Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Airbus : Les institutions politiques européennes devant leurs responsabilités(1)

L’audition du 28 mars 2007, à Bruxelles, présidée par Francis Wurtz, au nom du groupe gauche unitaire européenne/gauche verte nordique (GUE/NGL), et à laquelle participaient Peter Scherrer, secrétaire général de la fédération des métallurgistes (FEM) et Reiner Hoffmann, Secrétaire général adjoint de la confédération européenne des syndicats (CES) a réuni une quarantaine de responsables et de militants syndicaux d’Airbus de L’UE, de députés et des représentants d’institutions concernées par cette crise . Il s’agissait d’examiner les raisons de la crise actuelle et les solutions alternatives ainsi que le rôle des institutions européennes.

Francis Wurtz qui ouvrait les travaux a notamment déclaré en accueillant les participants: « Je me réjouis particulièrement de voir réunis à cette initiative des représentants syndicaux français, allemands, britanniques, espagnols et belges. À un moment où les tentatives se multiplient d’opposer entre eux les salariés d’Airbus, c’est un symbole fort.» Il a poursuivi en caractérisant l’enjeu de la rencontre: « À mes yeux, « Power 8 » est inacceptable. Nous en demandons le retrait. La cause profonde de la crise actuelle doit être recherchée dans le poids exorbitant des actionnaires privés dans le capital d’EADS. Les États ne doivent pas se défausser. C’est pourquoi il est nécessaire d’engager une montée en charge du capital public dans EADS.  Il faut aussi initier des modes de financement nouveaux pour libérer l’entreprise de l’emprise des marchés financiers. La Banque européenne d’investissement (BEI) doit s’impliquer sans emprunter sur les marchés financiers avec un refinancement de la BCE à moindre coût. Des droits nouveaux d’intervention dans la gestion et la stratégie doivent aussi être développés. Airbus doit redevenir une grande ambition industrielle européenne.»

Peter Scherrer a réitéré  le rejet des métallurgistes  européens du plan Power 8. Refus des ventes de sites, des réductions d’emplois mais aussi volonté de voir mis en œuvre un vrai plan industriel basé sur l’innovation et le savoir faire des salariés. Il a appelé à une politique industrielle européenne soutenant l’aéronautique, notamment en terme de recherche et de développement, services qui sont essentiels à ce secteur. Il a rappelé qu’: « EADS est une société très européenne. Sa main d’œuvre hautement qualifiée constitue son principal atout. Je suis dès lors étonné qu’elle n’accorde aux représentants des travailleurs aucun siège au sein de son conseil d’administration, ce qui leur permettrait d’avoir une influence sur le processus de décision au sein de l’entreprise. »

Reiner Hofmann dénonce « les profits énormes des grands groupes alors que les emplois disparaissent » et « le besoin de réponses européennes à des défis que l’on ne peut pas relever qu’au niveau national ». Il invite à « réfléchir à rendre le modèle européen plus étanche au profit à court terme » et considère que « les marchés financiers ont trop d’influence ». Il s’interroge sur le fait que « la Commission européenne ne voit pas la nécessité de réglementer ce genre de pratique alors que des emplois sont en jeu ». Il accuse le patronat européen organisé dans l’UNICE de ne pas respecter l’accord signé en 1999 avec les syndicats de salariés sur les contrats atypiques, dont le préambule  précisait  que ces formes d’emploi ne devaient être qu’exceptionnelles.

Il montre en s’appuyant sur l’exemple d’EADS que l’information ne suffit pas et pose le problème de droits effectifs pour les salariés : « Seule une participation active des représentants des travailleurs dans le processus de restructuration permettrait d’éviter des répercussions sur l’emploi et les conditions de travail. » il a demandé par exemple des améliorations rapides des textes européens sur les comités d’entreprise européens en ce sens avec,notamment, une représentation appropriée des syndicats dans les processus de prises de décision de l’entreprise et pas seulement à titre d’information après coup.

Le débat qui a suivi a donné l’occasion à des syndicalistes d’illustrer ces exigences. Les syndicalistes  des différents pays ont montré les ravages, pour l’emploi mais aussi pour la capacité industrielle du groupe, du plan Power 8 et cela alors même que le carnet de commande est plein. « Plus de 6 ans de travail et un chiffre d’affaires de 250 milliards ! »

Ils ont, à force d’exemples, fait ressortir les ravages sociaux et économiques  du plan et ont montré son incohérence notamment du point de vue de la capacité future d’EADS à rester un grand acteur en ce domaine. Tant en ce qui concerne les questions d’argent, qui ne manque pas dans l’entreprise, que de financements à taux réduits pour le développement de programmes et d’investissements créateurs d’emplois et de richesse, ils ont affirmé la possibilité de mettre en œuvre d’autres choix.

S’inscrivant dans la débat, Helmut Markov député européen de la GUE/NGL a tenu à noter la pertinence des exigences qui ont été formulées dans le débat. Les relevant point par point, financement, carnet de commandes, emploi et nécessité de maintenir et d’accroître les activités, participation des salariés et des États aux décisions. Il affirmé  non seulement qu’elles rejoignaient les siennes mais qu’il y a dans ces propositions richesse, ils ont affirmé la possibilité de mettre en œuvre d’autres choix.

S’inscrivant dans la débat, Helmut Markov député européen de la GUE/NGL a tenu à noter la pertinence des exigences qui ont été formulées dans le débat. Les relevant point par point, financement, carnet de commandes, emploi et nécessité de maintenir et d’accroître les activités, participation des salariés et des États aux décisions. Il affirmé  non seulement qu’elles rejoignaient les siennes mais qu’il y a dans ces propositions

Conclusions de Jacky Hénin pour l’Audition Airbus

La crise d’Airbus et le plan de casse Power 8, ne concernent pas que le groupe EADS et ses sous-traitants. C’est l’avenir de toute l’industrie aéronautique européenne qui est en jeu.

La vocation industrielle de l’Union européenne et son indépendance technologique par rapport aux États-Unis sont menacées. En effet, dans les domaines de l’électronique, de la robotique, des nouveaux matériaux, de la conception assistée par ordinateur (CAO) ou du dessin assisté par ordinateur (DAO), la construction aéronautique tire l’ensemble de l’industrie européenne en matière d’innovation technologique.

L’Europe a besoin d’une industrie aérospatiale, puissante, à la pointe de l’innovation et créatrice d’emplois. Et sa force repose sur le savoir-faire de ses salariés. Tout doit être fait pour le préserver et le développer.

Le plan Power 8 est un danger non seulement pour Airbus mais aussi pour toute l’industrie aérospatiale  européenne. Power 8 n’est pas simplement un plan de restructuration. Il s’agit de mettre en œuvre un changement en profondeur des modes de production dans l’industrie aérospatiale européenne.

Il substitue  une logique financière de concurrence  à une logique industrielle de coopération.

Là où on mettait en synergie les hommes, les sites de production, les réseaux de sous-traitants, les potentiels industriels nationaux, Power 8 met en concurrence à outrance, les salariés, les sites, les sous-traitants, les nationalités.

C’est inacceptable ! C’est dangereux !

On laisse entendre qu’il n’y aura pas de licenciements secs en particulier dans les secteurs de la production et des études. Mais à terme, quelle garantie pour l’emploi des salariés des sites industriels qu’EADS cèdera à ses partenaires ?

40 % des salariés parmi les plus qualifiés d’Airbus vont partir à la retraite  dans les dix ans. Avec Power 8, vont ils être

« remplacés » par des contrats précaires et par des mesures d’externalisations ou de délocalisation hors des frontières de l’Union européenne,  entraînant  ainsi une terrible perte de savoir faire pour l’entreprise ?

On ne peut qu’être inquiet lorsqu’on rapproche l’ampleur de ces départs à la retraite, de l’objectif que se fixe Power 8 de réduire de 40 % les coûts de développement d’Airbus.

Cette logique, focalisée sur la soif de dividendes des actionnaires, compromet  l’avenir de la filière aérospatiale  européenne en étant source de gâchis, de perte d’indépendance technologique, de disparitions de savoir faire stratégique…. Power 8 doit être retiré, c’est incontournable.

Le futur de l’Europe de l’Aérospatiale ne peut se résumer à un meccano financier entre EADS, BAE system, Finmeccanica, Aero Vodochody, Dassault, Safran, MTU, Rolls Royce et d’autres.