Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Enseignement supérieur : L'urgence d'une issue à gauche.

le 26 February 2009

Les luttes de grande ampleur qui se déroulent depuis des semaines sur les campus et dans les laboratoires viennent de franchir un nouveau cap.

Le gouvernement voulait promulguer en toute hâte trois textes aux lourdes conséquences ( statuts des enseignants –chercheurs , mastérisation de la formation des maîtres et IUFM , nouveau contrat doctoral ) . Il est en échec absolu . La communauté scientifique dans sa majorité en exige l'abandon pur et simple et une écriture nouvelle .

Sommaire Le Service Public d' Enseigneme A cela répondent six principes Quatre conditions doivent (...) De nouvelles instances de (...)

Aujourd'hui , la Loi LRU dont ces textes procèdent et qui en retour lui donnent l'occasion de se déployer est sur la sellette , l'exigence de son abrogation est légitime.

Le PCF qui dès l'origine et seul à l'époque comme parti politique, a combattu cette Loi qui se donne pour un modèle en creux de la société que Sarkozy , son gouvernement et le MEDEF veulent ériger , se félicite de cette évolution qu'il a contribué à faire murir .

Le PCF n'entend pas laisser le gouvernement continuer ses manœuvres dilatoires ; le gouvernement doit retirer les trois textes qui sont à l'origine des luttes en cours et laisser la place à une véritable négociation associant tous les acteurs , notamment les organisations syndicales et SLR , jusque là méprisées . Il doit annuler en urgence les suppressions de postes tant pour l'enseignement supérieur que pour les organismes publics de recherche .

Les BIATOSS ont été la première cible pour ce qui concerne les suppressions de postes, le développement des emplois précaires, l'externalisation des missions, la volonté d'une mise en place d'une gestion locale des carrières .Ils doivent être partie prenante des négociations .

Le PCF s'insurge contre l'évidente volonté du gouvernement de poursuivre l'épreuve de force en escomptant l'épuisement. Devant des questions vitales pour l'avenir du pays, le gouvernement persiste dans la manœuvre , le cynisme , l'imposture . Cette stratégie est vouée à l'échec .

Chacune et chacun le mesure clairement : les enjeux planétaires et civilisationnels qui sont devant nous exigent une toute autre réponse politique . Dès à présent , doit être mise en chantier l'élaboration d'une autre Loi pour l'enseignement supérieur ; à cette construction doivent être associés dans le respect absolu de leur indépendance vis-à-vis de tout gouvernement , comme de tout parti politique , tous les acteurs.

Elle doit prendre en compte les réflexions issues des Etats généraux de la Recherche de 2004 auxquels les gouvernements successifs ont tourné le dos .

La mise en concurrence des établissements, des formations, la concentration à l'extrême de tous les pouvoirs d'élaboration et de décision, l'abandon de toute préoccupation de cohérence nationale, la mise en pièces des missions et de la logique de service public, la réduction drastique des représentants de la communauté universitaire, enseignants, étudiants et personnels, l'introduction subreptice de mécanismes de sélection à l'entrée de l'université, autant de dimensions qui constituent la colonne vertébrale du rapport LEVY –JOUYET sur « l'économie de l'immatériel », en matière de recommandations relatives à l'enseignement supérieur et la recherche.

Ils sont déclinés de façon comminatoire dans le rapport Attali ; ils illustrent de façon cohérente les principes du traité de Lisbonne ; ils poursuivent la logique perverse du soi-disant « processus de Bologne » , instituant avec fracas, dans le plus grand désordre , sous prétexte de « lisibilité européenne » le LMD qui ,depuis, n'a fait l'objet d'aucune évaluation pluraliste et critique .Aujourd'hui chacun peut mesurer les résultats de l'imposture .

La société a besoin de changer d'échelle dans la production des connaissances et leur transmission. Partage, coopération entre universités, déploiement en réseau au plan national, européen et mondial, voilà l'avenir.

La mise en commun des savoirs disciplinaires et des compétences, l'évaluation rigoureuse suppose tout autre chose que des pouvoirs discrétionnaires ; nos Universités ont besoin de nourrir les décloisonnements disciplinaires, de créer de nouvelles formations dans ce cadre, de nouveaux programmes de Recherche fondés sur des interfaces prometteuses. Elles ne peuvent le faire qu'en s'appuyant sur la dynamique des disciplines existantes, pas en détruisant leur logique propre.

Pour sa part le PCF entend dès à présent contribuer en mettant dans le débat les principes et les propositions suivantes :

Le Service Public d' Enseignement supérieur doit relever des défis majeurs, et parmi eux :

Celui de l'élargissement à toute la société des capacités d'accès aux formes les plus élaborées du savoir en mouvement ; Celui de permettre à tout étudiant (e) d'aller au bout de ses possibilités, en ayant le souci permanent de la validation des parcours et des acquis ; Celui du partage d'une culture commune, essentielle à la construction et à l'épanouissement de chacun (e) ; Celui d'offrir à tout étudiant (e) des parcours innovants offrant des possibilités réelles à chaque niveau du cursus universitaire de formation professionnelle, de préparation à des emplois de haute qualification ; Celui de la constitution d'une carte ouverte, transparente, accessible et constamment mise à jour des formations, des équipes, des programmes, en lien avec leurs partenaires européens et mondiaux. La nécessité de trouver les moyens de la démocratie efficace : démocratie, car les partenaires des choix d'enseignement supérieur sont divers et tous doivent avoir la latitude d'exprimer leur point de vue ; démocratie car les décisions complexes ne sont concevables et efficaces que si tous les acteurs contribuent ; efficacité, car les choix sont nécessaires et leur rythme ne peut être modifié à volonté ; la démocratie n'est pas l'enlisement.

A cela répondent six principes qui ne sont pas exhaustifs :

la libération des capacités d'initiative en lieu et place du contrôle bureaucratique.

substituer la coopération en lieu et place d'une « compétitivité » qui n'est rien d'autre que celle de la rivalité des capitaux.

transformation des pôles de compétitivité en pôles de coopération à vocation scientifique , technologique et industrielle : cela implique le principe de l'égalité d'accès de toutes et tous , la libre association , la mise en commun et le partage des compétences et des ressources , la garantie de financements publics stables et récurrents .

assurer la garantie fondamentale de l'indépendance intellectuelle des travailleurs scientifiques de toute pression étatique ou économique.

substituer la pratique et les outils de la démocratie efficace en lieu et place de la logique managériale

substituer l'emploi pérenne dès les premiers travaux, avant la thèse , à la précarité en anticipant les mobilités nécessaires , le front continu des connaissances à la logique des « créneaux ».

La recherche se mène à partir du potentiel national, en coopérations mondiales :

Les missions de coopération internationales doivent être partie intégrantes des Services des Enseignants Chercheurs.

L'enseignement supérieur , service public majeur est par sa nature même lié à la recherche, dont c'est une mission intégrante à laquelle tous les enseignants –chercheurs doivent pouvoir participer . L'enseignement supérieur est la première étape de l'assimilation collective de la connaissance en mouvement ; il est donc le premier débouché de l'activité de recherche.

Quatre conditions doivent à notre sens être remplies

pour donner au développement scientifique son plein sens de progrès culturel, économique et social :

1) Le soustraire à la pression des multinationales, lui donner les moyens de remplir sa mission, développer la démocratie dans la gestion des personnels, l'évaluation des équipes et la définition des thèmes de recherche.

2) Renforcer le secteur public de recherche fondamentale dégagé de toute obligation d'application, mais voué au développement d'un front continu des connaissances. On peut chiffrer à 1 % du PIB le financement souhaitable d'un tel secteur, en contraste avec la part de 0,6 % attribué en 2008 à la recherche publique avec un impératif d'applications rapides.

La liberté thématique de la recherche fondamentale serait encadrée par les avis de structures élues de travailleurs scientifiques (comme au CNRS) et de comités consultatifs de citoyens, contribuant à l'allocation des moyens budgétaires.

3) Encourager la collaboration de ce secteur public avec le secteur industriel, public ou privé, sur la base de l'avantage mutuel. Mettre fin à la subordination actuelle de la recherche publique aux besoins industriels.Le financement de la recherche publique devrait être assuré à 70 % au moins par les budgets récurrents des laboratoires, permettant le financement des initiatives scientifiques surgissant du mouvement des connaissances. Une structure comme l' ANR peut être utile, pour le développement de recherches nouvelles surgissant du mouvement des connaissances. Elle doit avoir une influence budgétaire limitée(15%) .

4) Reconnaissance de toutes les formations à Bac +5 et du grade de Docteur dans les conventions collectives et définition des attributions au niveau de l'UE .

Nous réitérons la nécessité de parvenir au doublement du budget public de recherche sur une législature comme celle de porter à 12000 Euros/ an / étudiant l'effort budgétaire public pour l'enseignement supérieur . Nous proposons d' exonérer de la TVA les Etablissements publics de recherche et d'Enseignement supérieur.

La question du rapprochement entre Grandes Ecoles et Enseignement supérieur fera l'objet de négociations approfondies sur une législature pour aboutir à un système nouveau fondé sur la fécondation réciproque, facteur de démocratisation.

De nouvelles instances de dialogue et de propositions entre la collectivité scientifique et l'ensemble de la société :

Nous proposons donc la création à l'échelle du pays d'un réseau de forums citoyens de la science de la technologie et de la culture. Ces instances nouvelles seront dotées de pouvoir d'enquête sur pièce et sur place , constituées auprès des Collectivités Territoriales, des grands ensembles, des sites industriels, agricoles, maritimes. Plus généralement, chaque fois que le besoin des populations en manifestera l'exigence ; ils seront indépendants de tout pouvoir politique , de toute pression économique ; ils rapporteront annuellement devant l'Assemblée Nationale ; le Gouvernement aura une obligation de réponse aux questions posées . Leur composition fera appel à toutes les formes associatives et organisationnelles existantes ; les débats seront publics.

Soustraire les services publics de recherche , d'Enseignement supérieur , de culture , aux « principes » qui prévalent dans les négociations de l'OMC , est un impératif qui s'imposera à toute force politique voulant réellement que l'effort de Recherche Publique dans l'Union européenne retrouve l'étiage correspondant aux défis actuels .

Plus généralement , il s'agit de briser les ressorts de la recherche du profit s'exonérant de de la production socialement utile ( pôle public et financier du crédit bancaire , transformation de la BCE , fiscalité etc…)

On le voit à ce parcours non limitatif :le processus d'élaboration d' une nouvelle loi ambitieuse parce que progressiste, ne se prête à aucun exercice consensuel .Oui les contours de l' enseignement supérieur et de la recherche constituent des aspects névralgiques d'une conception de la société et de la civilisation humaine . C'est pourquoi elle doit et elle peut porter la marque d'une politique qui vise à s'extraire des dogmes et du carcan d'un capitalisme qui a atteint ses limites historiques. C'est le sens que le PCF donne à une politique de gauche ; c'est elle qu'il entend contribuer à construire dès à présent.