Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Fonction publique : Changer d'orientation et se donner les moyens...

L’ensemble des services publics, la Fonction publique avec ses trois versants sont au cœur des stratégies et choix économiques en cette rentrée sociale et ce à partir de deux aspects d’actualité qui émergent dans le débat :

  • La conjoncture mondiale et européenne avec les effets de la crise de 2008 omniprésents, exacerbés et amplifiés par les choix austéritaires des gouvernements européens, de la France et de la BCE. En Europe les prévisions de croissance sont nulles ou quasi nulles laissant prévoir, sans changement de politique de l’emploi, de l’industrie et du rôle des banques une accentuation des difficultés pour les populations ;
  • Les choix nationaux du gouvernement, pour certains d’entre eux en deçà des promesses de campagne et dans tous les cas très éloignés des ambitions nécessaires pour de réels changements, et le refus de soumettre le traité à un référendum ne sauraient cacher le contenu de celui-ci non renégocié au fond et porteur justement par ricochet d’une violence de démantèlement des services publics et de la Fonction publique rarement égalée dans notre histoire.

Avec l’annonce du PLF 2013, les libéraux s’emploient à ignorer la crise de l’endettement privé, les charges financières des entreprises et les dividendes versés. Ils veulent convaincre une partie des citoyens que la crise est d’abord une crise de la dette publique induite par la « gloutonnerie » des états, les salaires mirobolants et autres « privilèges » des agents publics ainsi que le vieillissement de la population à qui il faut verser des retraites et la trop grande générosité des programmes sociaux et de santé.

Le gouvernement, dans une démarche « d’adoucissement » de l’ordre existant, s’arrête à mi-chemin des réformes nécessaires. Il faudrait au contraire obtenir plus de recettes de telle sorte que les plus fortunés cotisent plus que les plus modestes. Et par ailleurs ne pas tomber dans la poursuite des exonérations de cotisations sociales pour les employeurs ou dans leur fiscalisation. En annonçant vouloir approuver le traité européen, le gouvernement condamne les services publics à toujours plus de rigueur et invite ses agents à être «réalistes» au nom de la crise et du poids de la dette publique.

Marilyse Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique annonçait en juin « que la démarche globale de réduction des dépenses publiques qui avait conduit à 150 000 suppressions de postes de fonctionnaires était tournée ». Dans la même déclaration elle qualifiait la RGPP « de politique du chiffre et de réforme arithmétique consistant à ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant en retraite ».

Or, ne pas vouloir lire dans la RGPP la poursuite accentuée des politiques diverses dites de « modernisation de l’État » et le remodelage de l’appareil d’État, des comportements et des formes de management empruntés au privé et aux modèles néolibéraux d’autres pays (new public management) et repris au niveau de l’actuelle construction européenne ne peut s’interpréter comme un oubli venant de la part d’une ministre. Les réformes de management stratégique et opérationnel concoctées au plus haut niveau de l’État pour la Fonction publique de l’État ont eu des répercussions voulues par les gouvernements successifs dans la fonction publique territoriale et dans la Fonction publique hospitalière ainsi que dans les autres sphères publiques. Certaines privatisations et externalisations des actions publiques, les recentrages sur le « cœur de métier » des formes de décentralisation et déconcentration décidées sans concertation, la Lolf (loi organique relative aux finances publiques) ont contribué à désorganiser encore plus le sens de l’action publique et le socle commun des missions des agents.

D’ailleurs, Jean-Marc Ayrault dans son discours d’ouverture du séminaire gouvernemental sur « la modernisation de l’action publique » le 1er octobre 2012 précise que «L’ensemble des acteurs de l’action publique, État, collectivités locales, organismes sociaux, et opérateurs doivent prendre leur part de l’effort de redressement des comptes publics». Sans commentaire. Sur la méthode il propose la concertation. Mais Marilyse Lebranchu vient de déclarer que le projet de loi relatif à la décentralisation acte III était déjà prêt et écrit !

Raison de plus pour revoir sur le fond les besoins de services publics anciens et nouveaux pour l’ensemble de la population et les entreprises, leur maillage, leurs financements. Chacun comprendra que la concertation et les moyens sont des préalables incontournables. Toutefois ces deux aspects ne sauraient masquer les débats sur les choix du modèle de service public proposé qui reste un enjeu de classe au niveau national et y compris européen et mondial.

Car l’accentuation des politiques de démantèlement des services publics ces dix dernières années doit s’analyser au regard des trente dernières années depuis les années 1980 pour en saisir la cohérence destructive et aussi pour mieux comprendre son impact sur l’état d’esprit des personnels.

Un sondage UGICT-CGT-OpinionWay paru en septembre dans le mensuel Options de l’UGICT et dans Les échos ne fait que corroborer le malaise des agents dans la Fonction publique pour les 850 000 enseignants des 1er et 2e degré, ceci avec des spécificités certes, mais aussi dans une grande convergence avec les cadres du privé montrant par là qu’ils subissent au travail des politiques semblables.

Pour l’heure, les plans de suppressions d’emplois dans la Fonction publique hospitalière (FPH), alors qu’il faudrait une tout autre politique de santé, ne sont pas stoppés. Dans la Fonction publique territoriale (FPT) les budgets sont de plus en contraints suite notamment aux réductions des attributions de l’état et à de nombreux transferts de charges. Dans certains cas encore pour la FPH et la FPT il faut faire face aux remboursements demandés par les emprunts dits « toxiques ». Au niveau de l’État, le redéploiement arithmétique continue entre ministères dits « prioritaires et non prioritaires » et sans pour autant que les ministères déclarés prioritaires retrouvent leurs emplois récemment perdus.

Déjà certains ministères évoquent le « blocage des promotions » comme moyen pour contenir la masse salariale et un nouveau signe de modernisation pointe son nez : le PPMS, projet de performance et de modernisation des services.

Quant à la mission RGPP, dans un rapport demandé par le gouvernement, elle joue la mouche du coche en précisant que la DGAFP (direction générale de l’administration de la Fonction publique) n’est pas encore assez « DRH groupe » et que « les enjeux RH sont négligés » (sic). Mais le ton est donné dans les propositions de mise en place de plates-formes régionales de GRH et dans la poursuite d’une politique de mobilité des agents.

En outre, la mission se prononce pour une harmonisation des primes, c’est-à-dire pour une politique facilitatrice de mobilité horizontale des agents et pour la poursuite de la Réate (réforme de l’administration de l’État). La Réate, depuis sa mise en place, dans la droite ligne de la RGPP, n’a fait que créer la désorganisation de services, les suppressions d’emplois, les privatisations et les remises en cause de la professionnalisation des agents.

Les concertations annoncées dans la Fonction publique lors de la conférence sociale de juillet dernier avec les syndicats impliquent des réponses de fond de la part du gouvernement.

En effet, tous les services publics sont sous tension à cause des suppressions de postes et des conditions de travail dégradées. Les agents vivent dans une perte de confiance non retrouvée envers le service public.

Ils sont les victimes d’une politique dite de « modération salariale » depuis bientôt un tiers de siècle, entraînant un incroyable tassement de la grille des salaires entre le premier niveau et le niveau le plus élevé et une énorme baisse du pouvoir d’achat pour tous.

Sur ce point du salaire et de la reconnaissance des qualifications le gouvernement Ayrault serait bien avisé de répondre vite et sur le fond, au risque de voir s’accentuer la perte d’attractivité des concours et la baisse du nombre de candidats. Pour les agents en place, il s’agit de leur permettre de recouvrer à la fois le sens de la mission et la reconnaissance sociale au travers d’un salaire digne.

L’annonce d’une nouvelle phase de décentralisation acte III, sans état des lieux et sans débat démocratique, risque d’accentuer le profond malaise des agents publics. Déjà la FDSP/CGT pour la territoriale et l’UGFF/CGT pour l’État ont émis publiquement les plus grandes réserves sur une nouvelle phase de décentralisation sans état des lieux et sans concertation réelle préalable.

Le gouvernement doit analyser la Fonction publique dans ses trois principales dimensions:

  • La qualité des missions rendues aux citoyens ;
  • La reconnaissance des agents ;
  • Les moyens matériels et d’effectifs.

Bien entendu ces trois dimensions ne sont pas exclusives de réformes possibles et de réorganisations. Mais ces dernières qui doivent inclure le débat démocratique à la fois avec les agents concernés, les usagers et la représentativité nationale ne peuvent être que radicalement opposées à la tendance globale qui a prévalu depuis plus d’un quart de siècle.

Et pour cela, comme le préconise le PCF, il faut immédiatement  changer de logique:

– En dégageant les moyens pour la Fonction publique, les missions publiques et pour les grandes entreprises de services publics. Cela exigeraitune autre politique monétaire ainsi qu’une autre politique industrielle et de ses gains de productivité, favorisant l’emploi et la croissance. De même qu’une réforme de la fiscalité notamment des entreprises et des revenus financiers. Cela nécessiterait par ailleurs la  suppression des exonérations de cotisations patronales, la lutte contre le travail non déclaré, le retour sur la taxe professionnelle qui engendre 9 milliards de perte pour les collectivités… ;

– En créant un pôle public bancaire et financier permettant un nouveau crédit avec des critères incitatifs à la croissance, l’emploi, la formation, et de nouveaux services publics (reposant sur de nouvelles articulations avec la BCI et la Banque de France) ;

– En alimentant par la BCE sur la base de prise de titres de dette publique un «Fonds européen de solidarité sociale et de développement économique» pour financer à des taux d’intérêt nuls (voire négatifs) sur des critères, le développement de services publics nationaux voire européens.

Pour changer vraiment dans la Fonction publique, il faut à la fois changer d’orientation et s’en donner les moyens.

Chiffres d’emplois fonction publique d’Etat seule

2007-2012 :
270 000 suppressions dont 100 000 contrats aidés

Janvier 2012 : prévision 2013 par gouvernement Sarkozy : 30 000 suppressions

PLF 2013 : gouvernement Hollande :
Ministères prioritaires: Education, Police, Justice:  11 000 créations
Ministères non prioritaires :  12 298 suppressions 

 

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