Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Paris, 15 mai 2008 : rencontre sur la crise financière, sa portée, les propositions des communistes

La crise financière qui a éclaté à partir des États-Unis, à l'été 2007, a déjà fait l'objet de nombreux commen taires, soit extrêmement alarmistes, soit, au contraire, rassurants.

En réalité, alors qu'on reconnaît son ampleur et sa nouveauté, elle serait révélatrice de la maturation des transformations profondes et de la crise systémique radicale du capitalisme financiarisé et mondialisé.

Au-delà de sa portée immédiate, ce sont les suites du processus et sa grande portée aux plans économique, social, politique et idéologique d'ensemble qui sont en cause.

Des propositions radicales concernant des mesures et des luttes novatrices auraient une opportunité historique pour être présentées comme réalistes, en répondant non seulement aux besoins à court terme mais aussi à long terme des populations en France, dans l'Union européenne et dans le monde.

Face aux défis de la nouveauté profonde de la situation et de ses risques, elles peuvent faire l'objet d'un débat durable avec les militants syndicalistes, associatifs et politiques ainsi qu'avec les élus, pour leur développement dans des actions rassembleuses et persévérantes. Et cela, en contribuant au débat si nécessaire aujourd'hui à gauche, face au social-libéralisme et au Sarkozisme, avec l'apport des analyses marxistes et des communistes devant les défis profonds non seulement de résistance mais d'avancées sociales transformatrices.

Afin d’introduire cette discussion, je vais considérer trois parties :

1 – la crise financière, comme révélateur.

2 – sa portée immédiate et globale à plus long terme.

3 – des propositions novatrices pour les luttes.

La crise financière de 2007 – 2008 :

Révélateur de la gravité nouvelle de la spéculation du capital financier mondialisé

Les mécanismes qui ont conduit  à l'éclatement  à l'été 2007 de la crise financière  mondialisée  sont assez bien connus maintenant, du moins dans leur principe.

Mais plus profondément, ce qui serait révélé, c'est la gravité nouvelle de la spéculation  financière, ellemême exprimant la maturation de la crise systémique radicale du capitalisme  financiarisé  et mondialisé.

On peut rappeler le mécanisme de principe de la crise des crédits immobiliers dits des «subprimes» et les pertes considérables des banques. Après la privatisation des institutions de soutien du crédit hypothécaire, aux États-Unis, on a assisté vers 2005-2006 à une croissance très importante des crédits pour des achats de maisons, garantis par leurs hypothèques. Alors que la demande grandissante des habitations a poussé leur prix à la hausse de plus en plus aux États-Unis (et dans une moindre mesure en Europe et ailleurs),  cela a donné confiance pour garantir par des hypothèques  des prêts de plus en plus coûteux. Et cela pour des masses grandissantes de ménages aux revenus modestes.

Les banques et les Fonds financiers ont cherché des profits  élevés avec des taux d'intérêt  progressivement relevés tandis  qu'ils  utilisaient  des fonds empruntés avec des taux plus bas. Les crédits ont été titrisés.  C'est-à-dire que les banques et officines de crédit  ont vendu leurs titres de créance à d'autres banques et à des Fonds financiers  plus ou moins spéculatifs pour diminuer leurs risques, bien au-delà des États-Unis. Ils se sont permis ainsi de relancer leurs prêts jusqu'à d'énormes montagnes de dettes. Mais les prix  immobiliers sont finalement  devenus trop élevés. Ils ont dû ralentir  puis baisser, tandis qu'au contraire les taux d'intérêt étaient relevés. D'où les non-remboursements  des crédits  et les ventes forcées de logements, relançant encore la baisse des prix des logements et les défaillances des acheteurs à crédit. D'où, avec la montée des impayés de crédit, les craintes des défaillances empêchant les soutiens des banques prêteuses et les prêts interbancaires. D'où la crise de liquidités, la dévaluation des créances et les pertes très considérables dans les banques et les Fonds.

Il faut souligner l'énormité nouvelle des multiplicateurs du crédit, avec des pools de produits financiers très complexes. On a ainsi cherché à relever considérablement  les perspectives  de profit  mais aussi on a augmenté les risques.

Par exemple, un Fonds a emprunté  15 fois sa mise initiale dans une succession complexe de crédits en chaîne. Soit pour 100 millions on passe à 1,5 milliard. Un autre avec 100 millions  a déclenché une mobilisation de 3 milliards  de dollars. En outre, les achats de titres de crédit  ont été considérés comme du capital garantissant d'autres crédits.

En ce qui concerne les pertes liées à la dévalorisation de titres de créances en difficulté de remboursement dans les banques et dans les Fonds d'investissement, elles sont considérables. On a d'abord considéré 200 milliards  de dollars  dont 50 % localisés aux ÉtatsUnis, avec 22,5 milliards  pour Merrill  Lynch, 18 à 22 milliards  $ pour City group, et plus de 15 milliards  $ pour la banque suisse UBS, 5,4 milliards d’euros pour le Crédit agricole en France ou 3,5 milliards  d’euros pour la Société générale.

Mais ensuite on a parlé de 400 milliards  $ et cela pour des sommes exposées de 945 milliards $. Il faut aussi considérer encore le risque des assureurs qu'on a pu chiffrer  à 820 milliards  de dollars, soit 14 fois leurs fonds propres.

Cependant, derrière les mécanismes et les chiffres de cette spéculation, on doit considérer la maturation des transformations et de la crise systémique d'ensemble du capitalisme  financiarisé  et mondialisé. Pour l'essor d'une spéculation,  il faut un triangle  :

1 – une masse financière,

2 – une incitation à de hauts profits possibles,

3 – une demande augmentant fortement par rapport

à une offre pour  une marchandise  sur laquelle spéculer.

Or, désormais les transformations très profondes du capitalisme et de sa crise systémique poussent formi-

dablement ces trois éléments :

C'est, premièrement, d'énormes disponibilités financières résultant :

-du début de la révolution monétaire de décrochement de la monnaie par rapport à l'or, avec le dollar comme monnaie mondiale de fait et sa formidable création inflationniste possible,

-les débuts de la révolution technologique informationnelle,  avec les économies considérables  de moyens par rapport à la valeur ajoutée produite, en prix. D'où d'énormes disponibilités pour les prélèvements et les placements financiers (comme d'ailleurs aussi pour les prélèvements publics et sociaux).

Deuxièmement, le fort relèvement des taux de profit devenu possible avec les économies de coûts de la révolution informationnelle par rapport aux produits, mais aussi avec les salaires bas des pays émergents avec la mise en concurrence de tous les salariés du monde. Cela incite  à une très forte rentabilité des fonds des entreprises  et encore plus des Fonds spéculatifs.

Troisièmement, l'insuffisance  de certaines productions par rapport à la montée des besoins populaires, comme les logements, l'énergie, les matières premières, l'alimentation, qui peuvent servir d'appui à la spéculation.

Cela a exacerbé les défis de l'opposition entre capitaux et populations salariées.

Outre le renforcement de l'exploitation des salariés, avec leur mise en concurrence dans le monde entier, c'est aussi la pression sur leur consommation  par les prix relevés de façon spéculative, pesant sur leur pouvoir d'achat, et par les prélèvements  de leur endettement.  Avec des mécanismes financiers  en partie  décrochés des exigences de la production, avec les économies de coûts de la révolution informationnelle, le système tourne en partie en rond, en quelque sorte pour  lui-même, de façon perverse. C'est la montée du parasitisme et de l'immoralité de la rentabilité financière avec la perversité amplifiée du fric pour le fric.

On le voit avec la crise de l'immobilier où les ménages les moins aisés qui sont les plus nombreux  et les plus fragiles sont les plus visés et les plus touchés. Par exemple, aux États-Unis, comme pour plus d'un million de ménages, Cleveland a vu se multiplier les saisies d'appartements et les appartements vacants abandonnés. Et le maire a porté plainte contre  les banques même si leurs opérations  étaient légales. Car, a-t-il dit, quand un passant est renversé hors des clous, par un automobiliste respectant la limitation de vitesse, ce dernier a respecté le code mais il est un criminel. C'est la même chose pour le système. Ce sont, aussi, sous prétexte des difficultés nouvelles de la conjoncture  liées à la crise financière, que met en avant Sarkozy, les dispositions  structurelles de réduction de dépenses publiques en France, comme ailleurs  dans l'Union européenne. C'est encore  le durcissement de la déjà très dure Banque centrale européenne dans sa mission dite anti-inflationniste, c'est-à-dire pour un euro fort pour les placements financiers  avec des taux d'intérêt élevés contre les relèvements de salaires. Et c'est partout ailleurs les mesures structurelles contre les dépenses salariales et sociales avec la mise en cause des services publics  pour protéger  les profits et les placements financiers.

La portée économique et sociale immédiate et à plus long terme de la crise financière :

Vers  la   nouveauté  et  la   profondeur  de  la prochaine crise économique d'ensemble mondiale

La prochaine  crise ne veut pas dire fatalement la dernière, évidemment.

Malgré certains ralentissements de la croissance, la crise financière ne débouche pas encore sur une crise mondiale d'ensemble. Alors que nous avons eu après la crise financière dite asiatique de 1997, la crise économique globale de 2000-2001.

On va probablement avoir une telle succession avec une crise économique encore plus profonde.

 Voyons d'abord la portée immédiate de la crise financière.

Ce sont les difficultés et les pertes des banques et des Fonds d'investissement, surtout aux États-Unis, mais aussi en Europe. Et cela a entraîné les soutiens publics importants depuis les injections  massives de liquidités par les banques centrales, comme la FED, avec elle des baisses de taux, la Banque d'Angleterre ou la Banque centrale européenne, jusqu'à la nationalisation forcée de la banque britannique Northern Rock ou le rachat provisoire de la banque Bear Stearn par  la banque J.-P .Morgan avec le soutien de la FED. Ensuite, les difficultés  des banques ont provoqué, surtout aux États-Unis mais plus ou moins ailleurs, des freinages et des difficultés  nouvelles du crédit,  qui pèsent principalement sur les P. M. E. ainsi qu'immédiatement,  pour  elles, des licenciements,  des pertes d'emplois  avec des restructurations importantes dans le secteur bancaire et financier.

En relation avec le freinage du crédit et avec les difficultés de consommation  des ménages endettés ce sont encore les ralentissements de la croissance. Il est surtout relativement marqué aux États-Unis avec une croissance très faible au premier  trimestre  et la menace d'une récession. Il est quand même sensible en Europe, quoique le ralentissement y est moindre, de l'Irlande à l'Espagne (où le chômage fait un bond) à l'Italie, et à la France.

Toutefois, pour 2008, même si les pays émergents sont quelque peu touchés et ralentis, leur croissance restera encore très forte. Par exemple la Chine passerait de 11,4 % à 9,3 %, l'Inde de 9,2 à 7,9 ; l'Amérique latine de 5,6 à 4,3 ; la Russie de 8,5 à 7 ; tandis que l'Afrique continuerait à relever sa croissance de 6,2 à 6,3.

Dans ces conditions,  la croissance mondiale  va baisser, mais tout en restant relativement soutenue. Cela ne constitue  pas encore une véritable  crise mondiale. Cependant, si la crise financière semble relativement calmée, il reste encore beaucoup de cadavres dans les placards.

Mais surtout,  quant aux perspectives  ultérieures, elles vont de :

● Pour certains économistes, la fin de la crise financière, soit ces jours-ci, soit prochainement et la reprise durable, grâce à tous les assainissements, à partir de 2009.

● Ou, au contraire,  pour d'autres économistes, à la poursuite  et même à l'aggravation  des difficultés.

● Ou encore, selon moi, le plus probablement, à la fois, des réponses capitalistes entraînant un certain rebond de croissance en 2009, puis l'éclatement  d'une nouvelle crise globale non seulement financière mais proprement  économique, à l'échelle mondiale, vers 2010, 2011 ou 2012. Elle serait plus profonde  que celle de 2000-2001.

Voyons donc la portée à plus long terme : cela va du déplacement de la spéculation vers d'autres produits à l'éclatement de la prochaine suraccumulation des capitaux.

Le soutien par les banques centrales et par des fonds publics  des banques les plus touchées contre  le risque d'effondrement en chaîne effectivement stoppé, ou encore un certain  soutien de la consommation aux Etats-Unis par réduction de la fiscalité, n'ont pas répondu aux facteurs profonds ni de la spéculation qui reste très stimulée et profonde et encore moins de la crise systémique d'ensemble -. On a donc un déplacement de ces énormes masses financières spéculatives existantes et aussi des potentiels existant dans le système nouveau de démultiplication du crédit, y compris pour tenter de se refaire comme des joueurs après des pertes. Et cela, vers d'autres productions sensibles que celle des besoins de logements, où il y a un écart, considérable  et grandissant, entre les conditions  de l'offre et de la demande populaire. C'est la spéculation sur le pétrole et aussi sur le gaz qui explose, sur les matières premières du charbon au minerai de fer, bien plus que sur l'or, et sur les ressources alimentaires de base, le blé, le riz et maintenant le maïs -, face aux besoins grandissants de ces produits dont les prix s'envolent. Et la spéculation, s’appuyant  sur des contrôles  du capital  financier, pourrait toucher des éléments des services publics avec des privatisations et des implications des entreprises d’assurance, comme pour la santé.

Mais bien plus, l’amplification en cours de la spéculation vient percuter des facteurs réels profonds de la crise systémique, lesquels, arrivés à maturité, peuvent désormais atteindre des seuils de gravité sans précédent.

Cela concerne d'abord la crise et la révolution écologiques avec leurs trois dimensions :

La tendance à l'épuisement ou du moins à des coûts très élevés à cause de l'insuffisance  de ressources traditionnelles ;

Des risques intolérables  de pollution, notamment l'effet de serre sur le climat ;

Les nouveaux espaces et domaines à maîtriser, comme l'espace, les océans, le biologique.

Cela se marque particulièrement pour  la consommation des produits  pétroliers et ses rejets, avec la progression formidable des motorisations traditionnelles et notamment  le rattrapage massif des pays émergents.

Cela se marquerait  aussi désormais à propos  des produits de base alimentaires dans le monde, avec la relance de la faim et de ses émeutes dans les pays en voie de développement. Ce qui renverrait aux besoins nouveaux liés à l'urbanisation devenue majoritaire, à la croissance démographique dans les pays du Sud, aux limites profondes concernant l'eau, les capacités d'achat des engrais, etc.

A leur tour  ces relèvements durables  de prix  ont commencé à renforcer les exigences de salaire et de pouvoir d'achat salarial partout. Et à cela se joignent les besoins devenus immenses concernant, dans le monde entier, les insuffisances de salariés qualifiés et de formation.

C'est aussi les besoins de la révolution démographique de la longévité et des retraites ou encore les pressions migratoires du Sud.

Des luttes salariales nouvelles se manifestent d'ailleurs partout dans le monde : comme en France ou en Allemagne mais aussi dans les pays entrés nouvellement  dans l'Union européenne comme on l'a vu chez Renault Dacia en Roumanie ou encore dans les pays émergents avec beaucoup de luttes très nouvelles en Inde, au Pakistan, au Chili, etc.

Et, couronnant le tout, on peut prévoir l'exacerbation des tentatives, ayant déjà commencé, de réponses capitalistes fondamentales par de nouveaux moyens techniques, de nouvelles productions, pour remplacer les travailleurs notamment  qualifiés et économiser les salaires, ou encore pour économiser l'énergie et les matières.

Il s'agit de nouveaux équipements, de nouvelles infrastructures, de nouveaux moteurs, de nouvelles automobiles, de nouveaux avions, de nouvelles installations énergétiques, d'autres matériaux composites, de nouveaux composants électroniques,  de nouveaux logiciels.

Une masse considérable d’investissements pour tout cela et la croissance forte, en volume et en prix, de ces nouveaux moyens de production  vont avoir lieu face aux pressions contre les emplois, les salaires, et dépenses sociales. Cette contradiction entre capitaux et salaires va conduire sans doute, après un rebond limité en 2009–2010, à une surproduction et à l'éclatement de la suraccumulation des capitaux, financiers, matériels et informationnels, avec probablement une nouvelle crise conjoncturelle  vers 2010, 2011, 2012. Et le déplacement accéléré en ce moment des capitaux vers les pays émergents, avec leur potentiel de croissance élevé, va contribuer à cette suraccumulation mondiale.

Dès aujourd'hui montent des antagonismes nouveaux entre les exigences des Fonds d'investissement voulant  éventuellement  dépecer des entreprises auxquelles ils participent et l'exigence de l'efficacité industrielle, comme on le voit par exemple avec les pressions du Fonds Pardus sur Valéo. De même les exigences exacerbées des actionnaires peuvent s’opposer comme jamais aux dépenses nécessaires pour l’efficacité de la production.

Mais aussi le Fonds de réserve des retraites en France, les Fonds de pension dans le monde sont menacés par les effondrements spéculatifs et financiers.

De même l'endettement public est invoqué pour faire pression, comme nous l'avons vu, sur les dépenses publiques et les services publics.

D'ailleurs on assiste partout,  comme déjà pour les crises précédentes, mais bien davantage, à la montée des risques de surendettement  des entreprises  et des Etats. Il faut surtout prendre en compte le défi devenu formidable de l'inflation du dollar à l'échelle mondiale et des prises extrêmement  massives de bons du trésor des États-Unis par les Banques centrales, tout particulièrement en Asie dont la Chine, à partir des excédents commerciaux en dollars. D'où la tendance à la baisse du dollar, le risque du retrait des banques centrales par rapport au dollar  qui a commencé à se manifester  avec des débuts de conversion en euros et aussi la constitution de Fonds publics  dits souverains, de la Chine à la Russie en passant par l'Arabie  Saoudite, pour commencer à racheter des parts d'entreprise ou de banques américaines. Cela pourrait se précipiter en cas de crise économique  globale avec, non pas la fatalité  d'un progrès social, mais l'ambivalence :

- soit des affrontements pour des rentabilités financières rivales,

- soit des constructions nouvelles de relations internationales et sociales, commençant à s'émanciper des dominations financières.

D'une façon générale, tous les affrontements internes et internationaux pourront s'exacerber et pousseront nécessairement à des transformations politiques et économiques profondes. Des appels à des interventions étatiques ou inter-étatiques dites de corrections fortes des excès financiers, qui sont déjà lancés, sont à la fois nouveaux et très insuffisants.  Cette volonté d’interventions nouvelles, malgré toutes leurs insuffisances, pourrait contribuer à changer le climat idéologique en favorisant des propositions vraiment efficaces car réalistes et radicales, en étant contrôlées par les travailleurs et les citoyens.

Crise financière :

Propositions pour les luttes, du niveau local au national à l'européen et au mondial

Bien sûr, le système va se défendre pour s'adapter de toutes ses forces. Cependant, l'originalité et la radicalité de propositions communistes sur les banques et sur le crédit peuvent désormais être mieux comprises  et plus ou moins avancées. Mais il ne s'agit pas seulement de mieux les expliquer. Il s'agit aussi de les enrichir  à partir des phénomènes nouveaux de la crise et à partir de l'expérience de terrain, comme dans notre rencontre, pour des luttes nouvelles.

Je distingue trois ensembles :

Premièrement : autres contrôles des banques et des fonds d'investissement, extension des obligations légales et des inter ventions publiques.

A droite  comme à gauche, on évoque le besoin de transparence  et d'amélioration des contrôles  des banques, mais il s'agit soit de déclarations de principe, soit de petites améliorations techniques qui ne font pas le poids.

Au contraire, on pourrait prendre des mesures très fortes.

Ainsi, considérons le «ratio prudentiel» des banques entre fonds propres  ou capital  et crédits,  qui est imposé aux banques par le comité de Bâle regroupant les dirigeants des principales banques centrales et par la Banque des règlements internationaux, avec notamment l'accord dit de Bâle II.

Il s'agirait non seulement d'augmenter, dans le ratio, le capital  dans les banques par rapport à leurs crédits, mais surtout  d'exigences supplémentaires sur la nature des crédits et leurs destinations financières ou de production, et pas seulement la quantité de crédit. Il faudrait aussi des exigences sur le contenu des capitaux  eux-mêmes: si les capitaux comprennent des crédits titrisés achetés la garantie est plus que fragile. Il y a donc tout  un enjeu de modifications par rapport aux ratios de Bâle. Mais il s'agit aussi de ratios prudentiels  pour les Fonds d'investissement ou encore pour les assurances, en allant bien au-delà de ce qui existe ou de ce qui est déjà proposé.

Est encore concernée la transparence  des opérations des banques et aussi des agences de notation des risques ainsi que de nouveaux contrôles  sur eux, ou également des contrôles parlementaires sur les autorités de surveillance des banques. Bien plus, on pourrait exiger dans les banques, comme aussi dans les Fonds de placement, des réserves obligatoires de garantie, proportionnellement aux crédits et encore plus aux crédits aux placements financiers, en titres sûrs et utiles  d'emprunts  publics français, voire européens.

Une fiscalité nouvelle pourrait intervenir sur les mouvements de capitaux financiers nationaux et internationaux.  Une modulation  pourrait être instaurée de l'impôt  sur les sociétés, réduit en proportion de l'importance de l'investissement matériel et informationnel et au contraire relevé en fonction des investissements financiers, y compris  les exportations  de capitaux et les délocalisations. D'une façon générale, il s'agirait de soutenir et de moduler pour l'efficacité sociale les prélèvements publics et sociaux et à l'opposé de pénaliser les prélèvements financiers. Le conflit  des deux ensembles de prélèvements est crucial dans la crise du système.

Deuxième ensemble :

Un autre type de crédit et d'action des banques, aux quatre niveaux possibles :

Premier niveau :

une proposition de la plus haute importance politique et économique,  car  à la portée de l'intervention locale, concerne la création et l'utilisation de « Fonds régionaux publics  » pour la promotion de l'emploi et la formation efficaces dans les entreprises. Malgré son importance, elle reste encore très mal comprise  et très peu utilisée, en dépit de quelques tentatives et ébauches instructives.

Dans une région, cette institution d'un Fonds public peut prendre en charge tout ou partie des intérêts des crédits à moyen et à long terme pour les investissements réels, matériels, de recherche, logiciels des entreprises,  avec des taux d'intérêt d'autant plus abaissés, jusqu'à des taux zéro, que sont programmés de l'emploi efficace et de la formation de qualité.

On peut cependant souligner trois difficultés  :

Première difficulté :

c'est d'abord  le refus de la part d'élus de gauche, notamment  socialistes,  ou de techniciens,  de ce processus très nouveau au bénéfice d'interventions traditionnelles. Par exemple, à la demande des communistes un Fonds régional avait  été doté  par la gauche en Ile-de-France de 8 millions d'euros. Cependant, il a été utilisé pour des cadeaux sans conditions  vraiment  efficaces sous prétexte de favoriser l'innovation et la production. Alors que 8 millions  d'euros de fonds publics auraient permis de mobiliser 200 millions d'euros de crédits à taux zéro à partir d'un intérêt de 4 %, mais pour  des soutiens stricts  d'investissements  réels favorisant l'emploi efficace et contrôlé.

Deuxième difficulté :

les difficultés  culturelles  des travailleurs, des militants  syndicalistes et politiques à saisir un tel Fonds. Car c'est de leur saisine que peut prendre  force une telle initiative, en relation avec l'action des élus locaux, pour que ce financement appuie leurs propositions alternatives  dans leur entreprise.

Troisième difficulté :

l'incompréhension du caractère réaliste et révolutionnaire de la proposition à l'opposé de bavardages gauchistes et naïfs. On peut croire  qu'il  s'agit de faire des cadeaux aux capitalistes. Donc ne vous mêlez de rien, car il faut tout changer ou rien. Alors qu'en réalité il s'agit de faire pression sur les crédits des banques, leur utilisation et aussi sur l'utilisation des profits des entreprises, non pour la spéculation, mais, par leur remboursement nécessaire même si leurs taux sont de zéro %, pour un type de croissance durable pour l'emploi, à l'appui des luttes des salariés, pour faire avancer des gestions alternatives  d'efficacité  sociale dans les entreprises et leurs pouvoirs. Et cela pousserait à la transformation du rôle de toutes les banques comme de la politique industrielle et de services aux niveaux supérieurs. Excusez du peu.

Deuxième niveau : celui du national.

L'instauration d'un Pôle public national du crédit, dont nous avions déjà parlé, devient crédible et même urgente pour favoriser la lutte contre la spéculation et les interventions  du financement  pour  une croissance de qualité riche en emplois et en formation,  dans l'intérêt social et national.

Cela pourrait concerner  la récupération des 27 milliards  d'euros de fonds publics gâchés pour les exonérations de cotisations sociales patronales (qui baissent les coûts salariaux en faisant concurrence à tous les salaires) et cela dans un Fonds national pour la promotion de bons emplois avec une croissance durable.  Seulement 20 milliards  d'euros de fonds publics pourraient  mobiliser 500 milliards  de crédits à taux zéro si le taux est de 4%. Bien plus que tous les investissements productifs en France ! Un peu plus que les investissements productifs et financiers des entreprises. C'est considérable.

Et ce pôle public pourrait concerner aussi la Caisse des dépôts, les Caisses d'épargne, les banques mutualistes, la Banque postale, etc. avec des conventions nouvelles de coopération avec toutes les autres banques et avec les entreprises publiques et semipubliques, etc.

Troisième niveau :celui de l'Union européenne

Au-delà d'accords sur les nouveaux contrôles évoqués des banques et des Fonds, de nouvelles taxes, fiscalité, etc. notamment sur les mouvements de capitaux financiers, la question décisive est celle d'une autre mission et d'une autre action de la Banque centrale  européenne. Il s'agit d'un autre crédit  bancaire à appuyer  sur sa création  monétaire, pour une mission de fait pour l'emploi  et la croissance réelle durable  à imposer  de fait et en n'attendant  pas le changement du traité  dans le même sens qui viendra après. (On ne peut dire : on change le traité ou on ne fait rien). Et cela, à partir d'une impulsion  des luttes,  une impulsion  et une exigence de contrôle  des parlements, nationaux et européen. Ainsi qu'à partir des banques centrales participantes, comme la Banque de France, à l'appui des propositions des travailleurs des entreprises et des citoyens  dans les régions, pour  une autre croissance sociale. La Banque centrale européenne devrait «refinancer» les banques, ce qu'elle fait déjà, mais avec des taux d'intérêt abaissés pour  des crédits  pour  les investissements réels et d'autant plus abaissés jusqu'à zéro qu'on fait de l'emploi efficace avec de la formation. Et, au contraire, contre la spéculation  et aussi les exportations  de capitaux qui pénalisent la croissance européenne par rapport à celle des États-Unis, les taux seraient considérablement relevés.

En outre, la BCE pourrait,  contrairement aux interdits actuels financer des titres d’emprunts  publics. Il faudrait encore d'autres coopérations monétaires et financières avec les zones voisines, comme la zone Méditerranée,  à l'opposé  des bavardages récents sur la coopération  euro-méditéranéenne avec des visées de domination  financière.

Quatrième niveau : le niveau mondial (à transformer  à partir de la France et de l'Union  européenne)

Une refonte du FMI, qui  est d'ailleurs  en crise profonde, devient urgente avec les réclamations des pays en développement et une opposition  qui monte contre  le FMI et sa politique,  comme avec le remboursement des dettes en Amérique latine  et la création d'une Banque du sud internationale pour remplacer le FMI pour plusieurs banques centrales en Amérique latine. Cette refonte du F.M.I devrait permettre  des droits  de vote démocratiques,  audelà des petits ajouts actuels, pour l'émanciper du contrôle  par les États-Unis. Mais surtout  il devrait, lui aussi, s'engager dans une nouvelle orientation du crédit avec un refinancement des Banques centrales elles-mêmes, avec des taux d'intérêt abaissés jusqu'à zéro pour les investissements, d'autant qu'ils sont créateurs d'emplois, etc., pour le co-développement des peuples. Cela pourrait s'appuyer tout de suite sur quelque chose qui existe : les Droits de tirages spéciaux (D.T.S) du FMI. Ils sont une véritable création  monétaire  qui  donne le droit  de tirer des monnaies des Banques centrales participantes. À partir des DTS. on pourrait créer une monnaie commune mondiale pour le co-développement des peuples, en s'émancipant du rôle de monnaie mondiale de fait du dollar et en parachevant la révolution  monétaire  en la fondant  sur un panier  de produits.

Au-delà de la création  monétaire  des banques centrales et des limites de leur rôle de «prêteur en dernier ressort» du fait de l'inflation et du passage plus ou moins  spéculatif  à d'autres  monnaies, comme du dollar  à l'euro, on aurait un prêteur  en dernier ressort effectif.

Un autre ensemble de transformations corrélatif concernerait précisément le recul du dollar et la fin de sa domination  dans les réserves des banques centrales. On pourrait aussi viser le rachat systématique à partir des bons du trésor des États-Unis en dollars  d'éléments des multinationales  américaines. Au lieu des rivalités  nouvelles à partir des Fonds souverains et des multinationales  des pays émergents, on pourrait aller jusqu'à des maîtrises et des coopérations nouvelles, faisant reculer la domination  des entreprises  multinationales  contre  les peuples. Cela renvoie à l'importance du mouvement éventuel de rapprochement fondamental entre l'Union européenne et les pays émergents, avec une dimension sociale forte, et non seulement nationale ou zonale, contre l'hégémonie des États-Unis.

Et on pourrait aussi viser la promotion de biens et services communs de toute l’humanité, sur lequel je termine comme dernier élément des propositions, depuis les exigences immédiates, urgentes, comme celles concernant l’écologie ou l’alimentation.

Le développement de services publics nouveaux, avec une démocratie  par ticipative  et d'intervention.

Face à l'opposition qui monte entre les énormes potentiels technologiques et les énormes rejets sociaux, on peut organiser l'avancée graduelle de transformations profondes, non seulement de réduction  mais d'éradication progressive  de ces rejets sociaux : qu'il s'agisse de chômage, qu'il s'agisse de pollution, de la faim, etc. Et cela pour  une croissance durable, répondant aux besoins nouveaux et à construire du local ou mondial, avec une socialisation nouvelle des services publics. Cette socialisation concernerait  l'avancée de la révolution que constitueraient de nouveaux pouvoirs  de coopération  créative  de tous les usagers avec tous les personnels dans toutes les opérations des services, avec leur appui sur les associations d'usagers et leur formation.

Ce nouveau type de service public socialisé pourrait déjà concerner le crédit lui-même, la création monétaire. Cela ne veut pas dire tout public mais l'encadrement par des règles publiques avec des éléments publics, avec des buts sociaux, avec un contrôle de démocratie participative et d'intervention ainsi que des critères  d'efficience  sociétale, ar ticulée  à l’avancée de critères d’efficacité sociale des gestions dans les entreprises.

Cela pourrait concerner  aussi l'avancée vers une sécurité d'emploi ou de formation notamment contre la flexsécurité dans l'Union européenne. Et cela peut concerner  encore, avec la transformation de la Banque mondiale et une transformation de tous les organismes dépendants de l'ONU concernés, l'instauration graduelle de services et biens publics communs de toute l'humanité  pour : l'écologie, la santé, l'urbanisation et le logement social, l'école et la culture, l'eau, l'alimentation, l'énergie, les communications, les transports..., la paix.

On chercherait  à faire reculer de plus en plus, à partir des besoins humains nouveaux et d’une internationalisation des contrôles  participatifs et des règles de gestion, à travers des luttes convergentes et des conquêtes sociales, politiques et culturelles, la domination du capital financier mondialisé et des sociétés multinationales  privées sur la vie humaine ainsi que leur propriété sur les moyens. Dans ce processus démocratique  et révolutionnaire, viendraient  en premier  lieu les buts, les règles et les pouvoirs  sociaux pour  commander  la disposition des moyens partagés du local au mondial, au lieu du fétichisme des moyens, afin de promouvoir les capacités et la créativité  de tous les êtres humains et d’avancer vers une autre civilisation.