Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Projet de budget 2013 : On ne relancera pas la croissance en sacrifiant la dépense publique

L’année 2012 sera pour la France une année sombre. Avec une perspective de croissance de 0,4 %, un taux de chômage qui va atteindre les 10,3 % et un pouvoir d’achat en régression de 1,2 %.
Pour autant, les dispositions budgétaires et fiscales en préparation ne semblent pas être en mesure de corriger cette trajectoire. Elles ont pour principale ambition la réduction des déficits publics et auront bien du mal à dissimuler la logique d’austérité et de rationnement qui les sous-tendent.
Rompre avec un tel cycle suppose une réforme profonde et radicale de la fiscalité qui se fixerait le double objectif de  combattre les inégalités et de pénaliser la croissance financière des capitaux, les délocalisations et a contrario d’encourager les comportements favorables à la croissance de l’emploi et des richesses réelles.

L’année 2012 sera pour la France une année sombre. Avec une perspective de croissance de 0,4 %, un taux de chômage qui va atteindre les 10,3 % et un pouvoir d’achat en régression de 1,2 % enregistrant son plus fort recul depuis 1984 – à noter que les plus riches ont vu le leur augmenter de 340 % en 30 ans – tous les indicateurs économiques et sociaux sont au rouge.

Pour autant les dispositions budgétaires et fiscales en préparation, qu’elles relèvent du collectif budgétaire ou qu’elles incarnent les principales orientations de la lettre de cadrage du budget 2013, ne semblent pas être en mesure de corriger cette trajectoire et à plus fortes raisons de constituer une alternative à cette profonde dégradation.

L’essentiel des dispositions envisagées a pour principale ambition la réduction des déficits publics, l’œil restant rivé sur les objectifs budgétaires fixés par les traités européens, qu’ils se nomment Lisbonne ou TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance). La méthode préconisée ne s’écarte pas ou que très peu des bonnes vieilles recettes libérales. D’une part on augmente la fiscalité – ce qui pourrait constituer un levier intéressant mais qui, dans les formes préconisées, risque de s’avérer limité. De l’autre on diminue la dépense publique, ce qui ne fait que poursuivre et amplifier les logiques antérieures avec les effets négatifs sur la croissance que l’on connaît bien maintenant.

Même si le gouvernement accorde une attention particulière à la sémantique, répugnant à employer le mot rigueur pour lui préférer celui d’«effort», pour l’essentiel les règles budgétaires et fiscales qu’il souhaite instaurer auront bien du mal à dissimuler la logique d’austérité et de rationnement qui les sous-tendent.

Cette orientation condensée dans la lettre de cadrage du Premier ministre anticipait pour une large part les conclusions de l’audit de la Cour des comptes publié le 2 juillet 2012. Celle-ci en appelle à un effort nécessaire de redressement sur les recettes de 6 à 10 milliards d’euros en 2012. En cause les moindres recettes fiscales en perspective pour l’année en cours (impôts sur les sociétés, droits de mutation, TVA) et un surplus de dépenses de 1,5 à 2 milliards d’euros. S’agissant de l’insuffisance de recettes, on voit mal comment il pourrait en être autrement alors que la consommation ralentit de toute part et que l’activité économique est au plus bas avec un premier trimestre 2012 à croissance zéro et un second trimestre qui s’annonce à l’identique. Pour 2013 la Cour des comptes estime l’ampleur de la consolidation budgétaire à réaliser à 33 milliards d’euros. Pour y parvenir, elle fixe le double objectif d’une élévation de la fiscalité et de la réalisation d’économies substantielles en matière de dépenses publiques et sociales.

Même si certaines dissonances sont perceptibles entre les préconisations de la Cour des comptes et les orientations gouvernementales, un accord se dégage sur le fond : celui de ramener le déficit public à 3 % en 2013 et de revenir à l’équilibre c’est-à-dire à 0 % en 2017, ce qui est une folie. Une folie meurtrière pour le peuple tant cela suppose de saignées dans les budgets publics et sociaux, tant cela induit de sacrifices en termes de salaires, d’emplois et de pouvoir d’achat. L’exemple de la Grèce n’aura-t-il servi à rien ?

Trouver entre 6 et 10 milliards d’euros dès cette année

Le projet de budget rectificatif pour 2012 prévoit 7,5 milliards d’euros de recettes supplémentaires cette année.

Pour y parvenir, le gouvernement envisage de relever le barème de l’ISF (2,3 milliards d’euros) et les droits de succession en abaissant de 150 000 € à 100 000 € le seuil d’exonération des donations (140 millions cette année), la fin des exonérations de charges des heures supplémentaires dans les entreprises de plus de 20 salariés (1 milliard en 2012), l’imposition des dividendes au taux de 3 %.

Par ailleurs, le gouvernement va demander une contribution exceptionnelle d’environ 500 millions d’euros aux pétroliers, sous la forme d’une taxe de 4 % sur les stocks de produits pétroliers. Les banques seront elles aussi sollicitées. La taxe sur les transactions financières sera relevée, à partir du 1er août, de 0,1 % à 0,2 %, permettant de rapporter environ 350 millions d’euros cette année. La taxe sur les risques systémiques va être elle aussi doublée : elle passerait de 0,25 % à 0,5 % des minima de fonds propres exigés dans les banques, soit un peu plus de 500 millions cette année.

Enfin, concernant l’impôt sur le revenu, une tranche à 45 % sera créée et une imposition exceptionnelle à 75 % sera instaurée pour les revenus supérieurs à 1 million.

Par contre le gouvernement annulerait la TVA sociale mise en place par Nicolas Sarkozy et serait tenté de revenir sur le projet de blocage de la rémunération des fonctionnaires.

Un budget 2013 fortement contraint

Dans sa lettre de cadrage budgétaire pour 2013, M. Jean-Marc Ayrault précise les orientations qui présideront à la construction du projet de loi de finances pour 2013 ainsi qu’à celle du budget pluriannuel 2013-2015. Sur fond des décisions prises au dernier sommet européen (1), Matignon fixe au gouvernement de sévères mesures d’économies afin de montrer sa volonté de redresser les comptes publics en ciblant le retour du déficit à 3 % du PIB dès 2013.

Les dépenses de fonctionnement axu régime sec

Est annoncé le gel en valeur des dépenses de l’État (hors pensions et charges de la dette) sur la période 2013-2015.

Tenir cet objectif, implique que les ministres réduisent de 15 % leurs dépenses de fonctionnement sur trois ans (7 % en 2013 par rapport à 2012, 4 % en 2014 par rapport à 2013 et 4 % en 2015 par rapport à 2014). De l’ordre de 19 milliards d’euros en 2012, ces dépenses servent par exemple à financer les achats de matériel, à entretenir les locaux, à financer voitures et logements de fonction…

Mais le gouvernement entend également s’attaquer aux dépenses d’intervention. D’un montant de 57 milliards d’euros, elles recouvrent deux types de dispositifs. Les dépenses dites de « guichet » qui sont, comme les bourses ou les aides au logement, versées automatiquement dès lors que le bénéficiaire du dispositif répond aux conditions définies par la loi. De l’ordre de 38 milliards ces dépenses ne devraient être que peu impactées, Matignon indiquant cependant la nécessité de « les maîtriser ».

Par contre, s’agissant des 19 milliards de dépenses dites « discrétionnaires » (subventions, aides…), la seconde composante des dépenses d’intervention, le régime appliqué sera identique à celui annoncé pour les dépenses de fonctionnement.

Les effectifs sous pression

Concernant les effectifs, la règle affichée est celle de la stabilité globale. Parallèlement aux créations d’emplois – 65 000 sur cinq ans – réservées aux missions prioritaires définies par le candidat François Hollande, ‒ éducation, justice, police et gendarmerie –, il y aura des suppressions de postes. Les ministères jugés non prioritaires devront réduire de 2,5 % en moyenne par an leurs effectifs.

Tous les emplois de ces ministères seront concernés, c’est-à-dire y compris les effectifs implantés dans les services situés hors du champ prioritaire de ces ministères (en préfecture par exemple pour les emplois du ministère de l’Intérieur).

Ces principes devront également être déclinés par les opérateurs de l’État que sont par exemple Météo-France ou l’ADEME.

C’est fort de ces orientations que chaque ministre devra formuler ses propositions d’économies, le tout devant se conclure fin juillet après ratification à l’Assemblée nationale et au Sénat du collectif budgétaire 2012, par une lettre plafond du premier ministre fixant les moyens accordés pour la période 2013-2015.

L’urgence du dépassement de certaines contradictions

À peine deux mois après l’élection présidentielle, le discours du candidat F. Hollande semble pour le moins avoir perdu de sa splendeur. Néanmoins on notera avec satisfaction la volonté gouvernementale de supprimer la TVA sociale ainsi que certaines résistances à bloquer le salaire des fonctionnaires contrairement aux préconisations de la Cour des comptes qui, d’une fonction technique, se laisse aisément glisser vers une posture politique contraire à la dimension de service public qu’elle incarne, intimant quasiment l’ordre de trouver 33 milliards d’euros supplémentaires en 2013.

Pour autant, les orientations gouvernementales révèlent d’importantes contradictions dont le règlement sera déterminant pour le devenir de la gauche et le sort de nos concitoyens.

Proposer dans la Fonction publique d’État de déshabiller Pierre pour habiller Paul, rester dans un objectif global de réduction de l’emploi public – car il y aussi la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale qui, sans moyens nouveaux, vont devoir alléger leur masse salariale –, poursuivre le corsetage de la rémunération des fonctionnaires, cela s’appelle réduire la dépense publique.

Et s’engager dans une nouvelle cure d’austérité pour les dépenses publiques, c’est inévitablement se préparer à de nouvelles désillusions sur le front de la consommation, donc de la relance d’une activité réelle dans ce pays. C’est s’éloigner encore plus du retour à une croissance saine et durable dont seul le fruit pourra inverser de façon pérenne la logique déficitaire. Il y a un besoin urgent de créer de la richesse pour sortir du cercle vicieux régression-endettement. De ce retour à la croissance le candidat Président avait fait un axe fondamental de sa campagne, précisant même qu’il ne servirait à rien de réduire les déficits si il n’y avait pas une relance de la croissance.

Malheureusement les voies que semblent vouloir emprunter le gouvernement à l’ouverture de la session parlementaire extraordinaire ne donnent pas l’impression de s’orienter en ce sens et c’est bien dommage.

Sans avoir la prétention de tout régler d’un coup de baguette magique, un certain nombre de dispositions doivent être prises relevant à la fois du domaine fiscal et du secteur financier et monétaire. Leur objectif est, d’une part, de répartir différemment la richesse et de faire de la fiscalité un outil de reconquête d’une nouvelle efficacité sociale et économique. De l’autre, il s’agit de mobiliser le crédit et la création monétaire à partir de critères démocratiques et d’objectifs d’investissements publics précis comme moteur d’une nouvelle croissance. C’est de cette dynamique globale que se créeront les conditions d’un dépassement réussi des contradictions entre recul des déficits et prise en compte des besoins de développement de l’ensemble des capacités humaines.

À ce titre nous avançons un certain nombre de propositions qu’à cet instant, il semble bon de rappeler.

Depuis des années, nous assistons à une baisse des recettes publiques, essentiellement d’ordre fiscal et social du fait de dispositifs tous plus avantageux les uns que les autres accordés aux entreprises et aux plus fortunés. Ainsi, la part des recettes fiscales de l’État dans le PIB est passée de 22,5 % en 1982 à 15,9 % en 2009. Cela se traduit aujourd’hui par 172 milliards d’euros d’allégements sociaux et fiscaux aux entreprises et par 40 milliards de cadeaux aux plus fortunés (mesures cumulées des deux derniers quinquennats).

Rompre avec un tel cycle suppose une réforme profonde et radicale de la fiscalité qui se fixerait le double objectif de combattre les inégalités et de pénaliser la croissance financière des capitaux, les délocalisations et a contrario d’encourager les comportements favorables à la croissance de l’emploi et des richesses réelles.

Cette réforme concernant l’ensemble des prélèvements fiscaux : fiscalité des personnes, des entreprises, du capital et de la fortune se déclinerait en :

  • Une réforme de l’Impôt sur le Revenu afin qu’il devienne universel, c’est-à-dire imposant de façon identique les revenus du travail et ceux du capital avec, entre autres, la suppression du crédit d’impôt attaché au versement de revenus de capitaux mobiliers et de certaines niches comme les investissements dans les DOM-TOM. Il s’agit également de rebâtir une vraie progressivité sur une dizaine de tranches avec pour seuil d’imposition minimal le SMIC et pour taux sommital : 65 % avec une accélération de la progressivité au-delà de 40 000 euros par an.
  • Un nouvel impôt sur les Sociétés, soit un impôt sur le bénéfice des entreprises qui soit à la fois relevé, progressif et modulé. Relevé parce que les taux iraient de 30 % à 50 %. Progressif car au sein de la fourchette de 30 % à 50 % des taux seraient appliqués en fonction du chiffre d’affaires des entreprises afin de tenir compte de leur différence de situation liée à leur taille. Modulé car l’impôt dû serait ajusté en plus ou en moins en fonction de l’utilisation des bénéfices pour développer l’emploi et la formation.
  • Une évolution de l’impôt sur les grandes fortunes au rendement accru par un barème relevé et une assiette élargie aux fortunes professionnelles en les modulant selon que les entreprises augmentent ou non l’emploi et la masse salariale.
  • Une réactivation d’un impôt territorial des entreprises, nouvelle taxe professionnelle, véritable impôt sur le capital calculé sur les biens d’équipement (mobiliers et immobiliers) ainsi que sur les actifs financiers des sociétés et des banques.
  • Une réactualisation de la fiscalité locale à partir d’une révision foncière générale. Reposant sur la redéfinition des critères et des éléments de référence pour le bâti et le non bâti, cette révision permettrait une réévaluation des bases d’imposition (valeur locative) de ces immeubles réaffirmant le caractère à la fois indiciaire et local de cette fiscalité.

Indispensable, cette réforme fiscale doit être articulée à une réforme de la politique du crédit dont la mobilisation pour la création de richesses utiles constituerait un important levier d’élargissement de la base des prélèvements fiscaux. Ces questions seront au cœur de la conférence sociale de la mi-juillet. Elles constituent l’architecture du débat politique à gauche sur les issues à la crise. Elles impliquent une appropriation populaire de ce débat et une intervention massive des salariés à partir de leur vécu sur leurs lieux de travail et de leurs aspirations à un nouveau développement de toutes leurs capacités.

 

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