Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Pause fiscale : une cacophonie gouvernementale savamment organisée.

Y aura, Y aura pas ? Depuis la rentrée les déclarations gouvernementales se succèdent sur le sort fiscal de nos concitoyens. La pause fiscale est sur toutes les lèvres. Pour tenter d’y voir un peu plus clair, faisons un rapide retour en arrière. Si on cumule les mesures fiscales annoncées lors de la loi de finances rectificative 2012 et dans le cadre de la loi de Finances 2013, nous atteignions un chiffre d’environ 55 milliards de hausse d’impôt. Des hausses certes reparties entre les entreprises et les ménages mais qui ont pesé beaucoup plus sur les ménages (de l’ordre de 1/3- 2/3). Et parmi les ménages, ce ne sont pas les riches, contrairement aux cris d’orfraies de la droite et de ses représentants, qui ont eu le plus à en pâtir mais bien les plus modestes. Ainsi, 10% de foyers fiscaux supplémentaires sont devenus imposables à l’impôt sur le revenu. Comme tous les citoyens ils ont supporté l’accroissement des prélèvements sur la consommation et de diverses ponctions sociales sans parler de la réduction de la dépense publique qui impacte directement l’offre de service public, donc les services aux familles aux revenus modestes ou moyens.

Ces prélèvements nouveaux s’opérant sans qu’aucun effort de relance des salaires, du pouvoir d’achat et de l’emploi ne soit réalisé, confèrent à la politique fiscale gouvernementale une dimension antiéconomique. Il suffit pour cela d’observer le décalage entre l’annonce budgétaire des mesures décidées et leur rendement réel. Sur les quatre premiers mois de l'année, les recettes fiscales sont quasiment restées stables par rapport à la même période de 2012 (90,8 milliards, contre 91 milliards). Seul, les rentrées d'impôt sur le revenu progressaient sur un an (+11%). Les autres principaux impôts : TVA, IS (impôt sur les sociétés) et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, reculaient. Un rétablissement s’est effectué en mai et juin s’agissant de l’IS alors que l’impôt sur le revenu restait sur l’étiage des 4 premiers mois. Mais les recettes de TVA comme de taxe sur la consommation les produits énergétiques demeuraient en recul. Ces données éclairent la situation. Il y a une baisse de la consommation et de l’activité qu’en termes de recettes fiscales, les nouveaux prélèvements fiscaux peinent à combler. Ce constat est corroboré par l’atonie de la croissance qui, fin 2013, avoisinera zéro.

Ainsi les objectifs affichés de réduction du déficit public et de relance de l’activité ne seront pas au rendez-vous. Et comment dans ces conditions, le gouvernement, sans réorientation fondamentale de sa politique économique et de ses choix de politique monétaire en France et en Europe pourra se mettre dans les clous des traités européens (MES et TSCG) signés par F. Hollande? La seule issue est une nouvelle augmentation des prélèvements fiscaux et sociaux et une réduction la dépense publique? C’est ce délicat virage, c’est à ce nouveau tour de passe-passe que nous préparent les déclarations gouvernementales à géométrie variable quant à l’instauration d’une pause fiscale.

Difficile en effet d’annoncer à des populations qui croulent sous le poids des prélèvements fiscaux et sociaux qu’on va leur en remettre une couche en 2014. Et pourtant c’est bien ce qui va se passer. Certes le barème d’impôt sur le revenu sera dégelé mais il n’en demeure pas moins que les ménages devront supporter :

  • La hausse de la TVA avec la majoration du taux normal de 19.6% à 20% et du taux réduit de 7% à 10%, certes avec la maigre compensation du passage du taux réduit de 5.5% à 5%. Il faut par ailleurs rappeler qu’en juillet le taux de TVA sur les services à la personne est passé de 7% à 19,6%.

  • La poursuite de l’abaissement du plafond du quotient familial.

  • La suppression de la « niche fiscale » représentant la réduction d'impôt pour les familles ayant des enfants scolarisés dans le secondaire et dans le supérieur (450 millions d'euros).

  • Une hausse de 0,15% des cotisations de retraite complémentaire.

Ces données constituent les grandes lignes du volet fiscal du PLF 2014 auquel il faut ajouter l’annonce de 2 milliards de recettes supplémentaires issues du contrôle fiscal. Lorsqu’on connaît la situation des services en charge de l’assiette et du contrôle de l’impôt aujourd’hui, lorsqu’on sait que les services du Ministère des Finances seront à nouveau amputer en 2014 de plus de 2000 emplois, cette annonce est au mieux un défi, au pire une provocation ou de la pure opération poudre aux yeux. Au train des nouvelles rentrées fiscales pour 2014 (3 milliards au total) s’ajoute en effet une réduction de la dépense publique de 15 milliards d’euros. Elle occasionnera de véritables saignées dans le fonctionnement déjà fortement précarisé des services publics qu’ils soient locaux (collectivités territoriales) ou nationaux comme par exemple les administrations fiscales qui sont en coeur de la cible.

Enfin, est en préparation, avec projet d’application au premier janvier 2014, une nouvelle taxe carbone, appelée «softement» contribution climat énergie. Pesant sur les carburants et les énergies fossiles elle pourrait rapporter 4 milliards d’euros en 2016. Si le champ et les mesures d’application ne sont encore pas totalement arrêtées par le gouvernement, la montée en charge de cette nouvelle taxe semble pourtant assez élaborée : 7 euros par tonne de CO2 en 2014, puis 14,50 euros la tonne en 2015, pour atteindre 22 euros la tonne en 2016, pour un montant de recettes attendu alors de 4 milliards. Si cette mesure n’est pas une nouvelle augmentation des prélèvements fiscaux, cela y ressemble quand même beaucoup ! Et ce n’est pas l’hypothèse d’une baisse du taux de TVA sur les opérations d’isolation qui compenserait dans le budget des ménages cette nouvelle ponction. Les ménages locataires ne verront rien venir en retour et même parmi les petits propriétaires, beaucoup n’ont pas les moyens d’engager les travaux d’isolation nécessaires.

Sur le fond cette taxe est socialement injuste. Nouvelle taxe sur la consommation à taux proportionnel, elle pénaliserait de fait plus lourdement les ménages à revenus modestes. S ‘agissant de son efficacité économique, elle mérite d‘être appréciée au regard des possibilités de relance réelle par la création de richesses utiles et durables contre la dérive spéculative et les gâchis de capital. S’agissant de la dimension écologique d’une telle taxe, son effet dissuasif risque d’être limité vu son très faible impact sur l’orientation des productions vers une autre logique que celle du «consommable-jetable» et le manque d’alternative réelle à l’utilisation des énergies fossiles notamment pour les transports routiers. Par ailleurs ce type de taxe dont le produit a vocation à diminuer au fur et à mesure que l’objet même pour lequel elle a été instaurée se réduit ou disparaît, ne peut être conciliable avec le souci de trouver de nouvelles recettes fiscales comme c’est le cas en réalité aujourd’hui. Il y a ainsi de fortes présomptions pour que la protection de l’environnement ne soit que prétexte à l’instauration d’un nouvel impôt qui permette encore de contourner une véritable réforme de la fiscalité des entreprises visant à les rendre socialement et écologiquement responsables. Ce qui se joue avec cette contribution climat énergie est grave. Elle travaille une restructuration des prélèvements fiscaux en France et sanctuarise en quelques sorte les cadeaux accordés au Medef, ce qui ne l’empêche pas de crier plus fort que jamais contre la hausse des impôts. Cette taxe verte serait dans les faits une des pompes par laquelle le gouvernement entend compenser la baisse de recettes fiscales de 20 milliards d’euros résultant de l’instauration du Crédit Impôt Compétitivité Emploi, accordé sans contrôle et sans contrepartie au patronat français. Avec les 5 milliards du Crédit Impôt Recherche la France est entrain de devenir un vrai paradis fiscal pour entreprises.pAUSE

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