Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La stratégie de la chèvre et du chou

Les politiques d’austérité imposées par la Troïka ont conduit à un nouveau ralentissement de la croissance des économies européennes. Toute l’Europe s’enfonce désormais dans la récession, avec un mouvement amplifié au sein de la zone euro.

Si le garrot financier continue de se resserrer sur les pays du sud de l’Europe, ceux du nord  commencent à flancher. Pays-bas, Royaume-Uni, Danemark, Belgique et France sont en récession. Même l’Allemagne est impactée, sa production industrielle subit les conséquences de l’effondrement du pouvoir d’achat des pays de l’Europe du Sud.

Cet affaissement européen pèse lourd sur toute l’économie mondiale. La croissance américaine peine à repartir et les pays émergents décrochent, tous freinés par la baisse de la consommation européenne. Une situation qui aggrave la concurrence internationale et renforce le cycle de régression sociale mondiale. Des processus de dévaluation monétaire visant à renforcer la compétitivité-prix des exportations pour récupérer les parts de marchés perdues sont d’ores et déjà engagés par le Brésil et la Chine. Elles vont se généraliser. Leurs effets sociaux seront destructeurs, ils renforceront la pression sur l’emploi et les salaires en Europe amplifiant contradictoirement la réduction de ses débouchés et la dynamique de régression qu’elle porte.

Pourtant qualifiée de gravissime par le FMI, cette situation ne semble pas faire l’objet d’une révision sérieuse des politiques conduites en Europe.

Mais pas plus en France. Et cela malgré la victoire de la gauche à la dernière présidentielle.

Avec des prévisions de croissance en baisse pour 2012, la France est touchée de plein fouet. Le chômage dépasse les niveaux records de 1999 et 2009. Ce ne sont plus 45 000 emplois qui sont en danger pour le premier semestre de l’année, mais 75 000. La production industrielle française continue de s’effondrer, entraînant avec elle le reste de l’économie. Les annonces de fermeture de sites industriels se multiplient dans tout le pays, les PME tombent comme des mouches. Quant aux finances publiques, les perspectives de croissance négative de l’économie française pour 2012 obèrent dès à présent toute possibilité de remplir les caisses de l’État et de la protection sociale pour 2013. Excluant de fait toute possibilité d’atteindre les objectifs programmatiques du gouvernement.

Pourtant, aucune mesure sérieuse ne semble être prise par le nouveau pouvoir en place pour une relance d’ampleur de l’économie française.

Jouant en expert accompli des ambiguïtés potentielles entre une posture et un acte, le nouveau pouvoir pratique au lieu de cela la stratégie de la chèvre et du chou.

Chou : il clame son refus de l’austérité devant les Français et le Parlement et donne une pichenette au SMIC ; chèvre : il confirme au Sommet européen de Bruxelles sa politique de réduction de la dépense publique, un déficit public à 3% pour 2013 et 0 % pour 2017. Chou : il revendique en loi de finance rectificative pour 2012 un plan de justice fiscale qui met à contribution pour 7 à 10 milliards d’euros les exemptés du quinquennat Sarkozy ; chèvre : il annonce un plan d’efforts de 35 à 50 milliards d’euros pour tous les contribuables applicable dès le projet de loi de finance pour 2013. Chou : il affirme rejeter les accords de compétitivité du précédent gouvernement et faire de l’emploi sa priorité lors de l’ouverture de la Conférence sociale ; chèvre : il conditionne cet objectif, dans son discours de clôture, à l’austérité et à la baisse du coût du travail en posant que la croissance est elle-même conditionnée par la baisse des déficits publics et la compétitivité des entreprises, et il propose le transfert des cotisations patronales sur la CSG.

Sans être une capitulation, cette stratégie de la chèvre et du chou met en réalité au jour le maelström des contradictions qui travaillent le projet de F. Hollande. En lâchant sur les miettes mais en refusant de partager le plat, cette stratégie ouvre dès à présent la voie au recul sur ses promesses électorales. Car à la fin de l’histoire, la chèvre mange le chou.

Si l’on veut que la gauche réussisse à mener la politique pour laquelle les Français l’ont élue, il est alors nécessaire de changer de braquet et de sortir du peloton. Il faut descendre dans l’arène avec des propositions alternatives fortes et concrètes répondant à la hauteur des besoins des populations et les construire avec elles en partant des luttes qui se développent aujourd’hui partout dans le pays.

Le PCF, avec le Front de gauche, doit pouvoir mettre en place un dispositif de travail à la fois national et régionalisé permettant d’élaborer des contre-propositions collectives en phase avec les luttes de terrain, qui pourrait prendre la forme d’un comité national de veille, de propositions et d’actions déclinable en 22 comités régionaux. Cette prise de responsabilité ouvrirait potentiellement et dans la durée, la voie aux conditions d’un changement concret dès maintenant. n

 

Frédéric Rauch

 

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