Le gouvernement prend prétexte d’un déficit de 2 milliards d’euros de la branche famille de la Sécurité sociale pour remettre en cause les grands principes de la politique familiale française et la fondre dans sa politique sociale.
Cette annonce s’inscrit dans l’accélération de la politique d’austérité et répond au forcing du Medef pour achever de se déresponsabiliser du financement d’une politique dont il tire bénéfice.
Si une réforme de la politique familiale est aujourd’hui nécessaire, ce n’est pas pour en réduire la portée mais pour en amplifier les effets positifs sur l’économie et la société toute entière. Cette bataille milite pour un renforcement des propositions alternatives du PCF.
Les nouvelles attaques contre la politique familiale s’inscrivent dans l’accélération de la politique d’austérité. Elles sont la reprise du dogme libéral mettant en cause le caractère universel de cette politique en préconisant le ciblage sur les plus modestes. La politique familiale française est issue du compromis social et politique de la Libération et du plan français de sécurité sociale. Avec le principe de l’universalité, la politique familiale concerne l’ensemble des familles.
Il faut souligner le rôle dynamique qu’elle joue dans la société et dans l’économie. Elle tend à relancer le pouvoir d’achat des familles, la consommation, donc la croissance. Elle contribue au renouvellement des générations. Elle permet le renouvellement d’une force de travail bien formée, en liaison avec l’entretien, l’éducation des enfants. Aujourd’hui la France est, avec l’Irlande, le pays d’Europe qui obtient le taux de fécondité le plus élevé avec plus de 2 enfants par femme. Les enfants d’aujourd’hui fourniront la force de travail et les cotisants de demain. Les fondements de la politique familiale française reposent aussi sur la compensation du coût de l’enfant quel que soit son rang et le revenu de la famille et non sur une correction des inégalités sociales qui ne reposerait que sur les seules familles. Il ne s’agit pas d’instaurer une solidarité verticale entre les familles mais une solidarité horizontale entre ménages sans enfants et ménages avec enfants.
Le déficit annoncé de la branche famille (2 milliards d’euros), présenté comme exorbitant, nécessite-t-il, comme certains le proposent, de baisser de moitié des allocations de certains bénéficiaires ou de supprimer le complément mode de garde ?
Rappelons que la branche famille était historiquement excédentaire, mais son excédent servait à couvrir les déficits des autres caisses. On a mis en place, sous la pression des exigences libérales, une forte diminution des cotisations patronales et accéléré les exonérations de cotisations patronales, notamment sur les bas salaires. On a organisé l’insuffisance du financement de la branche famille, en liaison aussi avec la création de la CSG en 1991 et le transfert du financement sur les impôts des ménages. L’obsession de la réduction des déficits et de la dette publique, dans le cadre du diktat des institutions européennes, conduit à une cure d’austérité sur le dos des familles et de la croissance.
On déclare soumettre les prestations familiales à des conditions de ressources avec la diminution de moitié des allocations de familles dites aisées. Mais le chiffre indiqué pour une famille avec deux revenus et avec deux enfants toucherait des revenus de 5 000 euros par mois, c’est-à-dire des couples bi-actifs où la femme travaille cela représenterait deux salaires d’enseignants ; autant dire des couches moyennes. Toutes ces mesures visent à désengager les employeurs et leur responsabilité sociale et tendraient à pénaliser et à dissuader le travail des femmes.
Concernant la suppression du complément mode de garde, même si les « avantages » ont été réduits depuis 1998, cette mesure très coûteuse pour les finances publiques et pour les familles s’explique par l’insuffisance des modes de garde publique. Les familles moyennes ne peuvent obtenir des places en crèche et doivent recourir à une assistante maternelle ou à une garde à domicile. D’où l’urgence de notre proposition de service public de la petite enfance.
Nous sommes opposés à la fiscalisation du financement des prestations familiales, ainsi qu’aux mesures d’exonération des employeurs de cotisations patronales. Le financement de la branche famille est mis en cause par le Medef qui réclame que son financement ne soit plus opéré par les cotisations sociales. On vise aussi à fiscaliser les allocations familiales, c’est-à-dire les soumettre à l’impôt, ce qui reviendrait à reprendre d’un côté ce qu’on prétend donner de l’autre. En outre on organise le transfert du financement par cotisation sur la CSG, c’est-à-dire sur les impôts principalement des salariés. Le patronat affirme que les prestations familiales n’auraient rien à voir avec l’économie, qu’elles obèrent la compétitivité, alors qu’au contraire cela contribue à relever les débouchés et la productivité de la force de travail.
Quant à l’idée de suppression du quotient familial, non reprise pour le moment, elle concernerait la suppression de la réduction d’impôt pour les familles nombreuses. On invoque pour cela le motif que la réduction d’impôt profiterait aux familles les plus aisées. Le principe de cette suppression avait déjà fait beaucoup de bruit en 1997, et Martine Aubry alors ministre des Affaires sociales avait dû reculer. Cette idée de suppression du quotient familial figurait dans le rapport Attali commandé par Sarkozy mais aussi dans le programme de Hollande. Cette idée divise largement y compris à gauche. Une telle suppression toucherait particulièrement les couches moyennes. Encore une fois, on confond politique strictement sociale et politique familiale, on ignore même la différence entre une politique fiscale et une politique familiale. Et surtout on cache que l’objectif serait de faire des économies sur le dos des familles. On masque ainsi la volonté de réduire les cotisations sociales des employeurs qui tendrait à limiter le financement pour la politique familiale en dégageant les employeurs et en les déresponsabilisant de leur contribution à la branche famille, tout en transférant le financement sur les impôts des ménages.
Un nouveau financement de la branche famille est indispensable pour faire face aux nouveaux besoins sociaux d’une politique familiale moderne. Ainsi les prestations familiales doivent être étendues : création d’une allocation pour le premier enfant pour toutes les familles, revalorisation des prestations pour le deuxième enfant, réponse aux besoins liés à la démographie, accompagnement de l’augmentation du travail des femmes et la conciliation vie familiale-vie professionnelle, développement des formules de garde et création d’un service public de la petite enfance, revalorisation des allocations et les minimas sociaux pour les familles modestes, ainsi que de l’allocation logement et de l’allocation de rentrée scolaire, aide aux jeunes étudiants, bourses, allocation autonomie-formation, etc.
Le financement de la politique familiale doit concerner les entreprises qui profitent de la création et de la formation d’une force de travail de qualité en nombre suffisant, ainsi que des débouchés liés à l’accroissement du pouvoir d’achat. Le principe des cotisations sociales liées à l’entreprise, lieu de création des richesses par les salariés, doit être défendu. Il faut mettre un terme à la fuite en avant dans les exonérations de cotisations patronales qui ne créent pas d’emplois et tirent tous les salaires vers le bas. Dans l’objectif de développer les rentrées de cotisations et leurs bases, nous proposons de consolider l’assiette salaires sur laquelle elles reposent, en modulant les taux de cotisations patronales et en soumettant les entreprises qui réduisent la part des salaires dans la valeur ajoutée produite à des taux de cotisation plus lourds. En outre, nous proposons une nouvelle cotisation portant sur les revenus financiers des entreprises (dividendes et intérêts). Rappelons que cette nouvelle cotisation au taux de la cotisation patronale actuelle consacrée à la politique familiale, sur la base des 318 milliards de revenus financiers des entreprises et des banques identifiés en 2010, aurait rapporté cette année-là à la CNAF plus de 15 milliards d’euros supplémentaires. Un financement renouvelé annuellement qui permettrait de commencer à répondre aux besoins actuels et nouveaux des familles.
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