Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Catherine Mills : "Pour enrayer le chômage, (il faut) rompre avec les dogmes économiques"

L’économiste du PCF, Catherine Mills, souligne la responsabilité des des politiques d’austérité et avance le besoin d’une sécurité sociale de l’emploi et de la formation.

L’Insee vient d’annoncer un taux de chômage au plus haut, au troisième trimestre. Estimez-vous que François Hollande atteindra son objectif d’un inversement de la courbe du chômage dès la fin de l’année ?

Catherine Mills. Non. Le chômage de masse est directement lié aux types de gestion des entreprises mis en place depuis les années 1980. Et dont l’objectif est de baisser la part des salaires dans la valeur ajoutée et d’augmenter la part des profits. Accrochée à une vision libérale qui part du principe que les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain. Or, c’est exactement le contraire qui se passe. Cette nouvelle phase de la crise systémique montre la responsabilité des groupes dominants et de la finance dans la nouvelle explosion du chômage. À cela s’ajoutent les réformes mises en place, comme la loi dite de sécurisation de l’emploi qui est une porte ouverte à toutes les vannes de licenciement. Une loi pour la flexibilité qui met en cause les droits des salariés et le licenciement économique. Il y a à la fois la crise économique, les limites de la croissance, mais en même temps, la politique menée. Or, celle conduite par François Hollande, comme toutes les politiques menées en Europe, est marquée par des cures d’austérité et par la réduction du « coût du travail ».

Justement, le gouvernement martèle que le crédit d’impôt aux entreprises va permettre de créer 30 000 emplois…

Catherine Mills. C’est faux. Ce crédit d’impôt aux entreprises de 20 milliards d’euros dès 2014 bénéficie aux entreprises sans aucun critère pour développer réellement la recherche, la formation, l’emploi. Il est basé sur l’idée que le coût du travail est trop élevé. Or, la France n’est pas du tout un pays à hauts salaires. Là où il y a un problème de compétitivité, c’est dans la recherche et dans la formation. Nos salariés doivent être mieux qualifiés. Cet outil n’incite pas à accroître les dépenses de recherche, ne fait pas repartir l’investissement, alors que toute baisse du coût du travail va entraîner une insuffisance de la demande, via le transfert de fiscalité vers les ménages, et un nouveau processus de dépression va s’enclencher. Tout cela est extrêmement grave.

Quelles mesures peuvent être prises immédiatement pour commencer à enrayer la machine à chômage ?

Catherine Mills. Cela nécessite de rompre avec les dogmes économiques actuels. Il y a des mesures immédiates à mettre en place, comme l’augmentation du taux et de la durée d’indemnisation. Il faut aussi entreprendre une réforme complète de la formation professionnelle, afin de la réorienter non pas vers ceux qui sont les mieux formés, mais vers ceux qui sont les moins bien formés et qui en ont le plus besoin. Tout ceci doit s’accompagner d’une réforme de Pôle emploi, pour qu’il joue un rôle d’accompagnement individualisé. Il faut également lutter contre la précarité en sanctionnant les entreprises qui ne joueraient pas le jeu et en modulant à la baisse les cotisations de celles qui convertiraient les emplois précaires en emplois stables. Voici pour l’urgence.

Vous proposez également une loi de sécurisation sociale de l’emploi et de la formation. Quels en sont les grands principes ?

Catherine Mills. C’est la mesure systémique. Il s’agit de s’insérer dans un processus de sécurisation des parcours professionnels dès la fin de l’obligation scolaire, avec l’idée d’une continuité des parcours pour les salariés mais aussi pour les privés d’emploi. Ce système assurerait à chacune et à chacun soit un emploi, soit une formation pour revenir à un meilleur emploi, avec une rotation d’activités entre emploi et formation, ou des passages d’un emploi à un autre ; cela, avec une continuité des droits sociaux et des revenus garantis. Cette nouvelle sécurité sociale élargie implique des financements nouveaux, au travers d’une hausse des cotisations des employeurs, mais aussi en créant une cotisation sur les revenus financiers des entreprises. C’est une bataille idéologique qui doit être menée, accompagnée par les luttes sociales. La France n’est pas seule en Europe face à l’explosion du chômage. Pour l’éradiquer, cela nécessite une coordination de la politique européenne de l’emploi radicalement différente. On ne peut pas se passer d’une autre construction européenne.

(Article publié dans l'Humanité du 5 décembre 2013)

Il y a actuellement 1 réactions

  • Bisounours et leurs slogans

    Le contraste du PCF des années 50 avec le PCF de 2013 est donc particulièrement saisissant. Ce qui reste du « Parti communiste français » de nos jours passe complètement sous silence à la fois le rôle essentiel des États-Unis d'Amérique dans la prétendue « construction européenne », la complémentarité politique, juridique et technique entre l’OTAN et l’UE, et les objectifs finaux poursuivis par Washington et l’oligarchie euro-atlantiste qui supervisent le tout.

    Plus ou moins phagocyté par le Front de Gauche, le PCF de notre époque :

    ressasse des griefs contre les dirigeants nationaux, « contre l’austérité », « contre le libéralisme », « contre le MEDEF », etc., mais jamais... contre l'Europe ! ne remet jamais en cause le principe même d’une Europe supranationale ; se refuse à expliquer que cette « construction européenne » n'existe que par la volonté de Washington ; semble ne pas voir qu'elle ressemble à s'y méprendre à un apartheid planétaire et racialiste, qui postule par exemple, contre toute réalité, que la France serait plus proche et aurait plus d'intérêts communs avec l'Estonie ou Chypre plutôt qu'avec la Tunisie ou l'Algérie ; invoque de façon incantatoire l’avènement d’une « autre Europe » - mais sans jamais en expliquer l’impossibilité concrète ; et, faute de mieux, lance des slogans abstraits, apolitiques et incongrus, élaborés par des spécialistes du marketing politique : « L’humain d'abord », « Je suis communiste et ça fait du bien »…

    Ces slogans de bisounours sont fondamentalement apolitiques, délibérément vagues, et passablement incongrus. Ils semblent sortis tout droit d'une publicité pour des cours de développement personnel, voire même - pour le slogan « La force du partage » - un copié-collé d'une encyclique pontificale...

    Se refusant à expliquer aux électeurs les véritables soubassements géopolitiques de la situation actuelle, le rôle crucial des États-Unis dans la prétendue « construction européenne », la complémentarité systémique entre l'UE et l'OTAN, et le système autobloquant des traités européens qui interdit tout changement d'orientation de l'Europe, le PCF de 2013 en est réduit à ces opérations de pur marketing politique, qui jouent de façon peu reluisante sur l'affectif, l'irréflexion, le narcissisme, et l'ambiguïté savante de formules attrape-tout.

    Ces gesticulations concoctées par des agences de com' sont l'antithèse exacte de ce qui fit l'exigence intellectuelle et la grandeur du PCF de jadis. Elles auraient fait horreur à tous les dirigeants communistes français des années 1947-1980, de même qu'à l'écrasante majorité des militants communistes qui auraient pensé que la direction centrale les prenait pour des imbéciles.

    Je ne suis plus adhérent au "PCF" d'aujourd'hui mais je suis un vrai communiste. Vous, C. Mills vous êtes au "PCF" d'aujourd'hui mais avez renié vos engagements d'antan. Qui peut donc apprécier votre intervention?

    Par captainshirt, le 24 December 2013 à 17:56.

 

Catherine Mills :

Par Mills Catherine , le 04 December 2013

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