Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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De l'audace pour les propositions, l’action, l'union des salariés

La rentrée sociale et politique est  confrontée à de très importants défis. Les mesures ultra libérales du  gouvernement de  Villepin  s’accompagnent d’une formidable démagogie médiatique. Tandis que son  action soutient les  capitaux financiers, en  agissant contre les besoins sociaux et la croissance réelle, le Premier ministre prétend rechercher exactement le contraire : « une  croissance sociale ». Cependant, l’insécurité sociale et  économique s'aggrave avec  le chômage massif et la montée de la précarité, la faiblesse de la croissance et les privations affectant les services publics. Le besoin de  résister et  de  faire  reculer les agressions gouvernementales et  patronales se  situe dans une  période où,  après le NON à la constitution européenne, montent les  exigences non  seulement d'une autre construction européenne, mais d'un projet politique et social alternatif à gauche en France, en vue des  élections de 2007.

Après les audaces du Non au référendum, ce qu'il faut c'est : « encore de  l'audace, toujours de  l'audace !  » pour se  hisser à la hauteur des  besoins de  transformation radicale, c'est-à-dire d'un vrai réalisme. Concernant le projet à élaborer, il ne s'agit pas  seulement de débattre d’un texte, mais d’articuler les débats sur  des  propositions à des  actions. Ce n'est pas  facile mais c'est incontournable. En effet, une autre construction politique et sociale suppose les interventions des travailleurs et des  citoyens, à l'opposé de simples délégations de pouvoirs. Les leçons du passé montrent le besoin d'une union dépassant  les  délégations, dans une  démocratie participative et d’interventions autonomes. Cela ne concerne pas  seulement, comme nous disions jadis,  une  union populaire, mais  une   union « agissante »  depuis le terrain, des  couches les  plus populaires jusqu'à toutes les  catégories de  salariés. Dès  maintenant, l'organisation d'une « pédagogie de l'action » peut contribuer à l'avancée de bonnes propositions et  au  début de  leur  prise en  main  par  les travailleurs et les citoyens.

Face  au chômage et  à la précarité, avancer sur les objectifs sociaux, les moyens financiers , les pouvoirs

Tandis que  le  chômage a  de  nouveau fortement progressé depuis 2001 en  France et  dans les  grands pays de  l'Union  européenne  comme l'Allemagne, de Villepin, lors de la présentation le 1er  septembre de son plan  de relance, a pu faire  état d'une petite baisse du chômage, qui passe officiellement à 2.423.000 et  9,9 %. Mais  cette légère baisse correspond surtout à l’augmentation des  radiations administratives de l'ANPE et de  sa  prise en  compte des  absences aux  contrôles, outre une  petite reprise des  contrats aidés publiquement.

Le chômage massif persiste  et  la précarité explose dans le monde. Cela, en raison des  économies formidables de travail direct et de travail incorporé dans les moyens matériels des  nouvelles technologies, mais accompagnées des  pressions pour la rentabilité contre les  salaires et  contre les  dépenses sociales. Cependant, le chômage est bien plus  élevé dans l'Union Européenne comme en France, en raison tout particulièrement de  la politique de  la BCE, qui,  loin  de  soutenir l'emploi, favorise, avec   un euro fort,  le marché financier  et  les  exportations de  capitaux contre l'emploi. Les politiques prétendument menées contre le chômage le renforcent tout en  faisant progresser la précarité. Ainsi, le gouvernement relance : les baisses de cotisations sur  les   bas  salaires, poussant à la baisse des salaires, la précarisation, avec  le contrat « nouvelle embauche » permettant de licencier à volonté pendant deux  ans,  les  pressions contre les  chômeurs, pour qu'ils acceptent n'importe quel  emploi ainsi que l'aide aux bas salaires par la prime à l'emploi qui sera mensualisée.

Fondamentalement, il serait possible, de  nos  jours, d'éradiquer graduellement le chômage par  des  transformations radicales des  objectifs sociaux, des  moyens financiers et de leurs critères, des droits et pouvoirs, en construisant une  Sécurité d'emploi ou  de  formation. Mais  dès  maintenant, tout en  résistant contre les mesures gouvernementales il est  possible d'organiser les luttes pour avancer vers  ces  transformations. Ces luttes supposent l'organisation d’aides systématiques sur  la définition des  objectifs, l'utilisation des  moyens juridiques, la saisie de moyens financiers, par les directions nationales des  partis de gauche et des  syndicats jusqu'au plan  local.  Cela renvoie à la construction des réseaux et  des  forums d'un Mouvement national et décentralisé pour la sécurisation de  l'emploi et de  la formation.

Pour les chômeurs, les luttes pour l'amélioration des indemnisations et  la  nouvelle convention UNEDIC doivent pouvoir s'articuler à des  propositions concernant la maîtrise par les chômeurs d'un bon retour à l'emploi, y compris d'une bonne formation.

Dans  les entreprises, les luttes contre l'extension des contrats précaires ainsi  que  pour des  propositions alternatives des  travailleurs contre les licenciements, doivent s'appuyer sur  les  moyens de  droit existants mais aussi sur la revendication de nouveaux droits : de contre-propositions, de nouveaux contrats maintenant les droits et organisant le passage d'une entreprise à une autre ou à une formation bien  rémunérée opposée au chômage et aux stages bidons, pour un autre emploi. L’idée de « sécurisation des  parcours professionnels » avance, depuis la CGT avec  sa Sécurité sociale professionnelle, reprise dans le PS à sa façon,  jusqu'aux déclarations récentes de  la CFDT. Cependant, la perspective du maintien de certains droits au nom  de la sécurisation, tout en considérant comme inéliminable le passage par  le chômage, doit  être contrebattue.

Dès  maintenant, à l'appui des  maintiens comme des créations d'emplois, le recours des  travailleurs et des élus  locaux à  un  autre crédit des  banques a  déjà commencé à avancer dans les luttes. Les communistes ont proposé d'instituer des Fonds régionaux de prise en charge par  des  fonds publics de  tout ou  partie des intérêts des  crédits des  banques, aux investissements matériels et de recherche, pour des  taux  d'intérêt d'autant plus  abaissés que sont programmées et contrôlées des  créations d'emplois efficaces, ainsi  qu’éventuellement des  formations. Cette  question est  cruciale et des  aides politiques pour que  les  travailleurs et  les élus  s’en saisissent sont de la plus  haute importance. La pédagogie de l'action, sur  de tels  Fonds, des travailleurs et des  élus,  y compris par  l’éclairage des difficultés et des  échecs, peut favoriser le projet d’instituer un autre crédit, soutenu par  des  interventions, avec  un pôle  national public du crédit et surtout une tout autre orientation de la BCE pour l’emploi.

Face à une  croissance faible et ne  favorisant pas la promotion des capacités humaines, avancer vers à un autre contenu social de la croissance.

Malgré la reprise mondiale provisoire aux Etats-Unis et dans les pays émergents, un très grave défi est constitué par  la grande faiblesse de  la croissance du  produit intérieur brut en France et dans la zone  euro.

En France, au deuxième trimestre 2005, la croissance du PIB n'a  été  que  de  0,1% par  rappor t au  premier trimestre, tandis que la production industrielle a reculé de 0,5 % et la consommation des  ménages en produits manufacturés de  0,2 %. Dans  le même temps, le PIB européen n’a cru  que  de  0,3 % soit  une  croissance annualisée de 1,2 %, contre 3,4 % aux États-Unis et 4 % au plan  mondial. La croissance en France sera à peine de l, 5 % pour l'année.

L'action de  la BCE contre l'emploi, en  favorisant les exportations de  capitaux et  en  agissant contre les dépenses publiques, continue à déprimer la croissance de la zone  euro comme en France.

La dirigeante du MEDEF, Laurence Parisot, répète qu'il faut  favoriser les profits pour la croissance et que  ce sera bon  ensuite pour l'emploi. Tout  à l'inverse, c'est avec  le soutien des  profits financiers, les insuffisances de la demande des  ménages qui ont  mis la croissance en difficulté. Et c'est par  l'emploi et le pouvoir d'achat qu'il faut commencer pour relancer la croissance. Mais cela  ne suffirait pas.  Car il faut  relier l’élévation de la demande sociale avec la progression de la productivité pour une croissance durable. D'où l’enjeu fondamental d’un  énorme développement de  la formation et  des dépenses sociales pour les capacités humaines, pour la demande comme pour des investissements efficaces. Avancer vers  une Sécurité d'emploi ou de formation est au cœur d'une croissance d’un  nouveau type, fondée sur  le développement prioritaire des  êtres humains

Il faut  souligner la liaison décisive entre formation et recherche-développement. Le gouvernement, depuis les luttes des  chercheurs, a dû reconnaître avec le rapport Beffa, les  énormes insuffisances de  la recherche en France dans le cadre des insuffisances européennes, par rapport aux  États-Unis. Tandis que  le grand patron Beffa déclare lui-même que le marché financier s'oppose aux  dépenses de  recherche risquées dans les  entreprises, les moyens publics nouveaux alloués sont dérisoires par  rapport aux  besoins, pour les  nouvelles agences de l'innovation industrielle et de la recherche. Au-delà  de  la  formation, tous les  services publics sociaux pour les personnes sont concernés. Il s'agit des immenses insuffisances de  dépenses publiques pour l'école, la santé, le logement social, la culture. Elles conditionnent un développement considérable et une refondation radicale de  leurs missions, avec  la participation créative de  tous les  usagers avec  tous les personnels.

Cela renvoie aux press ions de la BCE, d'une par t, contr e le cré dit pour l'emploi et la format ion, en faveur des placements financ iers et, d'autr e par t, contr e les dépenses publiques, avec le pacte de stab ilité. Cependant, les mesur es annoncées avec fracas sur la fisca lité ne veulent pas seulement dégrever les revenus financiers des ména ges aisés. Elles visent la division des salariés et leur inté gration, en favorisant les salariés les mieux payés ainsi que leurs placements financ iers et en jouant sur l’attract ion qu'ils peuvent exercer sur les couc hes moyennes salariées expressément invoquées et sur leur distinction des couc hes populaires.

Face à l’irres ponsa bilité sociale, environnementa le, nat iona le et même eur opéenne des grandes entr eprises, le gouvernement veut les souten ir encor e, au nom de la const itut ion de pôles de com pétitivité qui vont exas pérer la concurr ence pour la renta bilité financière, tand is que les faillites des petites PME ne cessent de progresser depuis 2002. Tout en devant reconna ître désorma is la gravité des risques de contrô les étran gers et le beso in de grands programmes publics, le gouvernement relance les privatisations . Au contra ire, dès maintenant, on peut organiser l'act ion, avec des réseau x reliant les diverses luttes, pour la défense mais auss i la promot ion des ser vices publics, ainsi que pour un autr e développ ement des entr eprises publiques et de leurs missions pour des coo pérat ions, afin de développ er avec le progrès social le tissu industr iel national et auss i au plan eur opéen.

Des propositions audaci euses mais aussi des actions dès maintenant sont possibl es et nécessaires pour une autre construction de l'Union europée nn e et d'un autre monde .

La liaison d'une autr e construct ion nationale avec une autr e construct ion eur opéenne est décisive. Pour une autre Union européenne, à l'opp osé de la concurr ence déc haînée au-dessus de tout, pour les profits financiers, c'est une pr édominance des coo pérat ions, des solidarités et des par tages pour la promot ion des êtr es humains et du modè le social eur opéen qu'il faut édifier. Il s'agit de faire reculer les hyper-délégations bureaucrat iques pour de nou veaux pouvoirs d'inter vention et de par ticipation, depuis le plan local et les éta blissements jus qu'au plan régional, nat ional, eur opéen et même mond ial. Dès maintenant, on peut organiser systémat iquement des rencontr es et des réseau x pour des inter ventions au plan eur opéen sur les objectifs, les moyens et les pouvoirs.

Une autr e orientat ion de la BCE doit permettr e de “refinancer des cré dits des ban q ues à tau x d’intérêt abaissés pour l’em ploi. Dans ce ca dre, pourr ont inter venir d’autr es missions des Ban ques centra les nationales du Système Européen de ban ques centra les, comme la Ban que de France . A ce sujet, s'est déjà const itué un réseau d es syn dicats d es Ban q ues centra les eur opéennes qui a fait des propositions au Parlement eur opéen (voir Economie et Politique de maijuin 2005, p.39). Mais il peut rayonner bien davanta ge. Déjà l'act ion pour des Fon ds régionau x de bonification des intérêts pour l'em ploi peut s'ar ticuler à des sollicitat ions de la Banque de France, afin qu'elle développ e ses missions de suivi des entr eprises et des régions avec des aides nou velles aux inter vent ions d es élus locau x et syn dicau x. Il s ' agit encor e d e re mp lacer le Pacte d e stab ilité, s’o pp osant au x dépenses publiques, par un Pacte pour le progrès soc ial et une nou velle cr oissance favor isant ces dépenses, avec en outr e le sout ien par la BCE de nou veau x titres d'em pr unts publics.

Sur l’em ploi, la rec herche-développ ement, l'industr ie, les ser vices publics, les inst itut ions publiques de ser vice aux personnes (santé, école), les droits sociaux, de nouveaux droits sur la format ion, la sécur isation des parcours profess ionne ls, un bon retour à l'em ploi des chômeurs, il s'agit d'organiser rencontr es, débats, propositions et inter vent ions con vergentes .

Au plan mondial, face à toutes les insécur ité grand issantes de la paix à la faim et au chôma ge, du pétrô le à l’eau, de la santé à l'éco logie la construct ion de nou velles propositions et des inter vent ions concer tées des tra vailleurs et des citoyens exige, au-delà des forums sociaux mond iaux et en liaison avec les mob ilisat ions alter-mond ialistes des programmes des forces politiques de gauc he dans chaque pays. Et cela s’ar ticule auss i aux exigences de rad icalité soc iale des mouvements syndicau x, des mouvements féministes, de jeunesse, des assoc iations cultur elles et des ONG. Face à l'hégémon ie agress ive des États -Unis et à la faiblesse des différentes inst itut ions internat ionales depuis celle d e l'ONU, p ar rappor t au x immenses exigences nou velles, on peut chercher à avancer, en relation avec un projet national et eur opéen.

Cela peut concerner des aides publiques et des coo rat ions pour avancer vers la const itut ion de Biens publics communs à l'human ité : l’eau, l'alimentat ion, l’éner gie, l'éducat ion, la santé, l'environnement, la cultur e. Cela exige une démocrat isation profon de et d'autr es types d'actions de la Ban que mond iale, des programmes des Nations unies, ou encor e de l’OMC. Cela renvoie à une autr e organisat ion monéta ire et financ ière au plan mond ial opposée à la domination des mar chés financ iers . Au-delà d'une simple taxe sur les transact ions financ ières, c'est d'abor d un nou veau cré dit fon sur une nou velle créat ion monéta ire en relation avec une autr e orientat ion de la BCE. Cela va jus qu'à la créat ion d'une monna ie commune mond iale pour l'émanc ipation de l'hégémon ie du dollar, avec une refonte pr ofon de du FMI que permettra it une alliance de l'Union eur opéenne avec les pays émer gents . Ce nou veau FMI peut allouer des fon ds en monna ie commune à diverses Banques centra les afin de favoriser un autr e cré dit pour l'em ploi et la format ion. Enfin cela app elle une démocrat isation profon de de l'ONU et de toutes les inst itut ions liées à elle. Dans ce domaine, tand is que tous les gouvernements recon naissent la nécess ité d'une réor ganisation profon de, celle-ci est bloquée par les forces dominantes et notam ment par les États-Unis. Ici encor e pourra it êtr e décisive une autr e construct ion d e l'Union eur opéenne, en liaison avec des trans format ions d ans les différ ents pays, comme avec un nou veau pr ojet p oliti q ue et soc i a l en France .