2,4 milliards d’euros !

Au nom des difficultés, le capital qui domine l’entreprise veut imposer un plan de licenciements, pompe les moyens de l’entreprise. Dans un premier temps, c’était Goldman-Sachs (!) que le groupe avait trouvé comme banque pour le financer. En contrepartie de ce financement non seulement Goldman-Sachs pompe la richesse créée par les salariés en exigeant une rémunération très élevée (des taux d’intérêt de 6 % à 8 %), mais il fait en outre deux autres choses. Il exige le respect de critères de rentabilité financière très stricts, chaque trimestre (des covenants). Et il impose que les brevets du groupe — issus des recherches des salariés, mais aussi de la coopération avec les services publics comme France Télécom — soient mis en gage : si les critères de rentabilité ne sont pas atteints, alors Goldman-Sachs met la main sur les brevets ! Il semble que ce montage aurait été partiellement dénoué. Il n’en reste pas moins un montant énorme de prélèvements de 1,915 milliard d’euros. Une tranche d’emprunt émise sous forme d’obligations dites « Senior security facility » est d’ailleurs souscrite à un taux de 7,25 % pour 1,746 milliard d’euros.

On voit bien les trois dimensions du rôle du capital financier : prélèvement, pouvoir sur l’entreprise, orientation des gestions à travers un chantage au financement. Et celui-ci va main dans la main avec l’excès relatif de capital matériel, puisqu’en définitive il fait en sorte de diminuer l’emploi et d’accroître encore la part de l’accumulation.

Au total, même si Goldman-Sachs semble moins présent dans le nouveau montage financier, le capital a imposé des suppressions d’emploi massives et une titrisation des 29 000 brevets (c’est-à-dire que les brevets deviennent des titres financiers négociables). Le plan de restructuration dénommé SHIFT contient tout cela, avec 10 000 suppressions d’emploi au niveau mondial (dont 4 000 pour la base France-Europe) ainsi qu’une orientation géographique qui sacrifie la base européenne et la France, une orientation en type de produits contestée par les travailleurs et les ingénieurs d’Alcatel, une organisation du travail qui pressurise encore plus les équipes, diminue le temps pour le vrai travail d’élaboration, de recherche, ou de développement, et renforce encore le temps dévolu par eux à l’administration, transformant les ingénieurs en « hommes-orchestre » à tout faire dont les journées deviennent interminables et empiètent largement sur leurs week-end, bref productivité apparente du travail avant tout, et non productivité du capital, dans ce groupe dont un ancien patron (S. Tchuruk) a été le tenant de « l’entreprise sans usine ».

Alors, s’agit-il d’interdire ce type de pratiques ? Lorsque j’ai rencontré l’intersyndicale à Lannion, en décembre 2012, c’est la question qui m’a été posée. Certes il y a des choses répréhensibles et que l’on peut interdire. Mais on ne peut anticiper tous les cas possibles et, surtout, il s’agit de proposer une voie de sortie des difficultés, d’autres moyens. Comme je l’ai discuté avec eux, pourquoi la BPI (Banque publique d’investissement) n’intervient-t-elle pas ? Et, surtout, avec d’autres conditions :

‒ Un coût du crédit (et donc du capital) plus faible ;

– À condition de développer l’emploi, la valeur ajoutée utile sur le territoire français, et même de développer les territoires ;

Cette orientation a été perçue par eux comme confortant ce qu’ils n’osaient, m’ont-ils dit, mettre en avant et formuler jusqu’alors, mais qui leur semble à la fois plus radical, et plus en prise sur le problème réel posé. C’est-à-dire plus à la hauteur et plus réaliste. Il s’est agi d’interpeller élus et pouvoirs publics en ce sens.

Devant la gravité de la chose, le gouvernement PS a dû lâcher du lest. Il a fait pression pour que Goldman-Sachs s’efface (mais le groupe continue peut-être à lui verser de l’argent), pour changer de patron et pour obliger les opérateurs de télécoms français à être solidaires, par leurs commandes. Mais en contrepartie de quoi concernant l’emploi ou la valeur ajoutée ?

On voit bien qu’à présent, la question des conditions mises à d’autres financements doit passer en première ligne, sinon cela ne va pas marcher ! Et on n’est pas là dans une activité du passé ou trop peu qualifiée… !

Compte-tenu de tous ces éléments, nous devons réfléchir à une prise d’initiative nationale concernant Alcatel sur le coût du capital, avec des contenus aiguisés, et de façon ouverte, peut-être en région parisienne, ou bien à Lannion.

Expérimentations concrètes et recherches de leviers
Voir : Construction navale : le chantier de Saint-Nazaire

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(1) Pour les intérêts, la problématique est différente, puisque c’est la source essentielle de revenu des banques. Il n’y a donc pas de prélèvement significatif d’intérêts sur les entreprises financières, ce sont elles au contraire qui prélèvent des montants considérables sur les entreprises non financières… et ils viennent alimenter les dividendes que ces mêmes entreprises financières reversent ensuite à leurs actionnaires.

(2) Les comptes des « sociétés non financières » (SNF) sont la composante suffisamment détaillée des comptes des « entreprises non financières » (ENF) : ils excluent les comptes des entreprises individuelles (EI), pour lesquelles d’une part l’Insee ne dispose pas d’un détail suffisant (notamment ni dividendes ni charges financières) et d’autre part la distinction statistique entre profit et revenu du travail est si conventionnelle que l’Insee publie un « revenu mixte », l’Institut n’étant pas tenu de partager celui-ci entre ces deux aspects.

(3) Provisionnés dans l’entreprise, mais qui  peuvent être gonflés par rapport aux besoins de remplacement.

(4) Comme les services d’intermédiation financière que les banques perçoivent en même temps que les intérêts (les SIFIM, services d’intermédiation financière indirectement mesurés) et que, semble-t-il, l’Insee compte dans les consommations intermédiaires des entreprises non financières.

(5) Il s’agit des coûts au niveau macro-économique, c'est-à-dire additionnés en éliminant certains doubles comptes. On parle de coûts « agrégés ».

(6) On entend par capital financier le capital sous forme de titres financiers, directement ou indirectement (groupes).

(7) D’après le compte satellite des transports (in Rapport de la Commission des comptes des transports de la Nation de juin 2013) ce serait même 3,9 Mds€ que le système ferroviaire aurait versé aux sociétés financière en 2013, pour 21 Mds€ de dépense totale des différents utilisateurs. C'est-à-dire qu’un usager du train paierait en moyenne presque 20 % de son billet aux banques (3,9/21=19 %)… !

(8) Voire des dépenses de travaux publics, de consommation d’espace et de bétonnage pour les voies, au lieu de dépenser dans la recherche (donc les salaires) pour des TGV pendulaires, utilisant des voies ou des tracés plus classiques, moins contraints, moins consommateurs de matières et d’espace.

(9) Par exemple, la lecture directe (qui demanderait à être retravaillée) du rapport annuel d’EDF donne des charges financières de 6,9 Mds€ pour 44,1 Mds de CA en 2012, soit 16 %. Ces charges financières (intérêts bancaires, pertes de changes, et dépréciations financières liées aux titres boursiers) sont « compensées » par des produits financiers du même ordre de grandeur, ce qui revient à reporter le coût du capital en prélèvement sur d’autres entreprises…

(10) Les investissements ont un caractère ambivalent : ils peuvent permettre un développement, voire de démultiplier la productivité du travail, mais dans le même temps, s’ils sont excessifs, ils vont induire des prélèvements élevés, ne serait-ce que pour les amortir, et s’opposer aux autres dépenses.

(11) Pour Marx, d’ailleurs, le capital ce n’est ni une somme d’argent en elle-même, ni des machines en elles-mêmes. C’est une valeur qui cherche à se mettre en valeur, une valeur qui cherche son plus. Ainsi, par exemple, on distingue les moyens de production, et la forme historique « capital » dans laquelle ils sont pris par le capitalisme, comme valeur à rentabiliser.

(12) Laurent Cordonnier (dir), Le coût du capital et son surcoût, CLERSE, Université de Lille I, 2013.

 

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