Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Kem One : la grande filière PVC qu’Arkema voulait tuer

Le 9 novembre 2011 se tenait un CCE extraordinaire à l’initiative des élus CGT du groupe français ARKEMA concernant son pôle « produits vinyliques » (productions PVC) (1). La suite des débats n’ayant pas levé les inquiétudes, une expertise est confiée aux cabinets CIDECOS-Conseil et SECAFI. C’est le début de ce qui va devenir le dossier industriel chimique majeur en 2013.

Historique

En 1983, la gauche réalise les grands projets de nationalisations au premier rang desquelles celle de la Chimie avec la constitution d’Atochem, filiale à 100 % du groupe pétrolier Elf-Aquitaine détenu majoritairement par l’état.

1993 : avec le gouvernement Balladur la société nationale Elf-Aquitaine est privatisée grâce au « 49-3 » c’est-à-dire sans débats à l’Assemblée – une partie de la droite gaulliste n’y étant pas favorable. À ce moment, il est utile de rappeler que la rentabilité globale du « major » pétrolier français était d’environ 4,5% par an très éloignée des niveaux atteints par la suite (20 voire 29 % dans les activités pétrolières seules). Tout simplement parce que la logique de l’État actionnaire dans le cas de Elf n’était pas le rendement de l’action mais plutôt l’exploration et la production pétrolières ,et industries connexes utiles au pays. Une conception politique laminée depuis 20 ans.

2000 : le gouvernement Jospin avec le ministre des Finances Dominique Strauss-Kahn, opèrent un premier renoncement ‒ l’État détenant une Golden Share (2) ‒ face aux appétits des marchés financiers et autorisent, dans la journée de l’annonce, l’offre publique d’échange de Total de connotation plus « anglo-saxonne » pour la finance qu’Elf-Aquitaine plus marquée comme entreprise nationalisée.

Elf-Aquitaine, fleuron pétrolier national est sabordé contre toute logique économique industrielle. La politique de la rentabilité financière maximale pour l’actionnaire est à la manœuvre de partout dans le nouvel ensemble, un temps appelé Totalfinarelf. Exit toute cette Chimie lourde en 2004 avec la création d’Arkema (3). Exit Sigmakalon et ses grandes marques de peintures en 2003 vendues au fonds d’investissement Bain Capital. Même cheminement désastreux pour l’économie nationale et l’emploi concernant Sanofi(4) créée de toute pièce par la société nationale Elf-Aquitaine en 1973 et dont Total a finalement cédé ses dernières parts détenues en 2010-2012, cession commencée sous Philippe Jaffre. Cette privatisation et les conséquences qui en ont découlé, ont été une erreur de gestion de première grandeur ! Le « tout pétrole & gaz » revient en leitmotiv fondamental chez Total. La situation actuelle de Total montre bien qu’Elf-Aquitaine a été sacrifié en pure perte (5. Les marchés ne s’y sont pas trompés et ont sanctionné depuis longtemps cette ligne par une valeur de l’action en retrait et décrochée de la situation des trois autres « majors » pétroliers (6).

C’est le désenchantement dans l’entreprise chimique Arkema passée à son tour à « la paille de fer » : plaire aux marchés financiers et offrir la rentabilité maximale avec la perte sèche de pas moins de 4 000 emplois directs en France entre 2004 et 2011. En 2011, Arkema décide de se désengager de ces activités vinyliques (PVC) pour un « repreneur » américano-suisse, Gary Klesch.

La CGT et les salariés dénoncent ce plan désastreux. Gary Klesch détient des holdings en Suisse et à Malte et sa fortune personnelle est abritée notamment à Jersey. En fait, il sera chargé de faire un « sale boulot ». En lui vendant pour l’euro symbolique (7), Arkema veut ainsi garder les mains propres et faire supporter, in fine par la collectivité et au final par les AGS, les indemnités de licenciements.

En fait, Arkema, comme auparavant Total pour sa chimie, n’a jamais eu de véritable ambition industrielle pour son pôle vinylique, troisième producteur européen du PVC, devenu deuxième après Ineossolvay regroupés récemment en Joint-venture. Les investissements ont été réalisés au strict minimum, accentuant le décrochage de ce vaste ensemble, durant la période 2004-2011. La rentabilité de l’ordre de 6 à 8 % est jugée insuffisamment rémunératrice pour la grande finance capitaliste qui pilote via les PDG. C’est cette logique qui détruit l’industrie dans notre pays.

Le PDG d’Arkema, Thierry Le Henaff, dans un courrier à ses salariés, conclura par ses propos : « Amarante (8), soyons-en convaincus, sera un succès, succès qui sera aussi celui d’Arkema. » Dans le même temps le journal Les échos, rapporte que l’agence de notation J.-P. Morgan écrivait : « Arkema a maintenant retiré un facteur négatif important de sa valorisation. » Arkema devient par la même occasion par réciprocité une cible beaucoup plus attractive et sans véritable moyens de défense.

Dès le lendemain du CCE du 25 novembre 2011, la coordination CGT d’Arkema écrivait :

« En clair, Klesch, inconnu au bataillon, nous est présenté comme celui qui obtiendra ce qu’Arkema n’a jamais pu ou voulu obtenir […] Les investissements avancés, nous semblent nettement insuffisants pour redresser le pôle […] Le repreneur Klesch n’a visiblement pas les ressources nécessaires pour faire du pôle vinylique ce qui est présenté dans le document “angélique” […] Nos directions prétendent ne pas avoir été mises dans la confidence et avoir découvert le projet du CCE le jour même. Cela étant, il leur aura fallu une seule journée pour être convaincues de la fiabilité du projet » […] Nos inquiétudes sont alimentées par des informations diverses qui remontent via internet disant que ce personnage n’est pas fréquentable dans le milieu de la finance… »

Kem One et la Gestion Klesch

Le 5 décembre 2011, la direction d’Arkema convoque un CCE extraordinaire avec à l’ordre du jour la filialisation et la cession du pôle vinylique à Gary Klesch. C’est un financier et non un industriel. Il est évident que le projet repose essentiellement sur des économies de frais variables notamment l’accès à l’énergie électrique (9) et à la matière première d’origine pétrolière : l’éthylène (10).

Malgré tout l’opération est lancée sans état d’âme avec l’aval du président Sarkozy et du ministre éric Besson chargé de l’Industrie. Le 2 juillet la CGT écrivait dans un communiqué à la presse : « La CGT de Kem One rappelle que le combat qu’elle a engagé contre ce projet a servi à mettre en pleine lumière l’acquéreur Gary Klesch, ses activités et son cortège de faillites prononcées. Nous affirmons toujours notre méfiance à l’égard de ce repreneur qui n’a jamais détenu d’activités au-delà de 5 ans et nos craintes pour l’avenir de la société Kem One.

Avant même que la société naisse, Arkema a dû se porter garant pour le repreneur auprès de l’administration de tutelle et des fournisseurs de matières premières. Gary Klescj a une année pour prouver sa solvabilité. La CGT a mis en garde les pouvoirs publics depuis le début sur le sérieux de ce repreneur en les invitant à se pencher sur son pedigree. Personne ne pourra dire : “On ne savait pas” ».

Pressentant un avenir plus qu’incertain, la CGT engageait une procédure novatrice de constitution de deux fiducies. Elle proposait aux trois autres organisations CFDT, CFE-CG et FO de convenir avec la direction générale d’Arkema d’un accord. En avril un relevé de conclusion établissait ces garanties industrielles et sociales pour un montant de 52 milliard d’euros. Dans une publication en avril 2012, les quatre organisations syndicales écrivaient : « C’est parce que, dès le début, nous avons dit que le projet n’était pas à la hauteur des enjeux que nous ne pouvions pas laisser se poursuivre la procédure d’Information-Consultation. Les experts mandatés par les élus du CCE ont permis de faire acter dans le Business Plan des investissements supplémentaires sur l’ensemble des sites concernés. Avec l’avocat chargé d’assister les élus et les organisations syndicales, nous avons travaillé et imposé des outils novateurs permettant de sécuriser un certain nombre de points industriels et sociaux que l’ensemble des organisations syndicales jugeaient indispensables. ».

Dans un communiqué de presse du 20 septembre 2012, la Caisse des Dépôts annonçait avoir « signé au mois de juillet 2012 deux contrats de fiducie visant à sécuriser des droits de salariés, dans le cadre de la cession du pôle d’activité vinylique d’Arkema, société spécialisée en chimie, au groupe Klesch. Au cours des discussions sociales, les organisations syndicales ont souhaité améliorer les conditions financières et sociales de cette opération. Elles ont négocié avec Arkema des dispositifs innovants, dont deux schémas fiduciaires visant à préserver les droits des salariés concernés par le changement d’actionnaire. »

« La Caisse des Dépôts, choisie comme fiduciaire, assurera la sanctuarisation et la gestion de l’enveloppe de 20 M€, jusqu’aux échéances fixées par les contrats de fiducies (2020 et 2030). Deux fiducies ont ainsi été mises en place et visent à sécuriser des indemnités supra-légales et des indemnités de départ en retraite au profit des salariés des sociétés cédées. C’est la première fois en France qu’un mécanisme fiduciaire est utilisé dans le cadre d’une opération de fusion et acquisition, en amont de toute difficulté éventuelle. »

Dès le 17 septembre 2012, dans un tract intitulé « Privatisation des profits et mutualisation des pertes », la CGT Kem One écrivait : « C’est ce qu’est en train de réussir Gary Klesch avec ses activités d’aluminium aux Pays-Bas. Après avoir précipité à la faillite et mis à la rue les salariés des deux fonderies dont il s’était porté acquéreur, Klesch parvient à faire payer la collectivité pour aider ses ex-salariés à retrouver le chemin de l’emploi. Ce que les organisations syndicales de Zalco craignaient est arrivé. Comme elles nous l’avaient expliqué lors de notre visite à Vlissingen, le Groupe Klesch est structuré de manière étanche entre toutes les sociétés du Groupe. Dès lors qu’une société est en difficulté, le milliardaire Klesch est exonéré de toutes responsabilités et c’est aux états ou à l’Europe d’assumer les drames sociaux sciemment provoqués par le milliardaire. »

Printemps 2013, le scénario catastrophe se précipite

Le 11 février 2013, la CGT écrit : « Kem One est rentré dans un cycle de discussions avec ses plus gros créanciers : Total, Arkema, Edf, Air Liquide… Le ministère des Finances et de l’Industrie est partie prenante de ces débats. Les discussions ne peuvent se tenir sans les salariés !

Kem One a plusieurs problèmes :

Le spread éthylène.

L’actionnaire mettant en danger la pérennité de l’ensemble industriel.

Les pouvoirs publics laissant faire une vente à un prédateur. »

Le 20 février, la CGT alerte plus précisément sur la gravité de la situation. « La situation est grave ! Le CCE qui s’est enfin tenu a confirmé les inquiétudes que nous vous avions distillées depuis la création de Kem One. La société Kem One est dans une situation économique très difficile […] Le Directeur Financier Nick Dekker a confirmé que la société est endettée. La dette cumulée dépasse 125 milliards d’euros […] Aujourd’hui Kem One dispose entre 2 et 12 milliards d’euros de trésorerie en caisse… […] Kem One a mis en place un système d’affacturage qui consiste à se faire racheter des créances clients par une banque pour libérer du cash qui s’élève aujourd’hui à 50 M€ pour les trois sociétés du Groupe (Kem One, Alphacan, Resinoplast). Ce service est payant et Nick Dekker n’a pas voulu révéler à combien s’élevait le taux bancaire […] à l’issue des informations transmises par Nick Dekker, les élus du CCE ont voté un droit d’alerte considérant que les informations transmises étaient inquiétantes et de nature à lancer une expertise dans le cadre du droit d’alerte. »

Vendredi 22 février 2013 au siège de la Fédération nationale des Industries Chimiques CGT à Montreuil se tient une conférence de presse avec les coordinations CGT Kem One et Arkema.

« La CGT demande la nationalisation provisoire de Kem One, le temps de retrouver un repreneur industriel crédible et digne de ce nom. La CGT demande aussi à Arkema et à Total de prendre leurs responsabilités d’industriels et d’entrer dans le capital de Kem One pour pérenniser l’activité pétrochimique et vinylique française. Les élus CGT de Kem One et d’Arkema utiliseront tous les moyens à leur disposition pour que chacun assume ses responsabilités. »

Le 22 mars 2013, la catastrophe est consommée. La CGT annonce dans un tract : « CESSATION DE PAIEMENT MAIS PAS DE COMBAT ! […] Suite au CCE extraordinaire du 25 mars, la cessation de paiement ainsi qu’une mise en redressement judiciaire vont être actés auprès du tribunal de commerce de Lyon. Très vite ce tribunal va nommer un administrateur qui va geler les dettes et mettre en place des moyens financiers nous permettant de travailler. Auprès de ce dernier, nous exigeons de conserver l’intégrité de la filière vinylique (amont/aval). Le 27 mars le tribunal de commerce de Lyon place Kem One en redressement judiciaire.

« Jusqu’à présent nous vivions dans l’angoisse, désormais, nous vivrons dans l’espoir » (11)

L’entreprise est soumise à la nécessité vitale de produire et surtout de vendre tout le PVC fabriqué pour générer des marges et de la trésorerie. Cette obligation va placer les salariés dans une situation inédite : se battre sans possibilité de peser par des actions en extérieur nécessitant la grève. D’autre part les salariés de cette chimie de base sont peu nombreux (200 à 300 par site), et de surcroît les établissements sont dispersés dans le grand quart sud-est du pays. C’est dans ce contexte que la bataille s’engage plus difficilement mais résolument. Cependant très rapidement une profonde divergence d’approche se fait jour entre les quatre organisations syndicales, CGT, CFDT, CFE-CG, FO.

Dès le 18 avril, la Coordination CGT écrit « Depuis le début des déboires de Kem One, l’ensemble des organisations syndicales ont multiplié les réunions de travail avec les parties prenantes du dossier (direction, préfet, ministère, élus et partis politiques…).

À l’occasion de ces réunions, la CGT a constaté que l’approche de la problématique Kem One était différente selon les organisations syndicales. La CGT s’est déjà exprimée sur le sujet : Kem One dans son périmètre actuel est viable. Cette base de départ n’étant pas unanimement partagée, il semble difficile de mettre en commun les pistes de travail des uns et des autres. Pour qu’une intersyndicale fonctionne, encore faut-il que le consensus soit minimal et, pour le moment, ce n’est pas le cas.

À ce jour, malheureusement, les pistes travaillées par nos collègues ne prennent pas en compte le périmètre actuel du groupe Kem One. »

C’est après ce constat amer d’impuissance à constituer une plate-forme d’action commune que la coordination CGT exposera la stratégie fondatrice de son action qu’elle va donc engager, seule mais avec l’ensemble des salariés qui lui font confiance.

« Un Groupe industriel cohérent dans son périmètre ! C’est le postulat de départ de la CGT. C’est l’argumentation de départ d’Arkema pour justifier la vente et la sortie du Groupe. Les Business Plan ont été travaillés dans ce sens par les experts du CCE d’Arkema (Cidécos-Conseil et Secafi). Ces Business-Plan permettent d’apporter des solutions industrielles à une filière de production laissée à l’abandon par Arkema. La pertinence de filière n’a pas été contredite au moment de la procédure d’information-consultation puisqu’à l’époque, Arkema a refusé une reprise par le groupe Tessenderlo, argumentant que la casse sociale ne serait pas acceptable. Sur ce point, la CGT est d’accord.

La CGT étudie donc une alternative de gestion. Les activités de Kem One sont essentiellement concentrées sur les régions PACA et Rhône-Alpes. Ces activités s’imbriquent fortement dans le tissu économique de ces deux régions. À titre d’exemples, le fret maritime généré par les importations et exportations du pôle rapporte près d’1 milliard d’euros de frais portuaire au port de Marseille (GPMM). L’alimentation par péniches citernes en Chlorure de Vinyle Monomère (gaz liquéfié) des sites de Saint-Fons et Balan en région Rhône-Alpes, génère près de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour la société en charge de la remontée du Rhône. Par ailleurs, la quasi-totalité des sites Kem One fonctionne avec des taux de sous-traitance d’environ 40 %. Ce sont plusieurs centaines de salariés présents du 1er janvier au 31 décembre pour assurer l’entretien et la maintenance de ces sites. Le patronat de ces deux régions indique dans le même temps que la filière pétrochimique passe pour plusieurs dizaines de millions d’euros de contrats de sous-traitance. Cela se traduit par des milliers d’emplois dans les branches de la construction et métallurgie. Il s’agit d’emplois directs. Les entreprises en charge de l’entretien et de la maintenance ont donc un intérêt essentiel à ce que Kem One continue à occuper le paysage industriel. À plusieurs reprises, nous avons alerté les pouvoirs publics sur les conséquences d’un effet domino en cas de défaillance de Kem One. Cela impacterait de manière irréversible tout le tissu industriel des régions PACA et Rhône-Alpes.

Les activités de Kem One sont parfaitement intégrées dans la filière pétrochimique, depuis la façade méditerranéenne jusqu’au couloir de la chimie rhodanien et la défaillance de Kem One mettra en difficulté les vapocraqueurs de Lavéra et de Berre, désorganisant les équilibres économiques et les échanges de flux de toute la plate-forme Golfe de Fos/étang de Berre.

Avec les différents acteurs et décisionnaires régionaux et nationaux, il nous faut construire une alternative de gestion.

Pour cela, l’État et les régions doivent intervenir dans la gestion du Groupe Kem One :

En contraignant Arkema à assumer ses responsabilités en qualité de cédant.

En rappelant à Total son rôle et son poids dans la filière pétrochimique ainsi que ses responsabilités historiques.

Enfin, en prenant une participation dans l’entreprise.

Dans le même temps, l’ensemble des acteurs doit travailler à la mise en place d’un partenariat public-privé regroupant toutes les entreprises et collectivités concernées par la poursuite d’activité du pôle dans son périmètre actuel. […]

Cette question a été abordée lors de notre rencontre avec Jean-François Carenco, préfet de Région Rhône-Alpes, mardi 16 avril. Il nous a indiqué que cette piste n’avait pas encore été explorée par ses services mais qu’elle n’était pas dénuée de fondements. Mercredi 17 avril, nous avons également précisé nos propositions au directeur de cabinet du Président Vauzelle, en charge de la région PACA. »

La Confédération générale du travail et la Fédération nationale CGT des Industries chimiques décident alors de faire du dossier Kem One un dossier majeur pour l’ensemble de ses organisations confédérées.

Plusieurs rencontres avec l’exécutif de la Région Rhône-Alpes auront lieu en mai et juin 2013 et déboucheront sur un vœu en séance plénière du 11 juillet en présence du président Queyranne, des élus de la majorité de gauche : Parti socialiste, Front de gauche, Europe écologies les Verts et Parti radical de gauche.

Une rencontre avec Gérard Collomb, président du Grand-Lyon métropole, se tiendra également le 20 juin 2013, précédée par une réunion avec David Kimelfeld, vice-président chargé du développement économique et premier secrétaire du PS du Rhône.

À ces rencontres au printemps 2013, il faut rappeler l’intervention de soutien du Front de gauche le 7 février 2012, avec la venue à l’usine de Saint-Fons (encore Arkema) de Jean-Luc Mélenchon apportant son soutien lors de la campagne présidentielle. Le 19 juin 2013, les élus régionaux Front de Gauche PACA et de Rhône-Alpes tenaient une conférence de presse commune sur le même site de Saint-Fons devenu entre-temps Kem One.

Le 9 septembre 2013  la CGT dépose une offre de reprise

À 16 h 15, soit 45 minutes avant l’horaire limite des dépôts de dossiers des repreneurs potentiels, les représentants syndicaux de la CGT, avec à leur tête Thierry Lepaon, se rendent dans les bureaux de Maître Bruno Sapin, administrateur judiciaire en charge de l’affaire, pour déposer une offre de reprise. Ce fut la seule déposée dans les délais fixés en ce dernier jour. Visiblement, dans l’urgence, Sun Capital Partners via sa filiale britannique et OpenGate présentaient leur offre tard dans la soirée.

12 décembre 2013, date ultime pour le tribunal de commerce pour Kem One ?

Vendredi 4 octobre une nouvelle rencontre a lieu avec Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif. Ce dernier avait déclaré au printemps dernier : « Le PVC est d’utilité nationale. » Après plusieurs mois de travail dans les ministères, rien n’est encore réglé et tout reste hypothétique. Trois repreneurs sont sur les rangs : deux Fonds anglo-saxons et le projet de la CGT Kem One. Un 4e candidat, Alain de Krassny, 71 ans, ancien cadre dirigeant de Rhône-Poulenc, propriétaire du chimiste autrichien Donau Chemie Group (980 salariés), dépose curieusement à titre personnel une offre surprise le 10 octobre. Comme les trois autres offres, elle est assortie de clauses suspensives qui font toujours l’objet d’intenses négociations. Il avouera avoir été mis sur l’affaire par un sénateur, trois semaines auparavant ! Deus ex machina ?

Maintenant le gouvernement se doit de passer aux actes avec du concret. Il n’est plus possible pour tous les salariés dans l’incertitude et l’anxiété, d’entendre articuler de reprise longue et difficile par des fonds d’investissements, alors que le projet CGT de relance globale de Kem One n’est toujours pas examiné entre les différents acteurs : CGT accompagnée des autres OS et les possibles créanciers-actionnaires de Kem One proposés dans ce plan, et de l’état.

Schéma général du projet CGT

Il s’appuie sur une ordonnance de 2008 et la loi de sauvegarde des entreprises en difficulté en transformant les créances (de Total, Arkema, Lyondellbasel, Edf et autres créanciers) en capital ou en obligations convertibles. Ce consortium d’actionnaires dirigerait le nouveau groupe. Un apport financier pourrait être réalisé.

Il est demandé au gouvernement d’utiliser la nouvelle Banque publique d’investissement France (BPI), voire dans ses banques régionales (PACA et Rhône-Alpes), et de faire prendre une participation dans le capital de Kem One à hauteur de 35 %.

En outre, différentes options peuvent être mises en œuvre : bonifications de prêts, garanties d’emprunts, déclenchements de subventions, garanties et prêts européens. Enfin, il revient au gouvernement de faire intervenir la Banque de France, d’une part pour recueillir son avis technique sur la viabilité du projet CGT comme sur la constitution d’un pool bancaire avec les grandes banques françaises pour assurer les investissements lourds indispensables pour les 5 prochaines années.

Par ailleurs, les concours de la BPI et de la Banque européenne d’investissements seront nécessaires pour les garanties et bonifications de prêts, le refinancement des banques auprès de la BCE à un taux préférentiel (0 %) en regard de l’enjeu économique, social et politique du dossier ou, à tout le moins, au taux de ses appels d’offres sur le marché interbancaire (0,5 % actuellement).

Un courrier de la Coordination CGT Kem One est adressé, fin octobre, au résident François Hollande avec une pétition rassemblant 915 signatures de salariés de Kem One (sur 1 250) demandant que le projet porté par la CGT soit traité avec la même équité et la même sincérité que ceux des autres repreneurs, avec une table ronde rassemblant toutes les parties concernées : état, Total, Arkema, Edf, LyondellBasell, et les principales entreprises cotraitantes de taille intermédiaire ayant communauté de destin avec Kem One (Port Autonome de Marseille…). Le courrier conclut : « à l’heure où le gouvernement, annonce s’engager au maintien et à la création de 480 000 emplois, nous sommes résolus à inscrire Kem One dans ce cadre. Nous sommes convaincus que vous aurez à cœur d’offrir les meilleures chances de concrétiser ce projet viable et pérenne pour les 1 300 emplois directs, consolidant les 7 000 à 20 000 induits sur les territoires en France, mais aussi en Europe où le groupe est implanté. »

En conclusion : depuis le 23 novembre 2011, la CGT n’a eu de cesse de maintenir un climat constructif et d’apaisement, en dépit de la situation périlleuse de l’entreprise, malgré les angoisses sur le devenir de l’emploi ressenties par beaucoup, considérant que toutes les voies devaient être explorées. Il devient urgent devant les échéances très proches que l’ensemble des acteurs se mettent autour d’une table avec l’objectif d’une sortie par le haut sur ce dossier visiblement sensible et à «hauts risques» pour le gouvernement.

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(1) Matière plastique bon marché, de très grande commodité et recyclable (bâtiment, automobile, emballage et médical).

(2) La loi du 6 août 1986 relative aux privatisations a permis à l’État de conserver des actions spécifiques dans le capital des sociétés privatisées. C’est le gouvernement très conservateur Thatcher qui créa ce type de droit de véto pour l’état.

(3) Malgré les engagements de Thierry Desmarest, PDG de Total, devant la commission de la production et des échanges de l’Assemblée nationale le 29-9-1999. En réalité Total, depuis l’origine, n’a jamais eu d’ambitions industrielles pour tout ce qui n’était pas pétrole.

(4) Sanofi devenue n° 5 mondial en 2011 passant même devant Total, à la première place de capitalisation boursière française fin 2012.

(5) Même les marchés financiers internationaux, de leur point de vue, n’ont pas enregistré les bénéfices de cette opération. Ce fut donc une véritable gabegie opérée par le gouvernement Jospin. Les conséquences se sont payées « cash » et se font sentir aujourd’hui encore.

(6) BP un peu à part après la terrible catastrophe du 20 avril 2010 de la plateforme DeepWater dans le golfe du Mexique : 11 morts et une gigantesque marée noire et les coûts pharamineux de réparation (plus de 42 milliards de $).

(7) Arkema cède, pour 1 euro symbolique, l’ensemble des actifs du pôle pour 252 milliards d’euros, un BFR (stocks) pour 170 milliards d’euros et une trésorerie de 96 milliards d’euros et aucune dette. Le pôle représente un chiffre d’affaire d’un milliard d’euros.

(8) Nom de code de la future Kem One. Les effectifs concernés représentent 1 272 salariés auxquels s’ajoutent les effectifs des filiales Resinoplast (118) et Alphacan (339) soit 1 729 salariés en France. D’autres salariés en Europe et dans le monde sont concernés (825). Les sites français sont basés en PACA (Fos-sur-Mer, Lavéra, Saint-Auban) et en Rhône-Alpes (Saint-Fons, Balan, le futur siège à Lyon).

(9) Salles d’électrolyses pour la production du chlore et de la soude à Fos et Lavera avec 1,9 TéraWh en consommation électrique.

(10) La réaction chimique de l’éthylène avec du chlore crée le monomère chlorure de vinyle (CVM) qui, polymérisé, conduit au PVC, matière plastique peu chère et de grande commodité : tubes, fenêtres (dans le BTP), films et emballage alimentaires, automobile et médical (cathéters).

(11) Paul dit « Tristan » Bernard.

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Courrier à M. Bruno Sapin administrateur judiciaire sur la circularisation du projet CGT -14 octobre 2013.

« Monsieur l’administrateur,

Nous faisons suite, par la présente, aux entretiens lors desquels vous nous avez signifié que le «maillon faible» de notre projet était le financement. Nous ne partageons pas votre point de vue et souhaitons vous rappeler que le financement de notre projet repose essentiellement sur l’entrée dans le capital de Kem One des créanciers de la société. Point sur lequel nous souhaitons vous apporter quelques éclaircissements.

Nous avons depuis le début demandé l’entrée dans le capital de Kem One des créanciers de la société. Cette proposition se fonde sur l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 en ce qu’elle autorise la conversion de créances en capital, dans le cadre, notamment, d’un plan de continuation.

Cette mesure va permettre une recapitalisation de la société tout en associant plus étroitement les créanciers au sauvetage de l’entreprise. Cette possibilité, qui ne concernait que les plans établis dans le cadre des comités de créanciers ou des assemblées d’obligataires, a été étendue aux créanciers hors comité par la loi n°2010-1249 de régulation bancaire et financière du 22 octobre  2010.

Aucune restriction n’est posée par la loi quant aux titres pouvant être issus de la conversion. Cela laisse donc une grande liberté aux initiateurs du plan afin d’intéresser les créanciers au redressement de Kem One. De la conversion va ainsi pouvoir résulter l’attribution d’actions classiques ou d’actions de préférence ou bien encore de tout type de valeurs mobilières donnant accès au capital (VMDAC).

Passer de la qualité de créancier à celle d’actionnaire entraîne des conséquences importantes et ne représente pas un fait anodin car, par ce biais, le créancier va désormais faire «partie» de la société (sauf dans le cas où il était déjà actionnaire mais, dans cette hypothèse, ses droits dans la société vont tout de même se trouver accrus). Cette conversion va lui conférer des droits à l’encontre de la société mais aussi des devoirs et éventuellement des possibilités d’engager sa responsabilité. C’est souvent ce risque de responsabilité qui fait peur aux créanciers. Toutefois, hormis l’hypothèse d’une société à responsabilité illimitée, le simple fait de devenir actionnaire d’une société n’est pas en principe de nature à entraîner un risque de responsabilité civile du créancier à l’égard des tiers.

C’est pourquoi nous réaffirmons le caractère sérieux de notre projet et vous demandons, en conséquence, de le présenter aux comités des créanciers.

Convaincus que notre proposition permettra de sauver la société Kem One et l’emploi, nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.

Le secrétaire du CCE »

 

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