Introduction de l’atelier 1 par Paul Boccara,Il s'agit :
● des nouveaux principes du droit du travail,
● de la sécurisation des contrats de travail,
● du statut de sécurisation et de promotion des travailleurs.
Ces propositions visent une co-élaboration citoyenne d'une loi de sécurisation sociale de l'emploi et de la formation, que nous proposons avec Marie-George Buffet. Cette loi comporterait cinq ensembles.
Il ne s'agit, dans cet atelier, que des deux premiers ensembles : principes, contrats et statuts.
Avec les licenciements et les suppressions d'emplois en rafale et face à la persistance du chômage massif et à la précarisation grandissante monte un ras le bol. Ces pratiques intolérables des entreprises s'appuient sur des mises en cause du droit du travail que les forces dominantes veulent pousser encore plus loin :
● après le CNE, permettant de licencier sans motif et sans recours les deux premières années, il y a eu le CPE qui a été rejeté,
● mais Mme Parisot et le Medef reviennent à la charge avec leur « séparabilité par consentement mutuel » pour « dédrama- tiser les modalités du licenciement ».
Et Sarkozy propose un « contrat unique » inspiré du CNE : tout en prétendant qu'il s'agit d'un CDI, il déclare que les droits de protection croîtraient avec l'ancienneté, c'est-à-dire qu'ils seraient nuls ou très faibles au début, où l'on pourra licencier à tout va.
Cependant, avec le ras le bol, c'est aussi la montée de l'idée de sécurisation des emplois, que les communistes ont misen avant pour avancer vers une sécurité d'emploi ou de formation. C'est aussi l'idée de sécurité sociale professionnelle de la CGT, dont la formule est reprise par Ségolène Royal et celle de sécurisation des parcours professionnels dans tous les syndicats et jusqu'à sa reprise démagogique par Sarkozy.
Pour une loi de sécurisation sociale de l'emploi et de la formation nous proposons d'abord de débattre des principes, contrats et statuts, avant de considérer les pouvoirs, institutions et moyens dans les autres parties d'un projet de loi possible.
Nous visons une réorientation, un basculement des principes : pour passer de la précarité qui a toujours existé, mais qui est exacerbée aujourd'hui, à une sécurisation, bien au-delà des protections de droit déjà conquises, pour éradiquer graduellement le chômage et la précarité.
Un système de sécurité d'emploi ou de formation – avec une sécurité d'activités professionnelles, soit emploi, soit forma- tion, pour chacun, avec des rotations emploi/formation et une mobilité de promotion – ne peut être instaurée immédia- tement. Mais les droits nouveaux pour un processus de sécurisation immédiat, peuvent viser à progresser vers ce système.
Il s'agit de :
● remplacer, de plus en plus, le passage par la case chômage
par des mesures contre les contrats précaires et des licen- ciements,
● un essor considérable des activités de formation, longue et bien rémunérée, avec des débouchés en emplois,
● des créations nouvelles massives d'emplois.
● Des droits nouveaux à une sécurisation des activités
professionnelles peuvent concerner : un accroissement graduel de la formation continue rémunérée, des droits grandissants pour des contrats maintenus dans l'entreprise ou au moins passant d'une entreprise à une autre, etc. Ils seraient attachés à chaque personne et non limités à la durée du contrat avec une entreprise. Ils s'articuleraient à de nouveaux pouvoirs individuels et collectifs pour faire appli- quer ces droits.
● Cela passera par l’affiliation personnelle de chaque rési- dent, à partir de la fin de l'obligation scolaire, à un service public et social de sécurisation de l'emploi et de la formation, par des pouvoirs nouveaux des travailleurs dans les entre- prises, des conférences régionales et nationale annuelles sur l'emploi et la formation,
● Cela définira un statut nouveau des travailleurs.
par rapport aux conventions de branche et par rapport aux lois (auxquelles les conventions ne peuvent également apporter des reculs) pour les travailleurs.
Cela, à l'opposé de diverses dispositions législatives et notamment de la loi de 2004 sur le dialogue social.
Il s'agit de mesures pour les deux extrémités du parcours professionnel : l'entrée dans l'emploi des jeunes, les fins de carrière. Cela peut concerner un pourcentage obligatoire dans les entreprises de jeunes et des contrats pour les jeunes à durée indéterminée et à temps plein, mais avec des soutiens spécifiques, pour la formation, un tutorat, le loge- ment, etc. Cela peut concerner des pénalisations contre les licenciements des seniors, des services et des forma- tions particulière pour les travailleurs âgés. Il faut aussi non seulement des pénalisations mais aussi des mesures spéciales pour les autres discriminations : femmes, jeunes des banlieues, travailleurs issus de l'immigration, depuis des crèches jusqu'à un accès particulièrement aménagé à des formations de longue durée.
Ici aussi nous visons un basculement.
En effet, alors qu'il est mis si fortement en cause, le droit du travail avait attribué progressivement des protections et des droits contre les risques de rupture des contrats et les abus de licenciements, ainsi que sur les conditions de travail, sans pour autant supprimer la non stabilité fondamentale et dominante. Il y avait donc déjà un certain statut de fait des salariés.
Mais serions placés, de nos jours, face à une alternative radicale :
● d'un côté, dans la pratique et dans le droit, la montée des ruptures de contrats, des contrats précaires et atypiques : CDD éventuellement très courts, intérim, temps partiels contraints, contrats aidés précaires, ainsi que le projet d'aller plus loin encore avec le contrat unique de Sarkozy.
● d'un autre côté, monte la critique et les aspirations à des mesures, allant bien au-delà des protections limitées anté- rieures pour des protections radicales grandissantes jusqu'à la sécurisation complète des contrats et des activités, avec un statut explicite de sécurisation et de promotion des travailleurs.
Cela conduit dans l'immédiat, à proposer cinq points sur les contrats :
Le contrat de nouvelles embauches (CNE) et le contrat senior seront abrogés.
Le CDI est renforcé notamment par l'obligation d'être écrit pour ses clauses principales. Il est inséré dans un parcours de sécurisation par l’affiliation automatique de chaque rési- dent à un service public et social de sécurisation de l'emploi et de la formation, et par un nouveau statut explicite.
Les CDD doivent être convertis : avec un plafond maximum graduellement réduit suivant les branches, pour aller très vite vers 3 ou 5 %, avec une pénalisation forte par l'augmentation des prélèvements chômage et formation.
Le recours à l'intérim sera graduellement réduit, puis stric- tement limité, tandis que des « groupes de remplacement » devront être mis en place dans les grandes entreprises. Un plan de conversion des emplois à temps partiels contraints, notamment dans la grande distribution et aussi des emplois aidés, en emploi à temps plein, pouvant inclure un temps de formation rémunérée.
Des salaires, conditions de travail, garanties contre les licenciements, etc. pour les salariés des entreprises sous-traitantes, inférieurs à ceux des travailleurs en contrat avec les donneurs d'ordres, seront interdits. Tous les travailleurs employés sur le même site seront dotés des mêmes droits.
On instaurera des incitations fiscales et du crédit à de nouveaux groupements d'employeurs ainsi qu'avec des organismes de formation dans une même branche d'activité, un même secteur géographique.
En relation avec ces nouveaux groupements, de nouveaux contrats de pluriactivité professionnelle et de sécurisation emploi-formation seront instaurés, expérimentés et développés. Ils seront maintenus avec le passage des travailleurs concernés d'une entreprise à une autre, ou d'une entreprise à une institution de formation continue, jusqu'à un retour à un nouvel emploi.
Je souligne, sans avoir le temps de les traiter précisément, l'importance des dispositifs contre les discriminations, sur l'augmentation générale des salaires, depuis le SMIC à 1500 euros brut, les conditions de travail, la généralisation des 35 heures sans insuffisance des salaires, le remplacement des retraités sous le contrôle des élus du personnel dans les entreprises comme dans les services publics.
Nos propositions vont dans le même sens que le statut du travail salarié de la CGT, avec cependant des différences. En effet, nous voulons commencer à avancer, au-delà de la subordination du salariat du Code du travail, en traitant d'un nouveau statut des entreprises et aussi des rapports aux banques, à l'opposé de la domination des actionnaires et du marché financier. Nous proposons également, avec la mutualisation des financements, une formation continue de plus en plus allongée, comme activité rémunérée pour se développer soi-même et non comme activité pour autrui contre un salaire.
Ce statut, à développer, impliquera, dans l'immédiat,
6 éléments :
1. Des avancées de la sécurisation des parcours professionnels, avec des rotations emploi/formation/emploi.
2. Un droit à la formation continue rémunérée, longue et accrue d'année en année.
3. Des pouvoirs de propositions alternatives sur les décisions de gestion des entreprises, non seulement sur les conditions de travail, l'emploi ou la formation, mais sur toute la gestion.
4. Un droit de saisine individuelle et collective du Fonds national et des Fonds régionaux de prise en charge des intérêts des crédits aux investissements d'autant plus abaissés que seront programmés emplois et formations.
5. Des pouvoirs, considérablement étendus, pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences avant toute difficulté, contre les licenciements, pour de bons reclassements pour tous.
6. Des droits de participation personnelle et par des représentants, aux conférences annuelles, régionales et nationale, sur l'emploi et la formation.
Tout cela s'articulerait, bien sûr, à tous les éléments sur les droits et pouvoirs, les institutions, les moyens financiers des autres parties de la loi. Et toute la loi n'a de portée que si elle est utilisée pour les luttes, tandis que les luttes pourraient la réclamer d'abord puis la faire évoluer.