Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Intervenir concrètement contre les licenciements et pour l’emploi

Soutien des luttes sociales et contre-propositions

La décision a été prise par la direction du PCF de créer, au niveau national pour commencer, une « cellule de veille » face à la multiplication des plans de suppressions d’emplois et pour engager un suivi de la « grande conférence sociale » lancée par F. Hollande.

Les trois textes qui suivent constituent les éléments d’un rapport prononcé lors d’une rencontre avec les secrétaires fédéraux du PCF le 12 juillet dernier afin de s’inscrire dans cette démarche. Ils ont pour but de présenter quelques premières pistes de réflexion en ce sens visant à organiser l’action avec des contre-propositions.

Emploi : la Conférence sociale ne fait pas le poids

Le souci prioritaire de l’emploi est affiché dans un contexte très anxiogène où se multiplient les annonces de plans de licenciements, de fermetures de sites, de mises en liquidation d’entreprises.
La CGT avait alerté sur le fait que, à la demande de Sarkozy, ces opérations avaient été retardées, tandis que certaines, emblématiques, avaient donné lieu à quelques rafistolages servant surtout à alimenter un « plan com. ».

Le projecteur porte particulièrement aujourd’hui sur le plan de suppression de quelques 8 000 emplois directs en France chez PSA (ce qui menace entre 20 000 et 30 000 emplois induits) à propos duquel le ministre de l’Emploi, M. Sapin, a dénoncé une dimension « criminelle » de la démarche de retardement de Sarkozy.

Les effets retardés de nombre de ces dossiers se conjuguent avec une nette dégradation de l’activité économique sous le double impact (en France comme en Europe) des politiques d’austérité budgétaire et d’un sensible rationnement du crédit bancaire à l’industrie, tandis que, sur le marché mondial dont la croissance s’essouffle, une concurrence aveugle se déchaîne.
F. Hollande a été élu grâce, notamment, aux 4 millions de voix du Front de gauche, pour rompre avec l’autoritarisme de Sarkozy, mais aussi avec sa politique d’austérité.

Des promesses ont été faites, malgré tout, par F. Hollande, dont certaines sous la pression de notre campagne. Ainsi, celle d’accorder la priorité à la croissance et de « refuser l’austérité ». F. Hollande s’est beaucoup démarqué, alors, de Sarkozy en affirmant vouloir une autre implication des banques dans le financement de l’économie plutôt que l’appui apporté à la Finance spéculative.
Il a dit qu’il se battrait pour la croissance en Europe assurant même vouloir renégocier le pacte budgétaire signé par Merkel et Sarkozy. Il a souligné le besoin d’une « réorientation de la BCE » et, au-delà, de toute « l’Union européenne ».

Le sommet européen des 25 et 26 juin, c’est incontestable, a donné lieu à quelques ajustements à ce propos, au prix de certains reculs de A. Merkel.
Mais, outre que ces ajustements sont très insuffisants, ils sont assortis de contreparties politiques exigées par Merkel très graves pour les Français et les Européens.
On pense à la « sanctuarisation » de la BCE, confirmée plus que jamais au service de la domination des marchés financiers. On pense aussi à l’acceptation pleine et entière du Pacte budgétaire.
Mais ce sont les petits ajustements obtenus qui ont été mis en avant par F. Hollande et les médias, accréditant l’idée que le Président de la République a obtenu la renégociation promise.

Cela a marché de pair avec plusieurs annonces successives à forte charge symbolique à gauche : petit coup de pouce au SMIC, encadrement des loyers dans 43 villes, révision partielle de la loi sur les retraites, abrogation de la TVA sociale, volonté affichée de contenir l’augmentation des tarifs du gaz, alourdissement sensible de l’ISF, taxation de 3 % sur les dividendes, prélèvement exceptionnel sur les banques, stabilisation du nombre global de fonctionnaires…

Ces mesures ont été largement mises en avant comme autant de marqueurs du refus d’un « tournant dans la rigueur », comme l’a affirmé J.-M. Ayrault, devant l’Assemblée nationale.
Mais ces annonces immédiates très insuffisantes (Cf. SMIC) ont été faites en même temps que celle d’une forte restriction des dépenses publiques et sociales pour 2013 et jusqu’en 2016.

Et s’il est prévu, pour 2013, de ne pas faire diminuer l’effectif global de la Fonction publique c’est par simple redéploiement d’effectifs vers les ministères prioritaires (éducation, Justice, Gendarmerie) au détriment de tous les autres. Parallèlement était annoncé un gros coup de frein sur les dépenses d’assurance-maladie (+2,7 % en 2013 contre une tendance de +4 %) et un rationnement pour les collectivités locales.

La Conférence sociale s’est tenue dans ce contexte, paradoxal, de mesures immédiates rassurant ceux qui ont voté pour Hollande et des mesures, à partir de 2013, annonçant en pratique un « moment fort de rigueur », comme l’a dit M. Lebranchu, ministre de la Fonction publique.

Cette Conférence sociale cherche à envoyer un message de rupture avec la méthode autoritaire des « sommets sociaux » de Sarkozy et son mépris pour les « corps intermédiaires ».

Elle se présente comme ouvrant grand le champ du « dialogue social ».

1. Un bilan d’étape serait dressé d’ici un an, à partir de la mise en œuvre d’une feuille de route comprenant un calendrier et l’annonce d’un suivi dans la durée, mais sans aucune décision immédiate face aux urgences des suppressions d’emploi et des pressions à la baisse des salaires.

2. À la demande de F. Hollande, le « dialogue social » pourrait être inscrit dans la Constitution, ce qui est porteur là aussi d’ambivalence : d’un côté, c’est la place importante reconnue aux « partenaires sociaux » pour tout ce qui touche à l’économie et au social mais, d’un autre côté, c’est le risque que soit accordée une place de plus en plus importante au contrat au détriment de la loi.

Placée sous la priorité de l’emploi, cette Conférence sociale a surtout servi, pour l’heure, à commencer de défricher les voies d’un nouveau « compromis à tous égards historique », comme l’a dit J.M. Ayrault, avec, au cœur, des bases pour un consensus sur la réforme du financement de la protection sociale. Et cela sous une double contrainte :

• La contrainte d’un retour à l’équilibre des comptes publics et sociaux d’ici à 2017 avec, dès 2013, un rapport « déficit/PIB » ramené à 3 %, alors même que la croissance ralentit dangereusement. J.-M. Ayrault a martelé très fort sur le thème de la réduction de « la dette qui nous dévore » à propos de laquelle il a appelé à une « lutte pour la souveraineté nationale » !

• La contrainte d’une augmentation de la compétitivité des entreprises qui, sous la pression du Medef, a fait converger la Conférence, hormis la CGT et FO, vers l’idée que le « coût du travail » serait trop élevé en France.

F. Hollande, après le ministre de l’économie P. Moscovici, a ouvertement tendu la main au Medef là-dessus, en ouverture de la Conférence sociale.

C’est un changement de pied par rapport à sa campagne présidentielle au cours de laquelle il s’était attaché à relativiser cette question en soulignant que d’autres facteurs, « hors coût du travail », ont joué le rôle essentiel dans la perte de compétitivité, l’effort insuffisant d’innovation notamment.

Simultanément, L. Gallois, ancien co-président d’EADS et PDG d’Airbus, nommé, en juin dernier, Commissaire général à l’investissement dans le cadre du « Programme des investissements d’avenir » (ex. « Grand emprunt »), s’est vu confier par F. Hollande “une mission sur la compétitivité de nos entreprises” pour «préparer la mise en œuvre d’actions concrètes, d’ici la fin de l’année». Au cours des « Rencontres économiques d’Aix-en-Provence », L. Gallois a prôné un « choc de compétitivité » : transférer 30 à 50 milliards d’euro des cotisations sociales patronales vers l’impôt des contribuables « aux salaires relativement élevés » !

Le gouvernement Ayrault, le premier jour de la Conférence, s’est montré disposé à envisager le remplacement de la TVA sociale, abrogée comme promis, par une augmentation de la CSG susceptible d’être complétée par « d’autres recettes » prélevées sur les ménages comme, par exemple, une taxation écologique, en affirmant qu’il faut alléger les prélèvements sociaux sur le travail. Ce qui a rempli d’aise L. Parisot, présidente du Medef.

Cependant, le deuxième jour, J.-M. Ayrault, en conclusion de la Conférence, au lieu de plaider, comme s’y attendaient le Medef et la presse, pour une plus grande flexibilisation du marché du travail avec la « flexisécurité », a demandé aux « partenaires sociaux » de négocier sur une « meilleure sécurité de l’emploi » en même temps qu’il a confirmé, pour la Fonction publique, la fin de la RGPP. Ce qui a fait dire alors à L. Parisot que le gouvernement méprise les « entrepreneurs ».

Les jours suivants, on a même eu droit à des nuances apportées par le gouvernement à propos de la CSG, des sondages indiquant combien est peu populaire l’idée de son augmentation.

Bref, des signaux contradictoires ont été envoyés à toutes les parties. Cela annonce un tâtonnement, bien sûr, mais aussi une grande ambition d’intégration du mouvement syndical, des élus, et aussi du patronat, par F. Hollande et J.-M. Ayrault.

Cette manœuvre pourrait s’avérer très dangereuse car, dans les concertations et négociations à venir, il pourrait s’agir, surtout, de faire intégrer par les salariés, les chômeurs, retraités, élus, les contraintes requises par les capitaux financiers dominants en France et en Europe. Il pourrait s’agir d’arriver à faire accepter par le peuple qu’il n’y a pas d’autres voies possibles pour sortir des difficultés que de se serrer lui-même la ceinture avec la promesse que ça ira mieux demain.

D’ailleurs, le Premier ministre a bien rappelé le « timing » devant l’Assemblée nationale : On commence par manger le « pain noir » avec de gros efforts « dans la justice » accompagnant les nécessaires réformes structurelles, puis, dans un second temps, l’amélioration de la conjoncture nationale aidant, viendrait le moment de la répartition.

Si l’on en croit Stéphane Le Foll, proche de F. Hollande et ci-devant ministre de l’Agriculture, de l’Agro-alimentaire et de la Forêt, cela requiert deux quinquennats : le premier « pour réparer » le pays, et le second pour « le rendre plus fort et plus juste » (Le Monde du 10.07.2012) !

Cette ligne politique laisse donc envisager que le gouvernement et les dirigeants socialistes chercheront à entretenir en permanence un contact, le plus étroit possible, du local au national, avec les « corps intermédiaires » via, notamment, leur plus large implication dans les gestions d’entreprise et dans les choix territoriaux, et, cela, toujours en articulation avec les engagements de la France en Europe.

Par exemple, A. Montebourg, le ministre chargé du Redressement productif, a décidé de créer 22 commissaires au redressement productif dont on peut penser que, en liaison avec les préfets mais aussi les élus, les syndicats et les patronats dans les régions, ils auront un rôle intégrateur à jouer, dans le cadre d’un prochain « Acte III de la décentralisation » notamment.

Cependant, ce qui prédomine, pour l’heure, dans les contradictions de cette ligne, c’est l’aspect social-libéral favorable au capital, à la rentabilité financière, à la domination du marché financier…

Il se prépare un très gros effort pédagogique pour faire se résigner à l’idée qu’il faut faire pour le capital avant que d’espérer quoi que ce soit de neuf pour les salariés. Et cela avec la mise en avant des deux grandes thématiques mobilisatrices : Le redressement national et l’effort « dans la justice ».

Pour ce faire, deux objectifs immédiats de redressement seront mis en avant : l’innovation et l’exportation. Avec, particulièrement, le souci affiché de faire des PME l’aile marchante de leur réalisation, avec l’appui de « l’économie sociale et solidaire ».

On ne saurait, dans ces conditions, laisser passer le train en dénonçant les « capitulations » de Hollande et en prophétisant à la fois son échec et le fait que le Front de gauche pourrait en ramasser les dividendes.

On ne saurait, non plus, se contenter de réclamer, par préalable, un référendum sur le Pacte budgétaire, par ailleurs absolument nécessaire, sans s’impliquer, totalement et tout de suite, aux côtés des salariés, aux côtés de tous ceux qui, le 6 mai, ont voté F. Hollande pour des résultats immédiats.

La grande question c’est d’arracher, ici et maintenant, des résultats positifs pour les salariés et les populations ; et cela, en cherchant, du même pas, à rassembler pour d’autres orientations d’ensemble  ce qui exige une cohérence au service du développement des salariés et des populations. C’est le sens de la pétition que le PCF lance pour cet été.

Toute décision économique et sociale locale, régionale, nationale, européenne doit impérativement avoir une traduction chiffrée, mesurable et croissante, favorable pour la vie et l’avenir des salariés, des populations et de leur niche écologique, la Terre. Voilà la règle qu’il faudrait arriver à imposer.n

Le débat idéologico-économique face aux licenciements

A- Une situation économique et financière catastrophique pour l’emploi

La croissance ralentit de partout dans le monde. En zone euro, où la crise de la dette fait rage et pèse sur le monde entier, la croissance, après avoir été nulle au premier trimestre 2012, deviendrait négative au second trimestre (-0,2 %) et au troisième (-0,1 %).

Cette situation très dégradée résulte, répétons-le, de la conjonction des politiques d’austérité sencées réduire le poids des dettes publiques et de la restriction du crédit des banques. Le chômage est au plus haut, frappant massivement les jeunes et les seniors.

Pourtant, la BCE a injecté dans les banques 1 000 milliards d’euros à 1 % sur trois ans. Il est clair que cette création de monnaie massive a servi, surtout, à soutenir le rendement des actions des banques et la spéculation.

Cette situation pèse très lourd sur la croissance française, à un point tel que le gouvernement Ayrault a été amené à réviser fortement en baisse les hypothèses économiques pour 2012 et 2013 par rapport à celles qui sous-tendaient le programme Hollande : la croissance ne serait que de 0,3 % en 2012, au lieu de 0,7 %, et de 1,2 %, en 2013, au lieu de 1,75 %.

Pour autant, cela n’a pas conduit à changer les objectifs en matière de réduction du rapport « déficit public/PIB » !

Le gouvernement compte, à partir de 2013, sur une reprise progressive de la croissance mondiale, alors même que le maintien des choix budgétaires va contribuer à la faiblesse de la croissance française et européenne, pesant sur la croissance mondiale.

Face aux difficultés croissantes sur des débouchés où la concurrence est de plus en plus féroce, face aux difficultés d’accès au financement, des tas de PME mordent la poussière, tandis que les grands groupes rivalisent dans les restructurations contre l’emploi un temps retardée au profit d’une éventuelle réélection de Sarkozy.

La société Trendéo, qui a créé l’Observatoire de l’investissement, note, en mai et juin 2012, une augmentation de 130 % des suppressions d’emplois privés par rapport à mai-juin 2011 (22 200 contre 9 500), et cela alors même que « la période de janvier à avril 2012 était plus calme que celle de janvier-avril 2011 » (32 700 suppressions en 2011 contre 28 700 pour 2012).

Ces mesures, annonce-t-on, devraient s’amplifier. Clairement, les grandes sociétés, comme en 2008, avant la récession de 2009, prennent des « mesures préventives » massives. Certes, ces décisions font écho au ralentissement de la croissance, mais elles vont précipiter d’autant plus les difficultés économiques et sociales que les dirigeants utilisent cette situation pour « charger la barque » des restructurations, afin d’alléger au maximum les coûts (salariaux) en perspective d’une éventuelle reprise qui sera hyper concurrentielle.

La CGT avait identifié 46 entreprises menacées avec 45 000 emplois en jeu initialement. Elle a été amenée à porter ce chiffre à 70 000 il y a peu.

Les derniers recensements, publiés le 6 juillet dans Le Monde, font état de 84 entreprises concernées pour 60 000 emplois directs menacés, ce qui signifie 100 à 120 000 emplois menacés au total.

Le secteur automobile, qui a été si fortement aidé par l’État (prêts de 6 milliards d’euros et prime à la casse), présente le bilan le plus lourd, avec plus de 13 000 emplois menacés, en particulier chez les équipementiers, mais avec un record qui concerne PSA.

Mais le textile, le secteur des transports (Air France), le commerce et la distribution, la sidérurgie, l’agro-alimentaire et, même, la téléphonie, les banques, les assurances, sont concernés.

A chaque fois on retrouve un problème de diminution des débouchés, en liaison avec l’énorme pression sur les salaires et, donc, la demande salariale, et, jusqu’à il y a peu, le haut niveau €/$. Mais, surtout, cela se conjugue à des difficultés croissantes sur le financement qui, dans bien des cas, ont conduit à ajourner des investissements et à rogner tant et plus sur les dépenses de formation et de recherche-développement, ce qui ruine l’efficacité des entreprises et de l’économie.

Tout cela se fait sur un fond où les grands groupes français imposent des conditions de plus en plus criminelles aux PME-PMI.

En 2011, les groupes du CAC 40 ont réalisé pour 74 milliards d’euros de bénéfices nets, ce qui marque, certes, un recul de 9,7 % sur 2010 avec le freinage de l’activité du deuxième trimestre. Mais ils ont versé près de 51 % de ces bénéfices en dividendes contre 49 % en 2010.

Il faut ajouter que l’an dernier, pour accroître le rendement pour les actionnaires, ces grands groupes ont racheté leurs propres actions à hauteur de 5milliards d’euros, soit près du double de 2010 (2,5 milliards d’euros).

Et c’est parce qu’ils n’ont pas cessé de casser et de précariser l’emploi, de limiter les investissements et les efforts de recherche et de formation en France et en Europe qu’ils ont accumulé, en 2011, une trésorerie de 267 milliards d’euros, soit l’équivalent de la totalité des ressources nettes de l’État !

Ces grands groupes sont très internationalisés et continuent massivement de délocaliser.

En 2009, selon les données Insee-FAST, 52 % de l’ensemble des filiales et des effectifs des groupes français internationalisés étaient situés hors de France où ils réalisaient la moitié de leur chiffre d’affaires.

La centaine des plus grands de ces groupes (dont l’effectif employé est supérieur à 10 000) réalisaient, alors, près de 60 % de leur chiffre d’affaires à l’étranger.

Notons que les secteurs de l’industrie représentent 54 % du chiffre d’affaires réalisé par les filiales étrangères des groupes français internationalisés. Quatre secteurs concentrent la moitié du chiffre d’affaires industriel : la cokéfaction et le raffinage (14 %) ; les industries alimentaires (13 %) ; l’industrie automobile (13 %) ; la fabrication d’équipements électriques (10 %).

Ces grands groupes français internationalisés ont vu leur chiffre d’affaires consolidé « monde » baisser de 2,7 % entre 2007 et 2009, avec le ralentissement de la croissance mondiale et la chute du commerce international. Mais, dans le même temps, l’effectif et le nombre global de filiales de ces groupes ont crû respectivement de 2,7 % et de 4,9 % !

Il faut, ici tout particulièrement, citer Sanofi qui s’apprête à détruire 1 000 emplois, et qui a réalisé, l’an dernier, un bénéfice net de 5,7 milliards d’euros (+4 %) et en a distribué 44 % en dividendes aux actionnaires.

Il ne faut pas oublier de parler des grands groupes bancaires français, parmi les plus internationalisés au monde et aussi parmi les plus « extravertis », c’est-à-dire les moins impliqués dans le financement de la croissance réelle de leur pays d’origine. Ils comptent 2 150 filiales hors de France qui emploient près de 300 000 salariés.

Citons, particulièrement, BNP-Paribas qui, l’an dernier, a affiché un bénéfice net de 6 milliards €.

Pour s’internationaliser, mettre la main sur des débouchés, des potentiels de recherche-développement, des personnels qualifiés, accéder à des financements et, aussi, s’affronter à d’autres grands groupes, ces multinationales à base française ont été massivement aidées par l’État. Ce sont elles qui bénéficient d’une très grande part des 172 milliards d’euros annuels de « niches fiscales et sociales » accordées aux entreprises et pointées par un rapport du Conseil des prélèvement obligatoires.

On trouve, dans ces avantages, sans aucune contrepartie pour l’emploi, la formation, les salaires en France, les exonérations de cotisations sociales patronales dont le montant cumulé total depuis 1993 dépasse largement des 200 milliards d’euros.

Ces grands groupes, totalement dé-responsabilisés socialement et territorialement, alors qu’ils bénéficient en permanence du travail, de la créativité et des ressources des Français, sont directement responsables de la désindustrialisation de la France où les investissements consentis servent surtout à diminuer l’emploi (investissements dits de productivité).

Ils se sont massivement endettés pour étoffer leur réseau mondial de domination, lancer leurs OPA et raids boursiers à l’étranger qui, dans les années 2000, se sont emballés : en 2006, les acquisitions d’entreprises étrangères par des multinationales françaises dépassaient les cessions de 30 milliards de dollars : la même année, les groupes allemands cédaient, eux, plus d’entreprises (8 milliards de dollars) qu’ils n’en achetaient. Et cela s’est accentué jusqu’à la crise de 2008-2009.

Aujourd’hui, cet endettement accumulé se met à peser d’autant plus lourd en France que la croissance des débouchés se ralentit.

D’où le lancement de nouvelles restructurations d’ampleur, comme chez PSA qui, pour faire face à ses échéances financières, doit se procurer un peu plus de 10 milliards d’euros à moyen terme. Mais on retrouve cette configuration chez Air France aussi.

Il faut mettre en parallèle la situation des PME

Alors que, sous le quinquennat Sarkozy, les groupes ont vu leur taux d’imposition effectif sur leurs bénéfices réduit à 8 %, alors que le taux officiel est de 33 %, les PME ont vu leur taux majoré de l’ordre de 20 % dans le même temps (G. Carrez. Rapporteur Commission des finances à l’Assemblée nationale).

Simultanément, ces PME, surtout dans l’industrie, ont subi de plein fouet le resserrement du crédit bancaire, malgré les énormes aides accordées aux banques. Et ça continue aujourd’hui ! En mai dernier, selon la Banque de France, l’encours des crédits mobilisés par les PME des groupes a crû de 5,1 % sur un an, contre 3,5 % seulement pour les PME indépendantes. Surtout, les encours de crédits mobilisés dans l’industrie manufacturière ont diminué de 0,2 % sur un an, alors qu’ils ont augmenté de 5,4 % dans les activités immobilières.

Selon le dernier baromètre sur le financement et l’accès au crédit des PME, réalisé entre mai et juin derniers, pour le compte de la CGPME, 73 % des dirigeants de PME interrogés constatent un durcissement des conditions de financement des banques (+5 points par rapport à la dernière enquête faite en mars).

Et c’est ainsi que l’on se retrouve aujourd’hui – selon une étude d’Altarès – avec, au second trimestre 2012, une explosion des faillites des PME de plus de 50 salariés : +27 % par rapport au 1er trimestre 2012 et + 49,5 % par rapport au 2e trimestre 2011.

Selon Altarès, l’ensemble des procédures judiciaires de faillite au second trimestre 2012 concerne 72 500 salariés, soit le chiffre trimestriel le plus élevé depuis 5 ans.

On retrouve dans le lot le volailler Doux, l’usine Technicolor d’Angers, la filiale gardiennage de Néo-Sécurité, la société bretonne d’accastillage Navimo… Tout cela avec, au bout du compte, une terrible pression sur l’emploi, les qualifications et les salaires dans les régions.

Rappelons, à ce propos, que le taux de chômage officiel de la France est à 10 % et atteint même 22,5 % pour les jeunes de 15 à 24 ans, tandis que les contrats « a-typiques » (CDD, contrats aidés, intérim) représentent environ 7 % de la population totale.

L. Parisot a prédit, juste avant la Conférence sociale, une rentrée noire en septembre affirmant que le nombre de dépôts de bilan pourrait être « massif », si, d’ici là, le gouvernement ne s’engage pas clairement à créer les conditions d’une forte baisse du coût du travail et d’une facilitation des restructurations. C’est une vraie menace qui cherche à imposer que le gouvernement s’inscrive dans une perspective refusée par la majorité des Français le 6 mai dernier. Elle rejoint celle, plus récente et encore plus violente, du député Estrosi qui n’a pas hésité à déclarer : «Si nous étions en place, PSA ne fermerait pas Aulnay» (Le Monde.fr du 16.07.2012), de quoi suggérer que la famille Peugeot a décidé un coup de force contre le choix démocratique du 6 mai.

Plaidant pour l’avènement de procédures collectives de ruptures à l’amiable (conventionnelles) du contrat de travail, la patronne du Medef a exhorté F. Hollande à faire comme Obama, lors de son soutien à l’industrie automobile en 2008-2009, c’est-à-dire à laisser les patrons ajuster et restructurer comme ils l’entendent, pour pouvoir devenir « performants ». Bref, laisser fermer le site d’Aulnay-sous-Bois et supprimer 8 000 emplois chez PSA, c’est bon pour la France !

F. Hollande, à la Conférence sociale, a déclaré que « l’État ne pourra pas rester inactif » devant les plans sociaux en cours, sans en dire plus. Il s’agit sans doute pour lui d’adopter une posture verbale qui le différencie du tristement célèbre « l’État ne peut pas tout » de L. Jospin face aux suppressions d’emplois chez Michelin en 2000, ou du tout aussi célèbre « dans la lutte contre le chômage on a tout essayé » de F. Mitterrand.

Et aucune décision d’urgence n’a été envisagée explicitement pour ce qui concerne les licenciements boursiers. Pire, ont été retirées de la feuille de route de la Conférence sociale les questions relatives aux « licenciements abusifs » et à  la reprise d’un site rentable par un repreneur contre l’avis de celui qui liquide. Rappelons, à ce propos, qu’une proposition de loi communiste a été adoptée au Sénat et que Pierre Laurent, avec les chefs des groupes parlementaires communistes et Front de gauche, a demandé de faire discuter à l’Assemblée nationale, appelant, d’ici là, le gouvernement à décréter des moratoires suspendant tous les plans sociaux.

Il est important de signaler que, sur ce fond, grandissent les luttes, le plus souvent défensives comme chez PSA ou Sanofi. Mais des succès sont remportés conduisant dans certains cas à l’annulation des plans de licenciements par les tribunaux de grande instance comme dans le cas de Good Year, de Sodimedical et Leaderprice…

B- Le retard de la France par rapport à l’Allemagne : quelles réalités et que faire ?

Dans une interview au journal Le Monde (31.05.2012), le ministre en charge du Redressement productif, A. Montebourg, affirmait déjà que « pendant ces dix dernières années, notre principal partenaire commercial, l’Allemagne, a mené une politique salariale restrictive, ce qui lui a permis d’améliorer sa compétitivité ». Il remarquait alors que « cette politique a ses limites en Allemagne même, puisque le syndicat IG-Metall a obtenu une hausse des salaires de 4 %, que les fonctionnaires allemands ont été augmentés d’un peu plus [...]. Tout cela va dans le sens d’un meilleur équilibre entre les situations économiques et sociales des pays européens. » Et s’il reconnaissait, de façon un peu velléitaire, qu’il faut « considérer la compétitivité dans tous ses aspects, y compris hors coût », il ajoutait crûment : « Le financement de la solidarité et son coût, qui pèse sur les entreprises exposées à la concurrence européenne et mondiale, sont un des thèmes qui pourraient être inscrits dans le cadre de la conférence sociale. »

Ce propos suggérait deux choses :

1. Il y aurait bien un problème de compétitivité insuffisante, pour l’industrie française, qui serait du à un excès de coût du travail ;

2. Et, donc, il ne saurait être question de céder face aux revendications salariales (cf. le refus de donner un fort coup de pouce au SMIC) car il s’agirait de retrouver un peu de la compétitivité-coût perdue ces dernières années face à l’Allemagne, en profitant des hausses salariales que sont obligés de consentir les employeurs outre-Rhin.

Cette position annonçait déjà celle que le ministre de l’économie et des Finances, P. Moscovici, allait développer, après l’annonce traumatisante de la suppression de 8 000 emplois chez PSA et la violente charge portée par P. Varin, son PDG, contre le prétendu excès de coût du travail en France.

Il déclarait, en effet, dans Le Monde (16.07.2012) : « Il y a dix ans nous avions un avantage en matière de coût du travail sur l’Allemagne. Nous l’avons perdu, mais [...] ce n’est pas ça qui explique » cependant l’efficacité productive supérieure de l’Allemagne. Et, après avoir dit qu’il faut regarder « ce qu’on appelle la compétitivité hors-prix », il déclarait néanmoins : « Nous ne pouvons pas continuellement avoir des charges sociales qui pèsent sur le travail », pour justifier le fait que le gouvernement examine la piste d’un « transfert des cotisations sur la CSG ».

Bref, la cause principale du manque d’efficacité de l’industrie française, face à sa concurrente d’outre-Rhin, n’est pas due à un coût du travail trop élevé, mais il faut tout de même le baisser en allégeant les cotisations sociales patronales !

On retrouve là toutes les contradictions de la ligne politique tenue par F. Hollande et le gouvernement Ayrault durant la Conférence sociale.

D’un côté, en effet, ils disent refuser le « tournant dans la rigueur » et, en même temps, ils développent un raisonnement qui, en substance, est le suivant :

• La priorité des priorités c’est l’emploi ;

• Mais l’emploi dépend de la croissance. Autrement dit, l’emploi ne serait pas un facteur de croissance mais seulement une conséquence de la croissance… si celle-ci existe ;

• Hors, la croissance, qui n’existe pas aujourd’hui, nécessite, en préalable, le recul des déficits et dettes pour ce qui concerne les comptes publics, et un relèvement de la compétitivité pour ce qui concerne les entreprises.

Au total, on part d’une priorité affichée à l’emploi pour, au nom de la croissance, finir par justifier le double préalable du désendettement public et, donc, nous dit-on, du rationnement des dépenses publiques et sociales, et de la baisse du coût du travail (salaires et cotisations sociales) au nom de la compétitivité. Deux préalables qui, au total, vont s’opposer à la croissance de la demande et à un essor des emplois et des qualifications, ce qui va miner encore plus en profondeur l’efficacité du système productif, donc la compétitivité, et le redressement des comptes publics et sociaux.

Il faut entrer dans ces contradictions, en mettant fortement en avant, dans le débat idéologique qui fait rage et à l’appui des luttes, nos idées alternatives, notre cohérence de propositions, d’autant plus que les 11 % de l’élection présidentielle en attestent le périmètre de la radicalité tend à s’élargir.

Le débat sur la compétitivité

Le Medef n’hésite pas à répéter, encore et toujours, qu’il y a en France un « excès de coût du travail » qui expliquerait nos difficultés à l’exportation, donc notre commerce extérieur très déficitaire (70 milliards d’euros en 2011) et, en conséquence, nos pertes d’emplois, dans l’industrie particulièrement. D’où cette campagne nationale permanente pour la baisse des « charges sociales », en fait les cotisations sociales patronales, tout en continuant de considérer comme le diable l’éventualité d’une augmentation générale des salaires, qui, à l’image de l’augmentation du SMIC, aussi faible soit-elle, serait destructrice d’emplois.

Ces pourfendeurs du « modèle social » français, qui serait la cause fondamentale de l’inefficacité de notre système productif, mettent alors sans cesse en avant le « modèle allemand ». Ils en vantent l’efficacité supérieure en prétendant qu’elle aurait été acquise grâce au « courageux » tournant de la politique sociale-libérale du chancelier G. Schroeder de baisse du coût du travail et de fléxibilisation précaire du travail et de l’emploi.

Il faut rétablir la vérité !

1- Les coûts horaires de main-d’œuvre dans l’industrie sont encore légèrement plus faibles en France qu’en Allemagne:

En euros, en 2008, selon les dernières données exhaustives disponibles (Eurostat-Insee), le coût horaire était de 33,20 € dans l’industrie française, contre 33,40 € dans l’industrie allemande.

Dans la construction automobile, point fort de l’Allemagne (40 % des exportations industrielles), le coût horaire, en 2010, était de 43,14 $, selon le département US du travail, alors qu’en France, dont le commerce extérieur en ce domaine est déficitaire depuis 2006 (5,3 milliards d’euros en 2011, 3,8 milliards d’euros en 2010), le coût horaire n’est que de 33,38 $.

2 - Les salaires bruts plus élevés en Allemagne:

Selon le rapport de juin 2010 de la commission des comptes de la sécurité sociale, le salaire annuel brut moyen des salariés à plein temps de l’industrie et des services, était, en 2008, 43 942 € en Allemagne, et 32 826 € en France (écart de 34 %). En net, après impôt, l’écart est plus faible mais il demeure en Allemagne supérieur à ce qu’il était alors en France.

3- L’efficacité de l’industrie allemande tient d’abord à la qualité de ses relations avec les banques:

En France les banques sont très extraverties. Privatisées, elles ont démesurément développé leurs opérations sur les marchés financiers et en dollars, aux États-Unis même, en rationnant le crédit pour la croissance réelle et l’emploi en France. Elles ont énormément contribué à l’essor de la spéculation par un fort accroissement de leurs « opérations pour compte propre » (cf. l’affaire Kerviel).

En 2007 un grand groupe français, pour conduire une OPA sur une société scandinave, a pu bénéficier d’une ligne de crédits de 13 milliards d’euros à 3 % le taux d’intérêt. En même temps la PME devant faire un investissement de capacité nécessitant quelques emplois et des mises en formation devait supporter un taux d’intérêt de 6 à 8 % et mettre en hypothèque la résidence principale de l’employeur.

En Allemagne, le secteur public bancaire avec les secteurs coopératif et mutualiste dominent pour les deux tiers le marché bancaire allemand. Les banques des Länder détiennent elles-mêmes 20 % de ce marché. Ce pays a développé le concept de la « banque maison » : les entreprises allemandes entretiennent avec leur banque, souvent unique, des relations suivies de partenariat à long terme. Ce type de relations fait que les faillites sont moins nombreuses en Allemagne et les banques sont moins rentables financièrement qu’en France.

Malgré la poussée du marché financier outre-Rhin, avec le chancelier social libéral G. Schroeder, ce principe de « banque maison » demeure prédominant outre-Rhin. Il permet à l’industrie allemande d’être beaucoup plus efficace sur la liaison recherche-formation-production et de développer aussi une « compétitivité hors coût du travail » bien supérieure à celle de l’industrie française.

4 - Recherche-développement: l’industrie allemande loin devant l’industrie française:

La part de l’Allemagne dans la recherche-développement industriel mondiale est de 10,1 % contre 5,3 % seulement pour la France. Et, pour 2012, les perspectives de dépenses en recherche-développement du privé dans l’industrie étaient de 58 milliards d’euros en Allemagne, contre 28 milliards d’euros en France !

5 - L’effort de formation professionnelle des entreprises est plus efficace en Allemagne où on s’occupe plus de l’insertion dans l’emploi des jeunes qu’en France:

L’Allemagne compte trois fois plus de jeunes formés en alternance que la France. Le taux de chômage des moins de 25 ans, fin 2010, y était de 5,5 % contre 7 % pour l’ensemble de la population, alors qu’il était, à la même époque, de 24 % en France contre 9,3 % pour toute la population. Traditionnellement, en Allemagne, les entreprises, forment un nombre de jeunes supérieur à leurs besoins personnels car elles assument en partie la responsabilité de garantir en permanence la disponibilité d’une main-d’œuvre opérationnelle pour l’ensemble de l’économie. Et si, en France, plus d’argent est dépensé qu’en Allemagne pour la formation professionnelle, le taux d’accès des salariés à la formation est plus élevé outre-Rhin. C’est dire le gâchis des fonds de formation en France, sous le contrôle du patronat.

6 - L’irresponsabilité nationale et territoriale des groupes est plus forte en France qu’en Allemagne:

Les groupes se préoccupent plus, outre-Rhin, de l’efficacité des PME qu’en France où elles sont écrasées. Ils sont plus soucieux de leur base industrielle nationale que les groupes français quand ils s’internationalisent. Et l’exemple de l’automobile, dénoncé par un rapport du Conseil d’analyse économique du 31/12/2008 est parlant. Ce rapport souligne que « pour faire image, les producteurs allemands ont choisi le modèle industriel de la porsche Cayenne, les Français celui de la Logan, la première étant conçue et assemblée en Allemagne à partir de pièces détachées fabriquées à l’Est, tandis que la seconde est produite et exportée, pour l’essentiel, depuis la Roumanie » contre la base industrielle nationale.

Bref les groupes français ont privilégié la délocalisation vers les pays à bas coût salarial, contre le site national de production ! Renault a été le plus vite et le plus loin dans cette stratégie contribuant ainsi aux difficultés de PSA et à l’explosion des surcapacités de production en Europe.

Les groupes français aiment beaucoup plus les profits financiers que les groupes allemands. Dire cela n’a rien à voir avec une quelconque valorisation d’un prétendu « modèle allemand », car l’efficacité accrue de l’industrie allemande permet aux capitalistes qui la dominent d’infliger des pertes considérables aux industries étrangères, particulièrement en Europe. D’où le flux considérable d’exportations industrielles allemandes et les créances accumulées sur les pays concurrents. Bref, il y a une façon de faire du profit, à la française, avec un lourd penchant pour la finance, et une façon allemande de faire du profit, plus en prise sur la croissance réelle.

Aussi faut-il contre-attaquer sur le fond face à la culpabilisation du « coût du travail » par le grand patronat français.

7 - Ce ne sont pas les «charges sociales» qui pèsent sur la compétitivité des entreprises, mais les «charges financières»:

Les comptes de la Nation de l’Insee, pour l’année 2010, indiquent que, pour les sociétés non financières, (hors banques et assurances), les cotisations sociales patronales (charges sociales) ont prélevé 145 milliards d’euros sur leur valeur ajoutée. Mais les prélèvements financiers (en intérêts aux banques et en dividendes aux actionnaires) ont totalisé 308,8 milliards d’euros soit 2,13 fois les « charges sociales » !

Il faudrait sans cesse marteler que ce ne sont pas les « charges sociales » qui étouffent les entreprises, mais les charges financières des banques et les dividendes des actionnaires.

Et il faudrait, contre l’union sacrée recherchée pour baisser les cotisations sociales patronales et fiscaliser le financement de la protection sociale (avec la CSG et des taxes écologiques), construire un large rassemblement, y compris avec les patrons des PME, contre les charges financières et pour que les banques distribuent tout autrement le crédit et changent la nature de leurs relations avec les entreprises.

Cette bataille doit être menée plus que jamais face au recul de Hollande sur le coût du travail et au risque de basculer une partie de ce qui reste des cotisations sociales patronales vers la CSG.

Rappelons à ce propos que la CSG ne concerne pas les entreprises, mais les seuls ménages. Le remplacement des cotisations sociales patronales par l’impôt vise à supprimer la mutualisation du financement de la protection sociale à partir des richesses produites par les salariés dans les entreprises. La CSG, de plus, est une contribution prélevée pour l’essentiel sur les revenus d’activité et de remplacement (y compris les indemnités chômage) puisque les revenus financiers des ménages représentent 12 % de la base.

L’enjeu fondamental de ce basculement est bien celui d’une métamorphose réactionnaire du financement de la protection sociale par la disparition du financement réalisé à partir de ce qui dans la valeur ajoutée des entreprises ne sert pas à payer les salaires.

En effet, les cotisation sociales patronales sont calculées par rapport aux salaires versés, mais elles sont prélevées, non sur les salaires, mais sur la valeur ajoutée produite au-delà des salaires. Elles permettent ainsi un partage de profit pour protéger et développer les capacités humaines et non pour l’accumulation du capital. C’est cette conquête majeure que le patronat cherche à mettre en cause depuis la fin des années 1960 en cherchant à fiscaliser le financement de la protection sociale, arguant de ce que tout ce qui relève de la solidarité nationale ne saurait être pris en charge par les entreprises. En fait, il s’agit purement et simplement d’accroître la part des profits disponibles pour les patrons afin de faire face aux prélèvements financiers croissants en intérêts et en dividendes et accélérer les placements financiers, à l’étranger en particulier.

Ce bras de fer concerne inséparablement le prélèvement des impôts sur les entreprises dont on essaye tant et plus de s’exonérer, au nom de la compétitivité.

Mais ce recul du prélèvement fiscal sur les profits et le capital des entreprises (cf. taxe professionnelle) rend, en fin de compte, de plus en plus difficile le financement des services publics, tandis qu’avancent les privatisations.

8 - Le service public est absolument essentiel pour la compétitivité hors coût du travail des entreprises et pour le soutien de la demande, c’est-à-dire du débouché!

Dépenser plus pour la santé, pour l’éducation et la formation, pour la recherche, pour la culture, pour le logement social, pour les transports et les infrastructures collectives, pour l’environnement… cela contribue au développement de la productivité globale.

Allez essayer de bien faire tourner l’économie avec des technologies modernes mais avec des gens qui ne peuvent pas se soigner, qui sont insuffisamment formés et cultivés, avec de mauvaises infrastructures et de mauvais services de transport ! Vous verrez ce que cela donne…

La bataille pour faire baisser les charges financières, en impliquant autrement les banques et la Banque centrale européenne au lieu de dé-responsabiliser les entreprises face aux exigences de protection sociale et environnementale et aux besoins de services publics, est plus que jamais nécessaire dans un contexte où on dit qu’il faut, plus que tout, résorber la dette publique.

Cette question va prendre d’autant plus d’acuité politique que l’on dit vouloir mobiliser les banques au service du redressement national, contre la finance spéculative. F. Hollande et J.-M. Ayrault annoncent la création future d’une banque publique d’investissement (BPI). Arnaud Montebourg a déclaré qu’avec une banque publique d’investissement et le Livret d’épargne industrie : « les Français pourront investir dans les PME qu’ils connaissent, celles qui embauchent de leurs enfants, leurs voisins » ! Bel assaut de démagogie !

Car cette BPI, qui s’appuierait sur des fonds régionaux visant à impliquer les régions jusque dans la prise de participations dans des entreprises, ne ferait que rassembler sous une holding contrôlée par l’État et la CDC, la filiale « entreprise » de cette CDC, le fonds stratégique d’investissement (FSI) créé en 2008 et Oséo, mais sans du tout en changer les critères, les pratiques, la gestion. Et tout cela, au nom de l’aide à l’innovation et à l’exportation, notamment des PME, mais sans aucune considération précise pour l’emploi, la formation, les salaires.

Or, si le financement accru de l’innovation n’est pas accompagné d’un essor de la demande et donc des salaires et de l’emploi, et d’un essor des qualifications avec la formation, il sera gâché !

Par ailleurs, en l’état, aucune articulation précise n’est annoncée entre cette BPI et le reste du secteur bancaire pour lequel on se contente d’annoncer seulement une séparation entre les métiers de banque de dépôt et ceux de banque du marché financier, sans changement des critères du crédit.

Si on ne rentre pas dans la bataille, tout cela risque d’aboutir à la création d’une nouvelle méga-institution financière publique. Non pour transformer les relations entreprise/société dans un sens positif pour l’emploi et la vie des salariés et populations, mais comme le prescrit la lettre numéro 102 (mai 2012) du Trésor à propos d’Oséo, pour seulement « répondre aux imperfections sur le marché du crédit et de l’assurance qui peuvent conduire des entreprises à renoncer à innover ou à réduire leurs investissements ». Autrement dit, une institution financière publique accompagnant en quelque sorte le désengagement des banques privées et dont la mission serait de corriger cette défaillance du marché afin de soutenir l’investissement, c’est-à-dire l’accumulation de capital, sans aucun conditionnement par l’emploi, la formation, les salaires, la protection de l’environnement.

Nous devons prendre le taureau par les cornes, y compris parce que va monter très fort en France le besoin de recapitalisation des banques et, donc, la nécessité d’une maîtrise sociale nationale.

Comment commencer à organiser l’action ?

1 – Exiger des moratoires sur les décisions de suppressions d’emplois

Cette revendication est désormais portée par la CGT et même par FO. La CGT souligne le besoin de droits nouveaux des salariés d’intervention dans la gestion, pointant notamment la nécessité qu’ils disposent d’un droit de veto suspensif face aux décisions de suppressions d’emplois.

Il ne s’agit pas de geler la situation, mais de faire suspendre par le préfet les graves troubles causés à l’ordre public par les décisions intempestives de supprimer des emplois, fermer des sites, délocaliser, afin d’élaborer des contre-propositions.

a. Interventions à chaud : suspendre et contre-proposer

Le problème est d’arriver à imposer une négociation à l’employeur qui ne soit pas calibrée selon ses seuls critères du point de vue de l’efficacité et de l’avenir des entreprises ou sites en difficultés. Pour cela, l’État et les collectivités territoriales doivent brandir la menace d’annulation, voire de remboursement, de toutes les aides publiques sous quelque forme que ce soit.

Il s’agit de permettre aux comités d’entreprise et délégués du personnel de faire procéder à une évaluation contradictoire de la situation.

Il s’agit ainsi de vérifier si les difficultés que prétend traiter le patron en supprimant des emplois sont avérées. Cette idée que nous mettons en avant depuis plusieurs années, Arnaud Montebourg vient de la reprendre pour PSA.

Si ces difficultés ne sont pas avérées et que cela traduise, par exemple, la volonté de l’entreprise d’augmenter sa rentabilité, il faut exiger l’annulation du plan, en particulier si, comme dans le cas de Sanofi, les dividendes ont été versés.

C’est ce que nous appelons les « licenciements boursiers » pour lesquels nous demandons une loi d’interdiction dont le projet a déjà été adopté au Sénat sur l’initiative des parlementaires communistes.

Si les difficultés sont avérées, il s’agit que les comités d’entreprise et les délégués du personnel puissent disposer des moyens de faire valoir une contre-proposition pour traiter les difficultés observées par d’autres voies que les suppressions d’emploi et la compression de la masse salariale.

Aujourd’hui l’essentiel des décisions de suppressions d’emplois sont justifiées par les patrons au nom du manque de compétitivité ou/et en lien avec un endettement devenu trop lourd, alors que les banques rationnent.

Il s’agirait alors que comités d’entreprise et délégués du personnel puissent contre-proposer en cherchant à diminuer les « coûts du capital », au lieu du « coût du travail ».

Cela concerne, notamment, les intérêts prélevés par les banques pour le crédit, les dividendes versés aux actionnaires, les prélèvements des donneurs d’ordres sur la sous-traitance, de la grande distribution sur ses petits fournisseurs. Cela concerne aussi les gâchis d’équipements engendrés par l’insuffisance de formation des salariés…

Pour crédibiliser ce travail de contre-proposition des comités d’entreprise et délégués du personnel, il faut qu’ils puissent disposer d’un partenaire financier.

C’est l’une des raisons fondamentales pour laquelle nous demandons que soit créé, dans chaque région, un Fonds public régional qui serait alimenté par une partie des aides versées par le Conseil régional aux entreprises et qui sont, en général, inefficaces du point de vue de l’emploi, des qualifications, des salaires et du redressement productif.

Ce Fonds public régional, qui pourrait être saisi par les salariés en lutte, prendrait en charge tout ou partie des intérêts payés aux banques par l’entreprise concernée sur les crédits nécessaires pour se moderniser. Plus les investissements à réaliser programmeraient d’emplois et de formations et plus la prise en charge des intérêts sur le crédit par le fonds serait importante.

Et on pourrait rivaliser sur cette conception-là des Fonds régionaux avec celle avancée par le PS et sa BPI. Et d’ailleurs, dans notre idée, ces Fonds régionaux constitueraient les fondations pour un pôle financier public.

b. Interventions à froid : anticiper et prévenir les difficultés en répondant aux besoins sur les territoires

L’actualité peut nous aider à progresser. Arnaud Montebourg a décidé de s’entourer de 22 commissaires régionaux chargés du redressement productif. Pour l’heure, ces gens-là passent surtout du temps à faire expliquer leurs besoins par les patrons.

Pourquoi ne pas songer à créer dans les régions des collectifs de veille, d’action et de propositions qui aideraient, dans l’année, à faire dresser par la population, les comités d’entreprise, les syndicats, le mouvement associatif et les élus, en sollicitant aussi les pouvoirs publics, des employeurs et les banques, un inventaire des besoins d’emplois, de formation en liaison aussi avec le souci d’une cohérence et d’une modernisation des filières industrielles ?

Ce travail permanent d’inventaire, à l’appui des luttes, pourrait se conclure par l’organisation dans les régions, et jusqu’au niveau national, de conférences financières de sécurisation de l’emploi et de la formation où seraient délibérés et décidés des objectifs chiffrés annuels de création et de conversion d’emploi, ainsi que des mises en formation. On pourrait alors exiger des préfets, de l’État, des employeurs et des banquiers la réalisation de ces objectifs.

2 – L’enjeu fondamental du crédit

On vient de l’aborder, dès le niveau local, avec l’idée de créer des Fonds publics régionaux pour une réorientation du crédit, dès le terrain, favorable à l’emploi et à la formation.

Mais l’enjeu est à la fois national et européen.

a) Un débat est engagé sur la BCE, sa politique de taux d’intérêt pour « refinancer » les banques, ces injections massives de monnaie qui ne déverrouillent pas le crédit !

Nous exigeons que cette institution ait pour première priorité l’emploi, revendication naguère avancée par le PS et abandonnée aujourd’hui par Hollande. Mais cette priorité « emploi » doit être en appui sur une nouvelle règle.

Nous proposons que le taux d’intérêt du « refinancement » par la BCE des crédits bancaires aux entreprises en France et en Europe soit modulé et non pas uniforme. Il serait d’autant plus abaissé, jusqu’à être nul, voire négatif, que les crédits à refinancer servent à des investissements programmant plus d’emplois, de formation, de progrès écologiques mesurés.

Au contraire, ce taux d’intérêt serait relevé, jusqu’à devenir pénalisant, pour les crédits finançant la spéculation, les délocalisations.

b) Cette sélectivité nouvelle du crédit, nous voulons la construire tout de suite, ici en France, sans attendre d’avoir réussi à créer les rapports de force pour que ça change au plan européen, sachant en même temps que tout ce qui se fera de positif en France marquera d’une empreinte nouvelle l’orientation européenne poussant à sa transformation radicale.

Nous proposons la création d’un Fonds national de sécurisation de l’emploi et de la formation chapeautant tous les fonds régionaux et regroupant tous les fonds nationaux dévolus aujourd’hui à l’emploi et l’investissement. Il recueillerait aussi les 30 milliards d’euros que coûtent chaque année à l’État les exonérations de cotisations sociales patronales.

Ce Fonds, dont la gestion serait démocratique, contrôlée par le Parlement, et que les collectivités territoriales et les organisations de salariés pourraient saisir, aurait pour mission de prendre en charge tout ou partie des intérêts payés aux banques par les entreprises ou les crédits nécessaires à leurs investissements matériels et de recherche, en fonction du nombre d’emplois et de formation correctement rémunérés et de progrès écologique programmés.

Il serait ainsi conduit à impulser un nouveau mécanisme de crédit pour les investissements matériels et de recherche des entreprises : plus ces investissements programmeraient d’emplois et de formation correctement rémunérés, de progrès écologique et plus le taux d’intérêt des crédits pour les financer serait abaissé jusqu’à zéro, voire en dessous.

Et c’est pour développer ce nouveau crédit sélectif, favorable à une modernisation créatrice d’emplois et riche en qualifications, que nous proposons de constituer un pôle public financier à partir de la Caisse des dépôts, de la banque postale, d’Oséo, avec les banques mutualistes et coopératives, dans le respect de leur statut et incluant aussi des banques nationalisées. Car la question des nationalisations bancaires est appelée à revenir sur le devant de la scène avec les besoins futurs de recapitalisation.

Ce pôle financier public réorientera alors tout le système bancaire français et permettrait de peser lourd dans le débat de réorientation de l’Union européenne et de la Banque centrale européenne.

3 - L’enjeu fondamental des services publics

Contrairement à la logique du pacte budgétaire que l’on entend faire adopter en France, il faut exiger, à l’appui des luttes pour l’école, la santé, la recherche, de logement, la culture..., une relance des services publics et, donc, une augmentation des emplois et de la formation publics.

On en a vitalement besoin, pour des raisons de justice sociale et d’efficacité économique.

En effet, avec la révolution informationnelle, nous assistons à des changements technologiques de très grande ampleur et qui font de grosses économies de travail direct et de moyens matériels, bref qui engendrent des gains de productivité du travail considérables.

Mais, mobilisés par les patrons pour accroître le rendement des actionnaires, ces gains de productivité se traduisent, non par une baisse du temps de travail et de la charge de travail pour chacun, mais, au contraire, par des suppressions d’emplois qui augmentent le chômage et, ainsi, accentuent la pression sur les taux de salaire et la souffrance au travail de ceux qui ont un emploi.

Tout cela conduit, au total, à diminuer les débouchés de la production sur lesquels la concurrence est d’autant plus rude que tentent de s’y imposer les productions délocalisées dans les pays émergents. D’où l’apparition de surcapacités, comme dans la construction automobile où les gains de productivité sont de 6 à 7 %/ par an, tandis que le marché croît au maximum 1,5 à 2 % par an, quand il n’est pas en récession comme aujourd’hui.

Face à cela il y a deux solutions :

a. Agir au niveau européen contre le dumping social et écologique, mais avec une grande politique de coopération permettant aux pays émergents de se porter au niveau des normes sociales et environnementales européennes. Ce serait là, par exemple, le sens d’une taxation dont le produit serait dévolu à un fonds d’aide au développement de ces pays.

b. Mais il faudrait, surtout, développer la demande en France et en Europe, dans les conditions de révolution technologique actuelle. Et cela exige absolument un très grand développement de tous les services publics, car le service public c’est de la demande (demande d’éducation…). S’il ne sert pas directement à produire des produits matériels, il contribue de façon décisive à accroître l’efficacité de l’offre productive (éducation, formation, recherche…).

Aussi, il faut absolument exiger que le projet de budget pour 2013 rompe avec la tendance au recul des services publics, et pas seulement dans trois ministères prioritaires.

Simultanément, il faut exiger avec force que la BCE utilise son pouvoir de création monétaire pour financer directement un grand essor des services publics via un Fonds social, solidaire et écologique de développement européen, contrôlé politiquement, géré démocratiquement et qui serait chargé de répartir la monnaie créée par la BCE en fonction des besoins nationaux de chaque pays.

Cette proposition a été faite initialement par le PCF, reprise par le PGE et le Front de gauche. Le PGE entend la faire soutenir par le lancement d’une pétition européenne à l’automne.

Enfin, un mot sur le défi que constitue l’ouverture par la Conférence sociale d’une première période de 1 an pour la concertation sociale.

Il faut absolument nous impliquer dans ce suivi et commencer à constituer des dispositifs pour le faire, au plan national et fédéral.

Pourquoi ne pas constituer dans les fédérations les plus exposées à des problèmes immédiats un collectif qui, en liaison avec le mouvement syndical et associatif, en interpellant les élus, la préfecture, les services publics économiques décentralisés, serait chargé de dresser :

• la liste des entreprises en difficulté ou en passe de l’être ;

• la liste des atouts dont dispose le département ;

• la liste des besoins populaires d’emploi, de formation et de service public ;

• la liste des institutions saisies.

Le gouvernement entend faire accepter par les salariés et les employeurs la règle dite du « donnant-donnant », en réalité un cheval pour les employeurs, une alouette pour les salariés, comme par exemple avec une « sécurisation des parcours professionnels » qui serait de la flexisécurité si nous ne faisons pas avancer l’exigence de sécurisation de l’emploi et de la formation.

Il faut dire non ! Et exiger que les salariés, leurs organisations, les élus puissent mesurer et juger les résultats effectifs, chiffrés en matière d’emploi, de formation, d’évolution de la masse salariale de tout accord et décision concernant l’économie et le financement.

Il faut exiger la transparence sur toutes les négociations avec une publicité des résultats pour organiser la pression populaire tout le long de cette année et au-delà. n

 

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.