Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Développement local et cohésion sociale Une expérience originale : la législation américaine de 1977 relative au financement non discriminatoire du développement local

L’enjeu d’un financement de l’activité économique maîtrisé par les salariés et les citoyens eux-mêmes prend une place de plus en plus marquée dans le mouvement social et syndical. Avec sa proposition de pôle financier public et d’un crédit nouveau, le PCF a ouvert un champ de réflexion qu’il faut approfondir.
à ce titre, certaines expérimentations étrangères en la matière s’approchant de l’esprit de cette proposition méritent une attention particulière.
C’est le cas de la mise en place aux États-Unis d'une législation relative au financement responsable et équitable du développement local.

Tandis que plusieurs grandes banques perdaient pied en Europe pendant la crise financière, et que quelques-unes faisaient faillite, de nombreuses banques sociales, et notamment les membres de la FEBEA, se développaient rapidement et sûrement. Elles multipliaient les financements et les services bancaires et financiers en faveur des entreprises privées et sociales qui créaient des milliers d’emplois partout en Europe.

Or les financements consolidés de tous les prêteurs responsables n’atteignent pas et de très loin le niveau nécessaire pour financer une Europe prospère et durable. La crise met en exergue de manière très claire que le développement européen nécessite une croissance radicale des activités financières et bancaires responsables. Mais les changements réglementaires qui se préparent dans les négociations de Bâle III font la promesse de résultats inverses.

Les banques de la FEBEA s’inquiètent de l’inadéquation des réformes réglementaires à venir et elles ne sont pas les seules. L’incapacité de la seule surveillance prudentielle à prévenir la crise a été très largement constatée. Des réserves plus conséquentes ne réduiront pas de manière significative la spéculation financière. Jusqu’à présent la rentabilité insoutenable du secteur financier spéculatif rémunère les lobbies et dicte des politiques qui sapent la finance responsable et limitent la croissance de l’emploi en Europe et ailleurs. Les coûts liés à un niveau de fonds propres plus élevé réduiront davantage l’accès au capital des financements responsables, empêchant les investissements dans les économies réelles des territoires diverses d’Europe.

La FEBEA est unique de par sa capacité de fournir l’expertise et le soutien nécessaires au plaidoyer politique et législatif à travers toute l’Europe. La situation est économiquement et socialement intenable. Un large soutien à la fois politique et citoyen peut être mobilisé en vue de la mise en place d’une réglementation et d’une législation favorable à la finance éthique et durable. Les membres de la FEBEA ont déjà défendu l’idée d’une évaluation de la performance sociale des banques comme contrepoids réglementaire à Bâle III.

Comprendre la législation américaine du CRA «Community Reinvestment Act » peut aider la FEBEA et les gouvernements européens à réfléchir à la mise en œuvre pratique de tout ceci, que j’espère rapide. Car le CRA est une proposition gagnant-gagnant pour toutes les parties prenantes que vous représentez ici à Cracovie aujourd’hui : les banques sociales, les grands réseaux bancaires, les gouvernements nationaux et les régulateurs. Voici ce qu’on peut attendre de la mise en place d’une législation inspirée du CRA américain sur les territoires européens :

Toutes les banques, qu’elles soient étrangères ou domestiques, se voient obligées de démontrer qu’elles servent tous les territoires de manière équitable et prudente, et les instances de régulation de chaque pays ont à évaluer et à sanctionner leur performance. Les banques continuent à bénéficier d’une grande liberté stratégique en ce qui concerne la manière de le faire : il n’y a ni quotas, ni affectation de crédits ni subventions particulières.

Cette obligation «positive» incite les banques à prêter prudemment et de manière plus proactive aux TPE et particuliers des régions et quartiers à bas et moyens revenus. Elle réduit la fuite de l’épargne ; ainsi une part plus important de la richesse de chaque pays, région et ville est «réinvestie» localement à l’avantage économique des entreprises, particuliers et banques locales.

Les banques sociales et les ONGs spécialisées ainsi que les collectivités locales constatent un intérêt nouveau et grandissant de la part des grandes banques qui les sollicitent pour nouer des partenariats. Ces derniers apportent de nouveaux financements et de nouvelles ressources pour le développement des capacités et des compétences au bénéfice du secteur bancaire social. Pour la première fois, la confiance entre partenaires est fondée sur le contrôle de la performance réelle de chaque partenaire, sur la base de résultats tangibles.

Cette transparence accrue augmente l’efficacité et la sécurité des marchés bancaires dans l’ensemble du secteur bancaire de détail. Elle permet aux banques de « partager » certains coûts et opportunités liées à l’ouverture de nouveaux marchés substantiels, notamment pour améliorer la gestion des risques et réduire les coûts d’intermédiation. Elle améliore la concurrence. Toutes les banques, qu’elles soient domestiques ou étrangères, contribuent d’une part, et bénéficient d’autre part, de manière équitable, de cette législation, proportionnellement à leur taille ; aucune n’est privilégiée ou à l’inverse défavorisée.

Les gouvernements obtiennent la capacité de réguler les marchés bancaires en vue de favoriser les investissements privés rentables qui mènent à la création de richesse et d’emplois locaux sans utiliser de mesures protectionnistes ou le rationnement des crédits, et sans subventions. Ainsi régulées, les banques privées peuvent apporter, de façon rentable, des sommes importantes de capital privé nécessaires à un développement.

Le dispositif améliore la cohésion sociale en invitant les autorités locales, les associations, les PME, les ONG et les groupes locaux de tous types à contribuer au processus de contrôle. De cette manière, le CRA adapte les pratiques réglementaires au contexte local. Le CRA crée des opportunités de croissance et instaure la confiance des entreprises.

Le CRA lutte contre la fuite des capitaux sans utiliser le protectionnisme

L’Amérique des années 1970 a été confrontée à une crise urbaine multiple : fuite des capitaux, effondrement des valeurs immobilières, exclusion sociale. En effet, les banques collectaient les dépôts dans un quartier mais les prêtaient ailleurs. C’est dans ce contexte que le CRA a été créé pour inverser la tendance et promouvoir un réinvestissement dans les quartiers modestes. Sur ce plan le CRA est, depuis plus de 30 ans, une initiative assez réussie.

Chaque année depuis dix ans, les banques sous régulation CRA ont délivré en moyenne environ 60 milliards de nouveaux investissements, prêts et services en faveur des communautés à bas revenus. Cela a été fait sans effets négatifs sur leur rentabilité, sans intrusion du politique dans leur gestion et sans subprimes. Au contraire, les financements CRA sont à la fois prudents et rentables. Il s’agit de soutenir des crédits et des investissements qui produisent de la richesse et des emplois. 60 % des crédits CRA sont octroyés à des PME.

En plus de leurs propres prêts, les banques sous régulation CRA proposent des partenariats technique et financier à plus de 6 000 organisations communautaires, entreprises sociales et coopératives, y compris aux 1 200 institutions financières de développement local (CDFI) ou banques « sociales » et aux centaines de fonds d’investissements spécialisés dans le développement local ou durable. Les banques de la place peuvent mettre en œuvre ces partenariats sans subvention particulière puisque les financements CRA sont rentables. La loi exige une participation de toutes les banques régulées, par conséquent les banques qui n’ont pas de stratégie de détail et n’octroient donc pas des prêts CRA en direct doivent alors financer les banques de développement local afin d’honorer leurs obligations de financements équitables. De cette manière, il n’y a pas de stratégie de mise en œuvre défavorisée par rapport à une autre sous CRA toutes les banques bénéficient de l’ouverture à ces nouveaux marchés, tant comme prêteurs que comme investisseurs.

Enfin, même si les banquiers détestent l’admettre, le dispositif de contrôle « qualitatif » instauré par le CRA a amélioré la supervision prudentielle des banques. Quelques-unes seulement des banques sous régulation CRA ont pu octroyer des prêts subprimes dans le cadre réglementé, donc les milliers de banques régulées par le CRA ont été protégées lors de la crise de 2007 qui a anéanti des centaines de concurrents qui, eux, n’étaient pas régulés par le CRA (1).

Comment fonctionne le CRA ?

Cette loi est très simple et son contenu ne consiste qu’en quelques paragraphes. Elle institue une obligation « positive » pour toutes les banques de démontrer par leurs résultats qu’elles prêtent et proposent des services de manière équitable dans chacune des localités où elles collectent les dépôts, et ceci de manière prudente et saine. En d’autres termes, pour pouvoir poursuivre leurs activités de détail et continuer à financer les petites entreprises sur les territoires « faciles », les banques doivent aussi apprendre à financer, de manière rentable, les territoires « difficiles », ou financer les institutions financières locales qui savent le faire.

Le CRA requiert des instances régulatrices qu’elles effectuent des inspections périodiques pour évaluer la performance des banques pour confirmer que ces dernières ont cessé leurs pratiques discriminantes à l’égard du « bas de la pyramide » qui consistent à refuser de prêter ou bien à prêter mais à des conditions prohibitives sur les territoires concernés. Le CRA attribue des sanctions, ce qui s’est très rarement produit.

Les inspecteurs bancaires effectuent quatre « tests » pour évaluer les performances CRA des banques, sur la base des propres données et dossiers de celles-ci, allant au-delà des projets « vitrines » et des rapports annuels reluisants. Les tests concernent l’octroi de prêts, les investissements, les services et le développement local. La loi Home Mortgage Data Act (HMDA) ou loi sur les données des hypothèques immobilières de 1976, force tous les prêteurs à fournir les données statistiques complètes sur les prêts immobiliers. Les inspecteurs peuvent alors comparer et évaluer chaque banque sur sa performance dans les territoires spécifiques « assessment zones » et comparer cette performance avec celle des autres territoires : nombre et types de demande de crédits reçues par la banque, nombre des crédits approuvés, les conditions d’octroi (depuis 2006), les taux de délinquance, les catégories de clientèle, les ouvertures d’agences bancaires et les fermetures, les données marketing, etc.

Les informations et les notations des banques sont rendues publiques, ce qui incite à la comparaison et à la concurrence. La loi prévoit que les régulateurs prennent en compte les remarques et commentaires des groupes de citoyens dans l’évaluation de la performance de la banque. Les associations, les organisations locales et professionnelles ainsi que les élus locaux réagissent et transmettent leurs contributions publiques auxquelles les régulateurs répondent. Les villes et tous les autres clients institutionnels peuvent utiliser les notations CRA dans le choix de leurs partenaires financiers.

Le CRA libère l’énorme potentiel de la finance responsable

Dans le cadre du CRA, toutes les banques doivent « réinvestir » l’épargne des quartiers dans l’économie locale de manière équitable et prudente. Les institutions financières de développement local (Community Development Financial Institutions) ont des pratiques bancaires « éthiques », c’est-à-dire responsables économiquement et à vocation sociale. Le financement des petites entreprises, des coopératives et des entreprises sociales ainsi que l’accès à la propriété dans les territoires désertés par les banques de la place sont au cœur de leurs activités. Leur croissance crée donc de la richesse ; et cette croissance est la raison principale pour laquelle le CRA est, dans l’ensemble, une source de rentabilité pour les banques américaines. Le volume et la rentabilité des prêts CRA montrent que l’évaluation de la performance des banques a conduit avec succès à la prise en compte du financement du « bas de la pyramide » dans la finance de détail responsable traditionnelle.

En voici l’explication : les évaluations CRA exigent des banques de pouvoir analyser leurs réalisations dans les territoires difficiles à couvrir et permettent de leur attribuer des notes. Les équipes de direction intelligentes utilisent cette analyse pour améliorer leur management local, pour détecter de nouvelles opportunités, et pour mieux évaluer le coût du risque. Ainsi elles peuvent mieux gérer et réduire les risques des clients existants. Elles utilisent cette analyse pour mesurer les bénéfices découlant d’innovations de produits ou de méthodes. D’autres banquiers suivent cet exemple.

Le volume des prêts responsables CRA qui en résulte est considérable comparé aux chiffres européens. Cela révèle ainsi l’immense potentiel de financements éthiques et sociaux qu’une législation et des politiques réglementaires appropriées peuvent débloquer, et ce sans subvention.

1. Les banques prêtent 60 milliards de dollars chaque année en crédits et investissements responsables dans les zones auparavant mal desservies par le secteur bancaire traditionnel, créant ainsi de la richesse et des emplois sur ces territoires. Les banques qui n’ont pas de stratégie de détail financent les ONG locales et les associations de quartier qui, elles-mêmes, octroient ces prêts et en assurent la gestion.

2. Certaines banques ont réduit les coûts d’intermédiation s’agissant des foyers et des petites entreprises tandis que d’autres, les plus innovantes d’entre elles, développent des services bancaires à des conditions spéciales, ce qui crée de la valeur pour les petites et moyennes entreprises.

3. Les banques utilisent des données considérablement enrichies sur les quartiers à revenus bas et moyens, et analysent les comportements de crédits mis à la disposition d’une part par les dispositifs CRA et HMDA et localement par les partenaires du développement local. Ces informations permettent d’identifier les opportunités de partenariats rentables, d’apporter un flux d’affaires de meilleure qualité et meilleur marché pour toutes les banques, et d’améliorer ainsi la pertinence des notations. Ces informations participent aussi au professionnalisme des banques et de leurs partenaires locaux. L’accumulation des données au fil du temps et la constitution d’une base statistique permet de réduire, dans le cadre de Bâle II, les exigences en fonds propres des banques requises pour servir ce secteur.

4. Le CRA crée de la valeur dans des quartiers à évolution positive, ce qui crée de nouvelles opportunités de création d’activités économiques. Ceci est relié à une amélioration de la vie civique, qui résulte en partie de l’octroi de prêts à des PME locales couronnés de succès, et en partie du nouveau pouvoir de négociation que le CRA donne aux associations de développement local, aux autres associations de la société civile et aux élus locaux. La création de valeur provient également de l’expertise et du professionnalisme croissants du secteur des entreprises sociales et de leurs organisations professionnelles telles la NCRC (National Community Reinvestment Coalition, en français « Coalition nationale de réinvestissement local »). Les régulateurs demandent au secteur non seulement de contribuer à l’évaluation de la performance des banques localement, mais font appel aussi a leur expertise dans la conception de nouvelles législations et dans la rédaction des réglementations.

5. Le CRA reconnaît les fondations bancaires qui financent l’expansion des ONG et banques sociales partenaires qui fournissent accompagnement et renseignent les investissements et prêts des banques. L’apport du secteur « développement local » est essentiel pour que les banques puissent servir les quartiers à bas et moyens revenus.

Le CRA encourage les banques à financer des partenaires locaux et à améliorer leur propre gouvernance

Ce qui permet aux banques régulées par le CRA d’apporter conseils, financements et autres à plus de 6 000 organisations de financement local sans subvention spécifique, c’est qu’il s’agit d’opérations raisonnablement rentables. Plus de 2 000 d’entre elles sont soit des banques « sociales » régulées (1 200 banques de développement local appelées CDFI pour « Community Development Financial Institutions ») soit des banques sociales spécialisées, des fonds d’investissement éthiques comprenant 125 fonds de capital risque de développement local. Ensemble ils totalisent 45 milliards de dollars d’actifs et emploient 55 000 personnes formées en finance et banque ou dans des domaines associés.

La clé du succès du CRA est la qualité de l’architecture économique. La démarche « bottom-up » sur laquelle est basée le CRA renforce la réglementation en l’adaptant aux conditions locales en constante évolution. La loi instaure un dialogue territorial tripartite qui s’est hautement professionnalisé au fil du temps. Les banques CDFI et les organisations de développement local sont des partenaires précieux pour les grandes banques en particulier dans le domaine des prêts aux petites entreprises, car elles sont très enracinées dans les communautés locales. Tout comme le sont les banques de la FEBEA.

Mais les banques sociales (les CDFI) américaines sont aussi dotées d’informations statistiques détaillées sur les pratiques de crédits des banques de détail partenaires dans chaque quartier. Et, afin d’être en mesure d’exploiter toutes ces informations, elles se sont fédérées pour développer des compétences en informatique, en analyse et expertise. Le professionnalisme et l’accès à cette information font des banques et organisations de développement local des partenaires économiques très utiles non seulement pour les grandes banques mais aussi pour les responsables de gouvernements locaux.

Cette « tension dynamique » entre les banques, les régulateurs et les citoyens assure l’adaptation des réglementations au contexte local en constante évolution

En même temps, les données recueillies permettent aux banques sociales américaines de disposer d’informations et surveiller ainsi la performance des partenaires bancaires en matière de réinvestissement local, ce qui permet de guider leur travail avec les élus locaux et les régulateurs pour faire respecter le CRA et améliorer la gouvernance bancaire au niveau local. Elles travaillent avec les régulateurs qui détiennent le pouvoir de sanction. Ainsi la loi répond précisément aux attentes de ces auteurs : créer des « marchés équitables de crédit » et garantir l’innovation bancaire sans s’immiscer dans les opérations internes et à un coût raisonnable pour les banques. Cette « tension dynamique » est schématisée sous forme de relation triangulaire :

 

C’est ce constant dialogue sous tension sur la performance qui garantit l’utilité économique et donc la mise en œuvre du CRA sur du long terme. L’analyse publique (et celle des banques) des données sur la production dans chaque localité au fil du temps apporte une base factuelle à des discussions d’un niveau professionnel très élevé sur la légitimité des profits des banques, la viabilité des financements et les besoins en services des clients individuels et des entreprises.

Étant donné leur poids financier, les grandes banques continueront sans aucun doute à être davantage entendues par les autorités de régulation nationales. Mais au niveau local, le CRA donne un véritable pouvoir aux voix locales : les groupes locaux peuvent ralentir les fusions et les ouvertures d’agences, ils ont le pouvoir de gêner les plus grandes banques. Ce pouvoir redonné au niveau local « encourage de manière agressive » les banques à trouver des moyens de collaborer avec les banques à vocation sociale et les organisations de développement local, pousse les régulateurs à écouter ces dernières et mobilise les élus locaux.

Car au fond le dispositif CRA vise la promotion d’une grande finance prudente et responsable, répartie sur le territoire de manière équitable. John Taylor, qui dirige l’ONG du CRA « National Community Development Coalition » souligne ce point essentiel lorsqu’il décrit le CRA : « Surendettement, subprimes et les autres formes irresponsables de crédit sont l’antithèse du CRA. Le CRA démontre que la définition d’un “bon emprunteur” n’est pas reservée aux seuls clients aisés, mais que les emprunteurs responsables se trouvent dans les rangs de toutes les classes sociales. »

C’est ainsi que les contrôles « qualitatifs » du CRA servent de contrepoids nécessaire aux faiblesses du seul contrôle prudentiel des banques, mises au grand jour par la crise. Elles nivellent le terrain de jeu face aux grandes banques en faveur des banques sociales. Le dispositif CRA incite les grandes banques aux partenariats avec les banques et autres entreprises sociales et leur donnent la parole légitime dans le dialogue continu entre les régulateurs, les citoyens et leurs banques.

L’Europe a besoin que la FEBEA prenne le leadership dans le plaidoyer en faveur d’une loi

Les institutions financières à vocation sociale, éthique et/ou environnementale de toute l’Europe qui composent le réseau de la FEBEA en font un partenaire irremplaçable des législateurs et des régulateurs qui concevront, mettront en œuvre et superviseront la législation nécessaire qui doit être mise en place pour réparer les marchés bancaires détraqués. Votre expertise est d’une importance particulière car la plupart des élus ne sont pas des banquiers. Cependant ce sont eux qui supervisent les autorités européennes et nationales en charge des réglementations bancaires, ainsi que ceux qui conçoivent et mettent en œuvre les politiques urbaines et de développement, qui sont lourdement lésées par les comportements des grands réseaux bancaires. La crise actuelle démontre encore le besoin des élus et des fonctionnaires de tout niveau de pouvoir faire appel aux expertises indépendantes face aux affirmations des lobbyistes bancaires.

Je me permets de remarquer que la crise actuelle démontre en quelque sorte que certains conseils d’administration de banques auraient besoin de consulter les experts de la Febea !

Pour conclure, je suggérerai aux membres de la Febea et aux autres banquiers – tout comme aux responsables européens et nationaux – de prendre en compte les points suivants qui peuvent servir de base raisonnable et éprouvée à une législation. Ils devraient bien entendu s’appliquer aux banques domestiques tout comme aux banques étrangères, comme contrepartie naturelle aux cautions d’état, à la garantie des dépôts et aux autres subventions consenties.

1. Instituer une « obligation positive » de toutes les banques de prêter et de fournir des services et des conseils sur l’ensemble des territoires d’un pays de manière équitable, sûre et saine.

2. Exiger une transparence des dépôts, de l’épargne, des financements et des services sur chaque territoire, avec le but explicite de faciliter le contrôle permanent par les directions des banques, par les régulateurs et à travers un dialogue public sur la performance de la banque.

3. Exiger que les régulateurs bancaires évaluent périodiquement les banques domestiques et étrangères sur leur performance en général et sur les territoires cibles en particulier et qu’ils publient les notations avec des données bancaires pertinentes.

4. Établir des sanctions basées sur la performance de la banque. Parmi les sanctions positives pourrait par exemple figurer la reconnaissance statutaire de la notation de la performance sociale comme critère légitime dans les appels d’offres.

Les législations existantes ou en cours de débat aux caractéristiques comparables
au CRA ou au HMDA

Australie (un code national d’uniformisation de la transparence des crédits à la consommation semblable au HMDA)

Brésil (« Resoluçaò 3019 » du Conseil monétaire national demande aux banques de réserver 2 % au microcrédit ; les caractéristiques de la Caisse économique fédérale)

Grande Bretagne (Section 106 « inclusionary zoning » – en français « aménagement du territoire inclusif » ; reconnaissance fiscale du « Social Impact Bond » – en français « obligation à impact social »)

Chine (étude en cours sur l’adaptation du CRA en vue de promouvoir et de contrôler les prêts et investissements bancaires en territoire rural)

France (le droit au compte bancaire ; le « bouclier rural », projet de loi en 2011 de transparence bancaire inspiré de HMDA ; le « Manifeste » du Secours Catholique (Caritas France) : voir www.secours-catholique.org/actualite/le-secours-catholique-travaille-a, 7433.html )

Inde (les réglementations indiennes des « Secteurs prioritaires de financements » qui consiste à dédier une partie de l’enveloppe de prêts bancaires à 14 secteurs de développement ; voir www.rbi.org.in/scriptds/FAQView )

Afrique du Sud (La « Charte des Services financiers » créée en 2004 dans le cadre du « Black Economic Empowerment Act » de 2003 ; voir www.fscharter.co.za/page.php?p_id=137 )

états-Unis (CRA ; HMDA ; plusieurs lois anti-discrimination ; le Bureau de Protection Financière du Consommateur) Pour le dispositif CRA / HMDA lire : http://entempsreel.com/2009/12/29/banques-et-territoires#attachments

Les chiffres clés américains du CRA
1 400 milliards de dollars de prêts alloués sur la période
1996–2009, dont 60 % sont des prêts aux PME

         Montant d’un prêt moyen à une PME : 39 000 dollars

         Engagements CRA des banques supérieurs à 4 500 milliards de dollars (2005 ; prévisions sur 10 ans)

68,5 milliards de dollars en investissements et services (1996-2009)

Comprenant les investissements dans les CDFI et l’achat de titres de placement CRA et des dons de plus de 2 milliards de dollars en vue de renforcer la capacité technique et financer l’expansion des banques et entreprises sociales de développement local.

Une qualité et une rentabilité des prêts CRA dans les normes

         • Des bénéfices normaux sur toutes les lignes de produits : le CRA n’est

           pas un oukase du crédit sur les banques.

         • La qualité des crédits CRA est équivalente voire meilleure que celle

           des crédits non CRA de même catégorie : ce sont des prêts aux

            risques maîtrisés.

         • Des crédits immobiliers de première catégorie : ce ne sont ni des

           crédits prédateurs ni des crédits à coûts élevés.

         • Des coûts administratifs/réglementaires mineurs pour les banques.

6000 organisations de Développement Local opérant sans aucune subvention publique spécifique

         • Le secteur emploie environ 55 000 personnes.

         • Des actifs consolidés atteignant environ 45 milliards de dollars.

         • Plus de 2000 banques sociales, coopératives et fonds privés éthiques

           comprenant 1 200 CDFI (institutions financières de développement

           local). 

         • 125 fonds de capital risque de développement local.

         • Les CDFI surmontent mieux la crise que bon nombre de petites

           banques.

(1) De multiples études conduites par la Federal Reserve Bank (FRB) et autres (voir l’annexe) confirment que le CRA n’a pas eu d’implication dans la crise des subprimes car  le dispositif exige, des prêteurs comme des régulateurs, d’assurer les contrôles sur la qualité et les conditions des crédits CA.

 

 

 

 

 

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