Nous reprenons, dans ce texte, les termes des échanges que nous avons eus, depuis longtemps et notamment depuis début juin, avec des dizaines de militants des divers réseaux auxquels nous participons, des collectifs pour le NON aux mouvements de chômeurs et de précaires en passant par les luttes de Sans droits ou la défense des services publics. Autant des animateurs d’associations de lutte que des syndicalistes, d’économistes, de militants et responsables politiques. Nous avons conscience de la situation, exceptionnelle, et des responsabilités qu’elle nous impose : les discussions notamment théoriques sont à même de contribuer à changer tout de suite des objectifs de revendication et des pratiques de lutte dans les entreprises, les services publics, les localités.
1 - la place centrale du rejet du chômage, du sous emploi et de la précarisation du travail et des revenus dans le refus d’un Traité constitutionnel accroissant encore la logique libérale. Cette réaction a été commune aux salariés, aux chômeurs et aux précaires, qui perçoivent, dans des situations différentes, le besoin de sortir de cette logique : pour ne pas subir la misère, la galère, les conditions de travail dures et frustrantes. Un enjeu décisif des mois qui viennent est de consolider cette capacité de résistance, dans des luttes et dans la mise en évidence d’objectifs communs de transformation sociale : garantie des droits du travail, à la formation, à des revenus dignes, à l’emploi… Avoir la capacité à ne pas laisser les forces du capital transformer les rapports au salariat, reconstituer le rapport de force par le soutien à l'organisation des chômeurs et précaires, l'émergence de projets revendicatifs et alternatifs, la conquête de droits nouveaux pour toutes et tous.
2 - Les mesures gouvernementales en France contre ce qui reste du Code du travail, comme la poursuite du processus européen de Lisbonne (modernisation capitaliste flexible) produisant chômage et précarisation appellent, dans la foulée du NON, des mobilisations que nous devons savoir soutenir, légitimer, développer. Ici, la défense des emplois et du niveau de vie, l’exigence de la transformation des conditions de travail ne se séparent pas ; et pour être pleinement efficace elle doit englober la lutte contre les discriminations subies par les femmes comme par les personnes issues des immigrations (salaires, types d’emplois et de statut…).
3 - Par quoi remplacer la «concurrence libre et non faussée» sinon par la coopération pour le progrès social, et des formes de développement favorables à la civilisation. On voit déjà comment s’y prennent nos adversaires : gagner du temps pour décourager le mouvement, laisser en l’état la construction économique hyper libérale en la sortant du débat, utiliser la faiblesse de la croissance et les difficultés budgétaires, inséparables de leur gestion des entreprises et de la Banque centrale européenne, afin de faire diversion, culpabiliser les tenants du NON et dissuader les mobilisations.
Tout au contraire, ce sont les mobilisations pour l’action et les propositions d’une autre construction européenne qu’il s’agit de développer. Nous pouvons, ensemble, nous appuyer sur de multiples expériences d’entreprises, de régions, de propositions d’économistes. Il faudrait mettre en cause la mise en concurrence des travailleurs, la Banque centrale européenne indépendante favorisant les marchés financiers et non pas un crédit pour l’emploi ; et de même des institutions non démocratiques au lieu d’une véritable démocratie participative. Dans la situation sociale et politique actuelle, en France et en Europe, il est important de savoir dégager des exigences communes, pouvant consolider des repères aux luttes pour le rejet radical du libéralisme et la construction d’alternatives. Un progrès radical du modèle social européen n'est-il pas possible? Ne peuton exiger et développer une sécurité de l'emploi pour chacune et chacun ainsi que de toutes les activités, emploi ou formation, avec une garantie de bons revenus ? Nous savons par avance que des idées communes peuvent s’affirmer, avec nos parcours différents ; nous l’avons vérifié, certains désaccords peuvent être dépassés. Même si des questions resteront en débat publiquement, nous prenons l’engagement de mener ces discussions en refusant les anathèmes et les polémiques fermées, de façon à contribuer à une réflexion collective qui intéresse aujourd’hui des dizaines voire des centaines de milliers de personnes, et qui concerne l'avenir à court termes de tous les salariés, du privé comme du public. C’est pourquoi nous appelons toutes celles et ceux qui le veulent à faire vivre, en lien étroit avec les pratiques collectives, une force d’analyse, de discussion, de réponse à tous les arguments qui servent les politiques libérales.
Désireux d’inscrire nos efforts donc dans les activités qui traduisent la poursuite des collectifs pour le NON ainsi que les forums en vue d’une alternative qui ont vu le jour ces dernières années, nous sommes prêts à faire exister, avec toutes celles et ceux qui le souhaiteront, dans les semaines qui viennent, un forum, un réseau, des lieux de débat dont le but serait de dégager des propositions communes et de soutenir des initiatives autour d’une exigence à réaffirmer en France et en Europe : «Eradiquer le chômage»; et toutes les questions inséparables : «En finir avec la précarité, sécuriser l’emploi et la formation, garantir les revenus, transformer le travail». Cela suppose sans doute de contribuer au développement de luttes concrètes immédiates :
• sur une bonne indemnisation de tous les chômeurs et un bon retour choisi à l'emploi, à l'opposé notamment de toutes les pressions libérales sur la prochaine convention Unedic en France;
• sur des pouvoirs de propositions alternatives des travailleurs dans les entreprises, contre les licenciements et délocalisations, sur les créations d'emplois, l'organisation du travail et les finalités de la production;
• sur des transformations de différents types d'emplois précaires en emplois stables;
• sur des objectifs de création d'emplois et de formations dans les bassins d'emploi et les régions;
• sur une tout autre expansion de la formation continue, sa démocratisation et le contrôle des intéressés, etc.
Nous proposerons de tenir une ou deux premières réunions afin de définir dans les semaines qui viennent les questions à traiter et les modalités de travail coordonné.
Le 24 juin 2005
contacts : Paul Boccara : paul.boccara@free.fr
Pierre Cours-Salies : pierre.cours-salies@wanadoo.fr