Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Budget 2014: le prix fort pour le capital (Y. Dimicoli et J-M. Durand)

La Cour des comptes a fait sienne les recommandations de la Troïka. Et le gouvernement s'exécute dans son budget pour 2014. Sur la base de prévisions économiques très optimistes au regard d'une réalité économique et sociale qui ne marque pas le retour de l'emploi ni la progression  nette de la masse salariale, baisse des dépenses publiques et sacralisation de la compétitivité des entreprises resteront son credo. La pression fiscale sera allégée pour les entreprises et reportée sur les seuls ménages, renforçant de fait le poids de la dette publique.

A l’opposé de cette logique, nous proposons que les impôts et cotisations permettent, non seulement de corriger les inégalités avec une meilleure redistribution des richesses produites pour financer plus et mieux les services publics et la protection sociale, mais surtout incitent les entreprises qui produisent les richesses à les produire plus, mieux et autrement, en encourageant les gestions vertueuses à base d’emplois, de formation et de respect de l’environnement et en pénalisant les autres gâchis du capital, spéculation, délocalisations.

C’est à l’aune des recommandations de la Cour des comptes que le budget 2014 a été préparé, une cour des comptes devenue, particulièrement depuis la mise en œuvre du TSCG(1), le chien de garde national de la troïka (2).

Son credo c’est le respect coûte que coûte des engagements pluriannuels de la France en matière de réduction des déficits publics. En ce sens, des mesures d’ajustement vont s’avérer nécessaires, car après avoir été de 4,8 % en 2012, le déficit 2013 devrait se situer autour de 4,1% du PIB ce qui représente pour l’État un débours supplémentaire au titre de la dette de 13 milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales du PLF 2013(3). S’ajoute à ce sombre tableau, des rentrées fiscales en-deçà des attentes dont le montant peut être estimé à 6 milliards d’euros.

Afin de suivre les règles de l’orthodoxie budgétaire dictée par les marchés financiers, la Cour des comptes préconise de prendre des mesures fortes et rapides sur la période 2014-2015, l’évolution de la situation économique et sociale au cours des prochains mois ne paraissant pas la préoccuper outre mesure.

Le contexte économique et les prévisions gouvernementales pour 2014

Les hypothèses économiques pour la période 2013/2014 s’établissent selon une perspective de croissance de +0,1% en 2013 et +0,9% en 2014. L’inattendu rebond de croissance en milieu d’année, dû particulièrement à une relance des ventes à l’exportation, conduit même l’INSEE à prévoir un taux de croissance de 0,2% pour 2013.

C’est sur ce réveil de l’activité que le gouvernement table et a construit ses prévisions de croissance pour 2014, partant de l’hypothèse d’un recul du nombre de demandeurs d’emplois. Pour autant l’embellie pourrait ne pas être aussi importante que d’aucuns voudraient le faire croire. Le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) souligne en effet le risque d’une reprise sans créations d’emplois, ce que confirme d’ailleurs l’INSEE dans ses prévisions. L’institut prévoie que le chômage restera à un niveau élevé avec taux annuel de 11% malgré une stabilisation du nombre de demandeurs d’emplois due essentiellement à la montée en charges des emplois aidés, contrats d’avenir notamment.

Et si L’INSEE pronostique une croissance de 0,4% au quatrième trimestre, il envisage au mieux pour la fin de l’année un PIB ayant retrouvé son niveau d’avant crise faisant remarquer que si le PIB avait continué de progresser à son rythme d’avant crise, il serait environ 10 points supérieurs à son niveau actuel soit environ 200 milliards. De quoi envisager une toute autre perspective pour le financement des budgets publics et sociaux !

Quant au pouvoir d’achat des ménages, il reculerait à nouveau au second semestre 2013 (-0,1 % puis -0,2%), du fait notamment du manque de dynamisme des salaires, d'un regain d'inflation et d'une hausse vigoureuse des prélèvements fiscaux, particulièrement de l'impôt sur le revenu.

En réalité, la baisse du pouvoir d'achat est beaucoup plus forte. Selon une récente étude du BIPE, le pouvoir d’achat ressenti par unité de consommation, c'est-à-dire ce qui reste aux familles une fois payées les dépenses contraintes (loyer, transports, factures EDF, assurances, remboursements crédits...), après avoir reculé de 2,2 % en 2011, puis de 0,4 % en 2012, devrait, à nouveau, reculer de 1,6 % en 2013 et de 0,4 % en 2014 !

Sur cette base, les prévisions gouvernementales pour 2014 paraissent très optimistes. Le gouvernement et le Président de la République ne prennent pas la dimension du défi à relever pour l’emploi et par conséquent pour un retour à une nouvelle croissance, fondement d’un accroissement réel et sain de la richesse nationale. L’alpha et l’oméga dans les entreprises privées comme publiques ou dans les administrations est la recherche de la baisse du coût du travail. Partout les technologies de l’informationnel sont utilisées dans ce but.

Dans ces conditions l’optimisme des prévisions gouvernementales de progression de la masse salariale et de l’emploi pourrait être rapidement démenti. A nouveau le risque de recettes fiscales et sociales insuffisantes pourrait être la marque du budget 2014, ce qui supposerait alors de pratiquer des coupes supplémentaires dans la dépense publique pour se conformer au retour à « l’équilibre structurel » des comptes publics en 2016 et qui imposerait de nouveaux sacrifices à la population.

Les principales orientations du budget 2014

L’objectif des orientations proposées par le projet de loi de finances 2014 est de parvenir à réduire le pourcentage de déficit public par rapport au PIB et d’assurer la « compétitivité » des entreprises. Pour cela il faut dégager 18 milliards d’euros dont 15 milliards au titre de la réduction de la dépense publique et 3 milliards en matière d’augmentation des prélèvements obligatoires.

La baisse des dépenses

Pour parvenir à réduire la dépense publique de 15 milliards, le gouvernement a choisi de baisser les dépenses budgétaires de l’État de 9 milliards d’euros et celles de la protection sociale de 6 milliards.

S’agissant des dépenses budgétaires, le respect des «règles de bonne gestion» instauré sous l’ère Sarkozy (maintien à l’euro près hors charges de la dette et des pensions des fonctionnaires, des dépenses de l’État), devrait permettre dans un contexte d’inflation faible, de faire diminuer les dépenses de 7 milliards. L’objectif étant de les réduire de 1,5 milliards supplémentaires, on atteindrait 8,5 milliards auxquels s’ajouterait 0,5 milliards d’économie sur le remboursement de la dette du fait des faibles taux d’intérêts. En 2014, les dépenses hors charge de la dette et des pensions passeraient en valeur absolue de 279, 4 Milliards en 2013 à 278  Milliards.

Cette course à la réduction de la dépense publique aura pour conséquence immédiate de faire disparaître 13123 emplois de fonctionnaires, dont 8000 à la défense et 2600 au ministère des Finances. Compte tenu des 9984 créations dans l’enseignement et des 995 dans la sécurité et la justice, le solde négatif en emplois serait pour la fonction publique d’État de 2144. S’intègre à ce dispositif la confirmation du gel de la valeur du point d’indice alors qu’il n’a pas été augmenté depuis 2010 et cela déjà après des années de disette, ainsi qu’une réduction de 0,5% des dépenses de fonctionnement. Elle concernera des ministères comme ceux de l’Économie et des Finances, de la Culture, du Redressement productif, de l’Écologie, de l'Agriculture, des Affaires sociales et la Santé, des Sports et de la jeunesse, de l’Égalité des territoires... Seuls cinq ministères seront épargnés voyant leur dotation gelée, voire même quelque peu augmentée, mais cela au détriment des précédents. Il s’agit de l’Éducation Nationale, de la Justice, du Travail, de la Solidarité, du Logement. Cela représenterait 0,9 milliard d’économie, c’est-à-dire une réduction de l’offre de service public aux citoyens, le tout au titre de la modernisation de l’action publique (MAP).

L’autre secteur mis à contribution est le concours de l’État aux collectivités territoriales. Ces dernières vont être une nouvelle fois être mises à contribution. Au-delà du gel des dotations, les collectivités territoriales devront réduire leurs dépenses de 1,5 milliards, dont 880 millions pour les seules communes, ce qui aura nécessairement des répercussions sur leurs capacités d’investissement (rappelons qu’elles représentent 70% de l’investissement public), ainsi que sur les moyens des services publics locaux dont certains risquent de se voir réduits à leur plus simple expression. Une telle orientation travaille en fait dans le sens d’une réduction des capacités d’intervention des communes et de leur groupement, au profit d'ensembles de plus en plus vastes dans lesquels elles ne seront bientôt plus identifiables en tant que niveau autonome d’organisation du territoire.

Le troisième ensemble impacté par la réduction de la dépense publique est les opérateurs et les agences de l'État qui, hors Pôle emploi et les universités, (agences régionales de santé, agence du médicament, les chambres de commerce et d’industrie, les agences de maîtrise de l’énergie ou encore le centre national du cinéma...) verraient leurs moyens diminuer de 4 % en 2014, avec la suppression de 1229 postes équivalent temps plein.

Enfin, 6 milliards d’économies devront être réalisés sur les dépenses sociales. L’ensemble des branches de la sécurité sociale sera durement mis à contribution avec une réduction caractérisée par une diminution de 3 milliards des dépenses de santé (ONDAM) et 3 autres milliards économisés sur les retraites, et les retraites complémentaires, la politique familiale et l’assurance chômage.

Globalement la hausse des dépenses de l’État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale devrait être contenue en 2014 à 0,4%, alors que l’estimation la plus basse compte tenu des besoins inhérents au vieillissement de la population et à la prise en compte de la casse sociale, conséquence de la crise, se situerait à 1,5%.

Malgré cela, pour les années à venir et notamment 2015, le pire est à craindre. La réflexion initiée par la Cour des comptes débouche sur des préconisations inquiétantes. La Cour n’envisage en fait ni plus ni moins que la « réduction de la masse salariale de la fonction publique en baissant encore les effectifs, en augmentant le temps de travail, et en révisant les évolutions de carrière et les primes catégorielles ». Tout un programme en somme comme aurait dit un certain, dont la livraison du rapport Pecheurs donne d'ores et déjà quelques pistes ...

La compétitivité des entreprises

La traduction de cette orientation est claire :

-         12 milliards de crédits ouverts pour la mise en œuvre d’un nouveau programme d’investissement d’avenir (PIA). Cela normalement au service de l’emploi, mais concrètement sans aucun objectif fixé ni contrôle envisagé.

-         10 Mds € d'impôts en moins, dont 9, 7 milliards au titre du Cice (4). Là encore, sans aucun engagement demandé ni contrôle mis en œuvre. Et ce manque à gagner fiscal sera reporté à la charge des ménages.

Une pression fiscale allégée sur les entreprises et renforcée pour les ménages

L’objectif est de faire supporter aux ménages le coût du Cice, soit quelque 10 Mds € en 2014. Dans les faits, ce sont les couches populaires et moyennes qui vont être surtout mises à contribution car le gouvernement a choisi de financer le Cice par l’accroissement du poids de la taxe la plus injuste et la plus aveugle à laquelle aucune famille ne peut échapper : la TVA, dont l’augmentation devrait rapporter 5 milliards d’euros. En voici le détail :

-         Passage du taux normal de 19,6 % à 20 % (+2,6 Mds €).

-         Passage du taux intermédiaire de 7 % à 10 %

-         Maintien du taux réduit (sur les produits de première nécessité) à 5,5 %. Des dérogations seront accordées, notamment pour le logement social et la rénovation des HLM, comme pour le logement intermédiaire.

Une taxe carbone dénommée « taxe énergie-climat » sera instituée par « verdissement » de taxes existantes. Elle va renchérir les prix du gaz et du charbon notamment. Devant rapporter 4 milliards d’euros en 2016, cette taxe est malgré les artifices de langage, un nouvel impôt. Son efficience environnementale est loin d’être avérée. Prétendre de la sorte dissuader les émissions de CO2 revient, en fait surtout, à pénaliser le consommateur final. Les entreprises auront toujours loisir de frauder, de délocaliser, et surtout de reporter la charge de la taxe sur les prix, voire supprimer des emplois et la récupérer sur les salaires.

La baisse du plafond du quotient familial qui passera de 2000 € à 1500 €. Cela concernerait les ménages avec un enfant gagnant plus de 5370 € par mois, c'est à dire 2685 € seulement chacun, ou les ménages avec 2 enfants gagnant à deux plus de 5820 € par mois. Un couple avec 2 enfants gagnant 6000 € par mois paierait 250 € d'impôt sur le revenu de plus. Ce ne sont donc pas seulement les plus riches qui seront ainsi sollicités par cette nouvelle disposition, qui ne vise qu'à réduire le déficit public, mais aussi les couches moyennes, massivement. Cette mesure met un peu plus en cause un principe fondamental de la politique familiale qui veut que, à revenu égal, le couple avec enfant est avantagé par rapport au couple sans enfant. C'est ce principe de « solidarité horizontale » associé à un avantage fiscal ou à une prestation sociale attaché à l'enfant, et non au couple, qui est ainsi attaqué au nom d'un hypocrite principe d'équité, principe qui va être utilisé pour casser la politique familiale et son financement mutualisé à partir des entreprises, comme le revendique le grand patronat depuis 1964 !

Quelques mesures d'habillage sont envisagées au nom des plus démunis. Elles se présentent comme voulant soutenir le pouvoir d'achat des catégories les plus défavorisées en faisant écho au « ras le bol fiscal » qu'a entraîné l'augmentation des impôts depuis 2 ans. Le gel de l'indexation des tranches du barème de l’Impôt sur le Revenu décidé par F. Fillon, puis poursuivi par J-M Ayrault a en effet rendu imposable 940 000 contribuables supplémentaires en 2012. En 2013, c’est entre 1,2 et 1,6 million de contribuables qui se retrouvent dans cette situation.

Ces maigres concessions –au nom de la justice sociale– sont essentiellement financées par une augmentation de la contribution des couches moyennes qui, pour l'heure, n'osent pas trop exprimer leur « ras le bol  fiscal » car tout est fait pour qu'elles se considèrent comme privilégiées. Cela apparaît d'autant plus avec d'autres mesures contenues dans le projet de loi de finances telles que :

- La fiscalité des plus-values mobilières qui va être très allégées par rapport à 2013 en écho au «mouvement des pigeons» ;

- Des niches fiscales re-distributives qui vont être rabotées, comme celle relative aux frais de scolarité ou celle concernant les salariés couverts par une complémentaire santé souscrite par leur entreprise.

Une dette publique en augmentation qui accroît la dépendance au marché financier :

La dette publique devrait passer de 93,4 % du PIB en 2013 (1912 Mds €) à 95,1 % l'an prochain. Suivant cette évolution, le montant d’émission des emprunts publics de la République sur les marchés devrait passer de 169 Mds € en 2013 à 174 Mds € en 2014. Et il faudra prélever 46,7 Mds € sur le budget 2014 pour rembourser les intérêts de la dette, contre 45 Mds € en 2013, soit 300 M € de plus que les crédits pour l'enseignement !

On par ailleurs affirmer, sans être grand clerc que de lourdes incertitudes pèsent sur les prévisions, gouvernementales compte tenu notamment du risque d’une remontée des taux d'intérêt dans le monde, alors que 2013 aura marqué, de ce point de vue, un point bas sans précédent.

Construit pour corseter la dépense de services publics, baisser le coût du travail et favoriser une relance des profits, ce projet de loi de finances pèsera sur la demande intérieure et, ce faisant, freinera la croissance. Il faut donc s'attendre à une insuffisance des rentrées d'impôts et de cotisations, ce qui perpétuera les déficits. Quant aux profits supplémentaires ainsi générés, ils alimenteront surtout les opérations financières et la spéculation, et contribueront à alourdir le coût du capital.

Les voies d’une alternative fiscale

Elles doivent s’incarner dans la mise en place de nouveaux prélèvements publics et sociaux et corrélativement, par de nouveaux modes de dépenses.

Fiscalité, il est temps de changer de bases !

Le « ras le bol fiscal » des catégories populaires est d'autant plus fort et justifié que l'augmentation des impôts s'accompagne d'un recul manifeste du périmètre et de la qualité des services publics.

Nous devons prendre appui sur cette colère pour porter à partir de contenus précis l’exigence d’une réforme profonde et progressiste de la fiscalité avec un double objectif de justice et d'efficacité.

Il s’agit en effet de contrecarrer les évolutions en cours qui portent une réforme de type conservateur des prélèvements fiscaux, avec l’objectif de faire basculer la fiscalité des entreprises et du capital vers les ménages par le biais d’un impôt sur le revenu élargi, fusionné avec la CSG, d’un accroissement des taxes sur la consommation, TVA mais aussi fiscalité «verte », et d’une augmentation du poids des impôts directs locaux. Dans une moindre mesure le basculement s’opérerait aussi sur la fiscalité du patrimoine, frappant plus particulièrement les petits patrimoines.

A l’opposé de cette logique, nous proposons que les impôts et cotisations permettent, non seulement de corriger les inégalités avec une meilleure redistribution des richesses produites pour financer plus et mieux les services publics et la protection sociale, mais surtout incitent les entreprises qui produisent les richesses à les produire plus, mieux et autrement, en encourageant les gestions vertueuses à base d’emplois, de formation et de respect de l’environnement et en pénalisant les autres gâchis du capital, spéculation, délocalisations.

Les principaux axes d’une réforme fiscale sont les suivants :

Fiscalité des personnes:

  1. Un impôt sur le revenu de type universel imposant au même niveau les revenus du travail et ceux du capital avec une progressivité reconstruite sur la base de taux et d’un nombre de tranches sensiblement relevés.
  2. Un recul des prélèvements sur la consommation (TVA, TICPE, ...) qui, actuellement, représentent 60 % des recettes fiscales.
  3. Un impôt sur la fortune au barème progressif rehaussé intégrant au titre de la fortune taxable, les biens professionnels dont la contribution serait modulée en fonction des efforts consentis par leurs propriétaires et gestionnaires en matière d'emplois et de formations.

Fiscalité locale des personnes :

Une réforme de la fiscalité directe locale doit passer par une véritable révision des bases d’imposition, laquelle n'a pas eu lieu depuis 1970. Il convient de redéfinir les valeurs locatives servant à l’établissement de la taxe foncière et de la taxe d’habitation, cette dernière étant plafonnée entre 20 et 30% du revenu mensuel des ménages, selon son montant.

Fiscalité des entreprises:

  • L’impôt sur les sociétés

Nous proposons un impôt sur les sociétés progressif et modulé selon l'affectation qui serait faite des bénéfices dans chaque entreprise.

Aujourd'hui, l'IS ne représente que 10 % des recettes fiscales et le taux réel appliqué aux entreprises du CAC40 n'est que de 8 à 9 %, alors qu'il est de 24 % pour les grosses PME et de 33% pour les petites.

Ce nouvel IS permettrait par sa progressivité de prendre en compte la diversité des entreprises et par sa modulation de pénaliser l'utilisation financière des bénéfices pour encourager les entreprises à les investir dans la création d’emplois, l’élévation des qualifications et l’augmentation des salaires, en mettant la pression sur les grandes entreprises. Ce serait un important atout d’une nouvelle donne économique dans notre pays.

L’installation de ce nouvel impôt sur les sociétés devrait aller de pair avec la suppression progressive des niches telles que le Crédit d'impôt recherche (l'incitation à accroître l'effort de R&D dans le privé devrait passer par un nouveau crédit bancaire, plutôt que par des pertes de recettes fiscales pour l’État) ou le régime du bénéfice mondial et du bénéfice consolidé.

Cette réforme fiscale pour être mise en œuvre et appliquée devrait s'accompagner de l’arrêt immédiat du démantèlement de notre appareil de gestion et de contrôle fiscal,  avec, au contraire, de nouvelles embauches de fonctionnaires et la mise à disposition des administrations financières des outils matériels et juridiques adaptés à la réalité actuelle du monde des entreprises et des échanges internationaux.

De telles dispositions nécessitent aussi des pouvoirs de contrôle et d'intervention des salariés dans les entreprises, contre la dissimulation ou la délocalisation des profits et pour leur utilisation socialement efficace.

Enfin, de nouvelles initiatives de la France en Europe seraient nécessaires afin d'exiger une harmonisation par le haut de la fiscalité des entreprises contre le dumping fiscal et la paupérisation des États.

  • Un impôt territorial sur le capital des entreprises

Nous proposons d'instituer un impôt territorial sur le capital des entreprises.

La disparition de la taxe professionnelle et sa transformation en contribution économique territoriale (CET) a constitué une perte de 8 milliards d’euros de recettes fiscales pour les collectivités territoriales.

Ce cadeau aux entreprises a en outre correspondu à une baisse des dotations d’État et à une forte déresponsabilisation des entreprises par rapport aux populations sur les territoires où elles opèrent. Pourtant, ces entreprises ne pourraient pas bien fonctionner sans des routes en bon état, des terrains viabilisés, des salariés formés, soignés, transportés, logés, ou dont les enfants ne pourraient pas accéder à l'école ou à la crèche...bref sans des services publics locaux de qualité.

Le passage à la CET a au final entraîné une paupérisation des communes obligées, pour continuer de répondre aux besoins des populations, d'accroître la pression fiscale sur les ménages (la CET a été compensée en partie par une hausse de plus de 3 milliards des impôts locaux des particuliers). Par ailleurs certaines collectivités ont dû s'endetter auprès de banques de plus en plus prédatrices, quand ce n'est pas directement sur le marché financier.

En prenant appui sur les besoins de services publics locaux, de logements sociaux, de dépenses d'accompagnement, il serait décisif de doter la France d'un nouvel impôt territorial assis sur le capital matériel (bâtiments, terrains et équipements) des entreprises à l'image de ce qu'était la taxe professionnelle, mais de mettre aussi à contribution, au niveau national, les actifs financiers des entreprises (4724,4 Mds € fin 2011 selon les comptes de patrimoines des sociétés non financières), auxquels il faudrait ajouter les actifs financiers détenus par les banques, sociétés financières et assurances (nets des provisions techniques d'assurances ils totalisaient 10 603,1 Mds € fin 2011).

Cette contribution nationale, additionnelle à ce nouvel impôt territorial sur le capital des entreprises serait assortie d'un taux très bas (0,5%) et perçue par les communes. Elle rapporterait immédiatement plus de 20 Mds €, s'agissant des seules entreprises. Cette ressource prélevée nationalement serait péréquatée en fonction du nombre d’habitants et de la situation sociale de chaque commune. Ce dispositif  inciterait les entreprises à ne pas gâcher leurs capitaux du point de vue de l'intérêt social des salariés et des populations.

Cotisations sociales

Il faut ajouter à ces propositions fiscales celles concernant la réforme du financement de la protection sociale avec :

Ø     La mise à contribution des revenus financiers des entreprises et des banques au même taux que celui de la cotisation sociale des salariés ;

Ø     Une modulation du taux des cotisations sociales patronales pour pénaliser les entreprises qui cassent l'emploi, versent des bas salaires, préfèrent les profits financiers et encourager celles qui font le contraire.

Ces deux propositions permettraient d'accroître de façon pérenne les recettes de cotisations sociales en faisant reculer les gâchis financiers capitalistes et en poussant à développer la base emplois, salaires, qualifications des cotisations sociales patronales.

Besoin d’un nouveau type de dépenses pour développer tous les services publics

La bataille contre les services publics est menée au nom de la lutte contre le gaspillage de la dépense publique et pour soi-disant faire reculer le déficit et la dette publics. Depuis des décennies le Pouvoir et les médias cherchent à culpabiliser les gens, au nom des générations futures, en rappelant que la dette publique brute dépasse désormais 1912 Mds €, soit 29382 € par habitant.

Or, dépenser plus et mieux pour les services publics permettrait au contraire d'accroître la productivité et, donc, de faire baisser les coûts, tout en soutenant la demande. Car la baisse des coûts se ferait alors en développant les capacités humaines et non en supprimant des emplois.

C'est, il est vrai, une tout autre logique.

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(1) TSCG : traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance européenne

(2)  Troïka : FMI, Commission de Bruxelles et Banque Centrale européenne

(3)  Projet de loi de Finances

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