Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Accord transatlantique : la France doit apposer son véto pour préserver l’exception culturelle (Front de gauche)

Confirmé par le Président Obama, un vaste accord de libre-échange USA-UE sera bien négocié cette année. Cet accord fait peser une menace sur les règles de santé publique, écologiques, sociales et culturelles en Europe. Plus largement les services publics, les normes, les marchés publics sont mis en danger par cet accord transatlantique qui permettrait aux sociétés multinationales américaines et européennes d'avoir juridiquement prise sur les États.

 

Le Front de gauche s’oppose globalement à cet accord.

 

La dimension culturelle est particulièrement touchée. La Commission européenne a en effet décidé d’inclure dans son mandat, les services audiovisuels et culturels, décision lourde de menaces pour la pérennité de l’exception culturelle.

 

Le Front de gauche s’insurge contre ce renoncement de la Commission européenne à soutenir l’exception culturelle et à respecter la Convention de l’UNESCO de 2005 : le secteur culturel ne doit pas être une monnaie d’échange dans le cadre d’un vaste accord de libéralisation et entraîner une remise en cause des politiques culturelles actuelles ou à venir.

 

Les Etats-Unis veulent, en effet, profiter de ces nouvelles négociations pour tenter à nouveau d’affaiblir les protections qui existent en faveur de la diversité culturelle. Pour preuve, leur souhait manifesté ces dernières années de rattacher une partie des services audiovisuels au secteur des nouvelles technologies pour mieux les exclure de l’application des règles de la diversité culturelle. L’exception culturelle serait alors réduite aux médias traditionnels et ne vaudrait plus pour la diffusion via Internet. De même, cela rendrait difficile toute contribution nouvelle au financement de la création des grands acteurs de l’Internet américains (Apple, Facebook, Amazon, Google, etc...).

Cette négociation préfigure, par ailleurs, une reprise de la libéralisation à l’OMC au moment où, sous l’impulsion des USA, on apprend que le cycle de Doha sur les services serait relancé après plus d’une décennie d’enlisement.

Le Président de la République, François Hollande, la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, la ministre du Commerce, Nicole Bricq, l’Assemblée Nationale, le Parlement européen, près de 6000 cinéastes dans une pétition européenne, se sont prononcés pour l’exclusion des services audiovisuels et culturels de la négociation à venir.

 

Le Conseil des ministres du Commerce doit se prononcer sur le mandat proposé par la Commission le 14 juin 2013 afin que les négociations puissent être officiellement lancées lors du Sommet euro-américain de la mi-juin. La France est à ce jour isolée : suite aux manœuvres de la Commission consistant à fixer des « lignes rouges », c’est-à-dire de pseudo-garanties sur les politiques culturelles, une grande majorité d’Etats semble accepter l’inclusion des services audiovisuels et culturels.

 

Le Front de gauche s’adresse solennellement au Président de la République : la France ne peut céder sur l’exception culturelle, elle doit faire usage du droit de veto au titre de la protection de la diversité culturelle, en vertu de l’article 207 paragraphe 4 a) du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne. Si elle ne le faisait pas, arguant de la complexité de ce choix, elle marquerait la soumission du politique face aux exigences des puissants et des marchés.

 

L’heure est donc grave : l’exception culturelle n’est pas négociable, la France doit le dire haut et fort en faisant usage de son droit de véto.

 

Ce sera pour nous la première étape d’une bataille qui doit permettre que cet accord de libre-échange transatlantique reste lettre morte.

 

Car au-delà de la question culturelle, le gouvernement français doit clairement s’engager à refuser toute disposition qui renforcerait le pouvoir des multinationales américaines et européennes et un libre-échange mortifère au profit essentiel des Etats-Unis d’Amérique remettant en cause les normes de santé publique, sociales et écologiques.

 

Le Front de gauche appelle les citoyen-es à se mobiliser pour empêcher qu'un tel traité voit le jour. Il prendra les initiatives nécessaires pour que les convergences les plus larges possibles puissent exister pour s'opposer à ce traité.

Il y a actuellement 1 réactions

  • les veritables negociateurs

    J’ai participé à la table ronde “ Marché transatlantique” aux Assises Citoyennes de Montreuil. Je me félicite de la volonté de faire barrage mais n’y ai pas trouvé de véritable plan d’action concret. Le mandat a donc été donné à la Commission pour commencer les négociations de cet accord global, WTO+.... Que le secteur de l’audiovisuel ne soit pas dans le mandat est évidemment une bonne chose. Cependant, ne crions pas victoire trop tôt. Il s’agit d’avantage d’une stratégie (partagée par les Etats-Unis et la Commission) que d ‘un acquis, pour ne pas retarder le lancement des négociations. Ce qui va se passer concrètement (le Commissaire De Gucht l’a déjà fait entendre) : Lorsque les négociateurs vont commencer à s ‘attaquer à des sujets particulièrement délicats (je parie pour les subventions agricoles européennes – même si les Etats-Unis ont eux-mêmes un système de subventions à l’exportation dans ce domaine), nous verrons alors une demande US d’inclure l’audiovisuel contre un statu quo sur la PAC ( il est dans tous les cas impensables que les US lâchent leurs subventions à l’export) et le coup de bluff US passera grâce notamment aux Etats-membres qui préféreront en majorité laisser tomber l’audiovisuel pour «sauver» leur agriculture. Au mieux l’accord final indiquera noir sur blanc que le secteur audiovisuel sera négocié séparément une fois l’accord signe. Mais comment vont se passer ces négociations ? Les barrières tarifaires vont d’abord être négociées. Les droits de douanes sont en effet peu élèves des deux côtés de l’Atlantique. La grande majorité des droits de douanes tombera à 0% dès le premier jour de la mise en application de l’accord alors que pour certains produits sensibles (notamment agricoles) les droits de douanes seront baisses graduellement jusqu’à 0% dans une période de 3, 5, 7 voire 10 ans. (N’oublions pas que pour être reconnu valide, 90% des tarifs douaniers doivent être éliminés). Comme à chaque négociation, les sujets les plus sensibles sont gardés pour la fin. Il s’agit notamment des barrières non tarifaires (standards, normes, tests, règles d’origines, propriété intellectuelle, clause de sauvegarde...) qui se retrouveront bien souvent en annexes de l’accord. L’objectif de mon commentaire n’est pas de passer en revue chaque secteur ( il y aurait tellement a dire !) mais de faire partager mon expérience sur la façon dont les négociations sont organisées dans la réalité. Du côté européen, les négociateurs seront évidemment des bureaucrates de la Commission, diriges par un négociateur en Chef (certainement un Directeur General de DG Trade). Mais surtout, c’est le Transatlantic Business Council (TBC)- crée en Janvier 2013 et basé à Washington (dont le directeur général, Tim Bennet, pourrait bien être le négociateur en chef du côté US) qui décidera de l’agenda. Qu’est ce que le TBC ? C’est d’abord la fusion du TransAtlantic Business Dialogue (TABD) – cadre officiel des rencontres incestueuses entre multinationales d’une part et fonctionnaires du gouvernement US et de la Commission Européenne d’autre part avec le European-American Business Council (EABC) groupe de lobby des multinationales. Le TBC regroupe plus de 70 multinationales US et UE (prenez la liste du CAC 40 et vous aurez une bonne représentation de qui est au TBC). Ainsi que des avocats d’affaires, des banques d’investissements...bref toujours les même. Mais le TBC a également des actionnaires et des conseillers (citons-en deux au hasard : Business Europe – espèce de MEDEF européen- et la Chambre de Commerce US). Ni le TBC ni d’ailleurs l’industrie privée ne participeront aux rounds de négociations officiels, puisque il s’agit supposément d’un accord entre gouvernements. Mais c’est bien ce TBC qui sera en coulisse, briefera les négociateurs des deux bords avant et après chaque round, voire même lors de pauses pendant un round. S’ils n’iront pas même jusqu’à rédiger directement les textes les plus sensibles de l’accord. Tout ceci pour dire qu’il ne s’agit pas d’impérialisme américain comme je l’ai entendu aux assises citoyennes mais bien d’un impérialisme du libéralisme apatride. L’objectif du TBC va bien au-delà d’un accord commercial de libre-échange et je me limiterai à copier la mission du TBC telle qu’on peut la lire sur leur site : The organization’s mission is to (1) promote a barrier-free transatlantic market that contributes to economic growth, innovation, and security; (2) foster discussion and the exchange of ideas among business and government leaders; and (3) serve as a platform for engaging others in the global economy. Enfin, j’ai entendu a plusieurs reprises d’un parlementaire européen que «les informations sont difficiles à trouver ». Je pense qu’il suffit d’approcher les bonnes personnes, c’est à dire non pas la Commission mais ceux qui vont de-facto rédiger cet accord (Business Europe notamment et les sociétés qui sponsorisent financièrement TBC).

    Par Jacoulet, le 17 June 2013 à 15:08.

 

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