Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La retraite : un enjeu de société Une réforme de gauche socialement efficace !

Les choix effectués en matière de retraite sont, avec d’autres, l’expression d’une vision de la société. Malheureusement, la nouvelle réforme des retraites annoncée par le gouvernement Ayrault/Hollande semble vouloir reprendre l’antienne des réformes antérieures qui ont toutes cherché à dévaloriser ce temps de vie hors emploi. Celui-ci considéré comme un coût, elle cherche toujours à en réduire le montant en allongeant la durée de cotisation et à en transférer la charge sur les ménages. C’est contradictoire avec la philosophie d’une politique de gauche. Celle-ci ne peut pas gérer le droit à la retraite dans le cadre de la mise en œuvre des réformes de la droite. Une vraie réforme de gauche est donc indispensable. Et nous avons des propositions pour la mener.

La retraite, passage à l’inactivité ou nouvelle période de la vie sociale est-elle un temps utile pour la société ? Les retraité-e-s sont-ils ou elles une charge ou une utilité sociale ? Faudrait-il travailler plus longtemps quand on vit plus longtemps ? L’important n’est-il pas d’arriver à la retraite en bonne santé ?

Un choix de société

Les choix effectués relèvent de la nature de notre vie en société, du rôle et de la place des retraité-e-s. C’est une exigence de justice sociale avec la sécurisation du parcours de vie de la naissance à la mort et un financement, intergénérationnel et solidaire, s’appuyant sur les richesses créées par le travail. C’est un choix de société.

Nous considérons que 60 ans est la bonne limite pour partir en retraite, pour avoir une nouvelle vie sociale et personnelle.

Ce choix de société nécessite un vrai temps de débat, il n’est pas envisageable de limiter le débat parlementaire à une quinzaine jours. Il faut un grand débat public !
Un argument souvent répété !
On vit plus longtemps, on travaille plus longtemps !
Il faudrait travailler plus, plus longtemps, pour… toucher moins avec une baisse des pensions, une augmentation des années de cotisation et un recul de l’âge réel de départ en retraite à taux plein. Les différentes réformes mises en œuvre depuis celle de 1993, celle de 2003 puis celle de 2010 ont amené un allongement de la durée de cotisation, une perte de pouvoir d’achat des pensions et des difficultés accrues pour des millions de retraités.

Le chômage, la précarité font qu’il est de plus en plus difficile d’espérer partir avec une retraite à taux plein. Jamais le patronat n’a bénéficié d’autant d’exonérations. Le recul de l’âge réel de départ et l’allongement du nombre d’années de cotisations ne feront qu’aggraver la situation.

Est-ce normal de travailler plus en fonction d’une augmentation de l’espérance de vie ? Cela est régulièrement présenté comme inexorable. Nous le contestons totalement. Les gains d’espérance de vie n’ont pas vocation à augmenter la durée de soumission au travail mais plutôt d’augmenter le temps de vie hors travail.
La vie ne doit pas être uniquement liée au rapport au travail. C’est une bataille idéologique que nous n’avons pas l’intention de lâcher…

La question de la démographie

Le « politiquement correct » assène depuis des années qu’il y aurait une situation difficile au niveau démographique. C’est une manipulation. Contrairement à d’autres pays, en France, le taux de fécondité est de 2,1 par femme. L’augmentation du nombre de retraité-e-s est compensée par l’arrivée d’actives et d’actifs sur le marché du travail. Il n’y a donc pas de catastrophe démographique en prévision.

Les enjeux de la période

Nous avons à faire face à un enjeu de civilisation majeur devant un choix de société : les anciens, charges, sources de profits, ou des citoyens à part entière ayant toute leur place dans notre société pour vivre dignement leur retraite dans de bonnes conditions, après une vie de travail. L’appauvrissement des retraités ne peut qu’entraîner un nouveau recul social.

Lors du conflit de 2010, le mouvement social a imposé le concept de régime par répartition. Même à droite maintenant, cela semble une chose entendue, la capitalisation n’est pas « vendable », la crise financière l’a montrée sous son vrai jour ! Ce n’est pas négligeable de mesurer cela. Nous avions raison de porter avec force ce concept de régime par répartition.

Pour autant, la répartition ne suffit pas. Le système mis en place à partir de 1946 c’est de la répartition à prestation définie, c’est-à-dire que le niveau de la pension est établi au départ en retraite et n’est pas une variable d’ajustement ; ce sont les cotisations qui évoluent si besoin.

Il existe des systèmes par répartition à cotisation définie, comme les comptes notionnels à la suédoise. Dans ce cas-là, le niveau des cotisations est bloqué, ce sont les niveaux des pensions qui sont une variable d’ajustement ; comme c’est plutôt à la baisse, cela est, de plus, utilisé par le monde financier pour promouvoir des compléments assuranciels de retraites ce qui est une nouvelle source de profit pour les assurances et les banques.

Il est donc déterminant de réaffirmer notre attachement à la retraite par répartition à prestation définie, la précision est d’importance !

La bataille des idées

L’annonce, par le président de la République et le Premier ministre, du maintien de l’âge ouvrant droit au départ en retraite à 62 ans peut apparaître comme une garantie.

Tout d’abord, cela signifierait l’abandon de la référence à 60 ans alors qu’elle était le repère de toute la gauche en 2010.

En fait, cette annonce est associée à celle de la poursuite de l’allongement de la durée de cotisation présentée comme indispensable. Or, cet allongement de durée de cotisation se traduirait obligatoirement par un recul de l’âge réel de départ en retraite. En effet, l’augmentation de la durée de cotisation signifie le recul de l’âge limite de départ en retraite mais aussi et surtout le recul de la limite de calcul de la décote inventée par la réforme de 2003. Cela amènerait donc à maintenir un âge ouvrant droit au départ mais à diminuer le montant de la pension possible à cet âge. En conséquence, ce serait la personne demandant à partir qui déciderait « d’elle-même » de retarder son départ pour diminuer la décote…

Il est donc urgent de remettre en cause les réformes depuis 1993 et d’imposer le départ à 60 ans à taux plein.

Nos propositions alternatives

Au contraire des annonces gouvernementales actuelles, nos propositions sont pour une réforme juste basée sur la sécurisation de l’emploi et de la formation, du parcours de vie de la naissance à la mort, permettant à chacun de pouvoir partir à partir de 60 ans avec une pension à taux plein correspondant à une période allant de 18 à 60 ans. Durant cette période, il y aura les cotisations liées à l’emploi salarié, celles des périodes de non-travail avec la sécurisation des parcours professionnels, la validation des périodes d’études, les cotisations liées à l’allocation d’autonomie et de formation de la jeunesse.

Le taux plein correspond à 75 % du salaire de référence. Le salaire de référence doit être à nouveau celui des dix meilleures années pour les salarié-e-s du secteur privé et doit rester celui des six derniers mois pour le secteur public.

Il faut bannir la précarité, poser la question de l’emploi, celle de la titularisation dans la Fonction publique par exemple.

L’augmentation des salaires est une nécessité, il faut exiger tout de suite l’égalité des salaires entre les femmes et les hommes.

Lorsque les salariés perdent 1 point de masse salariale, le système des retraites perd 0,8 milliard d’euros de recettes. Lorsque le pays compte 100 000 chômeurs de plus, le financement des retraites perd 1 milliard d’euros.

Il est indispensable de poser la question de la pénibilité. Il faut d’urgence ouvrir de vraies négociations qui doivent aboutir à un accord majoritaire pour définir les critères de pénibilité et les conditions de sa compensation.

Il faut aussi traiter la situation de l’entrée précoce (avant 18 ans) au travail. Elle doit se traduire par un départ anticipé en retraite.

Nous sommes pour une retraite par répartition à prestation définie avec une indexation des pensions sur les salaires, et non sur les prix, aucune pension n’étant inférieure au SMIC.

Ce sera une abrogation des réformes Balladur et Fillon avec la suppression des décotes et le retour aux dix meilleures années comme référence pour les salariés du secteur privé et au six derniers mois pour le secteur public.

Une réforme de gauche indispensable

Il n’est pas question d’en rester à la situation actuelle. Il n’est pas envisageable de ne pas remettre en cause les réformes de la droite que la gauche a combattues dans le passé. Une réforme contestée dans l’opposition doit être remise en cause lorsque l’on est dans la majorité. La gauche ne peut pas gérer le droit à la retraite dans le cadre de la mise en œuvre des réformes de la droite. Il faut vraiment un changement.

Une réforme de gauche est donc indispensable.

Une réforme de gauche doit aussi réellement articuler d’autres leviers que ceux des réformes de droite. Elle doit être socialement efficace.

Quatre pistes de propositions alternatives de financement

4 En finir avec la pression idéologique autour du « coût » du travail. Il faut rappeler que les entreprises françaises paient, par an, deux fois plus de frais financiers que de cotisations sociales patronales. Nos propositions sur la sécurisation de l’emploi et de la formation, pour de nouveaux pouvoirs des salariés sur les gestions des entreprises, pour un pôle financier public et un crédit sélectif pour l’emploi et la formation sont particulièrement d’actualité.

4 La modulation des cotisations sociales patronales en fonction de la politique salariale, d’emploi et de formation des entreprises permet de renforcer l’articulation entre le financement des retraites et l’entreprise. Cela nous permet aussi de porter le développement des cotisations sociales en s’opposant à la financiarisation et à la fiscalisation.

4 La suppression des exonérations de cotisations sociales patronales. Inventées pour créer des emplois, elles sont inefficaces et coûteuses (290 milliards d’euros en vingt ans).

4 La cotisation sociale additionnelle sur les revenus financiers des entreprises. En leur appliquant les taux actuels de cotisations patronales de chaque branche, on pourrait prélever dès 2014 plus de 80 milliards d’euros de recettes nouvelles pour la Sécurité sociale, dont 30 pour notre système de retraite solidaire.

Le départ à 60 ans à taux plein, une idée d’avenir

Oui, cette belle idée de la retraite solidaire inventée par Ambroise Croizat et actualisée par le mouvement social est plus que jamais d’avenir. Notre pays en a les moyens.

Oui, partir en retraite à taux plein à 60 ans, c’est l’avenir. n

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