Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Propositions alternatives pour une réforme progressiste de la fiscalité

Une vraie réforme de la fiscalité demeure d’actualité. Elle doit se fixer l’objectif de combattre les inégalités, de pénaliser la croissance financière des capitaux, les délocalisations et, a contrario, d’encourager les comportements favorables à la croissance de l’emploi et des richesses réelles.

Trois principes généraux devraient guider cette réforme :

  • Augmentation de la part des prélèvements progressifs qui en 2013 devraient représenter au titre de l’IR, de l’ISF et des D E quelque 80 milliards d’euros sur un total de recettes fiscales de 298 milliards d’euros, soit un peu plus de 26 % ;
  • Recul tangible de la part des prélèvements proportionnels. Les recettes provenant de la TVA et de la TIPP représentent 150,7 milliards d’euros ;
  • Introduction d’une forte dimension incitative à une autre utilisation du produit de la richesse créée à partir de la progressivité et de la modulation de l’impôt (en plus comme en moins), en fonction de la nature et de l’objet des investissements réalisés.

Une réforme qui se déclinerait en six grandes orientations :

1. Faire de l’impôt sur le revenu un impôt à caractère universel imposant selon un barème unique les revenus du travail et les revenus du capital, ce qui signifierait par exemple la disparition du crédit d’impôt lié à l’imposition des revenus de capitaux mobiliers. Il s’agit également de reconstruire une réelle progressivité passant par la mise en place d’un taux sommital de 65 %, d’un barème à 10 tranches, d’un seuil d’imposition minimal au SMIC incitant à la hausse des rémunérations, et d’un effet de progressivité plus appuyé au-delà de revenus au-dessus de 25 000 € par part. Il conviendrait également de ressortir du barème la déduction de 20 %.

2. Réduire les prélèvement indirects: TVA et TIPP. En la matière, il s’agirait d’exclure du champ de la TVA les produits de première nécessité, de soumettre au taux de 5,5 % l’habillement, les équipements informatiques, la culture (livres, spectacles…). Concernant la TIPP, une mesure de plafonnement s’appliquerait en fonction d’un prix plafond taxable du litre de carburant qui pourrait se situer entre 0,75 € et 0,95 € selon le type de carburant. Ce serait en outre un signal en direction de la politique des prix des carburants pratiqués par les compagnies pétrolières.

3. Bâtir un nouvel impôt sur les sociétés. Une remarque tout d’abord ; officiellement à 33,33 %, le taux réel de l’IS en est loin et cela pour toutes les entreprises et depuis bien longtemps. Du fait de divers dispositifs de réduction de la base imposable, le taux réel de l’IS est aujourd’hui de 8 % pour les entreprises du CAC 40, de 20 % pour les entreprises de taille moyenne et de 28 % pour les petites entreprises. Un nouvel Impôt sur les Sociétés nécessite donc d’être bâti. Il doit tenir compte de la réalité diverse du monde des entreprises ; ce qui suppose d’établir une progressivité de cet impôt en fonction de leur chiffre d’affaires. Cette progressivité pourrait se répartir en 4 ou 5 tranches entre un taux minimum de 35 % et un taux maximum de 55 %. Mais cela n’est pas suffisant pour rendre cette imposition incitative, c’est-à-dire amener les entreprises à faire le choix de l’investissement réel et du développement de l’emploi et de la formation au lieu de se lancer dans des opérations financières. Il s’agirait donc de moduler l’impôt dû en fonction de la nature des investissements réalisés : en plus si de nature financière, en moins si de nature à favoriser l’investissement réel, l’emploi et la formation.

4. L’imposition du patrimoine. La réforme Sarkozy de l’Impôt sur la fortune (ISF) annulée, il convient de revenir sur celle des droits d’enregistrement pour y réintroduire une vraie progressivité établie à la fois à partir de la valeur du bien transmis et de la situation économique des héritiers afin de limiter la concentration du patrimoine. S’agissant de l’ISF son barème doit être réactualisé pour améliorer sa progressivité et son rendement, ce qui signifie de revoir ses seuils (700 000 et 12 millions d’euros), ses tranches (7), ses taux (de 0,3 % à 3 %) et d’élargir sa base en y intégrant les biens professionnels. La prise en compte de ces biens professionnels serait modulée en fonction des efforts consentis en matière d’emplois et de formation correctement rémunérés.

5. Fiscalité locale des entreprises. La reconstruction d’un véritable impôt économique et territorial des entreprises est à la fois une nécessité et une urgence. Sorte de nouvelle taxe professionnelle, cet impôt revêtirait le caractère d’un impôt sur le capital des entreprises. Sa base serait assise sur la valeur de leurs équipements immobiliers et mobiliers. Elle serait complétée de façon déterminante par une taxation des actifs financiers des sociétés, des banques et des assurances à un taux de 0,5 %. Sur une base qui peut être évaluée à 5 000 milliards d’euros cela rapporterait 25 milliards d’euros qui seraient versés à un fonds de péréquation à destination des communes et dont la répartition se ferait selon des critères d’effectifs de population et de quotient fiscal.

6. Fiscalité locale des personnes. Une réforme des bases d’imposition des immeubles soumis à la taxe foncière et à la taxe d’habitation est indispensable. à partir du maintien du caractère indiciaire de la fiscalité locale, une révision foncière efficace devrait prioritairement porter sur la redéfinition des critères servant au calcul de la base foncière c’est-à-dire du revenu cadastral qui permet ensuite d’établir la valeur locative. Dans l’immédiat, une telle opération supposerait de multiplier par deux ou par trois les effectifs des services fonciers (cadastre) qui, ces dernières années, ont fondu comme neige au soleil. Ensuite, cette révision impliquant une augmentation importante des bases, il incomberait aux collectivités territoriales de réviser leurs taux. Cet exercice permettrait de franchir une étape significative dans la mise en œuvre de la démocratie participative locale, les citoyens étant directement associés à la préparation du budget de leur commune ou de la communauté dont ils relèvent. S’agissant de la taxe d’habitation, son montant serait plafonné à 20 % du revenu du ménage. Il devrait intégrer une pondération en fonction de la situation familiale et économique du foyer imposable.

Si la dimension fiscale occupe une place importante dans les recettes du budget de l’état et des collectivités territoriales, une des dimensions du débat budgétaire, qui tend d’ailleurs depuis quelques années à occuper une place prépondérante, est le financement de la protection sociale.

o Changer le financement de la protection sociale. En ce domaine un âpre débat sévit qui, sous couvert d’équité, vise à conforter la logique de désengagement des entreprises du financement de la protection sociale. C’est en fait le but non avoué de propositions qui reviennent régulièrement sur le devant de la scène et qui consistent d’une part à faire basculer les cotisations patronales sur la Contribution sociale généralisée puis à fusionner l’Impôt sur le revenu et cette CSG, de l’autre à tordre le cou au quotient familial. Les attaques contre le quotient conjugal au prétexte de défense des droits de la femme visent quant à elles une augmentation de la contribution des couches moyennes salariées.

o S’agissant du financement de la protection sociale, il y a une égale urgence à en finir avec la baisse des cotisations sociales des employeurs et à engager un processus de suppression de la CSG. En termes de financements nouveaux une mesure immédiate serait la taxation des revenus financiers des entreprises au même niveau que les salaires. Une réforme de fond doit consister à changer le calcul des cotisations patronales en faisant augmenter leur produit et en les modulant en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, selon les branches professionnelles.

L’objectif de cet ensemble de mesures fiscales et sociales est de permettre un assainissement des budgets publics et sociaux afin de rendre plus efficients les services rendus aux populations et dont celles-ci ont un besoin cruel. Si à ce dispositif devra correspondre une augmentation du taux des prélèvements obligatoires, une telle augmentation n’est pas une fin en soi. Il ne suffit en effet pas d’augmenter le taux des prélèvements obligatoires pour rendre les contributions sociales et fiscales plus efficaces et aussi plus justes. Actuellement, on peut constater que la hausse des prélèvements obligatoires ne sert qu’à calmer les marchés, alors que les populations sont durement ponctionnées.

Est ainsi posée, en même temps que le besoin d’une réforme des prélèvements obligatoires, la nécessité d’un nouveau contrôle et d’une nouvelle évaluation publics et sociaux de la dépense publique. Cela suppose une nouvelle ère de la démocratie avec des salariés et des citoyens disposant de nouveaux pouvoirs d’intervention leur permettant de participer directement, en osmose avec l’action des élus, à la gestion de la dépense publique, de l’élaboration des budgets jusqu’à leur réalisation. Contribuant à remettre en cause les principes de la LOLF, cette évolution rendrait obsolète le mécanisme de la RGPP. Ces nouveaux critères de gestion des finances publiques supposent la mise en place de nouvelles structures mixtes de concertation et de décision. Ces structures pourraient s’inspirer de ce qui se fait par exemple avec le comité de ligne SNCF.

Si l’objectif d’une vraie réforme de la fiscalité est de rétablir la justice devant l’impôt et de devenir un outil de relance d’une croissance saine, il ne peut être atteint qu’en replaçant cette réforme dans le cadre d’une transformation économique et politique d’ensemble. Il s’agit ici de relier la dimension fiscale à une autre dimension tout aussi déterminante : celle de la politique du crédit et du rôle des banques, au premier rang desquelles figure la BCE. C’est pourquoi aux propositions de réforme de la fiscalité doivent correspondre des réformes du rôle des banques et de la politique du crédit passant par :

  • La création d’un Pôle public financier en France incitant à un autre type de crédit et à un contrôle public des banques.
  • Un refinancement des banques par la BCE, pour un nouveau crédit sélectif.
  • Une création monétaire par la BCE pour développer sa prise de titres de dettes publiques européennes des états en difficultés.
  • Une prise de titres de dette publique par la BCE pour le progrès social. Cela alimenterait un « Fonds européen de développement social et écologique », pour les services publics. Cette proposition du PCF a été reprise par le Parti de la gauche européenne (PGE).
  • Une construction nouvelle de l’Union européenne, à base de démocratie sociale, participative et internationaliste, dans un projet confédéré à l’opposé du fédéralisme et d’un renforcement de l’autoritarisme.

 

 

 

 

 

 

 

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