Nous sommes confrontés aux enjeux d’une bataille de très grande ampleur.
La déception est grande devant la politique menée par le couple Hollande-Ayrault, avec tous les dangers que la résignation ou la colère engendrent. C’est l’avalanche de projets gouvernementaux de réformes marquées par le sceau du libéralisme, habillées de démagogie sociale et de discours sur le dialogue social. Ces réformes se précipitent, elles s’inscrivent dans le matraquage des politiques d’austérité européennes contre les peuples.
En France, c’est aujourd’hui la bataille contre l’ANI et le projet de loi gouvernemental qualifié abusivement de « sécurisation de l’emploi ». Et pour demain, ce sont les menaces contre les retraites, contre l’assurance-chômage, le refus de sortir des réformes Sarkozy-Bachelot qui ont asphyxié l’hôpital public et le système de santé. Ce sont les menaces contre le caractère universel de la politique familiale. C’est aussi l’annonce de mesures tendant à remettre en cause le financement de la sécurité sociale à partir des cotisations sociales avec comme visée la réduction des cotisations sociales des employeurs, la réduction du coût du travail au motif de la dite compétitivité des entreprises. Et c’est encore l’offensive contre les collectivités territoriales et le financement de la dépense publique.
Face à cela des luttes de résistance sont à engager. Les rendre victorieuses implique de les inscrire dans un projet de société alternatif avec des propositions alternatives à la fois pour l’immédiat et pour construire l’avenir.
Incarnation majeure de cette régression organisée, et d’un projet de société que nous refusons, la transposition dans la loi de l’accord dit de « sécurisation de l’emploi » constitue une agression sans précédent contre le droit du travail, avec un renversement de la hiérarchie des normes faisant prévaloir les accords collectifs d’entreprise contre la loi et un renforcement de la monarchie patronale à l’entreprise.
Mais cela est enrobé d’une formidable démagogie sociale et de tout un discours sur la nécessité, dans la concurrence mondiale, de rassembler les salariés et leurs syndicats derrière les entreprises et de faire confiance aux patrons qui gèrent les entreprises. Ce projet de loi c’est l’application de la flexisécurité, et du modèle de compromis social européen, au service des politiques libérales d’austérité.
La bataille parlementaire des élus du Front de gauche va s’intensifier. Il faut tout faire pour ne pas la laisser enfermée dans l’hémicycle et construire une jonction entre les contre-propositions défendues par nos députés et les luttes de terrain.
Cette bataille ne peut raisonnablement se contenter de « faire passer » quelques amendements à forte charge symbolique, sans réelle remise en cause radicale du projet de loi. Mais on ne saurait pas plus accepter l’idée, énoncée par certains de nos partenaires, que la régression in-amendable de ce texte conduise à une stratégie parlementaire d’abandon de la lutte pour des amendements crédibles de proposition alternative au projet de loi.
En réalité, cette bataille parlementaire devrait être centrée sur les voies et moyens d’une véritable sécurisation de l’emploi et de la formation avec notamment :
– l’interdiction des licenciements boursiers ;
– l’institution de pouvoirs de veto suspensif et de contre-proposition des salariés et de leurs organisations contre toutes les suppressions d’emploi ;
– de nouveaux droits des salariés contre toutes les suppressions d’emplois et les licenciements : avec droits de recours devant des institutions judiciaires à caractère social ;
– la généralisation de la mise en formation avec conservation du salaire en vue d’un reclassement choisi ;
– une lutte véritable contre la précarité ;
– la création de nouveaux contrats de travail sécurisés, particulièrement pour les jeunes et les « seniors » ; le rétablissement du CDI comme norme obligatoire ;
– un nouveau service public de sécurisation de l’emploi et de la formation, avec affiliation universelle dès la fin de l’obligation scolaire ;
– la tenue de conférences régionales et nationale de sécurisation de l’emploi et de la formation.
Il est aussi incontournable et urgent de faire avancer ces contre-propositions sur le terrain, en lien avec les terribles batailles que mènent les salariés dans tant d’entreprises menacées par les plans patronaux de fermetures et de course aux licenciements.
Par ailleurs, et l’enjeu est de taille, il s’agit de mesurer l’importance de la bataille pour les prochaines élections municipales.
Les batailles pour sécuriser l’emploi seront au cœur de cette consultation. Les candidats se réclamant de la gauche ne pourront pas se contenter de renvoyer la responsabilité sur l’État et Hollande, au risque d’accentuer le sentiment d’impuissance de la politique.
Comment financer les services publics locaux si les communes voient continuer de disparaître les emplois, reculer le pouvoir d’achat, s’exiler les jeunes, et s’effondrer leurs ressources ?
Il faut que l’entreprise, sa responsabilité pour l’emploi et la formation, son financement par les banques, son utilisation des fonds publics soient au cœur d’un rapprochement entre salariés, syndicats, citoyens, associations et élus dès le niveau local et notamment municipal.
Dans chaque collectivité, il faut exiger que les entreprises concourent à réaliser des objectifs chiffrés, démocratiquement délibérés, de créations d’emploi, de formations qualifiantes, et que les banques mobilisent le crédit pour ce faire avec l’appel à des Fonds publics régionaux et un pôle financier public autrement plus ambitieux que la Banque publique d’investissement (BPI).
Il faut exiger des moratoires sur toutes les suppressions d’emplois et que les salariés et leurs organisations puissent faire prévaloir des contre-propositions.
Il n’y a pas d’alternative possible sans la construction de rassemblements populaires majoritaires capables d’intervenir sur ces enjeux.
Un sondage récent révèle que les sondés demeurent extrêmement contrariés par la façon dont les entreprises s’y prennent : 62 % des sondés pensent qu’elles souhaitent accroître leurs profits alors qu’elles pourraient continuer de fonctionner avec les salariés existants ; surtout, 62 % des sondés estiment que les entreprises licencient sans avoir recherché toutes les possibilités de réduction des coûts autres que le coût du travail.
Le terrain est donc en train d’évoluer favorablement pour une remise en cause des coûts du capital (intérêts, dividendes, redevances…) et la recherche de nouveaux financements de l’activité impliquant autrement les banques, la BPI et jusqu’à la BCE. Et, pour cela, faisons grandir l’exigence de nouveaux pouvoirs d’intervention des salariés et de leurs organisations sur la marche des entreprises et l’orientation du crédit bancaire.
Passons aux actes en nous formant à maîtriser nos propres propositions, pour les populariser et les enrichir au contact des autres dans l’action.
Pourquoi ne pas entreprendre de constituer des comités d’action populaire pour sécuriser l’emploi, à l’appui des luttes de terrain et du débat d’idées, en visant une convergence vers la tenue de conférences régionales et nationale ?
Catherine Mills,
Directrice de la revue
Économie et Politique
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