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Quelle fiscalité efficace pour sortir de la crise et de l'austérité

La colère sociale inonde le pays, mais n'atteint pas le perron de Matignon.

Affirmant dans Les Échos du 19 novembre qu'il ne remettra pas en cause la hausse de la TVA au 1er janvier prochain parce que « ce serait revenir sur la baisse du coût du travail » et « l'amélioration de la compétitivité des entreprises », J-M Ayrault annonce « une remise à plat de la fiscalité française » à venir, avec en filigrane une fusion de l'I/R et de la CSG, et un « véritable débat sur la dépense publique en France qui est élevée aujourd'hui ». Selon le 1er Ministre, après les 15 milliards d'euros d'économie budgétaire inscrits dans le projet de loi de finance pour 2014, il faudrait « continuer au moins au même rythme en 2015, 2016 et 2017 ».

En réalité, le gouvernement vient de donner clairement sa ligne fiscale réformatrice.

Non seulement, la réforme de la fiscalité et les économies budgétaires continueront de servir le financement de la baisse du coût du travail, sans perspective de relance de l'activité et ni effets sur l'emploi.

Rappelons que les 20 milliards d'euros servant à financer le CICE sont financés à 50 % par de la fiscalité nouvelle (TVA et fiscalité verte) et à 50 % par une réduction des dotations publiques aux collectivités locales et services publics. Et que ce cadeau fiscal s'ajoute aux 172 Mds d'euros de niches fiscales et sociales accordées aux entreprises, sans effets avérés sur l'emploi, les salaires et la formation, ni la croissance d'ailleurs, au contraire.

Mais en plus, le gouvernement semble préparer une réforme fiscale qui va impacter lourdement les prélèvements sur les revenus des ménages, renforcer l'exonération fiscale et sociale des entreprises, et mettre en danger le financement de la sécurité sociale. Le tout afin de gonfler (artificiellement) les recettes du budget de l’État et donner l'illusion d'une réduction des déficits publics.

En effet, annoncée « à prélèvements obligatoires constants » et « en respectant scrupuleusement nos engagements de réduction de dépense publique », cette réforme de la fiscalité au nom de la baisse du coût du travail se réduira in fine à un transfert de charge sur les ménages de la baisse du coût du travail. Soit par une perte de pouvoir d'achat, soit par une réduction des services publics rendus localement ou nationalement à la population.

D'autre part, la perspective d'une fusion CSG et IR, si elle donne le change aux sensibilités de gauche du PS et de EELV qui la prônent, n'en reste pas moins lourde de conséquences pour l'avenir de la sécurité sociale et pour les ménages, notamment les ménages modestes et moyens :

  1. La fusion IR/CSG impliquerait de rendre progressive la CSG, ce qui amorcerait une sortie du principe : «on cotise en fonction des ses moyens et on reçoit en fonction de ses besoins », avec une possibilité d'introduire une progressivité du niveau de prestations en fonction du niveau de « cotisation ».

  2. Cette fusion ferait automatiquement sauter le caractère affecté à la sécurité sociale de la CSG (90 Mds d'euros). Celle-ci passerait par le budget de l’État, avant d'être ré-orientée vers le financement de la sécurité sociale. De sorte que le niveau de cette ré-affectation serait tributaire des arbitrages de l’État sur ses comptes publics. Comme le disait déjà le candidat à la Présidentielle F Hollande : "une part de ce nouvel impôt serait affecté à la sécurité sociale", mais sans préciser laquelle. De fait, cette fusion renforcera le pouvoir de l’État sur le financement de la sécurité sociale, avec un grand risque pour cette dernière de devenir définitivement une variable d'ajustement de la politique de lutte contre les déficits publics et la dette de l’État. Celui-ci remplirait ainsi ses caisses à bon compte sur le dos de la sécurité sociale, celle-ci devant alors ajuster le niveau de ses prestations et de ses recettes de cotisation sociale en fonction de cette ponction.

  3. Ce nouvel impôt sur le revenu fusionné aurait en outre pour fonction d’y soumettre l’ensemble des citoyens. La CSG étant acquitté par chacun quasiment au premier euro perçu, ce serait le moyen d’élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu aux revenus les plus faibles, et d'introduire le prélèvement à la source sensé être indolore.

Au total, on mesure l'enjeu de cette annonce au regard de la grande réforme de la protection sociale envisagée par le gouvernement (elle fait le lien avec les grandes manœuvres autour de la réforme de la protection sociale), mais aussi de la réforme de l'impôt sur le revenu actuel, dont la mire vise à la réduction du coût du travail pour les entreprises.

Quant à la prédation du capital sur la richesse produite, elle demeure absente des annonces fiscales gouvernementales. Pourtant, c'est une vraie clé de réforme globale de la fiscalité française. Le coût du capital (charges d'intérêts et dividendes servis) représente deux fois plus que les cotisations sociales patronales versées. Or aujourd'hui les prélèvements sur cette rente financière qui grève le développement économique (près de 300 milliards d'euros de prélèvement sur la valeur ajoutée) et les budgets publics (plus de 50 Milliards d'euros par an pour les budgets publics) sont à minima.

Une fois encore l'ambition réformatrice du gouvernement va donc privilégier le capital contre le travail, les intérêts du patronat contre ceux des salariés et des ménages.

Si le gouvernement voulait se donner les moyens d'une véritable réforme de la fiscalité, alors il se donnerait pour objectif de combattre les inégalités en pénalisant la croissance financière des capitaux, les délocalisations et en encourageant les comportements favorables à la croissance de l'emploi et des richesses réelles.

Si le gouvernement avait réellement pour ambition de sortir du matraquage fiscal et de rendre à l'impôt sa vertu citoyenne, alors il devrait repenser les fiscalités nationale et locale pour les rendre socialement et économiquement efficaces, utile au développement de l'emploi, des salaires, à la préservation de l'environnement et à la croissance réelle. Ce qui passerait par :

  • un impôt sur le revenu de type universel à taux et au nombre de tranches relevés ;

  • un impôt sur les sociétés progressif et modulé selon l’affectation des bénéfices ;

  • un nouvel impôt territorial des entreprises taxant leurs placements financiers ;

  • un ISF au barème rehaussé intégrant les biens professionnels modulés en fonction des efforts consentis en matière d’emplois et de formation.

  • Un recul de la pression fiscale sur la consommation (TVA, TIPP)

  • Une réforme de la fiscalité directe locale passant par une véritable révision des bases d’imposition et le plafonnement de la taxe d’habitation.

  • Un plan pluriannuel d’abandon de la CSG en même temps qu’une réforme du mode de financement de la protection sociale (taxation des revenus financiers des entreprises, hausse modulation des taux patronaux en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée en tenant compte des branches professionnelles, suppression des exonérations de cotisations sociales patronales).

Redistribuer les richesses et impulser un nouveau mode de leur production, tel est le sens d’une vraie réforme de l’impôt, levier d’une relance ayant en son cœur la refonte du système bancaire et de la politique du crédit.

C'est celui que donnera le PCF-FG lors de la manifestation du 1er décembre prochain.

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Quelle fiscalité efficace pour sortir de la crise et de l'austérité

Par Rauch Frédéric , le 21 novembre 2013

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