Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Principales tendances et logique du budget 2013

Le contexte du projet de budget 2013

Depuis plus de 10 ans maintenant, même si un processus régressif avait été enclenché de bien plus longue date, qui s’est notamment traduit par un recul de la part des recettes fiscales de l’État dans le PIB de 22,5 % en 1982 à 15,9 % en 2009, nous avons assisté en accéléré à un double phénomène.

D’une part, un allégement tous azimuts des prélèvements sur les entreprises (172 milliards d’euros de cadeaux fiscaux et sociaux) et sur les ménages les plus aisés (40 milliards, résultat de l’effet des mesures cumulées de 2002 et 2007).

De l’autre, une remise en cause sans précédent des politiques publiques par un rationnement toujours plus strict de la dépense. Si ce choix n’a pas réussi à empêcher qu’entre 2000 et 2010 la part de la dépense publique passe de 53 % à 56,6 % du PIB, avec un niveau étale en 2011 et vraisemblablement en 2012, il a de lourdes conséquences pour le pays et les populations. Et il convient de relativiser cette hausse en pourcentage à l’aune du freinage de la croissance du PIB au cours de cette même période.

C’est sous l’effet d’une telle politique que s’est concrétisée la recherche d’une baisse en pourcentage des prélèvements obligatoires dont Nicolas Sarkozy s’était fait le chantre. Le résultat a été une diminution sensible des recettes fiscales, doublée d’un durcissement de l’élasticité fiscale du fait d’une baisse des taux trouvant à s’appliquer à un PIB qui en moyenne continuait à évoluer. L’explosion de la crise des subprimes et la nécessité de renflouer les caisses de l’État après avoir renfloué les banques a inversé la donne. Cet événement a conduit en deux ans, entre 2010 et 2012, à faire passer le taux des prélèvements obligatoires de 42,5 % à 44,9 % pour atteindre 46,3 % en 2013, selon les prévisions du projet de loi de finances. Au cours des deux dernières années, soit 2011 et 2012, cette remontée du taux des prélèvements obligatoires représentera une hausse de 2,4 points soit, 65 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, mesures décidées respectivement par les gouvernements Fillon et Ayrault.

Mais pour caractériser la période écoulée, il convient de s’arrêter sur trois évolutions structurelles :

– La purge des effectifs de fonctionnaires par la mise en œuvre dans le cadre de la RGPP d’un plan drastique de réduction des emplois au sein de la Fonction publique d’État qui aura abouti à rayer 150 000 emplois de fonctionnaires de la carte. Il faudrait ajouter à ce chiffre les emplois supprimés dans les deux autres Fonctions publiques (hospitalière et territoriale) qui ont aussi été gagnées par la logique du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. La politique diligentée en direction des services publics et notamment vis-à-vis des grandes administrations d’État a des conséquences terribles. Les services sont au bord de la rupture, leur fonctionnement est de plus en plus erratique, les missions sont délaissées, abandonnées. Des manifestations sérieuses de cette dégradation commencent à se faire jour. La connaissance et la maîtrise de la réalité du terrain et des divers matériaux économiques, fiscaux et sociaux sont de moins en moins aiguisées. Elle est le résultat de collectes statistiques de plus en plus parcellaires et incomplètes. La généralisation parfois à l’extrême des pratiques du front office et du back office, avec les pôles multi-accueil ou multiservices, est une vraie catastrophe pour les personnels en termes de conditions de travail (nombreux suicides ou tentatives, multiplication des accidents cardiaques) et pour les usagers en matière de renseignements et de traitement de leurs demandes. Cette organisation du travail représente un cache-misère derrière lequel les missions publiques sont petit à petit vidées de leur contenu et leur transfert opéré vers le privé.

– La mise au pas budgétaire des collectivités territoriales, d’une part avec des transferts de charges non effectivement compensés, de l’autre en réduisant leurs dotations jusqu’à les geler, et en sapant leurs recettes, par exemple par la suppression de la taxe professionnelle.

– Le rationnement des dépenses de santé et le transfert du financement de la protection sociale sur les particuliers.

Ces évolutions ont suivi une voie qui à chaque fois a été tracée par nos dirigeants depuis le niveau européen en partant de Maastricht, en passant par le traité constitutionnel et le traité de Lisbonne jusqu’au traité Merkozy que F. Hollande et le gouvernement socialiste ont fait passer en force. Traité budgétaire qui va constituer une nouvelle étape vers le renforcement des politiques d’austérité et dans le dessaisissement des États et des peuples, de leur souveraineté budgétaire, donc de l’exercice le plus élémentaire de la démocratie par le fait que la représentation nationale perdra toute capacité réelle à décider de l’évolution des politiques publiques. Et cela n’a pas tardé à s’appliquer. À l’engagement de la session parlementaire consacrée au budget 2013, plusieurs commissaires européens sont venus auditionner les parlementaires des différents groupes politiques de l’Assemblé nationale. Il s’agissait de façon sibylline, de leur rappeler les principes de la règle d’or, loi organique liée à l’application du traité budgétaire (TSCG) si jamais ils avaient eu l’envie de s’en émanciper. L’attitude des députés du groupe Gauche démocratique et Républicaine qui ont refusé d’être auditionnés est à souligner. Ils ont d’ailleurs été les seuls.

Il n’est en effet plus à démontrer que de tels choix, en alimentant le cercle vicieux dettes/austérité/récession/dettes, conduisent les peuples et les politiques économiques dans de véritables impasses. C’est ainsi que de plus en plus de pays européens sont plongés dans une situation économique et sociale explosive. Pas moins de huit États de l’Union européenne sont en récession. D’autres comme la France quasiment assurée d’une croissance zéro pour l’ensemble de l’année 2012, sont à la veille d’y entrer. Ce tableau se complète d’une forte dégradation en Allemagne où une importante poussée du chômage en cette fin d’année et une perspective d’entrée en récession en 2013 viennent brouiller l’image d’un pays qui était présenté il n’y a pas encore si longtemps, comme un modèle de résistance à la crise.

Les mêmes tendances peuvent être observées au plan mondial. Des pays émergents comme la Chine ou le Brésil commencent à voir leur croissance sérieusement entamée alors qu’aux États-Unis les grandes manœuvres de la campagne électorale laissent dubitatif quant à la réalité et à l’ampleur de la relance annoncée.

En France, en Europe, aux États-Unis, modèle dont s’est inspiré l’Europe, sachant que l’élève dépasse souvent le maître, le maintien du cap sur le diktat du monde de la finance génère partout le même type de problématique économique et sociale. En France, sur les huit premiers mois de l’année, le nombre de sociétés de plus de 250 salariés placées en redressement judiciaire ou en liquidation a progressé de 34 %, selon la Coface (compagnie d’assurance/crédit des entreprises).

C’est dans ce contexte que F. Hollande et son gouvernement Ayrault, fraîchement installés, doivent élaborer le premier budget de la mandature. La partie n’est pas simple mais, de façon très raccourcie, l’objectif de ce gouvernement que le candidat à la présidentielle n’avait d’ailleurs pas hésité à présenter comme une de ses priorités essentielles aurait dû être la relance de la croissance alors que depuis des mois la France est plongée dans une atonie générale.

Cette relance est d’autant plus urgente qu’elle seule conditionne la validité du projet de loi de finances en cours de préparation ainsi que les grands équilibres budgétaires. On constate malheureusement qu’après avoir envisagé une croissance de 1,75 % le gouvernement a revu ses perspectives à la baisse en se basant dans son PLF 2013 sur une prévision de 0,8 %, prévision d’ailleurs aussitôt atténuée par la publication par plusieurs organismes, dont le FMI, d’un chiffre qui se situerait autour de 0,3 % à 0,4 %.

Et cela n’est pas neutre. Il faut en effet se rappeler que partant d’une hypothèse de croissance de 1 %, la Cour des comptes, dans son rapport du premier semestre, avait évalué à 33 milliards d’euros le besoin de financements nouveaux afin de remplir l’engagement de réduction du déficit à 3 % en 2013. Mais elle avait aussi fait remarquer que ce montant passerait à 44 milliards, soit 11 milliards d’euros supplémentaires au cas où la croissance serait proche ou égale à zéro.

Présentation et analyse du PLF 2013

En remarque liminaire, il conviendra d’observer qu’au titre de 2012 les recettes fiscales de l’État devraient enregistrer une baisse par rapport aux prévisions de 2,1 milliards d’euros. Les principaux impôts concernés sont l’Impôt sur le revenu (-1 milliards), la TIPP (-0,5 milliards), mais aussi la TVA. Le déficit 2012 devrait se monter à 87,3 milliards d’euros répondant ainsi à l’objectif de réduction du déficit public à 4,5 %, au lieu de 103,1 milliards en 2011 (5,2 %). La charge de la dette 2012 devrait rester le premier poste budgétaire de l’État avec 48,8 milliards contre 49,8 en 2011.

Les principales caractéristiques du PLF 2013

Le projet de loi de finances 2013 affiche pour objectif principal le retour du déficit à 3 % du PIB et participe ainsi pleinement du processus qui, conformément au TSCG, devrait conduire à un déficit tendant vers zéro en 2017.

Pour cela ce projet avance sur une double logique : augmentation des prélèvements fiscaux et réduction de la dépense publique. Ainsi 20 milliards d’impôts supplémentaires sont attendus et 10 milliards de réduction de la dépense sont programmés.

Placé sous le sceau de la justice fiscale, le PLF 2013 fait vibrer les mêmes cordes que le collectif budgétaire de juillet comportant, il est vrai, une dimension de retour à l’égalité devant l’impôt qui ne peut être ignorée. Les mesures mise en œuvre concernent en effet principalement les plus hauts revenus :

– Création d’une tranche d’impôt sur le revenu (IR) à 45 % (150 000 € par part) ;

– Abaissement du plafond du quotient familial ;

– Soumission au barème de l’IR des revenus de dividendes – sachant que cette mesure concernera aussi les contribuables aux revenus tout à fait moyens –, ainsi que des gains suite à levée d’options ou d’attribution d’actions gratuites ;

– Plafonnement à 10 000 € des niches fiscales, sauf investissements dans les DOM TOM ;

– Contribution exceptionnelle de 75 % sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros par part ;

– Imposition au barème de l’IR des gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers aujourd’hui soumis au taux unique de 19 %. C’est ce qui a notamment donné lieu à la levée de boucliers des « pigeons » qui certes instrumentalisée par le Medef n’en exprimaient pas moins certains problèmes. Au final cette proposition sera purement abandonnée. Y sera substitué le maintien de la surtaxe Fillon de 5 % sur les grandes entreprises ;

– En matière d’ISF, suppression de l’allègement Sarkozy et limitation de la déduction des passifs aux seules dettes se rapportant à des actifs taxables. Réintroduction d’un plafonnement de l’impôt à 75 % des revenus.

Les grandes entreprises sont également mises à contribution :

– Limitation de la part des charges financières déductibles (déductibilité des intérêts d’emprunt) ;

– Calcul de la quote-part de frais et charges (d’acquisition et de gestion des titres) réintégrables sur le montant brut des plus-values (niche Copé) et plus sur le montant net ;

– Aménagement du report des déficits en avant (limitation du plafond d’imputation à 50 % du bénéfice imposable) ;

– Modification du régime des acomptes d’Impôt sur les Sociétés. Les dispositions en vigueur quant aux modalités de versement du dernier acompte concerneront dorénavant les entreprises au-dessus de 250 millions de chiffres d’affaires, au lieu de 500 millions jusque-là ;

– Taxation des sommes placées en réserve de capitalisation des entreprises d’assurance ;

– Il est d’autre part proposé d’abonder le Crédit Impôt Recherche de 152 millions d’euros en direction des PME.

S’il est vrai que ces mesures affichent une volonté de mettre à contribution les revenus des contribuables aisés et des grandes entreprises, il n’empêche que les contribuables aux revenus modestes et, à plus fortes raisons, moyens seront aussi impactés, ne serait-ce que par la reconduction du gel du barème de l’Impôt sur le Revenu dont le rapport n’est d’ailleurs pas chiffré et l’augmentation de la CSG pour les retraites imposables. Il est aussi à noter que l’assurance-vie échappe aux dispositifs proposés. Certes son régime de faveur a été particulièrement aménagé ces dernières années mais il n’en demeure pas moins vrai que ce genre de placement sert toujours de refuges à certains gros revenus.

S’agissant des entreprises, plusieurs mesures sont plus représentatives d’avances de trésorerie (report des déficits, régimes des acomptes d’IS) que de vraies hausses d’impôt.

Parallèlement à cette augmentation des prélèvements fiscaux, une économie de 10milliards d’euros sera réalisée sur les dépenses publiques. D’une part 12 298 emplois de fonctionnaires seront supprimés. Ils seront néanmoins compensés par la création d’emplois en faveur des priorités gouvernementales (éducation, justice, police) à hauteur de 11 011 auxquels il faut ajouter les 6 778 du collectif budgétaire de juillet, soit un solde positif total de 5 491 emplois, qui ne sont cependant pas tous des emplois de fonctionnaires. De l’autre les moyens de fonctionnement des administrations sont à nouveau fortement contraints au point qu’il sera bientôt impossible de tenir certains services en état de marche. La fermeture de Sous-Préfectures et de petits postes comptables en est une forme de manifestation. Les dotations aux opérateurs diminuent (Universités, Pôle emploi, CNRS, Météo) ainsi que leur part perçue sur certaines taxes.

Quant à l’évolution des dépenses d’assurance-maladie, elle sera contenue à 2,7 % soit une économie de 2,5 milliards d’euros par rapport à l’évolution tendancielle de ce poste.

Enfin, les collectivités territoriales bénéficieront d’un concours global de l’État à hauteur de 60 milliards d’euros. L’enveloppe normée des concours de l’État aux collectivités territoriales sera stabilisée en valeur. Son montant 2013 demeurera égal à celui de 2012, soit 50,5 milliards. Une baisse de cette enveloppe de l’ordre de 750 millions d’euros par an est par ailleurs prévue pour les années 2014 et 2015.

Prises en étau entre l’impossibilité d’augmenter leurs impôts locaux vu le poids important qu’ils représentent déjà sur la situation économique de populations de plus en plus en difficultés, la fermeture du robinet du crédit et la baisse des dotations d’État, les collectivités territoriales sont face à des choix cornéliens. Elles se trouvent contraintes malgré elles à promouvoir des politiques d’austérité alliant regroupements d’aubaine ou forcés, baisse des effectifs et réduction de l’offre de services publics par privatisation ou pur et simple abandon.

Quelques éléments d’appréciation

Dans leur présentation, les mesures du PLF 2013 envoient un message contradictoire. Un en direction des citoyens qui travaille l’idée de justice fiscale, l’autre en direction des milieux d’affaires et des financiers qui se veut rassurant quant à l’utilisation de la richesse créée. Et c’est bien là une contradiction irréductible qui, au final, ne peut que tourner à l’avantage des plus forts s’il n’y a pas intervention massive et déterminée des salariés et des citoyens.

Fondés sur la diabolisation de la dette et la hantise du déficit public, les choix gouvernementaux de réforme de la fiscalité risquent d’avoir l’effet d’un pétard mouillé. L’affectation prioritaire des nouvelles recettes fiscales à la réduction du déficit public ôte à la fois tout crédit et toute efficacité à la nouvelle politique fiscale tant appelée de ses vœux par la nouvelle majorité socialiste.

La fiscalité doit certes permettre d’établir une réelle justice entre les contribuables devant l’impôt en faisant contribuer chacun en fonction de ses capacités réelles. Mais cette fonction se suffit-elle à elle-même, permet-elle vraiment de réorienter utilement les recettes ainsi collectées ? L’efficacité de l’impôt ne peut se réduire à une sorte de revanche fiscale. La politique fiscale n’est pas le Robin des Bois des temps modernes. Certes, on ne peut que souscrire à l’augmentation des prélèvements fiscaux sur des contribuables comme Bernard Arnault, Mme Bettencourt, François Pinault ou Jérôme Seydoux, qui ont des taux réels d’imposition défiant toute concurrence. Cependant il est à craindre que les sommes recueillies ne servent qu’à la réduction du déficit ; en clair ,ne participent qu’à rassurer et à alimenter les marchés financiers, Cela pourrait servir seulement à remplir les poches d’autres milliardaires, voire souvent des mêmes que ceux à qui aura été prélevé de l’impôt supplémentaire. Car ceux-ci ont aussi quelques billes dans les fonds d’investissement, ces prélèvement n’auront été alors d’aucune efficacité économique et sociale. Ils n’auront servi à rien sauf à tenter de remplir une sorte de tonneau des Danaïdes. Cela montre à quel point réformer l’impôt implique aujourd’hui de se fixer le double objectif de mieux répartir pour inciter à produire autrement. D’où le couple indispensable et inséparable qui doit prévaloir dans tout projet progressiste de réforme de la fiscalité et qui allie développement de la progressivité à instauration de mécanismes de modulation incitative.

Outil de justice sociale par une meilleure répartition de la richesse, la politique fiscale doit en effet devenir un moyen inévitable d’impulsion d’une nouvelle croissance de la richesse à partir justement de cette nouvelle répartition. Mieux répartir la richesse c’est mieux l’utiliser. Notamment en l’utilisant comme un levier de soutien des politiques publiques et particulièrement du développement des services publics.

Cependant, sauf à jouer un rôle qui risquerait de devenir anti-économique, la fiscalité ne peut parvenir à elle seule à combler les déséquilibres budgétaires et à financer l’énorme besoin de dépenses nécessaires au développement de l’ensemble des capacités humaines. D’où le lien entre fiscalité et politique industrielle, le lien entre fiscalité et politique du crédit.

Sur quelle base reposent en effet les prélèvements fiscaux sinon sur l’argent généré par la création de richesses ? C’est par l’activité que se crée la richesse. Et c’est sur cette richesse que se prélève l’impôt, y compris d’ailleurs l’impôt des personnes. Sans création de richesses difficile d’instaurer un prélèvement fiscal. Peut-être la corvée et encore !

Une nouvelle orientation de la fiscalité place également l’enjeu d’une maîtrise collective et citoyenne des politiques publiques au centre de l’évolution des modes d’élaboration et de préparation de tout projet de loi de finances. Ce besoin de démocratie suppose d’aller bien au-delà de l’intervention de la seule représentation nationale, en donnant aux citoyens et aux salariés des pouvoirs d’intervention et décision, que ce soit en matière de définition des recettes ou dans le domaine de l’affectation des dépenses.

Cette dimension est essentielle pour faire de la fiscalité, en appui d’une nouvelle politique du crédit, un outil d’impulsion du développement économique à partir d’objectifs sociaux et environnementaux.

Malheureusement le chemin emprunté par le gouvernement semble assez éloigné de ces objectifs. L’exclusivité donnée à la réduction des déficits par l’augmentation des recettes fiscales et une nouvelle importante amputation de la dépense publique obèrent dans les faits tout soutien à des investissements utiles socialement, en particulier au développement des services publics. Toute hypothèse de relance d’une croissance saine et durable dès 2013, donc de recettes fiscales supplémentaires, s’en trouve ainsi compromise. La révision des chiffres de la croissance est en elle-même une sorte d’aveu avant l’heure.

C’est pourquoi il est à craindre qu’après avoir prélevé plusieurs dizaines de milliards d’impôts supplémentaires, le gouvernement soit confronté courant 2013 à la nécessité de préparer un nouveau collectif budgétaire pour parer une probable énième dérive du déficit public. Ce collectif serait naturellement synonyme de plans d’austérité renforcés mis en œuvre sous la pression de marchés toujours plus avides de parts de valeur ajoutée. Les propos optimistes tenus par le président Hollande à la veille du sommet européen de la mi-octobre quant à la sortie de crise de la zone euro, ainsi que les déclarations de M. Cahuzac sur les antennes de radio à propos d’une croissance aux alentours de 0,9 % en 2013, reposent sur une hypothèse tellement fragile et si peu sûre (la relance aux États-Unis), qu’il n’est pas possible pour l’heure d’en faire une base de travail sérieuse. Elle l’est d’autant moins qu’un des grands projets de l’année 2013 est d’engager un important transfert du financement de la protection sociale sur l’impôt, via la CSG. Cela démontre à quel point le gouvernement ne compte pas sur un retour de la croissance pour inverser la courbe déficitaire des budgets publics et sociaux en même temps qu’il continue à se soumettre aux injonctions du Medef de baisse du « coût » du travail qu’incarne le projet de choc de compétitivité.

Comme ses prédécesseurs au cours de la décennie écoulée, le PLF 2013 ne fait que labourer le terrain de l’austérité avec de vrais risques d’enfoncement. En ce sens il s’inscrit pleinement dans la poursuite de l’objectif d’une évolution radicale de la structure des prélèvements fiscaux et sociaux. Enclenché depuis plusieurs années, ce processus vise une déresponsabilisation sociale toujours plus grande du capital et des entreprises ainsi que l’accroissement du transfert de la part des prélèvements sociaux sur la valeur ajoutée vers les prélèvements financiers.

L’analyse des mesures fiscales proposées dans le cadre du PLF 2013 montre, contrairement à l’effet d’annonce recherché, qu’un impôt n’est pas concerné, en tout cas s’il l’est ce n’est que par des chemins détournés. Et cet impôt, c’est l’impôt sur les sociétés (IS) qu’il s’agisse de son taux ou de sa structure. Les principales mesures s’appliquant aux entreprises touchent en effet à des questions marginales (déductions des charges financières des emprunts limitées à 85 % puis à 75 % – 4 milliards – et calcul de la quote-part de frais et charges supportés lors de l’acquisition ou de la gestion des titres de participation détenus par les entreprises dans d’autres entreprises sur le montant brut des plus-values – 2 milliards –, report des déficits). Rien s’agissant de l’IS proprement dit.

Par contre l’accent est mis sur l’impôt sur le revenu et le patrimonial comme pour venir compenser cette béance. Sauf que les contribuables qui paieront seront les moins importants et les moins astucieux. Et sauf que la richesse se crée dans les entreprises à partir du travail humain et que c’est sur celle-ci, la Valeur Ajoutée, que doivent être principalement prélevés les financements publics et sociaux (services publics et protection sociale).

Cette tendance à la restructuration des prélèvements publics et sociaux n’épargne pas le financement de la protection sociale. En 2011 37 % du financement la protection sociale provient de la CSG, des compensations de l’État, et de quelques autres sources de financements (taxes sur l’alcool, le tabac). Peut-on croire, dans ces conditions, que le financement de la protection sociale à base de cotisations va se prolonger éternellement ? Un mécanisme identique à celui qui a conduit à la suppression de la taxe professionnelle est à l’œuvre. La taxe professionnelle s’était vue appliquer tellement d’exonérations, de réductions, de coups de rabots que l’État en était arrivé à en compenser quasiment 50 % du produit. Produit qui par ailleurs marquait une tendance à la baisse. Demain le même raisonnement sera tenu à propos du mode de financement de la protection sociale à base de cotisations prélevées sur la valeur ajoutée. Idem en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés dont le rendement sera en 2012 de 40 milliards, moins d’un quart du produit des prélèvements sur la consommation des ménages.

Un dernier élément d’analyse du PLF 2013 portera sur le chiffrage de ses principales dispositions. Son résultat révèle d’une certaine manière la profondeur des difficultés budgétaires actuelles, en même temps qu’il peut traduire un certain désarroi de ses concepteurs. N’est-il pas en effet assez révélateur que pour reconstituer le chiffrage budgétaire annoncé, il soit nécessaire de se livrer à une gymnastique arithmétique peu commune même si chacun sait que les projections en matière de rentrées fiscales, de niveau de croissance ou d’ampleur des déficits, ne relèvent pas d’une science parfaitement exacte.

Néanmoins on observera que les 20 milliards de recettes fiscales supplémentaires annoncées en 2013 se transforment, calculette en main et lecture attentive des documents préparatoires du PLF 2013 à l’appui, en 15,6 milliards.

Le comblement de la différence serait assuré par deux montants dont la rentrée est annoncée avec certitude :

– Il s’agirait pour 9 milliards de l’effet spontané des recettes de l’État qui serait fondé sur une évolution spontanée des recettes fiscales nettes en 2013 au titre desquelles le contrôle fiscal devrait concourir à hauteur de 1 milliard supplémentaire. Un tel chiffre ne s’apparenterait-il pas plutôt à une gageure sachant que le taux de croissance 2013 selon les hypothèses les plus optimistes restera entre 0 % et 0,8 % et que l’évolution spontanée des recettes fiscales tient pour une part déterminante à l’évolution de la croissance ? Sachant qu’1 % de croissance est égal à 19 milliards de PIB, prélever 9 milliards de recettes fiscales sur ce montant reviendrait à le taxer en totalité à 47 %. Or le produit fiscal national par rapport au PIB est loin d’atteindre un tel pourcentage. En moyenne annuelle, les recettes fiscales représentent environ 15 % du PIB.

– À cela s’ajouterait l’effet des mesures antérieures (Loi de finances rectificative de juillet) et des mesures de transferts ou de périmètre pour un montant total de 6,3 milliards d’euros. Ce chiffre demeure également hypothétique par son lien avec la croissance.

Par contre, la dépense augmentera de 3 milliards d’euros supplémentaires au titre d’événements exceptionnels comme la recapitalisation de la BEI.

Selon le chiffrage proposé, la consolidation des recettes et des dépenses ainsi recensées représenterait un montant de rentrées budgétaires d’origine fiscale de 27,3 milliards. Un chiffre pour le coup bien supérieur aux 20 milliards annoncés ! Vu l’incertitude qui entoure ces estimations, cette cuisine arithmétique conduit à deux remarques. Les mesures du PLF 2013 ne font-elles pas une part trop belle à des effets d’annonces et à des réalisations qui pour l’heure n’ont qu’un caractère éventuel ? Comment dès lors annoncer urbi et orbi le retour assuré à un déficit de 3 % fin de l’année prochaine ? Autant d’interrogations qui concourent à rendre encore plus probable l’annonce d’un collectif budgétaire courant 2013 et/ou l’engagement d’une profonde restructuration des prélèvements sociaux, par exemple à hauteur du montant préconisé par les tenants du choc de compétitivité, soit 40 milliards d’euros.

 

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