Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Luttes, exigences précises d'alternatives, rassemblement majoritaire (Edito)

Ca y est, c’est la rentrée ! Elle s’annonce assez chaude… et pas seulement du fait de « l’été indien » que certains nous annoncent ! Les gros efforts de communication estivale de l’Élysée n’ont pas réussi, en effet, à calmer l’inquiétude et l’insatisfaction face aux choix faits en matière de politique économique et sociale.

Jamais n’auront été aussi nombreux celles et ceux qui ont été privés de vraies vacances cette année, du fait du chômage, de la précarité de l’emploi et du recul du pouvoir d’achat. Et pour celles et ceux qui ont pu en prendre, le budget a été réduit comme peau de chagrin.

Frustrations et déceptions sont grandes après une année de mise en œuvre par MM. Hollande et Ayrault d’une politique allant à rebours des espoirs qui les ont portés à l’Élysée et Matignon.

Et alors qu’on leur laisse entrevoir un budget de l’État pour 2014 amputé de 10 milliards d’euros de dépenses de services publics, tandis que 10 milliards d’euros supplémentaires vont être prélevés sur leur consommation, par l’augmentation de la TVA et une « taxe carbone » pour financer le cadeau de 20 milliards d’euros du « Crédit d’impôt compétitivité-emploi » (CICE), les Français demeurent stupéfaits par l’empressement de F. Hollande à vouloir lancer la France dans une action armée contre un pays tiers sans mandat, ni même résolution de l’ONU, grosse de risques mortels pour la région et très coûteuse pour les finances publiques.

Pourtant, l’équipe au pouvoir ne ménage pas ses efforts pour accréditer l’idée qu’elle tient le bon cap, que les sacrifices demandés sont « équitablement répartis » et que, donc, il ne faut surtout rien entreprendre qui puisse d’une quelconque façon perturber cette trajectoire, à commencer par le mouvement social, parce qu’il n’y aurait aucune alternative à gauche possible.

D’ailleurs, nous dit-on, de premiers résultats sont là indiquant que le cap tenu est le bon : un sursaut de la croissance du PIB au deuxième trimestre (0,5 %), plus fort que prévu (0,2 %) et l’apaisement des tensions financières au sein de la zone euro.

Il est vrai que la spéculation sur les dettes publiques s’est calmée depuis que les marchés financiers ont repris confiance dans la capacité de la BCE, de la troïka et des gouvernements de la zone, derrière Mme Merkel, à faire respecter leurs exigences exorbitantes de prélèvement sur les richesses produites.

Mais, en zone euro, à la différence des États-Unis où la Banque centrale (FED) injecte 85 milliards de dollars (64,5 milliards d’euros) par mois de liquidités dans l’économie, la BCE demeure interdite de toute création monétaire pour soutenir les dépenses publiques et sociales afin de ne se consacrer qu’au soutien des profits des banques et des capitaux financiers. L’austérité y fait rage et le crédit bancaire y demeure largement verrouillé, au sud notamment, malgré les énormes soutiens apportés aux banques par les États (2 200 milliards d’euros de 2008 à 2011) et par la BCE (1 000 milliards d’euros sur trois ans à 1 %).

Aussi, alors que la croissance réelle outre-Atlantique se consolide, la zone euro est la seule région du monde en récession.

Le rebond de l’activité au deuxième trimestre (+0,3 %) ne peut être que précaire avec un taux de chômage de 12,1 % (19,213 millions de privés d’emploi) et du fait de la remontée des taux d’intérêt à partir des États-Unis, tandis que les pays émergents ralentissent et subissent de fortes sorties de capitaux.

Pour ce qui concerne la France, le sursaut du deuxième trimestre n’autorise aucun angélisme. Il est dû, surtout, aux dépenses accrues d’énergie des ménages du fait d’un printemps glacial et, tandis que les plus démunis sont contraints de sacrifier sur l’alimentation et l’habillement, au fait que les couches moyennes salariées ont tiré sur leur épargne.

Toutes les prévisions annoncent pour les deux ans qui viennent une très lente reprise de la croissance et un taux de chômage supérieur à 11 % !

La double obsession de la dette publique, avec le recul de la dépense publique et sociale, et de la compétitivité privée par la baisse du « coût du travail » et la flexibilisation précaire de l’emploi (flexicurité) empêchent l’activité de repartir nettement en France et en Europe. D’où la faiblesse rémanente de l’investissement réel tandis que redoublent les délocalisations et les placements financiers.

Mais qu’importe, nous fait-on remarquer, la bourse se porte bien. Elle anticipe une franche reprise des profits et, comme l’énonce le « théorème de Schmidt » : « Les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après demain. » On sait combien ce raisonnement si en cours dans les années 1980 a conduit la France et la gauche au désastre.

Pourtant c’est lui que l’on retrouve derrière le CICE ou bien derrière la promesse d’une nouvelle « baisse du coût du travail » faite par P. Moscovici au Medef, en contrepartie d’une augmentation des cotisations sociales pour financer une nouvelle « réforme des retraites » poursuivant l’œuvre entreprise par la droite avec Balladur et Fillon.

Ce sont ces dogmes que le mouvement social est appelé à contester le 10 septembre à propos des retraites.

En effet, tout a été fait pour interdire un vrai débat sur les alternatives. On s’est contenté de reprendre, ad nauseam, l’antienne ultra-réactionnaire selon laquelle, comme on vit plus longtemps, il va falloir travailler plus longtemps, ce qui revient à interdire aux salariés de bénéficier des progrès scientifiques et techniques rendant possible un allongement de la durée de la vie en bonne santé passé à d’autres activités sociales choisies qu’un travail imposé par un patron. Et, sur cette base, on nous dit que les termes de la seule alternative possible étaient d’augmenter la durée des cotisations, ce qui a été choisi, ou de diminuer les pensions servies.

Ce n’est pas pour cela que les électeurs de gauche ont voté le 6 mai 2012 ! Ils peuvent d’autant plus revendiquer d’autres choix de financement, le 10 septembre dans la rue puis les 13,14, 15 septembre à la fête de l’Humanité, que ceux-ci sont possibles. C’est ce que montre une nouvelle proposition de loi qui sera portée par les parlementaires communistes et Front de gauche, après un intense dialogue avec la CGT. Elle reprend des idées défendues depuis longtemps par notre revue : taxer les produits financiers des entreprises et des banques ; moduler l’augmentation de la cotisation sociale patronale en fonction de la politique d’emploi, de salaires et de formation de chaque entreprise.

Autant, donc, de mesures visant à accroître la base salariale des cotisations pour les retraites qui seraient cohérentes avec un soutien par le crédit de l’emploi et de la création de richesses nouvelles dont dépendent le rééquilibrage des comptes sociaux et un renouveau du système de retraites par répartition.

Ces propositions éclairent aussi le chemin que devrait emprunter la gauche face à une droite revancharde et un extrême droite proliférant sur les déceptions et le désespoir de nombreux travailleurs.

Il s’agit de rompre avec l’austérité en sécurisant et promouvant l’emploi, la formation, les revenus du travail et de remplacement, en relançant tous les services publics. Cela exige de nouveaux droits et pouvoirs des salariés et des élus pour changer l’utilisation de l’argent des profits, des fonds publics et, surtout, du crédit.

Celui-ci peut être réorienté dès le niveau local avec des Fonds publics régionaux, jusqu’au niveau national, avec un pôle financier public. Il s’agit que le crédit pour les investissements des entreprises soit d’autant plus encouragé par des taux d’intérêts abaissés jusqu’à 0 %, voire en dessous (non remboursement d’une partie du prêt), que ces investissements programmeraient plus d’emplois et de formations bien rémunérés.

Chaque lutte sur le territoire permettant d’avancer dans ce sens contribuera à de nouveaux rapports de force pour changer, y compris en Europe. Il s’agit, en effet, que la BCE, sous le poids des nécessités de la crise et sous la pression de ces luttes convergentes, finisse par financer par création monétaire, via un « Fonds social, solidaire et écologique de développement européen », une grande expansion de tous les services publics.

Il s’agit, inséparablement, qu’elle module son taux d’intérêt pour refinancer les banques ordinaires de façon à encourager d’autant plus les crédits accordés aux entreprises pour investir que celles-ci programmeraient plus d’emplois et de formations de qualité.

Tout cela est possible, malgré les blocages actuels au sommet. Car toute règle, aussi ancrée et durement défendue soit-elle par les tenants de l’ordre établi, peut être bousculée par la conjugaison des nécessités et des luttes, surtout si celles-ci portent des exigences précises d’alternative autant que de volonté de résistance.

Ce principe est plus que jamais à l’ordre du jour à l’approche des élections municipales. Celles-ci doivent être l’occasion pour les communistes d’œuvrer pour que le Front de gauche, dans chaque localité, serve à construire l’union la plus large à gauche, afin que, à partir de projets locaux répondant aux attentes populaires, notamment en matière de services publics et d’emplois, puissent concrètement entrer en résistance le plus grand nombre de gens de gauche, aussi résignés puissent-ils être face aux choix gouvernementaux. Ainsi pourraient se préparer les rassemblements majoritaires ultérieurs nécessaires pour changer de cap à gauche, au lieu de laisser se refaire la droite et proliférer l’extrême-droite.

Yves Dimicoli

 

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