Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Besoin d’une cohérence politique alternative branchée sur les luttes

Editorial

Dans son allocution du 14 juillet, F. Hollande a annoncé le bout du tunnel. La reprise serait au rendez-vous au second semestre et le retour de la croissance attendu pour 2014.

Un optimisme loin d’être partagé. Quelques jours auparavant, le FMI annonçait une révision à la baisse de ses prévisions de croissance mondiale pour 2013. En cause, le ralentissement de la croissance des pays émergents handicapés notamment par la chute de leurs débouchés, la relance américaine qui ne prend pas et l’approfondissement de la récession européenne (-0,6 %). Dans ce schéma prévisionnel, la récession française serait plus forte que prévue en 2013 : -0,2 % contre -0,1 % initialement.

Ainsi, selon le FMI, l’horizon ne se dégagera pas de sitôt. Faut-il s’en étonner ?

Plus de 5 millions de chômeurs étaient recensés par Pôle emploi fin mai. Une augmentation de plus de 10 % en un an qui s’accompagne d’un recul des créations d’emplois. Entre avril 2012 et avril 2013, le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois a diminué de 7,5 %. Notamment dans l’industrie où les déclarations d’embauche chutent de 10,1 % sur un an. La masse salariale se contracte (+1,7 % contre +2,2 % en 2011) et le pouvoir d’achat des ménages diminue (-0,9 %), une première depuis 1984.

Une situation qui pèse sur la consommation nationale (-0,3 % en avril) et les perspectives d’investissement des entreprises. Face à cette réduction des débouchés, dans un contexte où le rythme des faillites d’entreprises s’accélère (+2,9 % pour les PME-PMI), où les banques continuent de rationner le crédit aux entreprises (-2,1 % entre mai 2012 et mai 2013), les chefs d’entreprises anticipent une baisse de leurs investissements sur 2013 (-4 % pour les seules entreprises manufacturières).

Cette perte globale du potentiel de croissance économique produira alors plus de chômage et de précarité, et réduira à nouveau les ressources fiscales et sociales, amplifiant ainsi les déficits budgétaires et les dettes publiques et sociales. Ce qui alimentera de nouveaux appels à l’austérité et à la baisse du coût du travail, et donc à une nouvelle baisse des débouchés…

Il est clair dans ces conditions que la courbe du chômage ne s’inversera pas et que le retour de la croissance reste du domaine de l’hypothèse.

En réalité, ce cercle vicieux de la régression signe l’échec des politiques d’austérité et de baisse du coût du travail menées en France et dans toute l’Europe. Il illustre leur contribution à freiner toute possibilité de reprise en amplifiant le décalage entre les besoins de débouchés et la suraccumulation réelle et financière du capital.

Il semble en effet que l’expérience grecque, figure contemporaine du tonneau des danaïdes, n’ait servi de leçon à aucun membre du gouvernement. Alors que la situation économique et sociale nécessite des investissements massifs dans l’économie réelle, la promotion d’emplois, de qualifications et de salaires, et un développement des services publics, la baisse des dépenses publiques et sociales reste l’alpha et l’oméga de la politique de F. Hollande.

Après les 63 milliards d’euros de réduction directe de la dépense publique validés par le gouvernement d’ici à 2017, le gouvernement vient de donner son aval de principe pour 28 milliards d’euros de coupes budgétaires supplémentaires d’ici à 2015. Une politique suicidaire qui a déjà saigné la Fonction publique de 28 000 emplois en 18 mois et qui aboutit à un budget de l’état prévisionnel pour 2014 en baisse de 9 milliards d’euros. Cela n’était jamais arrivé depuis 1930 !

Articulée à la baisse du coût du travail revendiquée par le patronat, cette logique d’économie budgétaire et sociale accentue d’autant la pression sur les ménages. Elle nourrit le cercle vicieux et sert de justification à une stratégie de réformes structurelles qui impacte dangereusement notre modèle social.

Car désormais il ne s’agit plus seulement de déconstruire le modèle social issu du Conseil national de la Résistance, mais de construire un nouveau modèle social en phase avec les ambitions du capital. C’est-à-dire un modèle social qui lui permette de siphonner tranquillement la dépense sociale et d’en reporter définitivement la charge sur les ménages au nom de la compétitivité.

C’est la philosophie de l’ANI du 11 janvier 2013, de la réforme de la politique familiale, de celle de la politique de santé. Ou encore de la nouvelle réforme des retraites.

Bien que le projet de loi de cette dernière réforme ne soit pas encore rendu public, les pistes de travail du gouvernement annoncées par F. Hollande le 20 juin dernier lors de la Conférence sociale ne laissent planer aucun doute sur l’ambition. C’est toujours la réduction généralisée du niveau des pensions qui est visée, avec le transfert de son financement sur les ménages, pour aboutir à une réduction de la part des retraites dans la richesse produite. L’allongement de la durée de cotisation jusque 44 ans pour le taux plein, dans un contexte de chômage massif et de flexibilité absolue du travail et de l’emploi, se traduira immanquablement par la baisse du niveau des pensions. Et surtout, la mise en place d’un comité de pilotage des retraites chargé de modifier les paramètres, les critères et le mode de calcul des pensions de chaque régime pour obtenir l’équilibre des comptes sociaux en toutes circonstances en assurera la mécanique à perpétuité. Une réforme qui se veut définitive et qui laissera ainsi toute sa place aux retraites par capitalisation, en transformant notre système de retraite par répartition à cotisation définie et prestation définie en un système bâtard à cotisations indéfinies et prestations indéfinies. C’est la remise en cause intégrale de l’esprit de 1946 !

Autant de réformes structurelles mises en œuvre en France, et recommandées dans toute l’Europe par Bruxelles, qui ne manquent ou ne manqueront pas elles aussi de peser sur le pouvoir d’achat des ménages et l’emploi. Elles contribueront à agrandir le fossé entre les débouchés et les capacités de production et à gonfler ainsi la suraccumulation financière déjà bien alimentée par les politiques non conventionnelles de la BCE, avec en perspective le risque d’une nouvelle crise encore plus dévastatrice.

Que faire face à cette cohérence mortifère et redoutable ?

Combattre par une contre-cohérence puissante qui prend appui sur les luttes et s’en nourrit.

Une cohérence alternative positive, consciente des fausses bonnes solutions apparentes, ouverte sur la réalité sociale et économique et les luttes concrètes qui s’y déploient. Une cohérence qui, par son contenu, crée les conditions d’un éclatement du cercle vicieux de la course à la rentabilité, pour l’emploi, pour un véritable redressement productif et pour une appropriation sociale de l’argent et de son utilisation. Une cohérence forte avec pour visée un dépassement du capitalisme.

Les leviers de cette cohérence alternative existent. Nous ne les dérouleront pas ici, les pages d’Économie et Politique les convoquent régulièrement. Mais rappelons qu’elles peuvent être formulées en 4 pistes : une sécurisation de l’emploi et de la formation, une forte expansion des services publics, une appropriation sociale progressive de l’appareil productif avec pouvoirs effectifs des salariés et des populations sur les critères et décisions de gestion, des moyens financiers nouveaux en France et en Europe portant le développement de l’emploi, de la formation et des progrès environnementaux (un Pôle financier public et un crédit sélectif, des Fonds régionaux pour l’emploi et la formation, la création monétaire de la BCE impliquant une modification de son rôle et de celui de l’euro).

Ces pistes pour un vrai changement de cap politique sont radicales autant que crédibles et opératoires.

Appropriées et portées dans le débat public, dans le Front de gauche, au sein de la gauche, et au-delà, elles peuvent rassembler largement dans toute la gauche, en France comme en Europe.

Articulées aux luttes, elles peuvent être des éléments de leur convergence.

La bataille des retraites, par l’importance concrète et symbolique qu’elle incarne, peut être le signal de ce changement de cap. Il y a donc un impératif politique pour le PCF à s’engager sans faillir dans la réussite de l’initiative du 10 septembre prochain sur les retraites à l’appel de l’intersyndicale en faisant valoir les éléments de cette cohérence. Avec le week end de la Fête de l’Humanité, ce jour sera un temps fort de la mobilisation pour une autre réforme des retraites et l’occasion d’ouvrir la brèche dans le mur des régressions. 

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