L’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 portant sur « la sécurisation de l'emploi » et sa transposition dans le projet de loi par le gouvernement constituent une des régressions sociales les plus importantes de ces 30 dernières années pour les droits des salariés. Avec comme visée la construction d’une civilisation de compromis social dominée par les exigences du Medef. A ces ambitions patronales visant l’affaiblissement de la protection des travailleurs doivent être opposées des alternatives radicales, crédibles et cohérentes, permettant à la fois de répondre aux défis de l’emploi et au besoin de sécurisation effective des trajectoires professionnelles des salariés.
L’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 portant sur « la sécurisation de l’emploi » prolonge l’ANI du 11 janvier 2008 dit de « modernisation du marché du travail ». Ce dernier avait instauré la rupture conventionnelle, le CDD à objet défini et les durées minimales de la période d’essai, réduit les délais des recours collectifs ou individuels en cas de licenciement pour motif économique, et validé le portage salarial. Autant de revendications du Medef visant une refondation sociale.
Le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, transposant l’ANI du 11 janvier 2013, précise et aggrave ces mesures de régression en dessinant les contours d’une rupture civilisationnelle avec toutes les conquêtes du droit social, imposées par les travailleurs. Avec l’instauration des contrats de compétitivité-emploi portés par l’ex-Président Sarkozy, on retrouve des mesures de facilitation des licenciements permettant aux employeurs de déroger aux normes légales par des accords négociés dans l’entreprise ou les branches, une restriction de l’intervention des institutions représentatives du personnel (IRP) en cas de restructuration, et des mesures stérilisant le recours au juge et remettant en cause le principe de juste réparation du litige. L’ambition de ce projet de loi qui se veut fidèle à cet accord est d’assurer à l’employeur une sécurisation maximale de sa capacité à licencier sans coût, indépendamment du motif du licenciement.
Cet ANI du 11 janvier 2013 et sa transposition dans le projet de loi par le gouvernement constituent une des régressions sociales les plus importantes de ces 30 dernières années pour les droits des salariés. Avec comme visée la construction d’une civilisation de compromis social dominée par les exigences du Medef.
à ces ambitions patronales visant l’affaiblissement de la protection des travailleurs doivent être opposées des alternatives radicales, crédibles et cohérentes, permettant à la fois de répondre aux défis de l’emploi et au besoin de sécurisation effective des trajectoires professionnelles des salariés.
Fruit de la méthode initiée dans le cadre de la « Grande Conférence Sociale » de juillet dernier par le gouvernement, cet accord n’est pas seulement présenté par lui comme le plus important depuis 30 ans, mais comme un accord historique permettant « de rendre notre marché du travail plus juste et plus efficace » et de remédier « à un certain nombre de ses dysfonctionnements ».
Dans les faits, en même temps qu’ils reprennent les principales revendications du Medef en matière de licenciement et de restriction des pouvoirs réels des représentants des salariés dans les entreprises, l’ANI comme le projet de loi du gouvernement opèrent un certain nombre de ruptures majeures sur la forme et sur le fond dans le droit social, et en particulier dans le droit du travail.
Objectif : flexibilité pour l’employeur pour faciliter les licenciements
Primauté des accords d’entreprise
En cas de licenciement économique, l’ensemble des procédures encadrant ces licenciements aujourd’hui prévues par la loi (contenu et information des CE, contenu des PSE, critère d’ordre des licenciements…) pourront être fixées dans le cadre d’un accord collectif de branche ou d’entreprise. Les conséquences sont énormes.
D’une part, les dispositions d’ordre public garantissant l’égalité des droits sur le territoire national pour chaque salarié dans chaque entreprise seront remplacées par des règles ad hoc négociées à l’initiative de l’employeur et selon ses besoins. C’est le rapport de forces dans l’entreprise qui donnera le contenu de l’accord collectif. Les salariés ne seront plus égaux en droit social sur l’ensemble du territoire national.
D’autre part, en opérant ce basculement de la loi vers l’accord, l’ANI et le projet de loi refondent les modalités des relations sociales dans l’entreprise. Ils inaugurent un cadre légal d’autonomisation normative des entreprises, dans lequel ces règles sociales ne seront plus définies par la loi au Parlement mais dans l’entreprise. Le patronat pourra alors établir à souhait les règles de fonctionnement interne de l’entreprise qui conviennent à ses seuls objectifs.
La soumission du contrat de travail aux accords collectifs : le règne des accords de compétitivité-emploi et du chantage à l’emploi contre les salariés, la mobilité forcée et des licenciements pour motif dit personnel au détriment des indemnisations
Autre rupture avec la logique du droit social actuel, la soumission du contrat de travail aux accords collectifs. Actuellement, l’accord collectif résultant de la négociation employeurs-employés vise à pallier les insuffisances du contrat de travail individuel. Il permet de contrer les effets négatifs du déséquilibre naturel du marché du travail entre chaque travailleur et son employeur. L’ANI et le projet de loi font exploser cette articulation en procédant à une inversion des valeurs. L’accord collectif pourra être utilisé contre le contrat de travail, non pour rééquilibrer la relation employeur-employé en faveur du salarié, mais pour accentuer le déséquilibre en faveur de l’employeur.
C’est aussi le cas des articles relatifs aux accords de compétitivité-emploi que N. Sarkozy voulait mais n’avait pu inscrire dans la loi et mettre en œuvre. Ainsi, un accord conclu dans le cadre des négociations triennales sur la GPEC, accord collectif, pourra imposer une mobilité forcée géographique ou fonctionnelle au salarié, même si celle-ci n’est pas prévue dans son contrat de travail, sous peine de licenciement économique individuel, c’est-à-dire à l’exclusion de la réglementation protectrice du licenciement économique collectif, de ses indemnisations et sans recours possible. Mieux, les accords de compétitivité-emploi pourront imposer une variation du temps de travail ou du salaire sur une période de 2 ans pour motif de perte de compétitivité, que les salariés ne pourront refuser sous peine de licenciement pour motif personnel. Quand ce refus occasionne aujourd’hui un licenciement pour motif économique et donne droit à indemnisation.
Enfin, la cerise sur le gâteau, le texte introduit une procédure d’homologation administrative des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Ainsi, cette mesure dispose que le contenu du PSE pourra être défini dans le cadre d’un accord d’entreprise et non plus par la loi, mais aussi que le contrôle du PSE portera non sur son contenu ni sur la légitimité de son motif économique, mais sur le respect de la procédure ! Lorsqu’on connaît l’état dans lequel se trouvent les services de la DIRECCTE dans les préfectures du pays et les services de l’inspection du travail, et lorsqu’on sait l’état du rapport de forces salarial/employeur dans l’entreprise, on peut parfaitement définir ce à quoi va servir cette procédure : à accélérer les procédures de licenciement économique.
La mise à l’écart du juge des contentieux du travail
L’ANI et le projet de loi entérinent la mise à l’écart du juge des contentieux du travail, comme le sollicite le Medef depuis longtemps. D’abord, en préqualifiant via l’accord collectif les ruptures des contrats de travail, le rôle du juge se réduit à valider la conformité de la rupture d’avec les motifs de l’accord collectif. Ensuite, en introduisant une échelle forfaitaire des réparations du préjudice qui rompt avec le principe d’indemnisation intégrale, le pouvoir d’appréciation du juge de la réalité du préjudice en est d’autant limité.
C’est en ce sens que le Wall Street Journal a pu écrire dès le 12 janvier 2013 qu’avec cet accord « le patronat français avait remporté une victoire historique ».
Les propositions alternatives du PCF
Cet accord national et sa transposition dans la loi sont d’une extrême dangerosité pour les salariés, mais aussi pour les grands principes qui ont participé à la construction de l’ordre public social. Il incarne la phrase prononcée en 2005 par L. Parisot fraîchement élue présidente du Medef : « La liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail ».
Car, avec l’aspect juridique, c’est aussi sa philosophie qui soulève de nombreuses difficultés. Non seulement ces textes ne créeront pas d’emplois en plus ni de chômeurs en moins, mais s’ils entraient en vigueur en l’état, ils encourageraient les licenciements, tant ils affaiblissent la portée du licenciement économique et encouragent le contournement de sa procédure.
Il convient d’opposer à cette régression sociale une alternative qui :
– confirme la hiérarchie des normes actuelles où la loi prédomine sur les accords collectifs ;
– renforce le pouvoir du juge sur les contentieux du travail ;
– accroît le pouvoir des salariés sur les choix de gestion des employeurs.
Pour cela, il faut donc :
1. renforcer la définition du licenciement pour motif économique et le pouvoir de contre-proposition des salariés sur les stratégies des entreprises.
Nous proposons pour cela une définition qui cible 4 motifs de licenciement économique : difficultés économiques insurmontables par tout autre moyen que les suppressions d’emploi, mutations économiques, cessation d’activité, réorganisation.
Il s’agirait de consolider les pouvoirs de contre-proposition des salariés par l’obligation d’examen des contre-propositions salariales par l’employeur et de motivation d’un éventuel rejet. L’objectif est de minimiser le coût en emploi de la procédure collective et d’ouvrir sur d’autres variables d’ajustement que l’emploi (coût du capital) et de forcer l’employeur à effectuer des recherches efficaces en matière de reclassement des salariés licenciés.
Et dans le cas où la suppression d’emploi est inéluctable, les salariés quelle que soit la taille de l’entreprise bénéficieraient d’un congé de reclassement sur 18 mois, avec maintien du salaire durant la période de formation ou de reclassement.
Le financement de cette sécurisation de la formation ou du reclassement serait à la charge de l’employeur pour les entreprises de plus de 1 000 salariés et pris en charge par un fonds d’assurance formation pour les autres abondé en partie par les amendes des entreprises récalcitrantes aux nouvelles règles.
2. construire une maîtrise populaire, personnelle et collective, des évolutions de l’emploi et des qualifications sur les territoires.
Les comités d’entreprises (CE) et les délégués du personnel (DP) doivent disposer de pouvoirs d’intervention à chaud, en cas de crise, afin de limiter les effets sociaux des décisions de restructuration des employeurs. Sur la base de leur propre évaluation des raisons invoquées par les employeurs pour modifier le volume et la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle des personnels, ils doivent pouvoir faire suspendre les projets patronaux (droit de veto suspensif) et formuler des propositions alternatives, notamment en visant les coûts du capital. Pour leur financement, les représentants des salariés pourraient saisir un Fonds régional de sécurisation de l’emploi et de la formation.
Ces propositions devraient être obligatoirement examinées par les employeurs, et leur éventuel refus motivé. En cas de persistance du conflit entre les options patronales et celles des représentants des salariés, un arbitrage devrait être rendu par une instance « ad hoc ». Celle-ci, à l’image des conseils prud’homaux arbitrant les conflits du travail, serait habilitée à départager les conflits entre propositions alternatives sur l’emploi.
CE et DP doivent aussi avoir les moyens, avec les citoyens des bassins de vie et leurs élus locaux, d’intervenir à froid sur les décisions, afin d’anticiper et modifier les contenus des gestions prévisionnelles des entreprises pour les faire converger vers des objectifs chiffrés d’emplois et de formations définis collectivement.
Dans le cadre de cette maîtrise salariale et populaire, les outils de Gestion prévisionnelle de l’emploi et de la formation dans l’entreprise seraient mobilisés pour une autre finalité. Plus qu’un outil de facilitation des licenciements, la GPEC doit pouvoir servir l’efficacité sociale pour l’emploi et la promotion des qualifications dans l’entreprise.
Pour assurer une GPEC démocratique, CE et DP devraient alors avoir accès à toutes les informations leur permettant d’anticiper les besoins d’emplois et de formations afin d’éviter les licenciements négociés dans le cadre « d’adaptations aux changements techniques »…
Dans cet esprit la GPEC devrait être étendue à toutes les entreprises, donneurs d’ordres comme sous-traitants, quel que soit le nombre de salariés qu’elles ont, et être accompagnée d’une obligation de négociation annuelle sur la stratégie de l’entreprise et ses effets prévisibles sur l’emploi et les salaires. Le résultat de ces négociations doit alors être articulé aux objectifs chiffrés d’emplois et de formations mis au jour par les Conférences régionales pour l’emploi et la formation associant salariés, employeurs, élus locaux et État.
Une sur-cotisation limitée pour les CDD assortie de nouveaux cadeaux au patronat
Condition à la signature de la CFDT, l’article 4 de l’ANI a introduit une sur-cotisation à l’assurance chômage pour les CDD de moins de 3 mois afin de renchérir le coût pour les entreprises du recours à ces CDD. Repris dans l’article 7 de l’avant-projet de loi, la proposition garde néanmoins ses défauts initiaux. Ne concernant que 30 % des situations d’emploi en CDD, elle ne traite pas des 70 % restantes. Et elle laisse intact l’intérim. En outre, elle est accompagnée d’une disposition assurant aux entreprises une exonération de cotisation chômage durant 4 mois pour les jeunes de moins de 26 ans dont le CDD est transformé en CDI. De sorte que, sur la base des calculs du Medef, si le sur-coût des CDD est de 110 millions d’euros annuels, le gain escompté de l’exonération de cotisation chômage s’élève à 155 millions d’euros. Soit un gain d’aubaine pour les entreprises de 45 millions d’euros !
Loin de lutter contre l’usage abusif des temps partiels, il fragilise leur encadrement
Concernant les dispositions sur les temps partiels, l’article 11 de l’ANI et 8 du projet de loi, loin de lutter contre l’usage abusif des temps partiels, ils fragilisent leur encadrement. D’abord en renvoyant à la négociation de branche le cadre des accords sur le temps partiel et leur modalité d’application et en favorisant le gré à gré dans l’entreprise (rapport de forces favorable à l’employeur) jusqu’à la conclusion possible de 8 avenants aux contrats de travail par an ! Ensuite en démultipliant les dérogations au plancher des 24h pour la durée hebdomadaire minimale de travail et en ouvrant la possibilité d’augmenter le nombre et la durée des interruptions de travail. Enfin, en imposant des taux de majoration des heures complémentaires (10 %) inférieurs à ceux des heures supplémentaires (25 %), induisant que dans le cadre de la signature des 8 avenants par an il sera rare que les heures supplémentaires effectuées soient in fine payées en tant qu’heures supplémentaires. Foncièrement ces dispositions servent à renforcer l’hyper-flexibilité des salariés à temps partiel et à sécuriser leurs employeurs.
Une philosophie inscrite aussi dans l’expérimentation du CDI intermittent. Clairement, ce CDII implique une précarisation des salariés encore plus grande que les CDD. C’est une sorte de temps partiel modulé sur l’année où la rémunération mensuelle du salarié est indépendante de l’horaire réel effectué et lissée sur l’année. Plus précisément, le minimum d’heure slégal étant défini dans le contrat de travail, c’est-à-dire dans une relation de gré à gré entre l’employé et son employeur, les horaires de travail seront donc extrêmement flexibles pour le salarié (au risque par exemple de l’exclure du bénéfice des allocations chômage). Il s’agit clairement d’une brèche dans la norme du CDI du Code du travail.
Propositions alternatives du PCF et amendements de fond contre la précarisation de l’emploi et pour une véritable sécurisation pour les salariés
Réaffirmer et sécuriser le CDI comme norme obligatoire du contrat de travail
Le CDI doit redevenir la norme et les autres contrats de travail graduellement transformés en CDI.
Pour cela, le PCF propose :
1. Un plan pluriannuel de résorption de l’emploi précaire construit à partir de l’entreprise.
2. La mise en place d’un service public et social de la sécurisation de l’emploi et de la formation démocratisé, visant à soutenir le statut de sécurisation et de promotion des travailleurs.
Il s’agit ainsi, d’une part, de mettre en place un plan pluriannuel de résorption de l’emploi précaire et de faire la chasse aux abus du recours à l’intérim ou aux CDD sous motif de surcroît d’activité, par une pénalisation effective de tous les contrats précaires (temps partiels imposés inclus).
Un plafond maximum par entreprise de recours à l’emploi précaire doit pouvoir être imposé, qui ne dépasse pas 5 % de l’effectif total de l’entreprise.
Ce plan de conversion doit pouvoir être contrôlé par les représentants des salariés dans les entreprises (CE et DP), qui devraient disposer d’un droit de recours devant les tribunaux pour sanctionner les employeurs récalcitrants.
Et pour faciliter la sortie de la précarité, un statut de transition des salariés précaires peut être créé qui garantisse avec l’appui du service public de l’emploi l’accès à un emploi stable avec l’assurance d’un revenu décent.
C’est pourquoi, parallèlement, le CDI doit pouvoir être inséré dans un processus de sécurisation des trajectoires professionnelles par l’affiliation automatique de chaque résident, après l’âge de fin de scolarité obligatoire, à un service public et social de la sécurisation de l’emploi et de la formation démocratisé, visant à soutenir le statut (à construire) de sécurisation et de promotion des travailleurs.
C’est tout l’enjeu de ce nouveau service public. Ni étatique, malgré la présence des pouvoirs publics dans sa gouvernance, ni paritaire, bien qu’associant le patronat dans sa gouvernance mais de façon non dominante avec les organisations syndicales, les associations d’usagers (chômeurs notamment), il associerait Pôle emploi et l’Afpa dans une coopération nouvelle ayant pour objectifs :
1. Une amélioration significative de l’indemnisation du chômage et des minima sociaux visant un taux d’indemnisation à hauteur du SMIC, sans dégressivité, et l’absorption des allocataires sociaux dans le champ de l’assurance chômage ;
2. La lutte contre la précarité, à la fois en aval par la modulation des cotisations patronales en fonction de la politique d’emploi de l’entreprise et en amont par un allongement de la période de référence donnant droit aux indemnisations chômage ;
3. La lutte pour l’insertion des jeunes dans l’activité professionnelle et l’emploi, à l’aide d’une allocation autonomie pour les jeunes, la mise en place d’un statut du stagiaire (rémunération obligatoire adaptée au poste occupé, contrat pédagogique avec l’employeur), et des contrats de sécurisation de l’entrée dans l’emploi à temps plein des jeunes ;
4. Un véritable retour à l’emploi de qualité par la formation continue choisie pour permettre une mobilité de progrès.
Ce nouveau service public et social travaillant à un système d’indemnisation unifié du chômage, mais non étatique, permettant de sortir de la coupure assistance/assurance, donnerait l’occasion de construire une nouvelle démocratie sociale (élection des représentants de salariés aux organismes de gestion des fonds sociaux au suffrage universel sur listes syndicales).
Fonds régionaux pour l’emploi et la formation.
Mise en avant par les syndicats signataires de l’accord et par le gouvernement pour justifier la signature des uns et la transposition en l’état dans la loi de l’accord, la série de droits sociaux nouveaux fait figure de produit d’appel médiatique plutôt que de réelle avancée sociale.
C’est notamment le cas de la complémentaire santé.
Une couverture complémentaire santé collective obligatoire de branche ou d’entreprise : une charge contre la sécurité sociale universelle
Les articles de l’ANI (1 et 2) et du projet de loi (1) prévoient une couverture complémentaire santé collective obligatoire de branche ou d’entreprise.
Présentée positivement parce qu’elle prétend généraliser pour 2016 la complémentaire santé aux 4 millions de salariés non couverts actuellement à l’horizon 2016 et prolonger la portabilité temporaire des droits à couverture complémentaire santé et prévoyance une fois le contrat de travail rompu, cette proposition masque en réalité une charge contre notre système de sécurité sociale solidaire en jouant contre le principe d’une couverture universelle socialisée des dépenses de santé des assurés sociaux assurée par la Sécurité sociale.
En forçant la création pour tous d’une complémentaire santé à compter du 1er janvier 2016, elle impose par la loi le principe d’une couverture sociale professionnelle obligatoire des risques santé parallèle à la Sécurité sociale. Construite au niveau des branches ou des entreprises, cette formule institutionnalise la différenciation des niveaux de prise en charge des malades en fonction des branches d’activité ou des entreprises et s’oppose de fait à une couverture universelle des assurés sociaux, quels que soient leur pathologie et leur contribution, à 100 % par la Sécurité sociale.
Une mesure qui coûterait cher aux salariés concernés, puisque sur la base d’un coût global estimé à 4 milliards d’euros pour la généralisation de cette complémentaire et d’une prise en charge à 50 % par les salariés comme proposée dans l’ANI, il en résulterait un coût annuel moyen par salarié de l’ordre de 500 euros, qui serait prélevé sur leur salaire net et viendrait grever d’autant leur pouvoir d’achat.
En outre, en imposant l’ouverture de négociations par branche à compter du 1er juin 2013, la proposition cherche aussi à hypothéquer les débats sur la réforme à venir du financement de la Sécurité sociale prévue initialement pour 2013. Elle met un frein aux velléités de bataille pour une prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale des dépenses de santé des assurés sociaux, comme aux batailles pour une remontée progressive de la part employeurs dans le financement de la Sécurité sociale (-16 points depuis 1990), dans la mesure où elle laisse entendre que cette complémentaire santé obligatoire ajoutée à la prise en charge par la Sécurité sociale aboutira à une prise en charge maximale des dépenses de santé. Ce qui sera loin d’être le cas.
En effet, le texte de l’ANI était clair à ce sujet. La négociation y portait sur un socle minimal de couverture santé dont le niveau des prestations était inférieur à celui de la CMU complémentaire. Si l’avant-projet de loi est plus flou sur ce point, il n’en supprime pas les craintes. Le soin est laissé aux « partenaires sociaux » liés par des accords de branche ou d’entreprise de définir le contenu et le niveau de la couverture complémentaire. Dans tous les autres cas, incluant l’ensemble des salariés non couverts par une complémentaire santé d’entreprise obligatoire, c’est par décret et donc dans le secret des ministères que seront définis le niveau et le contenu minimal des garanties de ces complémentaires santé collectives obligatoires. Il y a donc fort à parier que cela n’ouvre pas sur un progrès social. L’argument de la compétitivité des entreprises et de la maîtrise des coûts salariaux ne manquera pas de refaire surface pour cadenasser toute tentative d’accroître le niveau de la couverture des salariés. Tout laisse même à croire que le texte gouvernemental aboutira non à ouvrir de nouveaux droits, mais à installer toute une partie de la population dans un carcan de soins minimum remboursés, qui se traduira par une augmentation du renoncement aux soins de qualité, aux droits aux soins en dehors du panier pris en charge…
Les propositions alternatives du PCF
La proposition de couverture complémentaire maladie n’est pas une avancée.
Si le gouvernement veut répondre au besoin de prise en charge socialisée de la santé des travailleurs du pays, alors il doit ouvrir les conditions d’une négociation entre « partenaires sociaux » menant vers la prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale des dépenses de santé des malades.
Une ambition politique qui suppose de mettre à plat les modalités de financement de la Sécurité sociale et de dépasser les insuffisances actuelles par un financement en dynamique de la Sécurité sociale à partir :
– de la suppression des exonérations de cotisations sociales patronales et de la réorientation des compensations publiques de ces exonérations des cotisations patronales vers un fonds public national pour l’emploi et la formation afin de développer l’emploi et les salaires par un soutien sélectif aux investissements matériels et de recherche ;
– de la modulation des cotisations sociales patronales en fonction de la politique d’emploi et de salaire de l’entreprise, de sorte que plus une entreprise accroît sa valeur ajoutée relativement à sa masse salariale en licenciant, et plus ses taux de cotisation patronale sont élevés ;
– de la création d’une cotisation sociale additionnelle sur les revenus financiers des entreprises et des banques, qui leur appliquerait les taux des cotisations patronales de chaque branche de la Sécurité sociale.
En guise de conclusion provisoire
Le projet de loi du gouvernement, copie presque conforme de l’ANI, est clairement l’expression d’un choix de civilisation. Il ouvre sur un renversement de la hiérarchie des normes, qui place l’accord d’entreprise devant la loi, et sur un glissement de la source de l’intérêt général au cœur du droit social de la personne du travailleur vers l’entreprise.
La bataille contre ces régressions est donc vitale. Elle doit être menée au Parlement avec la plus grande détermination. Mais elle doit surtout être menée sur le terrain dans le cadre d’un vaste rassemblement permettant la construction d’un rapport de forces capable de renverser cette logique avant, pendant et après la bataille parlementaire sur le texte. n
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