Réponse : Il y a une crise profonde de la gauche en France, tout particulièrement du PCF, ainsi que dans l’Union Européenne. Elle a des causes historiques profondes. L’exacerbation de la domination du marché et du libéralisme, avec la mondialisation capitaliste, utilisant les nouvelles technologies, entraîne des pressions pour le ralliement au marché contre les idées d’Etat social, et encore plus contre les projets de transformation révolutionnaire. D'autant plus qu'il y a l'effondrement de l'Union soviétique et la confusion entre l'expérience soviétique, avec ses aspects négatifs, et le communisme. Cependant, la révolution technologique informationnelle, qui fait prédominer les informations comme les recherches, partageables à l’échelle du monde, entraîne, à la fois, les privatisations et la progression des sociétés multinationales, parce qu’elles peuvent davantage partager les coûts de recherche qu’une entreprise publique purement nationale, mais aussi le besoin de formation, de développement des capacités humaines, et de coopération mondiale.
Les conditions sont donc très ambivalentes. En dépit des graves difficultés et des reculs, il y a de grands potentiels de remontée, appelant des initiatives pour la transformation à gauche.
En France, ce sont les échecs répétés de la gauche et notamment du Parti Socialiste aux élections présidentielles, surtout à la dernière. Cela renvoie aux divisions de la gauche et à l’intérieur des partis de gauche, à la dérive du Parti Socialiste vers le social-libéralisme et le centrisme de droite. Cela, face à la montée de la droite et à sa victoire nouvelle en 2007 : avec sa récupération des thèmes d’extrême-droite anti-immigrés et aussi de thèmes de gauche, comme sur la « sécurisation des parcours professionnels » pour l’emploi.
Pour le Parti Communiste français, après une longue tendance au recul électoral, c’est l’effondrement à la dernière élection présidentielle, en raison du vote « utile » de ses électeurs pour le PS, mais aussi du brouillage de son image, avec notamment les hésitations entre une candidature communiste et une plus vague dite « anti-libérale ».
Cependant, il y a eu le succès du «Non» au Traité constitutionnel européen ou celui du retrait du contrat très précaire pour les jeunes (CPE). Toutefois, face à tout cela, c’est un véritable défi existentiel avec la proposition de la dilution du PCF dans une autre formation politique à créer avec d’autres, à l’opposé de celle de sa novation très profonde pour développer l’originalité de son apport à toute la gauche et à la transformation sociale, y compris avec des initiatives internationales.
Dans l’Union Européenne, on peut prendre l’exemple de l’Italie. C’est le passage de la grande masse du Parti Communiste italien, après sa dissolution, au centre-gauche et de plus en plus vers le centre-droit, les déchirements et les hésitations des petites formations se réclamant du communisme. Mais cette régression s’oppose aux exigences sociales et populaires, et la poursuite de cette régression indéfiniment n’est pas fatale. Pas plus que n’est fatale cette voie en France. D’ailleurs, quand l’Italie a subi le fascisme, nous avons fait en France le Front Populaire. Et après tous les graves reculs, il y a eu les grandes remontées en Europe.
Réponse : La mondialisation capitaliste et la domination des marchés financiers, malgré le matraquage des médias en leur faveur, développent des tendances de plus en plus contradictoires.
D’un côté, c’est la domination mondialisée des sociétés multinationales, des Fonds d’investissement spéculatifs, des grandes banques, du dollar, utilisant les nouvelles technologies pour la rentabilité financière. Mais, d’un autre côté, c’est l’importance et la durabilité du chômage de masse, la précarisation grandissante des emplois, avec la mise en concurrence dessalariés du monde entier, l’instabilité de la croissance et sa faiblesse en Europe, les effondrements financiers à répétition, les graves défis écologiques des pollutions et des menaces sur le climat, la poussée des migrations vers le nord et les affrontements culturels, les agressions militaires de l’hégémonie des EtatsUnis comme du terrorisme islamiste.
Il y a maintenant une crise de la domination du dollar, avec l’endettement formidable des Etats-Unis et de leurs Bons du Trésor détenus notamment par les banques asiatiques, la montée de l’euro, la création de la Banque du Sud en Amérique Latine. Il y a une crise du FMI, de son rôle de gendarme en faveur des créanciers contre les dépenses sociales, de la représentativité des droits de vote, de son efficacité, avec la progression de son déficit.
L’opposition entre l’élévation des prélèvements publics et sociaux et l’élévation des prélèvements financiers fait monter le défi d’un dépassement de la domination des marchés financiers par un autre crédit à long terme et une autre création monétaire. Cet autre crédit, appuyé sur une autre orientation de la Banque Centrale Européenne et sur un FMI refondu et démocratisé, avec la création d’une monnaie commune mondiale à l’opposé du dollar, pourra favoriser, avec des taux très abaissés ou même zéro, l’emploi et les dépenses sociales de co-développement des peuples, ainsi qu’une expansion considérable des services publics.
Le rapprochement de l’Union Européenne, à partir de la progression de son modèle social et de la transformation de la Banque Centrale Européenne, avec les pays émergents et en voie de développement, pourrait faire reculer l’hégémonie des Etats-Unis, du dollar, et des marchés financiers. Cela permettrait l’institution de Services et Biens Communs de l’humanité, dont le besoin est de plus en plus reconnu : pour l’alimentation, l’eau, l’énergie, l’écologie, le transport, la santé, l’éducation, la communication et la culture.
Une autre civilisation de toute l’humanité devient possible, face aux défis de la mondialisation capitaliste et libérale, avec l’avancée d’une démocratie participative du local au national, au zonal et au mondial, des valeurs de paix et de partage des ressources, des pouvoirs, des informations, des rôles pour l’apport à la créativité sociale de chacun et de tous les peuples.
Réponse : C’est la précarisation grandissante des emplois en France et en Europe qui pousse l’exigence d’une sécurisation de l’emploi et de la formation. D’ailleurs, dans l’Union Européenne, est montée la thématique dite de la «Flexisécurité» («Flexcurity» en anglais) avec notamment le Livre vert de la Commission Européenne, « Moderniser le droit du travail ». On y retrouve l’affichage des deux principes nouveaux de mobilité et de sécurité. Mais c’est pour une flexibilité écrasante, de généralisation de la précarité contre les rigidités prétendues du marché du travail, avec une moindre protection contre les licenciements sous prétexte de favoriser l’embauche, et son accompagnement par de petites mesures d’aides sociales publiques pour le revenu et pour la formation dite « tout le long de la vie ».
En France, après que nous ayons avancé, dans le cadre de la théorie marxise et du PCF, le projet de « sécurité d’emploi ou de formation » puis l’idée de « sécurisation » pour progresser immédiatement et concrètement vers cette sécurité, cela a été en partie repris par la CGT avec son projet de «sécurité sociale professionnelle», avec aussi d’autres influences réformistes.
Ce terme de sécurité sociale professionnelle a été repris par le Parti Socialiste et, finalement, avec un autre contenu, par des économistes de droite dans un Rapport à la demande de ministres de droite, dont l’actuel président de la République. Et le mot d’ordre de « sécurisation des parcours professionnels » est désormais repris par tous les syndicats, les partis de gauche et le parti de droite au pouvoir, avec, bien sûr, l’enjeu de promesses pour couvrir des mesures de précarisation radicale, à l’opposé d’un contenu de sécurisation effective et de promotion des emplois.
La question d’un «dépassement», au sens marxiste, à la fois des maux et de la force du chômage du capitalisme, permettant la réussite de son éradication graduelle, est ainsi posée, à l’opposé de ce qui avait été fait en Union Soviétique avec sa garantie rigide d’emploi.
En effet, le chômage est un mal terrible mais aussi une grande force du système capitaliste, avec le mouvement et les suppressions d’emplois poussant des changements techniques. Avec la mobilité de promotion dans la sécurité de chacun et la rotation emploi/ formation, la force des suppressions d’emplois est conservée, mais sans passer par le chômage, avec la mise en formation et la conservation d’un bon revenu pour revenir à un meilleur emploi.
Cela exigerait, bien sûr, de nouveaux moyens financiers, comme un tout autre crédit, pour les investissements, à taux très abaissé, d’autant plus que sont programmés de l’emploi et de la formation, depuis des Fonds régionaux et nationaux jusqu’à la Banque Centrale Européenne. Cela renvoie à un nouveau service public de l’emploi et de la formation, avec des pouvoirs étendus des travailleurs eux-mêmes, dans le cadre d’une démocratie participative et d’interventions décentralisées et concertées ainsi que d’une progression historique du modèle social européen.
* Interview accorde au journal grec Epohi