La présentation de ce PLFSS pour 2013 n’est pas une surprise.
Dans sa communication au Conseil des ministres du 22 août dernier définissant le programme de travail du gouvernement, J.-M. Ayrault donnait déjà les grandes lignes de la stratégie adoptée en matière de finances publiques et de financement de la Sécurité sociale. Elle se décline en deux temps.
Posant en premier lieu que le cap du gouvernement était « le redressement du pays dans la justice », il postule que ce redressement passe « d’abord par celui de nos comptes publics ». Cette doctrine, qui fait de « la règle d’or » (avant sa ratification au Parlement) le principe d’action de la politique gouvernementale, se traduit par l’obsession, d’une part, de « réduire à 3 % le déficit public en 2013 et de tracer une trajectoire de retour à l’équilibre des comptes publics en 2017 » en garantissant la stabilité des dépenses en valeur de l’État (règle dite « 0 valeur » instituée par le gouvernement Sarkozy-Fillon) et, d’autre part, de faire contribuer la Sécurité sociale « à l’objectif de rétablissement des comptes publics ».
Mais la communication est aussi allée plus loin. Car le gouvernement a d’autre part affirmé que « le redressement de la compétitivité de notre économie [est] une priorité [du gouvernement] à l’égal du redressement des comptes publics » qui se traduira par « une réforme du financement de notre protection sociale » dont les premiers éléments devraient être actés à la fin du 1er trimestre 2013.
Ces deux axes de la stratégie gouvernementale donnent une dimension particulière à ce premier PLFSS du nouveau gouvernement de gauche du pays.
Clairement, ce PLFSS pour 2013 comme ses prédécesseurs est tout entier tendu vers l’objectif d’une réduction du niveau des déficits des comptes de la Sécurité sociale.
Il s’agit explicitement de ramener le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse à 13,9 milliards d’euros en 2013, soit une réduction de l’ordre de 3,5 milliards d’euros par rapport à 2012, en allant chercher 5 milliards d’euros de recettes nouvelles et en opérant 2,4 milliards d’euros d’économies nouvelles sur les dépenses. Un objectif qui inscrit pleinement ce PLFSS dans la poursuite des PLFSS précédents, visant à faire des économies sur la dépense et à enrayer la dynamique de solidarité de notre système de sécurité sociale.
Certes, des mesures positives essaient de donner du sens à ce PLFSS.
Mais elles ne font pas le poids face aux tendances lourdes qu’il développe. Et elles le font d’autant moins qu’elles sont porteuses de contradictions fortes. Quel sens donner à une IVG remboursée à 100 % par la Sécurité sociale si la politique de fermeture des centres d’IVG perdure ? Que signifie la fin de la convergence tarifaire entre établissements publics et privés si aucune grille tarifaire nouvelle ni modalité de définition de ces grilles tarifaires n’est redéfinie en même temps ? Que signifie créer 200 postes de praticiens pour les déserts médicaux quand aucune mesure n’est prise pour inverser la courbe démographique des professionnels de santé qui rendra cet objectif intenable ? Et même le droit de partir à 60 ans pour les salariés de l’amiante quel que soit leur régime, comment ne pas mettre en parallèle l’absence de mesures pour l’ensemble des autres salariés exposés de manière passive à l’amiante et en bute à une reconnaissance de ce risque par leurs employeurs ?
Autant de mesures qui apparaissent alors comme des arbres désireux de cacher la forêt.
Focalisant sur les dépenses de la branche maladie, il accentue la pression contre l’offre de soins et la prise en charge socialisée des malades. Certes, il ne propose pas de nouveaux déremboursements de médicaments. Mais, contrairement à ce qu’annonce la ministre, il met à contribution les assurés sociaux et les malades. En proposant de maintenir pour 2013 un Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) à 2,7 %, le même qu’en 2012, le gouvernement annonce ni plus ni moins qu’une réduction des capacités de prise en charge socialisée des malades à l’hôpital comme à la ville.
Et le fait que ce niveau d’ONDAM représente une hausse de 4,6 milliards d’euros du budget de la branche maladie ne change rien à ce constat. Car ce niveau d’ONDAM santé se traduit dans le projet de loi par un ONDAM hospitalier à 2,6 %, un ONDAM ambulatoire à 2,6 % et un ONDAM médico-social à 4 %, qui demeurent tous trois largement insuffisants pour corriger les tendances lourdes des années antérieures et répondre à la réalité des besoins de santé d’aujourd’hui.
Bien que l’ONDAM hospitalier pour 2013 représente une hausse de 1,9 milliard d’euros du budget de l’hôpital (76,5 milliards d’euros de budget pour 2013), il s’accompagnera de nouvelles suppressions de services et de postes de personnels soignants. La Fédération hospitalière de France (FHF) a en effet calculé que pour reconduire mécaniquement les dépenses budgétaires des établissements de santé, compte tenu des évolutions mécaniques de la masse salariale hospitalière, des coûts des fluides et des médicaments hospitaliers, de l’évolution des coûts des emprunts hospitaliers, l’hôpital a un besoin de financement équivalent à un ONDAM de 3,2 %, soit 0,6 % au-dessus de celui annoncé ce qui représente près de 500 millions supplémentaires. Et elle ajoute que la tendance constatée à moyen terme de ce besoin de financement est de 4,4 %. De leur côté, les organisations syndicales ont évalué à 8 % le niveau de l’ONDAM nécessaire à une prise en charge optimale des malades. On est donc bien loin de la proposition du gouvernement pour faire fonctionner les établissements hospitaliers. La CGT a d’ailleurs évalué que ce manque de financement pour 2013 se traduirait concrètement par la suppression de 15 000 emplois hospitaliers supplémentaires, induisant un nombre significatif de fermetures de services ou d’hôpitaux.
Le « pacte de confiance pour l’hôpital public » est singulièrement remis en cause par ces quelques chiffres, très éloignés des besoins constatés sur le terrain. D’autant que ce PLFSS annonce au titre de « l’efficience », la poursuite d’économies ciblées pour un montant de 657 millions d’euros de réorganisation et de rationalisation des établissements ! Autant d’ambitions qui ajouteront aux pressions sur les personnels et les services hospitaliers, qui renforceront la dégradation des conditions de travail et de prises en charge des patients. Enfin : tout le contraire de la confiance !
Ces choix accentuent la pression financière sur les établissements déjà en difficulté. Massivement endettés (24 milliards d’euros de dette cumulée) suite aux réformes Hôpital 2007 et Hôpital 2012 qui ont acté un désengagement financier de l’État des investissements de structure de l’hôpital et un encouragement à l’endettement auprès des banques et des marchés financiers, nombre d’entre eux sont effectivement impactés lourdement par l’explosion de leurs charges financières (+13,1 % en 2011 à comparer à +1,83 % pour les charges de personnel) ou pris à la gorge par des emprunts toxiques (486 millions d’euros). Au point que, depuis deux ans, les établissements n’arrivent plus à réduire le niveau de leur déficit et sont touchés par de lourdes défaillances de trésorerie, qui d’ailleurs ne seront pas résolues par l’ouverture d’une capacité d’émettre des billets de trésorerie sur les marchés. Au contraire.
Avec un ONDAM de 2,6 %, la médecine de ville bénéficiera d’une augmentation de 1,5 milliard d’euros de son budget (80,5 milliards d’euros en 2013) sans pour autant assurer une meilleure prise en charge des malades.
Ces ressources supplémentaires ne serviront en rien à augmenter le niveau des remboursements des médicaments utiles, à supprimer les forfaits sur les actes médicaux. Elles ne permettront pas de revenir sur les inégalités d’accès aux soins, le reste-à-charge des malades et le renoncement aux soins faute d’argent (15 % des Français). Elles seront utilisées au renforcement des parcours de soins et de la maîtrise médicalisée de la dépense de prescription, au nom de l’efficience de l’offre de soins et des bonnes pratiques de la médecine de ville.
Le montant prévu de ces nouvelles économies « d’efficience » s’élève à rien de moins que 1,75 milliard d’euros supplémentaires. Il s’agira en particulier d’économies réalisées sur les arrêts de travail (on parle de référentiels selon la pathologie), les prescriptions de génériques, l’accentuation du contrôle des prescriptions d’exception (la question des ALD). Et il va sans dire qu’elles serviront à appuyer l’articulation entre le démantèlement progressif des hôpitaux et la structuration d’équipes de soins pluridisciplinaires de proximité dont les maisons de santé constituent une incarnation. Quelle part de ces économies nouvelles sera utilisée pour financer le nouveau droit au dépassement d’honoraires introduit par le gouvernement pour le secteur II ? Le coût de ces mesures (passage de 54 % du tarif Sécu à 100 %) est aujourd’hui estimé à au moins 320 millions d’euros pour la Sécurité sociale. Mais le CISS (Collectif inter-associatif sur la santé) estime que dans les 3 ans qui viennent, la négociation actuelle sur le secteur II aboutira à la suppression des secteurs I et II et à une augmentation du coût de ces dépassements pour la branche maladie de l’ordre de 2,5 à 3 milliards d’euros.
Avec un ONDAM de 4 %, le secteur médico-social bénéficiera de 600 millions d’euros supplémentaires sur un budget de 17,1 milliards d’euros, dont 360 millions d’euros au titre de la perte d’autonomie. Une paille qui ne permet pas de mettre à niveau le secteur nécessitant un ONDAM à 7 % pour assurer une prise en charge a minima des besoins sociaux actuels. Et qui ne répond en rien aux grands défis de la perte d’autonomie et du handicap des années à venir.
Cela d’autant plus que ce PLFSS ne prévoit en rien de revenir sur les mesures qui instaurent le principe d’une RGPP dans les établissements médico-sociaux au travers des contrats d’objectifs et de gestion signés par ces établissements avec leur autorité de tutelle et leurs financeurs. Ce qui les place dans les plus grandes difficultés pour assurer un service public de haut niveau. La CGT a chiffré cette pression sur le secteur médico-social qui s’est accélérée entre 2003 et 2011 : 21 878 emplois supprimés, soit 12 % de l’effectif du secteur. Au moment même où les charges de travail explosent avec l’augmentation des besoins exprimés par la population.
En matière de vieillesse, hors les salariés de l’amiante, le bilan du PLFSS est très maigre. Alors que la question avait été abordée au moment des élections législatives et présidentielle, aucune mesure n’apparaît pour la globalisation des salaires des polypensionnés pour le calcul de leurs trimestres. Aucune mesure n’est prise pour revenir sur les régressions des dernières réformes des retraites qui ont limité la prise en compte des trimestres de maternité des femmes pour un départ à 60 ans et qui ont supprimé l’allocation équivalent retraite pour les chômeurs en fin de droit qui n’ont pas 60 ans. Aucune piste n’est ouverte sur la prise en compte des années d’apprentissage dans le calcul des trimestres cotisés ou des indemnités journalières de maternité. Il y avait là autant de signes de justice à donner, peu coûteux pour les comptes sociaux, qui auraient pu identifier à gauche ce premier PLFSS du gouvernement socialiste.
Quant aux dépenses de la branche famille, les quelques mesures annoncées lors du collectif budgétaire de juillet dernier ne remettent pas en cause l’économie générale du texte. Les prévisions pour 2013 du solde de la branche envisage un déséquilibre de 400 millions d’euros par rapport à 2012, après un solde négatif de 100 millions pour 2012, que le projet de loi ne cherche pas à combler.
Pourtant, cela se traduira par des baisses significatives d’évolution des principales prestations de la branche. La Commission des comptes de la Sécurité sociale a ainsi précisé que le rythme de croissance du complément familial baisserait de 0,4 %, comme les aides à la petite enfance (-0,3 %), la prime à la naissance et la PAJE (-0,4 %). Parallèlement, la croissance du complément du libre choix du mode de garde continuerait à ralentir sa progression (4,2 % en 2011, 3,2 % en 2012 et 1,9 % en 2013), tout comme le complément de libre choix d’activité (-3 % en 2013). Quant à la revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales, non seulement elle ne revient pas sur le hold-up de 400 millions sur les familles opéré par le recul au 1er avril de la date de revalorisation au lieu du 1er janvier, mais avec une hausse de 1,75 % pour 2013 après un ridicule +,075% en 2012, elle demeure incapable de répondre aux besoins des familles dont les charges d’éducation ont explosé.
C’est des mesures relatives aux recettes qu’aurait pu venir la surprise. En effet, avec deux fois plus de recettes nouvelles (5 milliards d’euros) que d’économies sur la dépense nouvelle (2,4 milliards d’euros), ce PLFSS semblait rompre avec les logiques du passé et reconnaître l’évidence : la Sécurité sociale souffre avant tout d’une insuffisance structurelle de recettes. Malheureusement, l’étude détaillée de ces mesures anéantit tout espoir en ce sens.
D’une manière générale, ce PLFSS comme les précédents oriente prioritairement les ressources nouvelles créées vers le budget de l’État ou le Forfait social, via l’outil fiscal, plutôt que vers le budget de la Sécurité sociale.
Sur les 5,015 milliards d’euros de recettes nouvelles pour 2013, 4,595 milliards d’euros seront affectés à la Sécurité sociale (3,425 milliards d’euros seront affectés au régime général et au FSV et 1,17 milliard aux autres régimes de Sécurité sociale) et 415 millions d’euros seront affectés aux autres champs de la protection sociale relevant de l’État. Or sur ces 4,595 milliards d’euros destinés à la sécurité sociale au sens large (incluse MSA, ...), il apparaît que seulement 680 millions d’euros abonderont directement sous forme de cotisations sociales le budget du régime général de la Sécurité sociale. 3,915 milliards d’euros de ces recettes nouvelles de la Sécurité sociale élargie prendront une autre forme : 1,165 milliard d’euros sous la forme du Forfait social, 430 millions d’euros seront des recettes de CSG, et tout le reste, soit 2,32 milliards d’euros, prendra la forme de taxes diverses, dont 1,15 milliard seront affectés au régime général et au FSV.
Il en résulte un nouvel effort du gouvernement visant à étendre le champ de la fiscalité dans les recettes globales de la Sécurité sociale et à déconnecter le financement de la Sécurité sociale de la richesse créée dans l’entreprise par le travail au profit d’un prélèvement sur les revenus du travail.
Néanmoins, d’autres mesures sont significatives des ambitions du gouvernement et ne cessent d’inquiéter au regard de la philosophie qu’elles sous-tendent.
En effet, comme l’ont souligné les administrateurs de la CGT, 2 articles s’essaient à modifier les circuits de financement de la branche vieillesse au détriment de celle-ci.
C’est ainsi que, par un jeu de chaises musicales des financements, les articles 3 et 20 prévoient des baisses de recettes pour la CNAV et le FSV au bénéfice de la CNAMTS, en particulier du fonds de financement de la CMUC, et au bénéfice de l’État, en particulier du Fonds national d’aide au logement (FNAL) et du Fonds national de solidarité active (FNSA) géré par la CNAF. Il s’agit, dans un premier temps, de transférer vers la branche maladie les taxes sur les boissons à édulcorants et boissons sucrées et sur les tabacs initialement utilisées par l’État pour sa politique du logement via la branche famille et la compensation des exonérations de charges sur les heures supplémentaires du dispositif Fillon. Et dans un second temps, de prélever sur les financements de la CNAF 0,8 point de ces recettes tirées des revenus du capital au profit des FNAL et FNSA. Cette part de 0,8 point sur le capital sera intégrée dans une contribution renommée « prélèvement de solidarité » visant à compléter la CSG sur les revenus du patrimoine et de placement.
Si le manège est sans effets sensibles sur le contribuable, il n’est pas pour autant sans enjeux. En affaiblissant la branche vieillesse, celle qui dépend le plus des cotisations sociales, le gouvernement accentue volontairement les déséquilibres budgétaires de la branche dont seront victimes les assurés sociaux dans un futur proche.
Par ailleurs, si sur un plan financier le transfert de financement de la Sécurité sociale vers l’État est irresponsable, il est aussi une façon de préparer les arguments d’une future pression sur un changement de nature du financement des retraites. Dans la perspective du rendez-vous de 2013 pour les retraites, il permet de dessiner l’épure de la réforme envisagée par le gouvernement : un remplacement des cotisations sociales par des contributions sur les revenus des ménages dans le cadre de la construction d’un système de retraite essentiellement contributif. à savoir le passage d’un financement où chacun obtient selon ses besoins et participe selon ses moyens, à un financement où chacun reçoit selon sa contribution.
Autre mesure emblématique qui s’inscrit dans le prolongement des PLFSS précédents, la création d’une CSG additionnelle pour les retraités imposables de 0,3 % dès 2013 (modification par amendement en séance à l’Assemblée) visant à financer la dépendance, qui coûtera en année pleine aux retraités 700 millions d’euros.
Fondant sa justification sur l’idée d’une homogénéisation des niveaux de vie entre retraités et actifs des mêmes déciles et sur le constat (pourtant normal) de prélèvements supérieurs pour les actifs par rapport aux retraités, la mesure argue d’un principe d’équité pour accroître le niveau de prélèvement sur les retraités. Une fois de plus on refuse de voir que le resserrement des niveaux de vie provient bien plus d’une dégradation du niveau de vie des actifs, consécutive d’une dégradation des conditions d’emploi et de rémunération liée à la crise, que de la seule amélioration de la vie des retraités.
Attaquée sur l’argument d’équité, la ministre invoque une contribution pour les seuls retraités imposables. Or d’après les termes mêmes de la mesure législative, le prélèvement touchera pas moins de 65 % des retraités et impactera les pensions à partir de 832 euros pour une personne seule et de 1 250 euros pour un couple. Autant dire que seuls les retraités très pauvres y échapperont.
Mais surtout, au-delà de l’inqualifiable perversité de la mesure, le gouvernement opte pour des orientations lourdes de conséquences politiques.
D’abord parce que la démarche accroît le poids de la fiscalité dans le financement de la perte d’autonomie, ce qui l’éloigne des principes d’une prise en charge solidaire. Quand bien même la perte d’autonomie est aujourd’hui financée à 89 % par la branche maladie.
Ensuite, parce que sans même avoir ouvert le moindre débat public sur la question de la perte d’autonomie, ni même pouvoir s’appuyer sur un cadre national consensuel, il choisit d’appliquer une mesure du rapport Rosso-Debord (députée UMP) qui a servi de levier au gouvernement Sarkozy-Fillon pour engager la bataille de la prise en charge de la dépendance à partir des logiques de marché. Cette mesure inscrit effectivement cette prise en charge dans une logique d’individualisation et de contributivité qui s’oppose aux principes de solidarité universelle et intergénérationelle de la sécurité sociale. Elle ouvre un circuit de financement hors branche maladie qui laisse se construire l’idée que les retraités pourraient financer eux-mêmes leur propre perte d’autonomie par cette contribution obligatoire. Comme n’osaient l’espérer les tenants du monde de l’assurance et de la prévoyance !
Il y a donc derrière cette mesure, au-delà de son iniquité, une ambition politique troublante qui n’augure rien de bon pour la future réforme du financement de l’assurance maladie prévue en 2013.
On notera aussi utilement que dans ce cadre global qui vise à assurer l’équilibre des comptes sociaux en diminuant les dépenses, le gouvernement n’engage pas de politique qui permettrait de réduire le niveau d’endettement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles pourtant de l’ordre de 1,7 milliard d’euros.
Financée intégralement par le patronat, cette branche fait l’objet d’une attention particulière du gouvernement. Aucune ouverture pour la mise en place d’un plan pluriannuel de revalorisation des cotisations sociales pour combler cette dette n’est envisagée. Pire, la proposition de reprise de cette dette par la CADES achèverait de déresponsabiliser les employeurs face à leur responsabilité sociale en matière de sécurité de leurs salariés.
De là à croire qu’il y a deux poids deux mesures dans la stratégie gouvernementale dont les assurés sociaux seraient les dindons...
Sur le fond, ce PLFSS pour 2013 ne change donc pas la philosophie des lois de financement qui le précèdent. Il ne revient pas sur les régressions des gouvernements antérieurs (loi HPST, réforme du financement de l’hôpital, réforme sur l’organisation de l’assurance maladie (2004), réformes des retraites, et de la famille). Ce qui pourtant aurait permis d’améliorer le niveau de la prise en charge socialisée des Français. Mais en plus, il poursuit la pression sur les dépenses de Sécurité sociale et il pousse encore un peu plus les financements de notre système de sécurité sociale vers la fiscalisation. Pour un premier PLFSS d’un nouveau gouvernement de gauche, on aurait espéré autre chose.
Mais cela aurait alors été ignorer le contexte politique dans lequel s’élabore cette stratégie gouvernementale, et les ambitions de cette dernière. En réalité, pour bien mesurer le niveau de cette ambition, il faut renvoyer aux insuffisances du propos gouvernemental lui-même au regard de la réalité du moment.
C’est un élément frappant de ce PLFSS. La France vient d’enchaîner 3 trimestres à 0 % dans un contexte européen de récession et international de ralentissement de la croissance mondiale. Les perspectives de croissance française pour 2013 régressent au fur et à mesure que les mois passent. Les prévisions officielles tablaient sur un 0,8 % cet été, elles sont ramenées aujourd’hui dans une fourchette oscillant selon les organismes entre 0 % et -0,6 % pour l’ensemble de l’année.
Comment dès lors prétendre à la sincérité budgétaire pour cette loi de financement lorsque les hypothèses de sa construction sont restées à 0,8 % ? Mais surtout, comment imaginer pouvoir atteindre l’objectif qui justifie toute cette construction gouvernementale du PLFSS, celui d’un déficit budgétaire des comptes publics et sociaux à 3 % du PIB en 2012 et 0 % en 2017 ?
Or la réponse à cette question est centrale. Car moins de richesses produites, c’est moins de recettes potentielles pour la sécurité sociale, dans la mesure où cette baisse de la richesse produite se traduit par une réduction du niveau des emplois et du niveau de la masse salariale.
Et c’est justement ce que l’on observe aujourd’hui. « Sur un an, les embauches de plus d’un mois poursuivent leur baisse : -6,5 %, après -8,0 % et -3,3 % les deux trimestres précédents. Ce recul résulte d’une baisse significative des embauches en CDI et dans une moindre mesure de celles en CDD de plus d’un mois (respectivement -9,3 % et -4,3 %). » (1) Un mouvement qui accompagne l’explosion du chômage en France depuis le début de l’année (3,5 millions de personnes et un taux de 10,2 % de la population active) et le ralentissement de l’évolution de la masse salariale, en particulier dans le secteur privé. « Sur un an, l’emploi diminue de 0,1 % (soit 18 000 pertes nettes d’emploi). Le salaire moyen par tête continue quant à lui de croître ce trimestre (+0,6 % après +0,7 % au premier trimestre 2012, soit +2,3 % sur un an). Ainsi, la masse salariale augmente de 0,5 % au deuxième trimestre 2012. Sur un an, elle progresse de 2,4 % (après +2,7 % au trimestre précédent). » (2) Or le PLFSS est très clair : 1 point de masse salariale représente 1,9 milliard d’euros de recettes pour le régime général.
Ainsi l’ambition gouvernementale est suspendue aux espérances d’un retour de la croissance, avec des hypothèses de croissance fantaisistes : comme en témoignent les prévisions du FMI et d’autres organismes de prévision.
En réalité, ce PLFSS pour 2013 ne peut être qu’un texte de transition.
Coincé par une réalité économique qui met à bas ses ambitions d’équilibre budgétaire et toute autre mesure de développement de la prise en charge solidaire des assurés sociaux, et englué dans le déroulé de sa stratégie libérale de sa stratégie dans une logique libérale, le gouvernement Hollande-Ayrault est contraint de rechercher le consensus entre les « partenaires sociaux » pour emporter la mise en œuvre d’un nouveau « pacte social » ou « compromis historique » compatible avec le cadre européen.
Lors de la campagne des présidentielles et des législatives Marisol Touraine, dans Le Quotidien du médecin, déclaraient « ne pas s’interdire de possibilités [de réforme du financement de la Sécurité sociale], que tout est ouvert ». Or après l’échec de la Conférence sociale de juillet dernier suite à l’opposition de la CGT au glissement immédiat des cotisations vers la CSG ou un autre impôt (TVA ou taxe écologique), le gouvernement est désormais obligé de retravailler l’opinion publique. Face aux pressions du patronat et aux contre-pressions des syndicats, en particulier de la CGT, conduisent à des cafouillages médiatiques remarqués (le glissement linguistique du « choc de compétitivité » à la « trajectoire de compétitivité » en est une illustration), le gouvernement est contraint aujourd’hui de compter sur la série de rapports commandée pour engager la moindre réforme du financement de la Sécurité sociale ou la moindre réforme systémique de notre système de protection sociale solidaire. Rapports qui vont du rapport Gallois sur la compétitivité (épaulé par celui du FMI sur le même sujet) aux rapports du haut Conseil du financement de la Sécurité sociale, du Conseil d’orientation des retraites et du Haut Conseil à la famille.
Cette situation paradoxale, qui rompt en partie avec l’avalanche des mauvais coups de ces 10 dernières années, ouvre ainsi sur la possibilité de mobiliser le plus largement possible sur une lutte immédiate et concrète. Cette bataille fondamentale d’ordre civilisationnel, et identitaire pour les communistes, doit être engagée avec toutes les forces disponibles par le PCF et le Front de gauche. Elle doit se développer avec la mise en avant des propositions du programme « l’Humain d’abord ». L’enjeu est de monter la bataille contre la fiscalisation mais pour défendre et promouvoir le financement par des cotisations, à partir d’une réforme de progrès et d’efficacité sociale du financement de la protection sociale. Cela porte l’exigence de rupture avec les plans du libéralisme et la nécessité d’une réforme alternative du financement de la protection sociale afin de sortir de la crise systémique et répondre aux besoins sociaux nouveaux qui ont mûri dans la crise (3).
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(1) ACOSS Stat, octobre 2012, n°160.
(2) ACOSS Stat, septembre 2012, n°158.
(3) Frédéric Rauch, « CSG, enjeu du débat pour le financement de la protection sociale », Catherine Mills , « Pour un financement dynamique de la protection sociale », in Economie et Politique n° 694-695, mai-juin 2012.
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