Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Que faire ? Comment développer la bataille ?

Une exigence très forte se dégage de l’analyse sommaire de toute cette actualité : il est indispensable que la campagne nationale que le Front de gauche va lancer début janvier, pour plusieurs mois, à l’initiative du PCF « Pour une alternative à la politique d’austérité » accorde une grande place aux enjeux de lutte et d’alternatives sur le crédit et les pratiques bancaires, pour un pôle financier public, jusqu’aux questions relatives à la nécessaire réorientation de la BCE et de sa politique monétaire.

Plus que jamais il paraît indispensable, face au blocage de l’Élysée et de Matignon, d’organiser et de déployer des luttes dans chaque entreprise, chaque localité, chaque région pour que soient créés des Fonds publics régionaux, susceptibles d’être saisis par les salariés et leurs organisations, avec les élus, contre les délocalisations et pour de nouvelles productions et activités.

Il est devenu indispensable de progresser dans ce sens afin que, dans l’action, soit appropriée de cette idée de sélectivité du crédit pour les investissements matériels et de recherche des entreprises selon le nombre d’emplois et de formation de qualité programmés.

Face à la hotte aspirante techno bureaucratique, très antidémocratique, antinationale et centralisatrice de la BCE, toute entière vouée au service de la domination des marchés financiers, n’est-ce pas là la principale voie d’action pour tourner, dès le niveau local, le crédit et la création monétaire vers la promotion des capacités humaines ? D’autant plus qu’il y aura là-dessus un affrontement sur la nature et les pouvoirs des Fonds régionaux de la BPI elle-même.

Ce sont de telles actions de terrain, multiples, quotidiennes, bien en prise sur les besoins populaires concrets, qui, en convergeant, pourront stimuler la levée d’un grand mouvement national pour changer de cap sans, en aucune façon, contribuer aussi peu que ce soit au retour de la droite.

C’est dans ce type de bataille que pourra pleinement être prise la mesure des limites et contradictions de la BPI et du besoin tant de tout nouveaux critères de ses interventions que de nouveaux pouvoirs décentralisés effectifs des salariés et citoyens.

C’est dans ce type de bataille de harcèlement, dès le niveau local, qu’on arrivera à imposer aux banques d’entrer dans un mécanisme qui les amènerait à faire crédit pour sécuriser l’emploi et la formation, via un financement sélectif des investissements matériels et de recherche des entreprises, ce faisant, conduire la BCE à les refinancer en partie. Et cela constituerait, précisément, un point d’appui national pour mener de grandes luttes européennes de réorientation de la BCE.

Au-delà, trois enjeux fondamentaux du Pôle financier public doivent être bien pris en compte :

– Un enjeu de critères d’intervention ;
– Un enjeu de droits économiques nouveaux des salariés ;
– Un enjeu de refinancement de la BCE.

L’enjeu des critères d’intervention du pôle public financier

La grande question est celle du nouveau crédit, de sa sélectivité et, à partir du pôle financier public, d’incitations publiques à d’autres critères pour toutes les banques, au lieu de la promesse illusoire d’une Union bancaire européenne.

Car le pôle financier public doit aussi servir à entraîner effectivement tout le système bancaire vers de nouvelles pratiques, au lieu du rôle de correcteur des défaillances du marché bancaire que l’on veut faire jouer à la BPI.

Cela pose d’ailleurs aussi la question du périmètre et de la capacité de prêt du pôle financier public avec, d’ailleurs, non seulement la CDC et la BPI, mais aussi La Banque postale – désormais si importante pour les collectivités locales –, des banques mutualistes et coopératives à mettre en réseau, dans le respect de leurs statuts, et des banques nationalisées.

Les questions de critères et de périmètre recoupent aussi celle des normes prudentielles et de la régulation, car le Pôle financier public devrait avoir une dimension et une influence systémique porteuse de normes prudentielles nouvelles.

Prédominent, pour l’heure, des ratios et des règles dites de gouvernance prétendant aider à maîtriser les risques engendrés par la domination du marché financier sur le crédit et la création monétaire. Et cela pour pouvoir continuer la fuite en avant dans cette domination au nom de la prudence et de la sécurité sur le crédit et les dépôts.

Il s’agit de contrebattre cette logique contradictoire en opposant de nouvelles normes formalisées incitant à faire de la sécurisation de l’emploi et de la formation et de l’utilisation massive du crédit pour ce faire, contre les marchés financiers, la base de la sécurité d’un système bancaire refondé.

L’enjeu des pouvoirs des salariés et des populations

On a vu comment va s’organiser le système de pouvoirs dans la BPI avec, entre les mains du Président et du Directeur général opérationnel, le double monopole de la définition de la doctrine d’intervention et de la répartition des enveloppes de ressources entre les filiales.

Il faudra essayer de mieux comprendre en quoi, malgré le battage fait autour de la dimension régionale, cette centralisation des pouvoirs, conjuguée aux critères d’intervention de la BPI, va conduire à exclure beaucoup d’entreprises, beaucoup de filières et beaucoup de bassins d’emplois. On pense ici au refus opposé par R. Jouyet, le président de la BPI, de financer la modernisation du site de Florange d’ArcelorMittal caractérisé par lui comme un « canard boiteux », contre l’avis du rapport d’experts commandité par le ministre Montebourg (1).

Ne faudrait-il pas concevoir la bataille sur un double front :

a. Celui de la définition des choix d’intervention de la BPI que nous pourrions, par exemple, chercher à ancrer aux batailles à construire pour des moratoires sur les suppressions d’emplois en vue de contre-propositions décentralisées.

Dans cette optique, la BPI et les Fonds régionaux seraient non seulement les instruments d’une volonté nationale en matière de politique industrielle et de services mais, inséparablement, les partenaires financiers, sur le terrain, des salariés et des populations en lutte pour l’emploi, la formation, le redressement productif dans un processus d’appropriation sociale dont la nationalisation serait une des dimensions.

b. Le second front serait celui de contre-propositions pour un véritable redressement productif de transition écologique crédibilisé par l’appel possible à ce nouveau crédit, via la saisine de Fonds publics régionaux de prise en charge des intérêts payés pour le crédit pour les investissements matériels et de recherche des entreprises selon les emplois et formations programmées.

L’enjeu fondamental du financement de la BCE

Au lieu de la coupure actuelle entre la BPI et la BCE, il s’agit, pour les batailles pour de nouvelles interventions de la BPI, d’arriver à faire exiger et obtenir un refinancement par la BCE.

Il s’agit, inséparablement, de faire le lien avec l’action pour le financement d’une grande expansion des services publics parla création monétaire de la BCE, via un Fonds social, solidaire et écologique de développement européen.

Il est absolument nécessaire, en effet, pour sortir du cercle vicieux qui fait que, aujourd’hui, sous pression des critères de rentabilité financière, les gains rapides de productivité s’accompagnent d’une baisse des débouchés. Le financement d’une relance massive des services publics en France et en Europe constitue une des clefs fondamentales pour sortir de ces antagonismes car l’essor des services publics constituerait un soutien majeur à la demande qui fait défaut tout en consolidant l’efficacité de l’offre productive. n

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(1) « La filière acier en France et l’avenir du site de Florange », rapport remis au ministre du Redressement productif par M. Pascal Faure, Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, 27 juillet 2012.

 

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